mercredi 28 mai 2008

Parents plongés dans l’angoisse


Parents plongés dans l’angoisse

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996


HASSELT - Samedi matin, Marc Dutroux a également avoué avoir séquestré An et Eefje, enlevées à la côte, (e 22 août 1995, plus que vraisemblablement par ses complices. Les enquêteurs ont acquis la certitude que les deux jeunes filles originaires de Hasselt ont transitée par les repaires du monstre de Sars-la-Buissière.


Reste une question : sont-elles encore vivantes?
Dès samedi midi, la découverte d'une voiture dans la propriété de Dutroux, à Sars-la-Buissière, a mis la puce à l'oreille des enquêteurs. Le dessin des pneus semblait correspondre à des traces relevées lors de l'enquête au littoral.
Le procureur du Roi de Neufchâteau Michel Bourlet a précisé qu'il avait bon espoir de retrouver les deux jeunes filles en vie.
L'une des hypothèses qui circulent est que les deux jeunes filles, plus âgées que les autres enfants enlevés, ont pu être vendues à un réseau de prostitution, même si le procureur du Roi s'est refusé à émettre une quelconque hypothèse à cet égard et n'a donné aucune explication sur le sort qui a pu leur être réservé.
Le fait que Dutroux avait des contacts avec plusieurs personnes et avec des complices ne suffit pas à prouver, pour l'instant du moins, qu'il faisait partie d'une filière de pédophilie ou de prostitution.

Coup de fil de M" De Clerck
A Hasselt, on l'imagine, c'est la terrible angoisse, entre la peur et l'espoir. Presque un an jour pour jour après la disparition des jeunes filles, on semble enfin très près du but. « Samedi midi, un enquêteur nous a téléphoné pour nous dire qu'il se passait quelque chose, raconte la maman d'An Marchal En regardant !e télétexte de la RTBF, nous avons appris l'existence de cette piste de la voiture. Personne n'avait parlé de cette Citroën CX auparavant. Avec l'arrestation des suspects, tout s'est emballé. En apprenant la libération de Sabine et de Laetitia, nous avons été fous de joie pour elles et leurs parents. Puis il y a eu l'horrible découverte dans la soirée. »

Dimanche, la maman d'Anthony De Clerck, le jeune garçon de 11 ans enlevé en 1992, a téléphoné aux parents d'An Marchai. «Elle voulait nous souhaiter bon courage, explique Paul, le papa. Je lui ai demandé d'intervenir auprès du ministre de la Justice, qui est un membre de sa famille. On ne peut admettre qu'un homme comme Dutroux ait été remis en liberté. Et puis, il reste le problème des spectacles d'hypnose, qu'il faut interdire. Je reste persuadé qu'An et Eefje n'étaient pas dans leur état normal à la fin du spectacle. Elles devaient rentrer à Westende et elles ont pris le tram qui s'arrête à Ostende. Mais, maintenant l'essentiel est de retrouver An et Eefje.

Après une année d'attente, nous sommes proches du but. Nous avons bon espoir.
An Marchal et Eefje lambrechts, 17 et 19 ans, avaient disparu le 22 août 1995. Elles étaient en vacances à la côte, en camping à Westende. Dans les heures précédant leur enlèvement, elles avaient assisté à un spectacle d'hypnose du mage Rasti Rostelli au casino de Blankenberge.
Elles étaient montées sur scène. Elles quittent le casino vers 23 h 45, dans un état second. Elles ont raté le dernier tram pour Westende et s'embarquent, une heure plus tard, vers Ostende. Au terminus, le chauffeur leur conseille de prendre un taxi pour Westende. Ce qu'elles ne feront pas.
De source officieuse, Michel Lelièvre aurait avoué avoir repéré les jeunes filles dans le tram entre
Blankenberge et Ostende. Il les aurait suivies en ville, avant de les enlever au moment où elles allaient faire du stop pour rentrer vers Westende.

Benoît Franchimont

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Le papa de Sabine ne cache pas sa haine

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996

KAIN - Quatre jours après sa libération, Sabine Dardenne tente, tant bien que mal, de retrouver une vie normale. L'annonce de la mort de Julie et Melissa ne facilitera pas la tâche de ses proches et de l'assistante sociale, qui, dimanche midi, lui a annonce la terrible nouvelle. Quand nous nous sommes rendus à Kain, Guy Dardenne terminait une communication téléphonique avec un proche de la famille Russo. Les parents de Julie et Melissa ont beaucoup soutenu M. Dardenne et son épouse depuis la fin mai.

« Je suis révolté ! Et le mot est faible, lance le papa de Sabine. Dutroux est un monstre. Mon sentiment qui était hier un sentiment de joie est aujourd'hui un sentiment de tristesse.


Nous avons retrouvé Sabine, mais il y a des parents qui ne reverront plus leurs enfants. Julie et Melissa étaient dans nos esprits depuis plus d'un an. Et elles ne sortiront jamais de nos têtes.


Il faut aujourd'hui que toute la population fasse comprendre aux politiciens que ce qui est fait dans notre pays n'est pas normal !


Nous devons leur montrer qu'il y a des choses qui ne peuvent plus se passer.. Quand un type est condamne à vingt ans de prison, il doit purger toute sa peine.

Aujourd'hui, la population est leurrée.


Il faut que nos enfants puissent aller à l'école, se promener, jouer, sans que nous ayons à craindre pour leur vie.
Guy Dardenne ne cache pas sa colère, sa haine. « Ces pervers, il faut les cloisonner, les emmurer dans un espace d'un mètre sur trois, identique à celui dans lequel ont vécu les victimes. Les nourrir au pain sec et à l'eau ! Un type comme Dutroux ne doit pas mourir, mais il doit être rayé des listes de notre société. Enfermé à' jamais, sans plus aucun contact avec le monde extérieur. Je me battrai pour qu'il en soit ainsi. »

Dutroux renseigne ?


M. Dardenne est conscient que Sabine est passée très près d'une fin tragique. « Par le chas de l'ai
guille », ajoute-t-il avec émotion.

Je l'ai bien compris au fil des révélations de ces dernières heures. Jamais je n'aurais pu imaginer de telles atrocités. »
Le papa de Sabine se pose une importante question : « Comment est-il possible d'organiser des enlèvements sans bénéficier d'une complicité sur place, dans la région où les faits sont commis ? J'imagine mal la bande débarquer du jour au lendemain à Kain et embarquer Sabine sans avoir été renseignée »

Depuis quatre jours, la jeune Tournaisienne regarde beaucoup la télévision, écoute la radio et épluche les journaux. « Elle a retrouvé son langage, mais on la sent marquée intérieurement.

Ses nuits sont maintenant plus difficiles. Elle se réveille brusquement, avec effroi. » Sa maman lui prépare aussi les mets qui lui ont manqué durant ses 79 jours de séquestration. Dans les prochains jours, Sabine devrait aussi revoir Laetitia avec qui elle a traversé les derniers jours de son horrible épreuve. « C'est drôle à dire, mais l'arrivée de Laetitia, sans qui l'affaire n'aurait sans doute jamais abouti, a fait beaucoup de bien à Sabine. C'est à cet instant que notre fille a compris qu'elle n 'était pas seule. Je savais bien que le jour où l'on en retrouverait une, on retrouverait les autres... »

Albert Desauvage


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La famille Delhez encore sous le choc

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996

BERTRIX - « Depuis l'annonce de la découverte des corps de Julie et Melissa, samedi dans la soirée, l'ambiance n'est plus la même. La joie des retrouvailles est ternie par ce drame. Une tristesse profonde et un choc terrible ont succédé aux moments de liesse connus depuis jeudi soir. Non seulement il y a cette horreur de voir deux fillettes disparaître d'une telle manière, mais il existe aussi ce sentiment pour Laetitia, d'être passée à deux doigts de la mort. »

La femme du parrain de la jeune fille, enlevée le 9 août, et tous ses proches, d'ailleurs, n'avaient pas le coeur à la fête, ce dimanche à Bertrix. Après deux journées de gaieté et d'intense soulagement, tout Bertrix n'a pu contenir ses larmes face à la terrible nouvelle rapidement relayée dans la soirée de samedi.


Une telle secousse a tellement transi la localité que les responsables de Bertrix Initiatives et de l'Asbl Marc et Corine ont décidé de renoncer aux festivités prévues (voir notre encadré).


Laetitia, elle, avait parlé quelques heures auparavant de cette semaine cauchemardesque vécue à Marcinelle, sans connaître alors le sort de Julie et Melissa.

Sur les antennes de la RTBF et de la BRTN, elle a confirmé avoir été endormie à fortes doses par des médicaments et des gouttes, lors de son enlèvement à Bertrix.


Elle a également donné des précisions sur les menaces proférées par Dutroux. Ce dernier a, d'après Laetitia, utilisé le même subterfuge pour les deux fillettes, celui de la demande de rançon soi-disant refusée par les parents.

Réconforter Sabine


Pis, en cas de résistance de Laetitia, il aurait parlé d'un ami prêta la liquider. La petite adolescente de Bertrix a aussi mentionné sa relation avec Sabine. « J'ai essayé de la réconforter, bien que j'aie parfois cru que l'on ne sortirait jamais », a-t-elle explique a nos confrères de la RTBF.

Sa maman a ensuite abordé le douloureux chapitre des sévices subis par laetitia : Dutroux ne s'est pas gêné pour la violer à plusieurs reprises. Par ailleurs, il obligeait les jeunes filles à prendre un bain en sa compagnie. Il se chargeait de les laver...

Hier, la maman de Laetitia et sa fille n'ont pas voulu témoigner une nouvelle fois sur ce rapt et la détention qui a suivi. « Elles sont très fatiguées par toute cette agitation », a répété la femme du parrain de Laetitia. « Les décès de Julie et Melissa ont perturbé toute la famille. Nous sommes partagés entre la satisfaction de retrouver Laetitia et le désarroi des parents Russo et Lejeune. » Enfin, Dutroux n'aurait jamais parlé des enlèvements de Julie et Melissa et d'An et Eefje à Laetitia. Et rien dans son comportement ne laissait trahir un quelconque précédent. Ils ont pourtant été nombreux...

Nicolas Druez

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A Bertrix les habitants ont renoncé à toute manifestation

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996

BERTRIX - Les membres de Bertrix Initiatives et de l'Asbl Marc et Corine de Bertrix l'avaient annoncé vendredi : ce week-end, samedi soir plus exactement, ils avaient l'intention d'organiser une fête en l'honneur de Laetitia.

Ces retrouvailles officielles avec la population de Bertrix devaient également servir de lancement à la pétition réclamant des peines incompressibles à l'encontre d'auteurs coupables de violences comme celles perpétrées par Dutroux et sa bande.

Sur la Grand-place, le lieu de rendez-vous habituel des Bertrigeois, le trottoir bordant les locaux de l'Asbl Marc et Corine était garni de tables sur lesquelles s'empilaient les pétitions. Les responsables de cette initiative avaient aussi disposé des bics, histoire de faciliter le déroulement des opérations. On avait, en outre, déployé une banderole sur l'un des murs de l'église en hommage à Laetitia.

En dépit de ces nombreux préparatifs, il n'y eut guère de fête..

Rapidement informés de la suite de l'enquête et de la triste découverte des corps de Julie et Melissa, les organisateurs ont décidé de renoncer à toute manifestation. Laetitia est cependant venue. Un petit quart d'heure.
« Elle voulait remercier tout le monde pour le travail accompli lors des recherches. Et elle n'a pas non plus oublié l'ensemble des témoignages anonymes qui ne cessent d'affluer depuis jeudi soir. Mais après, elle est rentrée. Nous étions tous marqués par ce que nous venions d'apprendre », explique la femme de son parrain.

La pétition, elle, est un succès. En quelques jours, elle a déjà recueilli plus de 5.000 signatures. Et l'antenne locale de l'Asbl Marc et Corine entend ne pas en rester à ce chiffre.

Une diffusion nationale devrait débuter cette semaine. En attendant, les drapeaux de la commune sont restés en berne ce dimanche...

N.Dz

La révoltante remise de peine


La révoltante remise de peine

L’avis des citoyens

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996


Michaël, de Bruxelles : « En affichant son petit mot sur la porte, le père de Melissa avait totalement raison d'agir ainsi. Ces gens sont incurables, il faudrait les rayer de la liste des êtres humains qui vivent sur terre. Pourquoi relâche-t-on des gens comme ça, alors que l'on connaît leur passé? 11 doit bien exister des psychologues capables d'évaluer la situation. Cette arrestation est arrivée un peu tard, c'est dommage pour les parents...
(Doc. DH)

Jacqueline, de Bruxelles : « Pour moi, c'est la faute de la justice, ces personnes ne devraient pas être libérées. J'espère que les coupables ne sortiront plus. Le problème, c'est que la justice va très mal aujourd'hui. Bien sûr, il faudrait réinstaurer la peine de mort,mais ce serait trop doux. Vous allez voir, on va encore réussir à trouver des psychologues pour dire qu'ils ont eu une enfance difficile. Il ne faudrait jamais pardonner à ces gens-là... »
(Doc. DH)

Anne-Marie, de Bruxelles : « La Justice est en tord on n'aurait jamais du libérer ce gars-là, avec le passé qui est le sien. C'est vraiment scandaleux ! D'un autre côté, je ne sais pas si le condamner à mort serait la solution. Bien sûr, ce qu'il a fait est horrible mais moi, je le ferais travailler à vie. Peut-être alors aurait-il le temps de prendre conscience de la monstruosité de son acte. Une fois mort, on ne souffre plus. J'ai deux enfants et j'ai fort peur pour eux... "
(Doc. DH)

Jean-Pierre, de Paris : « Je suis français, je ne connais pas bien l'affaire mais j'en ai entendu parler. Vous savez, on a le même problème en France. Je parle de la récidive... Je pense que la société est malade mais ce n'est pas en rétablissant la peine de mort que l'on va arranger les choses.
Il faut repenser les choses de manière globale donc forcément plus lente. A court terme, il n'y a pas vraiment de solution si ce n'est un suivi médical poussé. »
(Doc. DH)

Robert, de Ciney : « Pour moi, il faut remettre en vigueur la peine de mort. Surtout pour des ravisseurs d'enfants qui sont récidivistes, comme c'est le cas ici. Le ministère de la Justice est d'ailleurs mis en cause dans cette affaire puisqu'il a accordé une grâce au principal inculpé alors que celui-ci avait à peine subi le tiers de sa peine. Des gens comme cela, il ne sert à rien de les mettre en prison pour les relâcher trois au quatre ans après. »
(Ph. PNP)

Dominique, de Wavre : « Dans des cas comme celui-là, la peine de mort est de rigueur, mais pas une mort violente, non. Une mort à petits feux, qu'on les fasse souffrir autant qu'ils aient pu faire souffrir leurs victimes et leur entourage. S'en prendre à des petits enfants sans défense : comment est-ce possible ? J'ai pleuré en entendant les nouvelles ce matin à la radio, car moi aussi j'ai des enfants et cela aurait pu nous arriver. Cela fait froid dans le dos. »
(Ph. PNP)

Cécile, de Jambes : « le suis désolée, mais la peine la plus lourde doit être infligée. Je suis maman et je me sens tout à fait concernée par ces choses-là. Comment a-t-on pu libérer un type pareil? Quelle thérapie peut-on envisager? Ils ont le vice dans la peau, des gars comme çà. On ne peut rien y faire. La Justice s'est d'ailleurs mal comportée dans cette affaire. Il faut mettre la société définitivement à l'abri de pareils monstres. »
(Ph. PN P)

Jean-Claude, de Grimbergen : La peine de mort, c'est 1a seule sanction qui convienne pour les auteurs de ces actes ignobles que l'on a découvert au grand jour ce week-end. Que voulez-vous: qu'on puisse les soigner et penser qu'ils pourraient ainsi retrouver une place dans la société ?
En prison, ils nous coûteront encore de l'argent. Non, la seule chose qu'ils méritent c'est la peine de mort ! Qu'on en finisse avec eux. »
(Ph. PNP)

Jean-Luc, de liège : «Aux dernières nouvelles, on serait aussi sur la piste d'An et Eefje, sans savoir si elles sont mortes ou vivantes. C'est terrible. Terrible aussi de voir que des mois d'enquête n'ont servi à rien et qu'il a suffi d'un petit témoignage pour que tout démarre et pour qu'une partie des grandes disparitions de ces dernières années soient élucidées. Dire que si on avait eu ce témoignage plus tôt... Et que si la Justice avait été plus sévère... »
(Doc. DH)

Frédérique, de Liège : « Chacun craignait que ça ne finisse comme ça, mais chacun aussi gardait l'espoir. Espérons que les parents de Julie et Melissa pourront faire leur deuil et retrouveront un semblant de paix (...) Mais comment est-il possible que celui qui vole une blouse dans un magasin soit presque puni plus sévèrement que celui qui viole des enfants? C'est une drôle de société où l'argent semble avoir plus de valeur que la vie humaine. » (Doc. DH)

Eric, de liège : « Il n'est pas question de réclamer la peine de mort ou les châtiments corporels, mais qu'au moins on ne libère pas n'importe qui alors qu'il n'a purgé qu'un tiers de sa peine. Les prisons sont pleines? Et bien qu'on en construise des nouvelles. Et qu'on ne nous parle pas tout le temps de réinsertion. De toute évidence, il y a des gens avec qui ça n'est pas possible.
Il est temps qu'on le comprenne une fois pour toutes ! »
(Doc. DH)

Francis, de Charleroi : « C'est écoeurant Aucun qualificatif ne permet de décrire une pareille situation. Comment a-t-on pu libérer des personnes avec un tel passé à leur actif ? On devrait mettre ces gens dans un trou sans lumière et avec le minimum de nourriture.
Qu'ils souffrent un peu ! Je n'ai pas d'enfants mais je connais des gens qui ont peur de laisser les leurs sortir seuls. On sent qu'il y a une certaine peur qui règne. »
(Ph. Bauweraerts)

Josette, de La louvière : « Moi, je n'ai pas dormi cette nuit. Je suis toute l'affaire à /a radio. Ce n'est pas imaginable, ce qu'il a fait. Si c'était mon petit garçon qu'il avait touché, je ferais justice moi-même. En tout cas, je suis pour la peine maximale. Ou alors, on le met sur la Grand-place et on laisse les gens le punir. Quant au Roi, s'il accorde encore des grâces à des individus pareils... Qu'il pense un peu que ça pourrait arriver à ses petits-enfants ! »
(Ph. Dersin)

Francine, de Neufvilles : « Un monstre. Il n'y a pas d'autre mot. Je suis pacifiste mais, dans des cas pareils, je trouve qu'il faut rétablir la peine de mort. Pour lui et pour ses complices aussi. Parce qu'ils sont tout aussi coupables que lui.Les réactions des gens sont très fortes, ce qui est compréhensible, surtout de la part des gens qui ont des enfants. Mais attention, quand même, à ne pas se montrer trop exubérant, c'est disproportionné ! »
(Ph. Dersin)

Hervé, d'Havré: « Un salaud. Comment l'appeler autrement? Avec des types pareils, je suis pour la peine de mort. Seulement dans ces cas-là. Mais ici, c'est vraiment trop honteux. Et puis, il y a un problème, à la Justice. C'est quand même anormal que cet homme ait été gracié après avoir commis déjà cinq viols. Là, j'avoue, je n'ai pas vraiment tout compris. Comment un ministre peut-il justifier la remise en liberté d'un monstre ? »
(Ph. Dersin)

Franz, de Montignies-surSambre : « Une belle merde. Il n'y a rien à dire sur ce type. Sauf qu'il mérite la peine de mort. Si on vient me demander de signer une pétition pour la rétablir, je le fais tout de suite. Et il y en aura sûrement à mon bureau de l'administration communale de Charleroi. On pourrait aussi le livrer à la population, qui se chargera de lui infliger la peine qu'il mérite. »
(Ph. Dersin)

Propos recueillis par les rédactions régionales


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Pétitions lancées

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996

LIEGE - Sur l'autoroute des Ardennes, à la station service de Sprimont, une simple pétition trône sur le comptoir du pompiste. On y demande le durcissement des peines pour ceux qui font du mal aux enfants. Des dizaines de noms y sont déjà inscrits, simplement suivis d'une signature.
D'autres suivront, ces prochaines heures, ces prochains jours...

Sur la Batte
Ailleurs, d'autres pétitions circulent, faites main peut-être mais surtout faites coeur, qui expriment l'émotion, la solidarité ou le dégoût. « Plus jamais ça ! », indique simplement l'une d'entre elles qui accumule les signatures sur le marché de la Batte. « Forcer les décideurs et les magistrats à modifier les lois », exige une autre qui émane d'une des vingt-cinq antennes de l'asbl Marc et Corine...
Au siège central de l'asbl, rue des Vingt-Deux à Liège, la photocopieuse surchauffe qui, depuis de trop longues heures, reproduit à des milliers d'exemplaires le message à l'attention de la bonne application de /a justice en Belgique.
On y demande, dans le respect dû à la dignité de la victime, d'instaurer des peines incompressibles pour les crimes les plus graves.
Celui de Dutroux et de ses sinistres amis en est incontestablement un...
Depuis le matin, des voitures s'arrêtent devant le local de l'asbl. On y charge des pétitions qui s'en vont aux quatre coins du pays tandis que des dizaines de personnes, gorge serrée par l'émotion, défilent dans le bureau d'accueil pour signer les exemplaires qui y sont disposés.
Lancées il y a quelques mois,cette pétition avait recueilli, avant les tristes découvertes du week-end, une dizaine de milliers de signatures. Avant la fin du week-end, ce nombre aura doublé,triplé, voire quintuplé. « Que voulez-vous, monsieur? Il faut que nous fassions quelque chose puisqu :.. ils ne font rien ! » Lâche un sexagénaire liégeois en sortant de l'immeuble.

Indiférence officielle


« Ils » ? Ceux qui décident, bien sûr, et qui n'ont pas entendu le cri de détresse lancé, à 270.000 exemplaires, il y a quatre ans déjà, via l'asbl Marc et Corine. « On y demandait qu'on ne libère plus des individus dangereux ! », rappellent MM. Malmendier et Kistemann, les animateurs de l'asbl.
« ça n'a rien changé ! La preuve...
A cette indifférence officielle, ils opposent le démenti social et humain le plus cinglant. D'un geste de la main, l'un d'entre eux indique le téléphone et le fax. Le premier n'arrête pas de sonner; le second, de cracher ses messages.
« Et il en vient de partout et de tout le monde. Des grosses boîtes qui nous proposent leur aide comme de simples citoyens écoeurés. De Bruxelles comme de Namur, d'Ostende et de la Panne....

Ed. F.


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Commission de la Justice convoquée

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996

BRUXELLES - Le président du PRL Louis Michel a demandé dimanche la convocation d'urgence de la commission de la Justice de la Chambre.

Quid du suivi ?
Il souhaite en effet interpeller le ministre de la Justice sur les conditions d'octroi des libérations conditionnelles dans notre pays et les conditions effectives du suivi des bénéficiaires de telles mesures.

Le député libéral veut notamment faire toute la lumière sur les raisons qui ont poussé, en 1992, le ministre de la Justice de l'époque à accorder une telle mesure de faveur à un individu comme Marc Dutroux, et ce, contre l'avis du parquet.

Proposition de loi
Le PRL entend par ailleurs réintroduire sous forme de proposition de loi les conditions qu'il avait déjà exposées lors du débat sur la suppression de la peine de mort en Belgique, sans être suivi toutefois par la majorité.
Il s'agit notamment de l'introduction, dans notre code, de peines incompressibles à l'encontre d'individus condamnés pour des crimes contre des mineurs d'âge.


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Drapeau noir aux antennes

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996

LIÈGE - L'émotion est telle, au pays de liège, que de nombreuses initiatives sont lancées pour tenter de montrer aux parents de Julie et de Melissa que leur peine et leur immense détresse sont partagées par des milliers de personnes.

A Hannut, par exemple, c'est la jeune antenne locale de l'association Marc et Corne qui a décidé d'ouvrir un livre de condoléances. Celui-ci sera accessible pendant toute la semaine, à l'hôtel de ville. « Et nous l'enverrons aux parents de Julie et de Melissa... », dit Mme Landrain, animatrice de cette antenne, qui pourrait être rejointe dans cette démarche par d'autres associations en d'autres endroits du pays.

Mentionnons également cette autre initiative, dont l'origine est impossible à situer, mais dont la portée visuelle pourrait être considérable. Elle consiste, en effet, à exprimer sa solidarité en plaçant simplement un petit drapeau noir à l'antenne des voitures. Nombreux étaient ceux qui, ce dimanche, l'avaient déjà fait en région liégeoise.

Ed. F.

Contre la peine de mort


Contre la peine de mort

« La Dernière Heure » du mardi 20 août 1997

Grâce-Hollogne - Plus de 1000 personnes se sont rassemblées hier devant la maison de la famille Russo, à Grâce-Hollogne.
A l'issue de la conférence de presse, la foule n'a pu se taire. Les clameurs se sont élevées de toute part. « C'est honteux ! Qu'on le pende... » « C'est un scandale de protéger ces gens là ! » « Qu'on rétablisse la peine de mort ! » « La mort, la mort »...

Des manifestations qui ne plaisaient pas particulièrement aux familles des victimes. « Ç'a me déplaît de voir des gens comme ça devant chez moi. Je voudrais qu'ils partent », a remarqué Carine Russo, le visage défait. « Je ne suis pas pour la peine de mort, c'est une question d'éducation. Et vous savez, ce ne sont pas ces événements qui vont me faire changer d'avis. Il existe d'autres solutions que la peine capitale.

Par exemple, les peines incompressibles et le suivi en prison. C'est ça le plus important; on ne peut pas laisser sortir les gens comme ça, sans vérifier s'ils sont guéris !

Je le répète et je tiens vraiment à le faire savoir: la peine de mort ne sera jamais la solution; il faut prendre le mal à la racine ».

Cercueils plombes


Durant les 14 mois d'enquête, les parents des petites n'ont jamais eu d'informations. Actuellement, alors que tout est fini, ils se sentent encore exclus. « La justice protège les malfaiteurs mais nous n'avons droit à rien. Nous sommes tenus à l'écart comme si nous ne faisions pas partie de l'histoire», poursuit Carine Russo.

Ce ne sont d'ailleurs pas les parents qui ont identifié les petites. J'avais toujours dit que je voulais voir le cadavre de ma fille pour être certaine que ce soit elle. Aujourd'hui, on nous a refusé de les voir; les cercueils sont scellés. Je n'ai finalement pas insisté. Mais Louisa (NDIR: la maman de Julie) voulait absolument voir le corps.
Elle a pleuré, imploré, mais rien n'y a fait. Nous ne verrons finalement pas nos enfants ».

L'identification des victimes a été réalisée par le juge d'instruction liégeois, Martine Doutrewe.
Oui, c'est elle qui les a reconnues. Mais vous savez, on n'a eu aucune communication avec elle. Même après la terrible découverte », regrette Mme Russo .

Abandonnées...


Jamais depuis le mois de juin 1995, les parents n'ont voulu croire que les fillettes étaient mortes.

Durant 14 mois, on a tout imaginé. Et notre moral dépendait de nos pensées. Nous avons toujours rejeté l'idée de la mort pour avoir assez d'énergie pour les rechercher.

Ce qui est maintenant le plus difficile pour nous, c'est de savoir que les petites sont mortes sans être au courant des recherches qu'on faisait.
Peut-être croyaient t’elles qu'on les avait abandonnées »...

Nathalie Evrard

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Défaut de prévoyance

Edito de Didier Hamann

« Dernière Heure » du mardi 20 août 1996

Voilà trois jours que le téléphone de Melchior Wathelet sonne désespérément dans le vide, à Petit-Rechain, il ne répondra pas...
Dommage.

On aurait tant aimé l'entendre s'exprimer sur les raisons qui l'ont poussé, lui et ses services, à remettre en liberté un pédophile déjà auteur de plusieurs viols et de séquestrations.

On aurait tant aimé obtenir une bribe d'explications pour apaiser la révolte qui gronde en nous.
Qu'il apporte donc un début de réponse aux interrogations indignées de tous les Belges :
« Pourquoi avoir, en parfaite connaissance de cause, mis en danger la vie des honnêtes gens ?
Est-il possible que l'incurie ait provoqué la mort horrible de deux innocentes ? »

Il est urgent de répondre parce que la révolte gronde chez les Belges qui ont perdu un véritable proche parent.

Après tout, Julie et Melissa faisaient partie de leur famille, depuis quatorze mois. Grâce à la pression maintenue par les parents, nous sommes tous devenus des Russo. Grâce à leur poignante lutte pleine d'espoir, nous sommes tous entrés dans la famille des Lejeune.

En proie au chagrin, la Belgique entière exige des explications sur les raisons de ce drame malheureusement prévisible.

Le temps est venu de juger les responsables pour défaut de prévoyance. Hélas ! On sait déjà que les décisions aberrantes sont toujours orphelines.
Chacun rejettera la faute : le ministre sur son administration, les fonctionnaires sur un lampiste, le psychothérapeute sur le système, etc.


Dans le magma kafkaien soigneusement entretenu, on n'identifiera jamais l'auteur de cette funeste décision de remise en liberté... On frémit à l'idée que, quelque part, en Belgique courent quelques dangereux maniaques que l'insouciance a remis dans la nature...

On n'ôtera plus jamais de l'idée des citoyens que les agressions d'enfants sont traitées par-dessus la jambe par nos gouvernants.


Certes, l'éternelle dette publique ou le sempiternel solde net à financer ont leur part dans les préoccupations de nos Excellences.
Peuvent-elles pour autant délaisser les questions aussi vitales que la protection des enfants ? Evidemment non...

Certes, des progrès ont été enregistrés. Depuis la libération de Dutroux, les conditions de remise en liberté des criminels sont devenues plus sévères, notamment sous l'impulsion du nouveau ministre de la Justice.
Par son rôle dans la résolution des rapts de Sabine et Laetitia, la cellule nationale des disparitions a démontré que c'est bien l'importance et une bonne organisation des moyens qui font la différence.

Pourquoi a-t-on mis tant de temps?

Didier Hamann

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Toute la Belgique en deuil


Toute la Belgique en deuil

« UNE » du journal « La Dernière Heure » du mardi 20 août 1996

Comment ne pas être envahi d'une indicible tristesse à la vue de ces deux petits cercueils ?


Partageant l'immense détresse de Louisa Lejeune et de Carine Russo, une foule impressionnante est venue au funérarium de Grâce-Hollogne rendre un dernier hommage à Julie et Melissa. Pendant ce temps, l'enquête, suscitant l'espoir fragile mais réel de retrouver en vie An et Eefje, progressait dans une direction internationale.

Le réseau auquel appartenaient Marc Dutroux et Jean Michel Nihoul semble disposer de connexions à l'étranger, plus exactement en Allemagne et en Tchéquie. La filière aurait fourni, ramené ou échangé des êtres humains, de jeunes filles sur tout, avec des correspondants de ces deux pays.

Tandis que la chambre du conseil confirmait le mandat d'arrêt de Michelle Martin, l'épouse de Marc Dutroux, la justice a procédé hier à l'interpellation d'un nouveau personnage clé, Casper Flier, un Hollandais habitant Schaerbeek.

On a frisé l'émeute à Sars-la-Buissière


On a frisé l'émeute à Sars-la-Buissière

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 13

On a frisé l'émeute, samedi soir, à Sars-la-Buissière, lorsque, sur le coup de 21 h., la caravane des véhicules des enquêteurs de Neufchâteau et de Charleroi est partie, escortée par des motards,vers la province de Luxembourg, avec Marc Dutroux.

Cris hostiles et poings levés, les nombreux badauds ont eu du mal de contenir leur rage et leur émotion. Ils ne cachaient pas leurs réflexions concernant "la peine de mort qui devrait être rétablie",

"L’inefficacité de la gendarmerie à retrouver les auteurs de crimes",
"L’anormalité de laisser à des bénévoles sans moyens le soin d'organiser des recherches", etc
.

Cette dernière allusion était faite à l'égard de l'association "Marc et Corine" dont tout le monde a loué "le travail remarquable" effectué dans l'épilogue de l'enquête menée par le juge d'instruction Connerotte.

La tension a été à son comble quand, peu avant 16 h., l'annonce de l'arrivée imminente de Dutroux à Sars-la-Buissière, a été apprise incidemment. Les gendarmes avaient disposé de front trois véhicules de la Légion mobile aux entrées de la rue de la propriété. Il était impossible de passer, et même la presse a été reléguée à bonne distance. Les informations officielles ont été diffusées au compte-gouttes, dans une certaine confusion générale, il est vrai.

De nombreux badauds, une centaine environ, s'étaient massés au centre du village dans l'attente de nouvelles informations. Vers 14 h., les gendarmes et la protection civile ont arrêté leurs recherches dans l'immense jardin de la propriété des Dutroux. D'aucuns ont pensé qu'elles allaient être stoppées quand a circulé le bruit des aveux de Marc Dutroux.

Deux heures plus tard, Marc Dutroux est arrivé sur les lieux sous bonne escorte. Le mouvement de foule s'est arrêté quand se sont présentés deux corbillards, élément qui confirmait l'annonce de la découverte de deux petits corps qui allaient être rapidement emmenés pour autopsie.

Un grand silence a régné et l'émotion a grandi. Dans la foulée, un troisième corps était exhumé du terrain où des témoins ont vu, certains soirs,
Marc Dutroux, s'exercer, croyaient-ils, au maniement d'une grue.

Vers 22 h.30, les forces de l'ordre ont quitté le village de Sars-la Buissière laissant les habitants à leurs interrogations: comment n'a t-on pas eu l'attention éveillée par l'activité de Dutroux et de sa compagne Michèle Martin?

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Nihoul sous mandat,Bouty laissée en liberté

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 13

Outre Dutroux, Lelièvre et Michèle Martin, trois autres personnes sont citées dans ce dossier.

Dès vendredi après-midi un suspect est arrivé menottes aux poings au palais de Justice de
Neufchâteau. Le procureur du Roi, Michel Bourlet s'était refusé à dévoiler son identité, mais on a eu ensuite confirmation qu'il s'agissait bien de l'agent immobilier bruxellois Jean-Michel Nihoul, 54 ans.

Ce dernier a déjà été dans le collimateur de la Justice en 1989 pour escroquerie et abus de confiance; il avait notamment créé une ASBL SOS Sahel au nom de laquelle il avait recueilli plus de six millions de francs dont les populations du Sahel n'avaient pas vu un centime.

Il nie en bloc les accusations qui pèsent contre lui, mais aurait cependant été aperçu dans l'entourage de Dutroux dans les jours qui ont suivi l'enlèvement de Laetitia Delhez.

Sa compagne, Annie Bouty,ex-avocate, radiée et condamnée par le passé pour escroquerie, aurait été interpellée, de même qu'un homme de nationalité grecque.

Ce dernier était en fait locataire d'une maison appartenant à Dutroux; cette maison a été fouillée de fond en comble mais son occupant a été relâché dimanche matin, faute de preuves contre lui.

Quant à Annie Bouty, elle a été entendue dimanche par le juge Connerotte à Neufchateau. Elle a été laissée en liberté, elle ne semblerait pas impliquée dans les relations que Nihoul entretenait avec Dutroux.

Restent donc sous les liens d'un mandat d'arrêt Dutroux, Lelièvre, Martin et Nihoul qui passera devant la chambre du conseil de neufchateau mardi prochain, le 20 août.

Un cri de colère !


Les parents de Julie et Mélissa:

Un cri de colère !

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 10

Dimanche. Il est 15 heures. La foule se presse devant la maison des Russo. Sur les visages on peut lire la tristesse, mais aussi la haine, la colère et l'indignation. On ne compte plus les bouquets de fleurs. Tous attendent avec impatience les parents qui doivent donner une conférence de presse. Ils espèrent en savoir plus.

Il était donc un peu plus de 15h, dimanche, lorsque les parents de Julie et Melissa ont fait leur première apparition, depuis l'annonce de ce tragique dénouement. Très affaiblis, les parents des deux fillettes ont demandé à leur avocat, Maître Hissel, de donner lecture d'une lettre ouverte.
« La plus atroce des réalités nous a été communiquée hier dans la soirée. Non seulement que Julie et Melissa sont mortes, mais qu'elles sont mortes au mois de mars 1996, dans des circonstances horribles ».
C'est par ces mots que Maître Hissel, avocat des deux familles, a débuté la conférence de presse.

« Elle aurait reconnu ma voix... »


Au travers de cette lettre, les parents de Julie et Mélissa expriment non seulement leur douleur... mais aussi leur colère face à cette terrible nouvelle. Ils sont en colère pour plusieurs raisons. Ils sont en colère parce que la justice n'a pas voulu croire qu'elles étaient vivantes. "Dès le début, trois jours après l'annonce de la disparition des deux fillettes, les enquêteurs privilégiaient l'hypothèse de la mort des deux petites" Regrettent les parents.

Ils sont en colère également parce qu'on ne les a pas cru lorsqu'ils disaient l'existence de réseaux de pédophilie. Mais aussi, et surtout, ils sont irrités parce qu'ils ont été mis à l'écart de l'enquête. "Il est certain que si l'on nous avait associés aux perquisitions chez Marc Dutroux en août 1995, nos fillettes, qui étaient toujours en vie à l'époque, auraient osé se manifester. Je suis sûr que ma fille aurait reconnu ma voix", explique Gino Russo. "Cela fait 3 mois qu'on ne voyait plus les enquêteurs", a-t-il déclaré.

« J'espère avoir accès au dossier. On se bat depuis quatorze mois pour cela. Dutroux, lui, il est arrêté. Il a accès au dossier ».

Là aussi, Gino Russo ne comprend pas. Rien n'est mis en place pour venir en aide aux familles des victimes. "Je suis plus en colère contre la justice que contre Dutroux' ajoute-t-il. "Je suis plus révolté contre la justice et contre M. Wathelet... Ils ne nous ont pas écouté. La justice savait que Dutroux était récidiviste".

Jusqu'au bout

Les parents Lejeune et Russo ont avoué qu'ils étaient heureux que le dossier soit transféré au parquet de Neufchâteau.

« J'espère que dans cette affaire, enfin, on ira jusqu'au bout. On a l'habitude en Belgique que les affaires soient étouffées. J'espère que cette fois on ira jusqu'au bout » a ajouté le père Russo.

Ensemble, les familles Lejeune et Russo comptent se battre jusqu'au bout afin que pareilles atrocités ne se reproduisent plus. « Nous n'accepterons jamais que nos petites soient mortes pour rien » Ont déclaré avec force les parents de Julie et Melissa.

Enfin, après avoir lu la "lettre ouverte" dans son entièreté, via la voix de leur avocat, les familles des deux petites ont fait le constat suivant: "Ils nous ont empêché de les rechercher nous-mêmes. Ils ont eu 9 mois pour les retrouver vivantes, Ils nous les rendent mortes".

Hier, en fin de journée, les parents ignoraient toujours l'endroit où se trouvaient les cercueils plombés contenant les corps des deux fillettes.

Dimanche, en fin de journée, les badauds continuaient d'affluer par centaines devant le domicile des Russo, rue Dièrain-Patar. Les bouquets de fleurs et autres présents recouvraient la pelouse.

Ils sont venus des quatre coins du pays, et même de l'étranger, pour se recueillir et manifester leur soutien aux parents. Autant dire que l'atmosphère était pesante ce week-end à Grâce-Hollogne.

Jean-Denis Lejeune, le père de Julie, a adressé une nouvelle fois ses remerciements à toute la population. "Merci à tous, sans vous on ne serait peut-être pas là" a-t-il déclaré.

Il est vrai que de nombreuses personnes se sont mobilisées au cours de ces 14 derniers mois afin de tenter de retrouver les deux fillettes saines et sauves... En vain.

Pascale Zune

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La liste de l’horreur

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 10

Marc Dutroux, qui a avoué dimanche l'enlèvement et le meurtre de plusieurs enfants, allonge la liste des tueurs en série, auteurs d'enlèvement et de viols de mineurs:

- 1980: aux Etats-Unis, John Gacy est condamné à mort à Chicago pour les meurtres avoués de 33 jeunes garçons.

- 1982: aux Etats-Unis encore,William Bonin, 34 ans, surnommé "Le tueur de l'autoroute", est condamné à mort à Los Angeles pour le meurtre de 10 adolescents. Entre 1972 et 1980, 44 corps avaient été découverts le long des autoroutes, affreusement mutilés.

- février 82: aux Etats-Unis toujours, Wayne Williams, 23 ans,condamné à la prison à vie, est reconnu coupable du meurtre de deux enfants, après une série de 28 assassinats de jeunes gens noirs survenus à Atlanta

-janvier 89: aux Etats-Unis encore et toujours, Ted Bundy, 42 ans condamné pour le meurtre de deux jeunes filles et d'une fillette, confesse, trois jours avant de passer sur la chaise électrique à Starke (Floride), une vingtaine d'assassinats de jeunes femmes.

-octobre 1989: en Suisse, Michel Peiry, 30 ans, surnommé le "Sadique de Romont", avoue avoir violé, supplicié, puis immolé par le feu trois adolescents, alors que les enquêteurs le soupçonnent d'au moins une demi-douzaine de meurtres.

- février 92: au Brésil, le "Vampire d e Rio", Marcelo Costa de Andrade, 25 ans, avoue avoir assassiné 14 garçonnets pauvres de la banlieue de Rio de Janeiro entre avril et décembre 1991 après les avoir violés.

- octobre 92: en Russie, I"Ogre de Rostov", Andreï Tchikatilo, 56ans, est condamné à mort par un tribunal russe pour 52 meurtres sexuels commis principalement sur des enfants et des adolescents entre 1978 et 1990.

- janvier 1994: en Afrique du Sud, I"étrangleur de la gare", un instituteur de 29 ans, est soupçonné d'avoir sodomise et étranglé de nombreux enfants entre 1986 et 1994.
En dépit de certitudes non prouvées de sa culpabilité,Norman Afzal Simons sera reconnu coupable d'un meurtre.

- mai 1994: en Grande-Bretagne, Robert Black, un chauffeur-livreur de 47 ans, est condamné à perpétuité pour le viol et le meurtre des trois fillettes de 5,10 et 11 ans. Le meurtrier purgeait déjà une peine de prison à vie pour le viol d'une petite fille de six ans.

-septembre 1995: au Canada,un comptable au chômage, Paul Bernardo, est condamné à la prison à vie pour viols, tortures et assassinats d'adolescentes de 14 et 15 ans. Il avoue également avoir tué la soeur de Karla Homolka,son ex-épouse, et violé 14 jeunes femmes.

- novembre 1995: en Grande Bretagne, Rosemary West, 42 ans, est condamnée à dix peines de prison à vie pour dix meurtres, et elle est soupçonnée de neuf autres. Dans la "Maison de l'horreur" à Gloucester, où les époux Westont sévi pendant plus de 20 ans, 10 cadavres ont été retrouvés dont les corps de leurs propres filles

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La lettre ouverte des parents de Julie et Mélissa

La Wallonie du lundi 19 août 1996 page 10

Dimanche 18 août 1996

La plus atroce des réalités nous a été communiquée hier dans la soirée. Non seulement que JULIE ET MELISSA sont mortes, mais qu'elles sont mortes au mois de mars 1996, dans des circonstances horribles.

Elles sont mortes de faim après que l'abominable auteur de leur enlèvement et séquestration eût été mis en prison par les enquêteurs pendant plus de trois mois, de décembre 95 à mars 96.

Cette réalité nous plonge dans un cauchemar duquel il nous est impossible de nous réveiller. Nous vivons maintenant le calvaire de nos deux enfants qui se sont retrouvées par le fait d'une volonté humaine dans l'isolement total, subissant des sévices qui ont été filmés. Nous vivons la même impuissance rétrospective dans laquelle se sont retrouvées nos deux filles adorées ignorant que leurs mamans et que leurs papas les recherchaient en soulevant des montagnes afin que rien ne soit laissé au hasard pour qu'on les retrouve.

Elles sont mortes sans que notre immense capacité d'amour qui avait baigné leurs huit premières années d'enfance, n’ait pu les atteindre et les consoler.

Notre deuil est lourd et intolérable, non pas parce qu'elles sont mortes, mais parce qu'elles sont mortes dans la durée d'une horreur permanente face à l'impuissance de notre société.

De ce lieu insituable où notre souffrance rejoint celle de nos filles, nous désirons que leur martyr soit pris en compte non seulement par l'opinion publique, mais par toutes les instances dirigeantes, qui dans la société ont la responsabilité de la sécurité des enfants et des personnes.

Notre effort incessant, depuis l'enlèvement de nos deux petites a été de lutter pour que l'institution judiciaire change de méthodes, de moyens et de mentalité. Il nous appartient de donner un sens à l'insupportable absurdité de la mort de nos deux filles en continuant à vouloir changer les mentalités pour que cela n'arrive plus jamais.

Car l'information capitale, c'est que notre petite JULIE et notre petite MELISSA étaient toujours VIVANTES en mars 1996. C'est ce que nous clamions depuis leur enlèvement, neuf mois auparavant, à nos enquêteurs qui n'y croyaient pas. Cette non-croyance dans l'espoir de les retrouver vivantes fut déterminante dans leur échec qui a duré quatorze mois.
Lorsque les responsables de l'enquête, à Liège, nous disaient au mois de novembre 1995 que nous devions accepter qu'elles soient mortes, ELLES ETAIENT VIVANTES !

Lorsque le Procureur du Roi de Liège nous ayant croisés dans un bureau du Palais de Justice, seul contact que nous avons eu avec Madame Bourguignon, nous a dit «Sincères condoléances», ELLES ETAIENT TOUJOURS VIVANTES.
Lorsqu'en décembre 95, il fut décidé de confier d'autres dossiers aux enquêteurs, ELLES ETAIENT TOUJOURS VIVANTES.

JULIE ET MELISSA sont les victimes de la pédophilie organisée, sacrifiées sur l'autel du scepticisme qui a régné en Belgique à propos d'associations de malfaiteurs capables d'enlever des enfants pour les séquestrer et en abuser sexuellement.

C'est la pédophilie qui a tué nos filles. Mais également l'incroyable magnanimité que lui manifestent ceux qui ont pour mission de protéger nos enfants. Quand Monsieur Wathelet, ministre de la Justice à l'époque, a signé l'acte de libération conditionnelle de Marc Dutroux, il signait en même temps le drame que nous vivons. Actuellement cet ancien ministre se tait

C'est la pédophilie qui les a tuées. Mais également le doute de tous ceux qui ne voulaient plus les imaginer vivantes.

C'est la pédophilie qui les a tuées. Mais également les balbutiements et les errances d'une enquête menée par des professionnels réduits à espérer, selon de vieux principes, que le temps fasse son oeuvre pour résoudre les énigmes et que «l'élément déclenchant» surgisse.

Et on peut se poser la question de savoir, puisque des perquisitions avaient déjà été faites en août et en décembre 95 chez Dutroux, si les moyens sophistiqués, empruntés à la Hollande, que l'on a mis en oeuvre pour rechercher des cadavres, n'auraient pas pu être mis en oeuvre pour retrouver des fillettes vivantes. Au moment de ces perquisitions on peut estimer que les enquêteurs sont passés deux fois à proximité de nos petites enfermées dans un puits creusé dans la cave. Les enquêteurs s'attendaient-ils à les découvrir sans autres recherches ?

Il est un point plus important encore : nos enfants n'ont pas osé répondre aux voix des enquêteurs.
Mais si les parents avaient été associés à l'enquête, si les parents avaient été aux côtés des enquêteurs, nous posons la question : NOS ENFANTS N'AURAIENT-ELLES PAS RECONNU LES VOIX DE LEURS PARENTS ? Face à la volonté obsédante de vouloir tenir les parents à l'écart de l'enquête, nous pourrions être en mesure de porter plainte pour non assistance à enfants en danger.

Pour ces raisons, nous ne renoncerons pas à réclamer le droit d'accès au dossier de l'instruction car la justice ne peut se réfugier sans cesse dans le secret de l'instruction pour mieux protéger ses carences et ses dysfonctionnements et ses échecs.

Que plus jamais une disparition de mineur ne soit considérée comme une fugue, si les parents ne l'envisagent pas eux-mêmes.

Que plus jamais une disparition inquiétante ne fasse l'objet d'une enquête classique et d'une procédure normale, ni d'une mise à l'instruction routinière.

Que plus jamais les parents d'enfants ne soient méprisés par les magistrats et enquêteurs, comme nous l'avons été nous-mêmes, nous heurtant à une susceptibilité exacerbée exprimée par cette phrase tant entendue «Laissez faire les professionnels» lorsque nous étions les seuls à avoir raison de croire nos filles vivantes.

Que toute nouvelle disparition puisse faire l'objet d'une mobilisation immédiate de tous les moyens disponibles en Belgique, en matériel mais surtout en hommes, sans que l'archaïque susceptibilité territoriale des magistrats locaux puisse y faire obstacle.

Nous savons, pour avoir été écoutés par lui, que le ministre Stefan Declerck a fait tout ce qu'il lui était possible de faire dans les limites de la séparation des pouvoirs.

Déjà dans d'autres arrondissements judiciaires, à Tournai ou à Neufchâteau, nous avons constaté de nouvelles façons de réagir en urgence et en puissance.

Nous demandons instamment que les autorités judiciaires de l'arrondissement de Liège en tirent la leçon : pour que la justice soit vraiment au service des familles et non seulement d'elle-même.
Que le gouvernement accorde à la Justice les moyens de sa mission.

Que l'institution judiciaire soit capable de se réformer, de s'autocritiquer, de reconnaître ses lacunes et de s'humaniser en collant à la réalité des victimes et des parents.

Que la société ouvre enfin les yeux sur les véritables enjeux de la pédophilie.

Que chaque enfant puisse vivre en sécurité dans notre pays, ET NOS DEUX PETITES FILLES SERONT TOUJOURS VIVANTES.

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Ann et Eefje ont-elles été vendues à un réseau de prostitution ?

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 11

Marc Dutroux et ses acolytes sont responsables de l'enlèvement d'Ann et Eefje, en août
1995, au littoral. Le principal inculpé dans le dossier des enlèvements a fait des aveux en ce sens vendredi aux enquêteurs.
"La priorité est maintenant la découverte des deux jeunes filles", a déclaré le Procureur du Roi
de Neufchateau, Michel Bourlet, qui garde l'espoir de les retrouver vivantes.

Au cours d'une conférence de presse, M. Bourlet a fait le point sur les déclarations de Dutroux qui avaient amené les enquêteurs à Sars-la-Buissière, où ils ont découvert les corps de Julie et Melissa.

Mortes de faim

Selon Dutroux, les deux fillettes de Grâce-Hollogne sont mortes de faim, par la faute de son comparse Lelièvre. Toujours selon Dutroux, les deux fillettes lui avait été amenées par Lelièvre et Bernard Weinstein, l'homme dont le corps a également été retrouvé en même temps que ceux de Julie et Melissa, à Sars-la-Buissière.
Au cours d'une conférence de presse donnée samedi matin, le Procureur du Roi de Neufchâteau,Michel Bourlet, a livré plusieurs explications sur les aveux de Marc Dutroux.

Dutroux a avoué avoir enterré Julie et Métissa. L'explication qu'il a donné aux enquêteurs de la BSR de Marche qui l'interrogent concernant leur décès le disculpe .Cependant sur ce point. Il nie également avoir abusé sexuellement des deux fillettes.

D'après les aveux de Dutroux, Julie et Métissa ont été enlevées le 24 juin 1995 par Michel Lelièvre et Bernard Weinstein.

Ils auraient, toujours selon Dutroux, enlevé les fillettes parce qu'il leur avait dit, en guise de boutade, "ramenez-moi une fille".

Les deux fillettes auraient été conduites à Marcinelle et enfermées quelques jours plus tard seulement dans le réduit où ont été retrouvées jeudi soir Sabine Dardenne et Laetitia Delhez,
car la geôle n'était pas terminée.
Le 6 décembre 1995, Dutroux a été incarcéré après un règlement de comptes suivant un vol qualifié.

"J'ai confié une somme de 50.000 francs à Lelièvre", a-t-il déclaré aux enquêteurs, "afin qu'il s'occupe des deux gamines. Mais elles avaient de quoi manger pour encore un bout de Temps.

"D'après Dutroux, lorsqu'il est sorti de prison - fin mars ou début avril dernier - et qu'il s'est rendu à Marcinelle, "l'une des fillettes était déjà morte de faim et l'autre est morte dans ses bras." La mort des deux fillettes seraient donc selon Dutroux due à un manque de soins et imputable à Lelièvre.

Une version des faits à propos de laquelle le procureur du Roi a émis de nettes réserves, d'autant que Michel Lelièvre n'a pas encore pu être entendu sur ce volet et qu'aucune confrontation entre les deux hommes n'a encore eu lieu. Le scepticisme est donc bien de mise.


Vendues à un réseau international ?

Samedi, les enquêteurs avaient relevé à Sars-La-Buissière des indices permettant d'établir un lien entre les agissements de Dutroux et ses acolytes et la disparition d'Ann Marchal et Eefje Lambrechts. Une Citroën CX avait ainsi attiré leur attention; un témoin avait signalé la présence d'une CX au littoral, à l'époque de l'enlèvement des deux adolescentes, et il semble qu'on avait relevé près du lieu présumé du kidnapping, des traces de pneus correspondant à ceux de la Citroên. Dutroux a bel et bien avoué avoir séquestré Ann et Eefje. Des indices relevés par les enquêteurs le confirment. Les deux jeunes Limbourgeoises auraient été enlevées par Lelièvre et Weinstein.

Michel Bourlet a précisé qu'il avait bon espoir de retrouver les deux jeunes filles en vie, eu égard notamment aux habitudes de Dutroux. Il faudra cependant attendre encore quelques jours que les enquêteurs puissent à nouveau interroger Dutroux et obtenir certaines précisions.
L'impression générale est que les deux jeunes filles ont pu être vendues à un réseau de prostitution, même si le procureur du Roi de Neufchâteau s'est refusé à émettre une quelconque hypothèse à cet égard et n'a donné aucune explication sur le sort qui a pu leur être réservé. Le fait que Dutroux avait des contacts avec plusieurs personnes et avec des complices ne suffit pas à prouver qu'il faisait partie d'une filière de pédophilie ou de prostitution.

Un complice gênant

Michel Bourlet a également fait le point sur les différents mandats d'arrêt et interpellations intervenus dans ce dossier. Il a confirmé qu'un mandat d'arrêt est décerné contre l'agent immobilier bruxellois Jean-Michel Nihoul. Son épouse a été interrogée dimanche après-midi par le Juge d'instruction de Neufchâteau, Jean-Marc Connerotte qui, comme on le lira par ailleurs, l'a laissée en liberté.

Le ressortissant grec interpellé vendredi a été remis en liberté,faute de preuves, après que les enquêteurs aient fouillé de fond en comble la maison qu'il occupait. Une des six maisons appartenant au couple Dutroux. Entre parenthèses, on peut s'étonner de ce que personne ne se soit jamais inquièté de savoir comment un couple n'ayant aucun revenu connu, pouvait être néanmoins propriétaire d'autant de maisons.

Certes, les habitations dont question étaient souvent en assez mauvais état, mais Dutroux en était cependant bel et bien propriétaire. Selon certaines indiscrétions, il aurait même payé la dernière des maisons qu'il a acquises, trois millions cash.

Quant au meurtre de Bernard Weinstein, un truand originaire de Charleroi, Marc Dutroux a expliqué avoir été obligé d'éliminer son complice car ce dernier tentait de le "doubler". Weinstein aurait été drogué puis enterré vivant.

Enfin, le Procureur du Roi de Neufchâteau a une nouvelle fois demandé à la population, malgré le dégoût et l'horreur que peut lui inspirer cette affaire, de conserver la plus grande dignité.

Les dossiers de Julie et Métissa ainsi que celui d'Ann et Eefje devraient être centralisés au parquet de Neufchâteau dans le courant de la semaine prochaine.


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Les enquêteurs partagés entre l’espoir et la crainte

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 11

Ann Marchal et Eefje Lambrechts, dont Marc Dutroux a avoué l'enlèvement et la séquestration, ont disparu le 22 août 1995 au littoral, où elles étaient en vacances. Elles avaient respectivement 17 et 19 ans à l'époque.

Près d'un an jour pour jour après leur disparition, les aveux de Dutroux pourraient permettre de lever définitivement le voile sur leur sort.

Les enquêteurs sont cependant partagés entre l'espoir et la crainte.

L'espoir de pouvoir rapidement les libérer et les rendre à leurs familles, à l'instar de Laetitia Delhez et Sabine Dardenne.

La crainte d'être confrontés à un dénouement aussi tragique que pour les petites Julie et Mélissa.

On sait que Ann et Eefje ont été séquestrées dans les jours qui ont suivi leur enlèvement dans la maison de Dutroux à Marcinelle, où ont été retrouvées Laetitia et Sabine jeudi dernier. Elles ont également été séquestrées à Sars-la Buissière.

Dimanche matin, le procureur du Roi de Neufchâteau, Michel Bourlet, s'est refusé à émettre une quelconque hypothèse sur le sort qui a pu être réservé à Ann et Eefje par la suite.

Le fait que Dutroux avait des contacts avec plusieurs personnes et avec des complices ne suffit pas à prouver qu'il faisait partie d'une filière de pédophilie ou de prostitution. Le sentiment général régnant à Neufchâteau est néanmoins que les deux jeunes filles ont pu être livrées à un réseau de prostitution.

Hypnose

Ann Marchal et Eefje Lambrechts sont originaires de Hassett. Elles ont disparu le 22 août 1995 après avoir assisté à un spectacle de l'hypnotiseur Rasti Rostelli au casino de Blankenberge.
A l'issue du spectacle, elles 'ont pas rejoint le camp de vacances Marina à Westende, où elles séjournaient avec un groupe d'amis appartenant à la troupe théatrale Harlekijn, de Hasselt. Elles ont pris le tram de la côte et sont descendues à Ostende.

C'est là que les enquêteurs perdent la trace des deux jeunes filles. Dans les jours qui ont suivi la double disparition, un vaste élan de solidarité s'était manifesté, tout comme quelques semaines auparavant lors de la disparition de Julie Lejeune et Mélissa Russo à Grâce-Hollogne. Proches, amis, bénévoles anonymes avaient participé à des battues dans plusieurs localités du littoral ainsi qu'à une large diffusion d'affiches au portrait des deux jeunes filles. En vain.

Plusieurs pistes

Un appel lancé par les parents des deux jeunes filles aux présumés ravisseurs le 2 septembre sur VTM était resté sans réponse.
Un placardage d'affiches à Amsterdam et Rotterdam, ainsi qu'une recherche dans le Nord de la France, n'ont pas livré davantage de résultats.
En une année, les enquêteurs avaient également vérifié plusieurs pistes au-delà des frontières. En décembre dernier, une commission rogatoire s'était rendue en vain en Espagne où des témoins affirmaient avoir aperçu les deux disparues.
Un mois plus tard, deux membres de la PJ de Bruges s'étaient rendus aux Canaries à la recherche d'une piste. Ils étaient également rentrés bredouilles.

Plus récemment, les parents d'Ann avaient laissé entendre qu'il pouvait exister un lien direct entre le spectacle d'hypnotisme auquel Ann et Eefje ont assisté - et participé - et leur disparition. Selon eux, les adolescentes n'avaient pas totalement recouvré leurs esprits quand elles ont quitté ta salle de spectacle, ce qui aurait pu avoir une influence sur leur comportement dans les minutes qui ont suivi.

Les parents des deux jeunes filles se sont également plaints de la lenteur avec laquelle l'enquête a véritablement commencé.
Ainsi le père d'Ann s'est-il étonné de n'avoir jamais entendu parlés de la fameuse Citroën CX qu'un témoin avait aperçue au littoral à l'époque des faits, et que les enquêteurs ont redécouverte samedi dans le terrain vague où Dutroux laissait la plupart des voitures dont il se servait.
Idem pour une camionnette blanche, qui aurait également été remarquée près de Blankenberge, il y a un an...


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DINANT

Registre de condoléances pour Julie et Mélissa

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 11

De nombreux citoyens, aux quatre coins du pays, sont bouleversés par les drames qui frappent de plein fouet les familles des fillettes Julie et Mélissa dont les cadavres ont été découverts samedi.

A Dinant, plusieurs personnes ont contacté le Député Bourgmestre Richard Fournaux afin que ce dernier fasse part de leur compassion aux malheureux parents des deux petites filles de
Grâce-Hollogne.

La ville de Dinant dont l'initiative sera sans doute suivie par d'autres communes, ouvrira dès ce lundi, à la maison communale, à 10h, un registre de condoléances. II sera accessible au public jusqu'à mercredi de 10h à 18h.
II sera alors transmis aux deux familles.


14mois


14mois

«La Wallonie» du lundi 19 août 1996 page 9

Les noms de Julie Lejeune et Melissa Russo étaient associés depuis juin 1995 dans tous les esprits au mot disparition. Il faut aujourd'hui y ajouter "douleur et colère". Les deux petites filles de Grâce-Hollogne figurent en effet au nombre des victimes de Marc Dutroux et de ses complices.

L'immense élan de solidarité soulevé par leur disparition aura donc été vain. Restent la douleur et la colère des parents et des proches.

En bordure de l'autoroute


Les deux fillettes, âgées alors de huit ans, ont disparu le 24 juin 1995, un samedi d'été vers 17 heures, près de l'autoroute Liège-Namur, en face de la tour de contrôle de !'aéroport de Bierset à Grâce-Hollogne.

Toutes les recherches, les battues organisées à l'aide de dizaines de gendarmes, de pompiers, d'hommes de la Protection civile et de chiens pisteurs, de même que les appels lancés depuis le moment de leur disparition, étaient restés sans résultat.

La piste suivie par les chiens pisteurs s'arrêtait obstinément en bord de l'autoroute à Grâce-Hollogne, c'est-à-dire non loin du domicile des deux fillettes.

Un témoin mystérieux, qui aurait peut-être pu fournir la clé de l'énigme aux enquêteurs, a toujours refusé de se manifester. II s'agit d'un homme de 25 à 30 ans qui portait des vêtements clairs,les cheveux coiffés en arrière. Le jour de la disparition, vers 17h15, il était sorti d'un bosquet près du pont surplombant l'autoroute à Grâce-Hollogne, derrière la tour de contrôle de l'aérodrome de Bierset, pour regagner une voiture de teinte foncée stationnée près d'un rond point.

Le 3 août, le juge d'instruction en charge du dossier, Mme Doutrewe, avait diffusé un portrait-robot de ce témoin. Cette démarche n'avait cependant pas permis de faire progresser l'enquête.

Elan de solidarité

Plusieurs pistes examinées dans les premiers jours de l'enquête n'ont mené qu'à des impasses. Ce fut notamment le cas du témoignage d'une préposée aux toilettes d'une station-service de Jabbeke, sur l'autoroute de la mer, qui avait affirmé avoir aperçu les deux fillettes.

Une autre piste étudiée dans les jours qui ont suivi la disparition concernait le conducteur d'une voiture rouge qui, le dimanche 25 juin vers 20h30, se trouvait en stationnement avec son véhicule sur la bande d'arrêt d'urgence sur l'autoroute Namur-Bruxelles, à Overijse. Deux fillettes se trouvaient à bord de ce véhicule.

Après quelques jours, l'élan de solidarité suscité par la disparition de Julie et Melissa avait dépassé les frontières belges.
Routiers et vacanciers placardaient en effet jusqu'en Italie et en Espagne les portraits de Julie et Melissa reproduits par l'asbl "Marc et Corine

Dès le lendemain de la disparition, cette asbl qui vient en aide aux proches de disparus avait fait diffuser et apposer dans des magasins et endroits publics de la région liégeoise 6.500 affichettes reproduisant la photo et un bref signalement des deux petites disparues. Cette diffusion était le point de départ d'une vaste campagne qui a permis de sensibiliser la Belgique et l'Europe entière au sort des deux fillettes.
Plusieurs télévisions étrangères avaient participé à cet élan en consacrant des reportages à la disparition de Julie et Melissa.


Appel aux ravisseurs

Le 4 juillet 1995, les parents des deux fillettes avaient confirmé que l'hypothèse d'un enlèvement était dorénavant celle retenue par les enquêteurs, après élimination des autres hypothèses. Ils ont lancé un appel au(x) ravisseur(s) présumé(s), suppliant de leur rendre leurs enfants et de leur apporter la preuve qu'ils sont en vie.

Quatre jours plus tard, les enquêteurs avaient procédé avec une équipe anglaise à une reconstitution dont le but était de tenter de découvrir des indices sur les faits qui auraient peut-être permis d'ouvrir certaines pistes d'investigation.

Plusieurs démarches avaient encore été entreprises. Les parents des fillettes avaient lancé personnellement un appel à l'homme qui circulait à pied à proximité de l'endroit où ont disparu les deux fillettes.

Le 28 juillet, un hélicoptère de la force aérienne muni d'un système de reconnaissance à infrarouge avait survolé Ougrée, sans résultat positif. Une battue avait enfin été organisée le 31 juillet dans les bois d'Ougrée. Elle n'avait pas livré davantage de résultats.

Critiques

Les parents de Julie et Melissa n'ont jamais hésité à critiquer les lenteurs de l'enquête et exprimer leur désir de voir se créer des mesures préventives pour éviter à l'avenir ce genre de drame.

Ces griefs ne sont pas restés sans lendemain. En effet, le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, leur a rendu visite et a ensuite marqué son accord sur la création d'une cellule spécialisée dans la recherche des mineurs enlevés ou disparus. Cette cellule a été installée en septembre 1995 au sein du Bureau Central des Recherches de la gendarmerie. Elle a activement contribué à l'enquête ouverte à la suite des disparitions de Laetitia Delhez et Sabine Dardenne, qui a mis à jour les agissements de Marc Dutroux.

Au début du mois de novembre 1995, les parents de Julie et Melissa avaient intenté une action en justice contre l'Etat belge, représenté par le ministre de la Justice, pour obtenir le droit de consulter la totalité du dossier, droit qui leur était refusé. Ils ont été déboutés.

L'énigme de la disparition des deux fillettes avait même été évoquée à deux reprises sur TF1, dans l'émission de Jacques Pradel, "Perdu de Vue". Une première fois le lundi 4 septembre 1995 et une seconde fois le lundi 15 avril 1996.

Lors de cette seconde émission, des indices recueillis par les enquêteurs et gardés secrets jusque - là avaient été communiqués au grand public. Plus de 100 témoignages avaient ensuite été examinés par les enquêteurs.

Brésil, Argentine, Canada, Etats-Unis

Après avoir pris leurs distances vis-à-vis de l'asbl Marc et Corinne", les parents de Julie et Melissa avaient entrepris des démarches personnelles pour recouper des témoignages recueillis au fil de l'enquête.

Les papas des deux fillettes s'étaient ainsi rendus successivement durant l'été 1996 en Argentine, au Brésil, au Mexique, aux Etats-Unis et au Canada.

Ils entendaient explorer une piste américaine de pédophilie. A leur retour, ils avaient expliqué avoir eu des contacts fructueux durant leur périple. Pas plus que les autres pistes, ces démarches n'avaient pourtant permis d'éclairer les enquêteurs sur le sort réservé aux deux petites disparues.

Ce sont finalement les aveux de Dutroux qui ont mené les enquêteurs à la macabre découverte de samedi.

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