jeudi 29 mai 2008

Des démons aux manières d’anges


Des démons aux manières d’anges

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 14

Pour Marie-France Botte, les pédophiles sont les plus manipulateurs des détenus atteints de pathologies

Une déviance, une perversité, une maladie... Devant la pédophilie, c'est généralement le scepticisme et l'incompréhension qui dominent. Souvent aussi le dégoût.

On éprouve bien des difficultés à comprendre ce qui se passe dans le cerveau des personnes qui s'adonnent à cette pratique. D'autant plus que, dans la plupart des cas, ce sont des gens sûrs de leur bon droit. Alors qu'ils ne sont que des délinquants.

«Avant d'être des malades, ce sont d'abord des délinquants sexuels», explique Marie-France Botte.

Actuellement au Cambodge où elle poursuit son combat contre la prostitution enfantine, elle n'en a pas moins été émue de ce qui vient d'être mis au jour en Belgique. Emue et scandalisée.
Jointe par téléphone à Phnom Penh, elle a redit l'urgence de prendre des mesures concrètes à l'égard des pédophiles.

Elle a aussi expliqué quelques caractéristiques de la pédophilie et pourquoi les peines qui sont infligées à ces gens doivent être lourdes.

« Ils enfreignent la loi et la peine dont ils écopent doit être à la mesure de l'acte qu'ils' ont commis. Pas seulement pour les punir mais parce que c'est la seule façon d'espérer leur faire prendre conscience du mal qu'ils ont fait. Car ce sont des gens tout à fait certains de leur bon droit. »

Les pédophiles, en effet, n'imaginent même pas commettre un crime en agissant comme ils le font. Ils ont même plutôt tendance à considérer que c'est la société qui est réactionnaire. D'où la nécessité de leur faire prendre conscience du mal qu'ils causent.

«En plus, dit Marie-France Botte, ce sont des personnes incapables de contrôler leurs pulsions sexuelles. C'est pourquoi, il faut absolument les prendre en charge pendant leur détention et, après leur sortie de prison, il est indispensable de poursuivre le traitement et de les suivre.

D'autres pays, dans ce domaine, sont beaucoup plus avancés que nous.
C'est souvent le Canada qui est cité en exemple. Une des caractéristiques de la conception canadienne est que l'on considère les pédophiles de la même manière que les alcooliques; c'est-à-dire susceptibles de rechuter à chaque instant.

Pour toutes ces raisons, il paraît évident que ces gens ne peuvent pas être laissés dans la nature sans surveillance.

Marie-France Botte fait par ailleurs remarquer qu'au contraire, en Belgique, ces cinq dernières années ont été marquées par de nombreuses libérations de pédophiles ; libérations qui ont mal tourné plus d'une fois.

Elle rappelle, notamment, le cas de cette grâce royale qui avait permis la remise en liberté d'un pédophile octogénaire qui, une fois dehors, s'en était à nouveau pris à une petite voisine.
« Qu'est-ce qu'ils croient, ceux qui décident de ces libérations ?, s'exclame M.-F. Botte. Qu'un octogénaire ne peut plus avoir de pulsions sexuelles...

« Toutes ces libérations, poursuit-elle, interviennent parce qu'en prison, ce sont des hommes très dociles. De toutes les pathologies que l'on observe en prison, c'est celle où il y a le plus de manipulateurs, de simulateurs.

Ils jouent le repentir et ça marche apparemment très bien. Ils sont capables de manipuler les surveillants, les assistants sociaux et le ministre de la Justice. »
Cette caractéristique explique aussi que ce soient des spécialistes qui doivent les suivre. Or, dans l'état actuel des choses, le personnel du ministère de la Justice qui traite ces dossiers n'a aucune formation particulière dans ce domaine précis. Les médecins qui les voient ne sont pas non plus des spécialistes de la pédophilie.

« Les carences sont à tous les niveaux», affirme M.-F. Botte.
Enfin, elle se scandalise du fait que la Belgique s'apprête à prendre la parole lors du sommet mondial contre les violences sexuelles faites aux enfants. Des ministres belges et la Reine seront présents et y feront des déclarations.

«Il est honteux, dit-elle, que la Belgique y aille pour prendre la parole alors que d'autres pays sont beaucoup plus avancés dans ce domaine. La Belgique n'a aucune leçon à donner dans cette matière. »

Pascale Séféridis

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Depuis l’enlèvement, tous les enfants sont sous haute surveillance

« La Meuse » du mardi 14 août 1996 page 14

Une des conséquences de la disparition de Julie et Mélissa aura été de réduire l'espace de liberté des enfants.
Ma mère m'a interdit de sortir dans ma rue pour faire du vélo », « Déjà avant mes parents me disaient qu'il ne fallait rien accepter de personne, mais lorsque Julie et Mélissa ont disparu, ils me le répétaient tout le temps ».

Catherine, Arnaud. Guillaume, Céline... Ont entre 10 et 12 ans et ils profitent des dernières semaines de vacances pour s'adonner à leur sport favori. V.T.T. pour certains. Ping-pong pour les autres. L'annonce de la mort de Julie et Mélissa les a choqués.

Même si certains pensent que les adultes ne parlent plus que de ça », ils expriment tous spontanément une même indignation/incompréhension.
« C'est dégueulasse de les avoir laissées mourir de faim», «Je préférerais être tué d'une balle dans la tête, mais pas souffrir comme ça », « Pourquoi ils font des enfants si c'est pour les faire souffrir ? ».

Si ces enfants s'interrogent sur le comportement de certains adultes, ils ont, par contre, des idées très précises de la façon dont il faut les punir..
Il faut le passer à la chaise électrique. » Cette première proposition lancée par l'un d'entre eux ne provoque pas l'unanimité du groupe, loin s'en faut.
« Mais non, comment veux-tu qu'il réalise ce qu'il a fait comme ça? Il faut le mettre en prison pour toute sa vie, pour que tous les jours, il puisse y penser.» «Oui, et il ne faudra pas lui donner à manger pour qu'il ait faim aussi »

Pendant plus d'un an, les enfants ont été sensibilisés au sort réservé à deux d'entre eux: « On en a parlé au cours de morale », « Moi, je suis allé poser des affiches », « C'est vrai que depuis, on faisait plus attention. Et surtout maintenant que l'on sait qu'elles sont mortes ».

Même s'ils sont choqués par les souffrances endurées par Julie et Métissa et si l'un d'entre eux s'inquiète des parents des deux petites filles: «C'est mieux qu'on les ail retrouvées car les parents étaient tout le temps dans l'incertitude », tous ces enfants, chacun à sa façon, tentent de gommer le sentiment d'angoisse créé par les adultes.

Cela est exprimé parfois sur le ton de la fanfaronnade:
«Moi, je ne risque rien, on' ne saurait pas m'attraper», ou encore : « Nous on est des garçons et c'est les filles qu'on enlève», tandis que d'autres relativisent: « S'il fallait avoir peur de tout... On peut aussi se' faire écraser ou se retrouver à un endroit où on a posé une bombe ».

Et puis, ils restent un sentiment d'impuissance: « Pendant qu'on les cherchait, on pouvait servir à quelque chose, comme mettre des affiches. Mais maintenant... ».

F.H.


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Dernière minute :
«La Meuse» du mardi 20 août 1996 page 14

Registres de condoléances
Des registres de condoléances sont ouverts depuis ce lundi matin et accessibles à la population dans diverses administrations communales de la province de Liège, notamment à Grâce-Hollogne, Huy,Neupré, Verviers, Thimister-Clermont, Eupen, Ans,Saint-Nicolas, Chaudfontaine,Flémalle et Visé, etc.

Ailleurs dans le pays, notamment dans certaines communes bruxelloises, les autorités communales ont pris des initiatives similaires.
L'hôtel de ville de Liège, place du Marché, est accessible, jusqu'au jour des funérailles, de 8 à 18 heures (salle des Pas Perdus).
A Grâce-Hollogne, sur le pont de l'autoroute à proximité duquel Julie et Melissa ont disparu en juin 1995 et où leurs photos sont accrochées depuis 14 mois, un nouveau panneau est apparu dimanche, avec cette inscription: « Dormez-vous bien, monsieur Wathelet? ».

Une bougie à la fenêtre
Quelques habitants, dont certains militent au sein d'antennes locales de l'ASBL Marc et Corine, ont lancé une initiative, afin manifester leur solidarité envers les parents de Julie et Melissa. Comme d'autres, ils demandent que l'on accroche des rubans noirs aux antennes des voitures et, en plus, ils proposent que chacun allume une bougie à sa fenêtre, le jour des funérailles des deux gamines martyres de Grâce-Hollogne.

A Hannut, une douzaine de bénévoles de l'antenne locale «Marc et Corine » ont fait circuler la pétition sur le marché hebdomadaire. 2.500 signatures ont été recueillies en un temps record.

A Liège, les postiers du centre de tri de la rue de Namur, s'associant à la douleur des parents de Julie et Mélissa, ont observé une minute de silence, sur le coup de 18 h 30.

A Verviers, une grande marche de solidarité est organisée place Verte, vendredi soir.

Mgr Albert Houssiau, évêque de Liège, en ce moment en pèlerinage à Lourdes, a adressé hier ce message aux parents de Julie et Melissa : «2.500 Liégeois, réunis ce matin devant la Grotte de Notre-Dame à Lourdes, partagent la douleur atroce des parents de Julie et de Melissa, après une si longue attente si cruellement déçue. Ils les tiennent dans leur coeur en ces jours de recueillement et de communion avec tous ceux qui sont affligés. Que l'Esprit Saint les soutienne et leur donne la force de vivre, avec le soutien de parents et d'amis fidèles. »

La boulangère de Statte
Chantal Braibant, la boulangère de Statte, nous adresse une lettre indignée et émouvante dont voici quelques extraits:
« Nous sommes outrés et honteux d'être belges; la Belgique est petite... elle doit encore se sentir beaucoup plus petite depuis ce drame.
Depuis la disparition de Julie et Melissa, toutes les mamans craignaient pour la vie de leurs enfants; plus jamais de drames semblables à l'aube du XXIe siècle.

Faites en sorte que la protection totale des enfants soit assurée; ceci est une prière: que ce ne soit pas en vain que les victimes sont mortes et que toutes les cloches de la Belgique sonnent le glas au moment où ces anges entreront dans un monde meilleur que celui-ci. »

Netomium en deuil
Le réseau Internet a beaucoup appuyé les recherches concernant Julie et Melissa. Netomium, le site Internet fédérateur des Belges francophones, a placé sur sa homepage un bandeau noir. Ce site permet d'envoyer des fleurs virtuelles. En effet,chaque fois qu'un bouquet sera envoyé, des roses supplémentaires s'ajouteront visuellement sur la page Internet de Netomium.
Il offre également la possibilité de signer la pétition lancée ce week-end par l'ASBL « Marc et Corine » sur un formulaire virtuel. Toutes les signatures électroniques récoltées par ce moyen seront transmises à l'ASBL. Netomium permet également d'accéder au site des parents de Julie et Melissa, afin de leur transmettre des messages : http://www.netomium.be/

(tourne sur Apple Workgroup Server).

Un nom difficile à porter
Depuis ce samedi 17 août la famille Dutroux de Ham/Heure,Corenne, Gozée et Walcourt (prénoms: Rose, Ginette, Serge,Francis, Colette, Roseline, Soraya, Sandra, Sébastien, Aurélien, Virginie et Amélie) reçoit des appels téléphoniques anonymes et calomnieux concernant la mort de Julie et Mélissa. Ces personnes n'ont aucun lien de parenté avec Marc Dutroux.

Le terrible avertissement du procureur


Le terrible avertissement du procureur

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 12

A posteriori, la mise en garde de Georges Demanet contre la libération de Dutroux fait figure de jugement sans appel

S'il espérait offrir un peu d'apaisement sur les améliorations apportées à la législation en matière d'enlèvements d'enfants et de pédophilie, le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, n'a probablement pas atteint son but. Devant un parterre de journalistes venus de plusieurs pays européens, il n'a finalement pu que donner une image assez piteuse de la Justice belge et de son fonctionnement. Une image qui témoignait aussi, face à des problèmes graves, d'une réelle impuissance.

Une phrase prononcée en 1992 par le procureur du Roi du Hainaut, M. Demanet, augurait de ce triste constat.
Une décision, avait-il dit, qui serait de nature à discréditer la Justice. » Il parlait de la libération de Marc Dutroux.

C'est le fonctionnement de la libération conditionnel qui a été largement mis en cause, ces derniers jours, à propos des faits reprochés à Marc Dutroux. Aussi, le ministre de la Justice a-t-il longuement rappelé dans quel les circonstances cet homme, déjà auteur de faits semblables, avait bénéficié de la fameuse loi Lejeune.

Marc Dutroux avait été condamné en 1989 (ainsi que son épouse Michèle Martin) pour des viols commis sur des adolescentes de 12 à 18 ans. Condamné à 13 ans de détention, il sortait pourtant de prison en 1992. Cette libération anticipée, il la devait à une procédure assez courante en Belgique: la libération conditionnelle. Procédure habituelle, certes, mais douteuse lorsqu'il s'agit d'un pédophile. Pourtant, trois avis positifs avaient été rendus.
Les deux avis négatifs n'avaient pas fait le poids. Ils émanaient de la commission pénitentiaire et du procureur du Roi Demanet. La commission pénitentiaire ne motivait pas sa décision, mais M. Demanet était clair.
Au terme d'une justification argumentée, il concluait : « Cette décision irait à l'encontre des impératifs de sécurité publique et serait de nature à discréditer la justice. » Quatre ans après, cette phrase tombe comme un couperet.

Rien d'anormal...

Comme pour toute libération conditionnelle, il avait été prévu que Marc Dutroux devait se soumettre à une série de conditions; il devait notamment collaborer à une « guidance ».

Un neuropsychiatre avait été désigné. Dutroux était convoqué chez lui à intervalle régulier pour des mises au point. Parmi les autres conditions, il lui était également interdit de boire exagérément et de fréquenter les débits de boissons. Il devait, par ailleurs, fournir la preuve d'une occupation et de moyens de subsistance suffisants. Enfin, il lui était interdit de fréquenter des détenus étrangers à sa famille.

Aujourd'hui, le ministre de la Justice déclare que Dutroux semble avoir toujours répondu à ses obligations.
«Les différents rapports de l'assistant social n'ont rien révélé d'anormal et il a toujours déposé les attestations de ses visites chez le neuropsychiatre», précise M. De Clerck.

Quant à savoir comment se passait les rencontres avec le neuropsychiatre, «cela relève du secret professionnel », ajoute le ministre.


Non aux peines incompressibles

Depuis cette remise en liberté, qu'y a-t-il de changé dans la législation et dans la façon de mener des enquêtes dans ce domaine?


Selon Stefaan De Clerck, la mise en action de moyens mieux appropriés est nettement plus rapide, comme l'a montré le cas de Laetitia. Une cellule disparition a été créée et, de l'avis du ministre, elle a montré son efficacité.


Elle devrait toutefois se voir prochainement attribuer des moyens supplémentaires.

Et puis, M.De Clerck a rappelé sa ferme intention de mettre bientôt sur pied une émission télévisée d'appel à témoins, comme dans d'autres pays.

Mais lorsqu'il est question des peines incompressibles, tant réclamées aujourd'hui par la population, le ministre renâcle.

«Qui suis-je, répond-il, pour décider de ce qui adviendra de quelqu'un dans 10 ou 15 ans?»


Il estime plus efficace l'instauration d'une commission pénitentiaire qui, au terme d'un certain délai, remettrait un avis concernant un détenu. «La décision serait scindée; lors de la condamnation et, plus tard, lors d'une réunion de cette commission. Elle devrait remettre ion avis à l'unanimité de ses membres.


Et c'est cet avis qui s'imposerait, y compris au ministre de la Justice qui s'engage à le respecter. »

Enfin, dans l'enquête sur les enlèvements de Julie et Mélissa, M. De Clerck a précisé qu'une enquête serait effectuée pour savoir si des fautes ont effectivement été commises et si des devoirs d'enquête qui avaient été demandés n'ont pas eu lieu.

Pascale Séféridis

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Les « Pointeurs » au pilori

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 12

Les autres détenus exècrent les pédophiles, qui doivent être mis à l'écart
Dimanche, à 19 h, les détenus de la prison de Lantin n'ont pas voulu réintégrer leur cellule à la fin de la promenade. Ce faisant, ils entendaient protester contre les conditions de détention et la facilité d'obtention de libérations conditionnelles par les pédophiles incarcérés. Ils n'allaient regagner leurs cellules que vers 21 h 45.


Il faut dire que les crimes odieux perpétrés par des gens comme Dutroux après une libération conditionnelle sont très mal perçus par les détenus. En fait, pour eux, ces crimes remettent en cause le principe même de la libération conditionnelle dont ils pourraient un jour bénéficier.

En plus, les «pointeurs » ne sont pas aimés du tout par les détenus «normaux ». Ces derniers les pourchassent et leur infligent parfois des sévices atroces.

Pour s'en convaincre, il suffit de penser à cet homme âgé qui, en son temps, avait défrayé la chronique pour des faits graves et répétés de pédophilie. Durant son transfert du palais de justice de Liège vers la prison de Lantin, des détenus, profitant de l'isolement du fourgon cellulaire, l'avaient maîtrisé et lui avaient brûlé les parties intimes à l'aide d'un briquet. Les gendarmes, eux, n'avaient rien vu.

Très récemment encore, un détenu de la prison de Lantin qui va bénéficier d'une libération conditionnelle après avoir commis des faits de pédophilie, s'est fait rosser par d'autres prisonniers. On lui a mis un sac-poubelle sur la tête et on l'a frappé tant et plus...

Lorsqu'un pointeur est placé sous mandat d'arrêt, le juge d'instruction décide le plus souvent de le mettre dans un quartier isolé. Il s'agit là d'une décision que le magistrat prend soit d'initiative, soit après en avoir reçu la demande du détenu.

A la prison de Lantin, les pointeurs sont enfermés au 8ème étage, à l'abri des autres détenus. Ils vivent dans un isolement total.

Ils disposent de leur propre préau, leur propre salle de séjour. Ils ne participent à aucune activité avec les autres détenus. Ils ont leurs propres loisirs, entre 18 et 21 h.
Ils mangent dans leur cellule et ne vont pas dans les ateliers. Ils ont très peur des autres détenus et souhaitent généralement être enfermés à deux.

Cela brise la solitude et leur permet de se sentir un peu plus en sécurité.
De l'avis de plusieurs spécialistes,les pointeurs sont des détenus modèles. I

Ils ne cherchent pas à s'évader, ne consomment pas de drogue et sont souvent de bonne composition. La plupart d'entre eux sont d'un niveau intellectuel raisonnable.
Ils sont surveillés et protégés par une demi-douzaine de gardiens.

Ceci dit, les places sont chères dans le quartier des pointeurs. Comme on en arrête de plus en plus et que la section n'est pas extensible, il faut souvent replacer des détenus pointeurs dans le milieu carcéral normal. Les autorités pénitentiaires décident alors d'y replacer les gens qui ont été condamnés à de lourdes peines et qui sont emprisonnés depuis longtemps.

Il se peut, en effet, que les autres détenus qui étaient déjà dans l'établissement pénitentiaire au moment de l'incarcération du pointeur aient été libérés ou qu'ils ne se souviennent plus du motif de l'incarcération.
Dans ce cas, l'intégration dans la prison se fait sans trop de problème. Mais si le pointeur est reconnu, la bagarre est quasi immédiate. On replace alors le pointeur au 8e étage.

J.-M.C.


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La première épouse de Dutroux :

« Ce que j'apprends dépasse toute imagination »

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 12

La première épouse de Marc Dutroux (39), le «monstre» de Sars-la-Buissière, n'en revient pas. Cette femme qui a souhaité conserver l'anonymat dit qu'« elle savait qu'il était bizarre et pouvait se montrer parfois très agressif». «C'était même un type affreux mais ce que j'apprends, comme tout le monde, dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer. »

Durant le week-end, cette dame n'a rien manqué des informations. Elle se dit consternée. Et avec elle, ses deux enfants, devenus grands, qui sont également ceux de Marc Dutroux et qui découvrent avec horreur le monstre qu'était leur père.

« Sa sexualité était celle d'un homme normal, poursuit cette femme. Elle n'avait rien de particulier et je n'ai en tout cas jamais rien constaté, à l'époque où nous vivions ensemble, qui m'ais permis de dire qu'il avait des tendances pédophiles.

Je sais qu'il m'a trompée mais vis-à-vis de nos enfants, en tout cas, il s'est toujours montré très correct. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Je ne sais pas comment il en est arrivé là.

C'est affreux. L'homme avec qui j'ai vécu me semblait assez normal, si ce n'est sa violence, sa brutalité», poursuit la première épouse de Marc Dutroux qui avoue avoir été une « femme battue ».

Divorcée en 1985, après 7 ans de mariage, elle s'étonne aussi de l'apparente aisance de son ex-époux.

« Pour moi, c'est un point d'interrogation. Mais à l'époque déjà, il aurait très bien pu me cacher des choses et posséder des comptes en banque dont j'aurais ignoré l'existence. Je savais qu'il était bizarre, agressif, c'est tout. »
Ils ne se sont plus jamais vus depuis le divorce et elle a obtenu la garde de ses enfants. «Je suis écoeurée. Mes enfants aussi en sont malades. »


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Réactions politiques

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 12

Dans la classe politique, après Louis Michel, son homologue du PRL, Herman De Croo, le président du VLD, a exigé que toute la clarté soit faite à propos des raisons qui ont poussé l'ex-ministre de la Justice Melchior Wathelet à autoriser la remise en liberté anticipée de Marc Dutroux, en dépit de l'avis négatif du parquet général.

Souhaitant connaître les conclusions que le gouvernement tire de tout le dossier, Herman De Croo a souligné les propositions de son parti en matière mise en liberté anticipée et d'accueil des victimes.

Pour le VLD, la mise en liberté conditionnelle doit être prise par un tribunal d'application des peines, les dispositions actuellement en vigueur ayant montré l'étendue de leur inefficacité.

En ce qui concerne l'accueil des victimes, le président des libéraux flamands a plaidé de manière générale pour sa meilleure organisation et pour une implication de la famille dans la mise en liberté anticipée d'un détenu.

La Volksunie estime pour sa part que personne ne peut se dérober devant ses responsabilités et qu'un débat parlementaire serein doit être ouvert pour envisager les mesures à prendre.

Pour la VU, il apparaît clairement que la société doit être mieux protégée contre les individus capables de commettre de tels actes. La direction du parti estime que le débat devra dépasser les questions juridiques pures et s'attarder sur autant de thèmes que les relations sociales et les normes morales en vigueur dans notre société.

La Ligue des droits de l'enfant

Dans le monde associatif, la réflexion accompagne le plus souvent l'émotion et les marques de sympathie aux familles des victimes.

Ainsi, la Ligue des droits de l'enfant a tenu à souligner que l'horreur des faits révélés au cours des derniers jours confirmait de la façon la plus tragique ce qu'elle dénonce depuis plusieurs années: l'inadéquation de la réponse sociale aux phénomènes liés à la pédophilie.

La Ligue des droits de l'enfant a également rappelé plusieurs de ses revendications parmi lesquelles la création d'un registre des infractions sexuelles contre les enfants dans le cadre d'une collaboration multidisciplinaire (services de protection de l'enfance, police,justice, services médicaux), un suivi effectif au sein de la cellule nationale chargée de la lutte contre le trafic des êtres humains, des questions relatives à la vente d'enfants, ainsi qu'à la prostitution et à la pornographie les impliquant.

La Ligue des droits de l'enfant demande encore l'utilisation de techniques policières modernes et la prise en compte de la victimisation secondaire (appui psychologique gratuit à la famille proche d'enfants victimes et à la famille proche des pédophiles).

De son côté, le Conseil des femmes francophones de Belgique a invité les élues politiques, toutes tendances politiques confondues, à introduire une proposition de loi concernant les peines incompressibles à l'encontre d'individus condamnés pour des crimes contre les mineurs d'âge.


Deux petits cercueils blancs, côte à côte



Deux petits cercueils blancs, côte à côte

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 11

Douleur, silence, recueillement au funérarium deGrâce-Hollogne.
Les deux mamans ne l'ont rejoint qu'après avoir fait un détour pour acheter des fleurs.


A leur arrivée, elles ont été applaudies par les personnes innombrables venues témoigner leur sympathie. Partout, des gestes touchants. Ainsi, les habitants du quartier du Pansy, à Montegnée, se sont cotisés pour déposer ici une énorme gerbe de fleurs.

La maman et le petit frère de Julie se sont recueillis près des deux petits cercueils blancs.

(Photos: Michel Crahay).
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Julie et Mélissa seront probablement enterrées jeudi,l’une à côté de l’autre,au cimetière de Hollogne

La tristesse n'en finit plus à Grâce-Hollogne et partout dans le pays depuis samedi soir. Au fur et a mesure que l'on se rend compte de l'horreur qu'ont vécue les deux enfants, les sentiments sont de plus en plus écrasés par la douleur.

Les larmes ne cessent de couler sur les joues des mamans.
Nombreuses sont les personnes qui n'ont plus pu manger ou qui ont mal dormi depuis samedi soir.

Durant cette journée de lundi, les familles ont accompli le douloureux devoir d'aller récupérer les cercueils de leurs fillettes. Ce sont les deux mamans, Carine Russo et Louisa Lejeune, qui se sont rendues en fin de matinée au centre médico-légal de Liège, rue Dos-Fanchon, pour retrouver leurs petites filles. La première fois depuis 14 mois...

Stupidité administrative de plus: on les a fait attendre de longues minutes avant d'ouvrir la grille d'entrée.

Ensuite, dans deux corbillards, les deux petits cercueils blancs ont été transportés au funérarium Mestré, chaussée de Liège, 341 à Grâce-Hollogne.

Les deux mamans ne les ont rejoints qu'après avoir fait un détour pour acheter des fleurs.

Recueillement

Des fleurs, il y en avait déjà partout lorsqu'elles arrivèrent, accompagnées de membres de leur famille, dont le petit frère de Julie. De simples roses, des bouquets plus élaborés ou d'immenses gerbes, anonymes, accompagnés d'une carte de visite ou d'une banderole sur lesquelles on pouvait lire: « Les amis de la rue Johannès et Pansy », « Les collègues de Ferblatil», «Les amis de Grâce-Hollogne »...

Une foule d'une centaine de personnes les attendait déjà. Elle ne cessera de grossir tout au long de la soirée, en provenance de Liège bien sûr mais aussi de Mons, Charleroi et de Bruxelles.

Plutôt que de garder un silence religieux, la foule a spontanément applaudi à l'arrivée des deux mamans, comme si elle voulait avant tout saluer le courage exemplaire dont elles ont fait preuve tout au long de leur combat.
Carine Russo a esquissé un sourire mais, après être entrée, elle s'est effondrée en larmes sur la première personne qui se trouvait à l'intérieur.

Les deux familles ont alors demandé un moment de recueillement dans l'intimité. Puis, les portes se sont ouvertes pour que les anonymes puissent également rendre un dernier hommage à ces deux fillettes qui ont été au centre de l'actualité belge depuis 14 mois.


Pour éviter les débordements, les policiers de Grâce-Hollogne faisaient rentrer les personnes par groupe de cinq. Beaucoup pleuraient à chaudes larmes, notamment plusieurs petites filles de Grâce Hollogne, des copines de classe...

On a vu ensuite le procureur général de Liège, Mme Anne Thily, venue s'incliner devant les deux cercueils.
Puis les mamans sont parties pour rejoindre leurs maris Jean-Denis Lejeune

- qui s'était rendu le matin dans la cache de Marcinelle parce qu'il voulait voir l'endroit où sa fille a vraisemblablement été séquestrée - et Gino Russo, au domicile des Russo.

Tous les quatre devaient ensuite s'entretenir longuement avec le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, avec qui ils ont gardé de bons contacts.

Hommage de la population

Le funérarium Mestré sera ouvert tous les jours jusqu'à l'enterrement. Les deux. mamans ont proposé comme heures d'ouverture «de 9 heures à 21 heures ».

Et elles assisteront la plupart du temps au défilé attendu parce qu'elles savent que toute la population belge les a sans cesse soutenues dans leur épreuve et que les centaines de milliers de marques de sympathie reçues de partout les ont beaucoup réconfortées.

Funérailles à Liège?

A l'heure où nous mettions sous presse, il n'y avait toujours pas de décision officielle quart à la date et à l'heure de l'enterrement. Mais il devrait avoir lieu jeudi matin, non pas en l'église de Hollogne qui est actuellement en réparation (et d'ailleurs beaucoup trop petite pour contenir le monde attendu« on parle de 100.000 personnes»), mais vraisemblablement dans une église de Liège.
On parle de la basilique Saint-Martin mais sans plus de certitude.

La cérémonie sera unique pour les deux petites et les parents ont demandé qu'elles soient enterrées l'une à côté de l'autre dans le petit cimetière de Hollogne.
Une manière de ne plus jamais séparer celles qui étaient deux véritables amies de classe et qui ont vécu des mois horribles dans la souffrance, avant de succomber par manque de nourriture.

Unies dans la vie et dans leur mort, elles le seront également pour toujours.

Luc Gochel

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Pétitions

« Marc et Corine » espère atteindre un million de signatures
Si jamais Dutroux était jugé en France, il ne quitterait certainement pas la prison avant l’âge de 67 ans !

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 11

La pétition lancée dès vendredi par l'ASBL Marc et Corine connaît un succès foudroyant. De partout surgissent de véritables paquets de feuilles déjà remplies que des bénévoles, des anonymes ont décidé de faire signer dans leur rue, dans leur quartier, dans leur commerce. De plus, grâce à plusieurs journaux, dont le nôtre, qui a publié intégralement le formulaire,cette pétition s'est retrouvée chez des centaines de milliers de lecteurs de journaux.

Un succès sans précédent qui incite Jean-Pierre Malmendier et François Kisterman, les papas de Marc et Corine, à envisager avec optimisme le chiffre d'un million de signatures.

Jusqu'à un million et pourquoi pas encore plus, au train où cela bouge», nous confirme M. Kisterman. « Il le faudra car je rappelle que notre première pétition sur les libérations anticipées de 1993 avait pourtant récolté plus de 270.000 signatures et cela n'avait pas été suffisant pour faire bouger les choses. »

Pourtant, si un million de Belges, un sur dix!, réclame à nouveau un système d'incompressibilité des peines, le monde politique ne pourra plus ignorer la volonté de ses électeurs, sans déclencher à nouveau un véritable discrédit de la classe politique.


Malheureusement, les premières informations qui nous parviennent du ministère de la Justice (voir l'article sur la conférence de presse du ministre De Clerck) ne sont guère encourageantes pour le moment.

30 ans en France

C'est peut-être le moment de rappeler ce qui se passe en France sur le sujet. Il y a quelques années, l'assemblée nationale française a voté une loi beaucoup plus répressive en matière de viols et de rapts d'enfants. Elle a instauré des peines de sûreté de 30 ans pour les crimes les plus graves.


C'était l'époque des tueurs d'enfants, Francis Haulme et Christian Van Geloven, qui avaient défrayé la chronique.

Si cette peine existait en Belgique, Marc Dutroux (37ans) ne pourrait à coup sûr sortir de prison qu'à l'âge de 67 ans! Sans aucun congé pénitentiaire ou aucune libération anticipée possible avant cette date de 2027.

Et encore, à ce moment, un collège d'experts se réunirait pour savoir si ce détenu présente encore un danger pour la société. Et si tel est le cas, il devrait impérativement être suivi de près par les forces de l'ordre. Par exemple, sous la forme d'une présentation quotidienne dans un bureau de police.

Pourquoi pas cela chez nous?

Luc Gochel


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Hasselt, les parents d'Ann Marchal s'accrochent et espèrent.

Le procureur du Roi Neufchâteau les a longuement appelés, leur annonçant qu'ils feront le maximum

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 11

A Hasselt, la rue Singel est en apparence tranquille. Au détour du chemin, face à un vaste champ de blé, la maison des parents d'Ann Marchal.

De temps en temps, un voisin ou un passant à bicyclette vient aux nouvelles sur le pas de la porte, sans jamais déranger les habitants.
A l'intérieur, un incessant ballet, les télés étrangères se succèdent, allemandes, hollandaises, anglaises...

Une interview dans le jardin avec Betty. Une autre avec le papa, Paul Marchal, autour de tasses de café, de piles de journaux et d'affichettes, traduites dans toutes les langues, des deux copines disparues.

« En un an, j'ai appris le français », nous confie le papa. Et il se débrouille plutôt bien ! «Nous avons été soutenus par toute la Belgique.

Des téléphones, des fax, des messages... Après quatorze ans, deux de mes anciens étudiants m'ont contacté. Cela m'a frappé ! »

A ses côtés, Betty Marchal est revenue: « Nous sommes aussi très heureux du travail de la presse. Il faut bien le dire, c'est à travers les journaux que nous avons eu certaines informations. » Comme son mari, elle regrette les maigres contacts avec les autorités judiciaires.

Mais vers 13 h 30, il a reçu un long coup de téléphone du procureur du Roi de Neufchâteau.Cette demi-heure d'entretien lui a fait sacrément du bien.

« Il m'a dit que je pouvais le contacter dès que j'avais des questions. Le procureur m'a souligné qu'ils mettraient tout en oeuvre pour que l'affaire se termine le mieux possible. Dès qu'il aura des nouvelles, il m'en informera. Ces contacts directs devraient exister pour tous le monde »

En permanence sur le qui-vive, Paul Marchal paraît plus confiant.
« Mon espoir est qu'elles aient été vendues à un réseau et qu'elles soient quelque part...Depuis un an, j'ai toujours pensé qu'elles étaient vivantes. Je suis heureux d'avoir toujours cet espoir aujourd'hui. »


Sans nous vanter bien sûr, je pense que c'est grâce aux critiques des familles Lejeune, Russo et Marchal que l'on a retrouvé Laetitia et Sabine.

Quand Ann et Eefje ont disparu, nous avions des preuves réelles qu'il ne s'agissait pas d'une fugue. Pourtant, les recherches n'ont commencé que dix jours plus tard, le délai habituel. On sait pourtant que tout se joue dans les premières 24 heures.

Lors de la disparition de Laetitia, les recherches ont démarré tout de suite. Toutes ces critiques n'ont pas servi à rien, c'est positif

Paul Marchal s'est emporté plusieurs fois contre la machine judiciaire.
« Il y a deux jours, j'ai donné une interview où j'ai fait remarquer que les auteurs de ces crimes bénéficiaient d'un soutien psychologique, pas les victimes. Le lendemain, on m'appelait pour me proposer l'aide d'un psychologue dès que je le souhaitais! Je ne comprends pas non plus la remise en liberté de cet homme, Dutroux. »

Ils sont devenus amis avec les parents liégeois

Entre le Nord et le Sud du pays, il n'y a pas de frontières dans la douleur.
«J'ai parlé hier avec Gino et Jean-Denis. Nous nous sommes rencontrés quelques fois, à Noël, lors de l'anniversaire de Mélissa, pour des conférences de presse communes...
Mais nous nous sommes toujours beaucoup entendus au téléphone. Nous sommes devenus des amis. »


A l'image des parents de Julie et Mélissa, ils n'ont jamais relâché la pression.
« En février dernier, nous étions en Espagne pour participer à une émission, du genre de Perdu de vue en France. Nous nous sommes aussi rendus fin juin à Paris pour préparer l'émission de Jacques Pradel. Elle était programmée pour la rentrée en septembre. Maintenant, on verra...


Tout au long de l'après-midi, les rumeurs les plus folles ont couru. Betty Marchal avait pris l'avion pour l'Espagne, où les deux jeunes filles avaient été repérées, en Tchéquie...

Les frères de 12 et 14 ans d'An sont à la piscine. Sa soeur de 16 ans va et vient, allume la télé... La famille Marchal continue de vivre cette interminable attente comme elle peut.

Caroline Geskens
Ph. Bernard Demoulin

Perquisitions chez un 5ème suspect, un hollandais


Perquisitions chez un 5ème suspect, un hollandais

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 10

Casper Flier, qui réside à Schaerbeek, pourrait être le trait d'union entre la bande à Dutroux et Nihoul, l'escroc bruxellois

Du neuf dans l'enquête.Hier matin, vers 10 h, un Hollandais de 56 ans, Casper Flier, domicilié à Schaerbeek, a été interpellé par la brigade nationale de la police judiciaire, 23e brigade, et a été très longuement entendu.

Dans l'après-midi, une quinzaine de membres de la 23ème brigade perquisitionnaient en sa compagnie dans l'une de ses résidences, à Hastière, Dinant , ainsi qu'à deux adresses à Bruxelles. On ignore si ces perquisitions ont été fructueuses: on sait seulement que les enquêteurs sont ressortis en tenant des sacs gris et une caisse de cassettes vidéo.
On ignore aussi si le quinquagénaire a fait des déclarations. Il devait être mis hier soir à disposition du juge Connerotte. On ignorait s'il allait être inculpé et arrêté.

Ce qu'on sait, par contre, c'est que Casper Flier peut faire le lien entre deux entités apparemment contradictoires de la bande, Marc Dutroux, sa femme et Michel Lelièvre, d'une part, et «Jean-Michel» Nihoul et son amie, l'ex-avocate Anne Bouty, libérée, d'autre part.

Casper Flier, un Hollandais né à Utrecht le 22 mars 1938 et domicilié à Schaerbeek, est un repris de justice: déjà condamné, notamment, pour des faits de stupéfiants, il avait été codétenu avec... Michel Lelièvre !

Flier est surtout un proche de Nihoul et un « intime » d'Anne Bouty dont il a fréquenté régulièrement l'appartement, un magnifique duplex, 99, avenue Henri Jaspar, à St-Gilles. C'est dans ce même immeuble, perquisitionné à plusieurs reprises ces derniers fours, qu'habite Jean-Michel Nihoul, arrêté la semaine passée dans ce terrible dossier.
Michel, qui se fait appeler «Jean-Michel». Nihoul est né à Verviers le 23 avril 1941. Renseigné comme «expert», il a été marié mais vit seul depuis le 8 décembre 1975.
Escroc notoire, il a déjà été condamné par le tribunal et, ayant perdu ses droits politiques, n'était redevenu électeur que le 24 avril dernier.

Le 23 octobre prochain, d'ailleurs, il comparaîtra devant la 49e chambre correctionnelle de Bruxelles pour y répondre d'une escroquerie à la charité
(« S.O.S.Sahel ») qui lui rapporta 100 millions, au préjudice de 13.000 donateurs.

Cette ASBL était installée officiellement 124, rue des Atrébates, à Etterbeek. Mais selon des informations dignes de foi, et actées sur procès-verbal, cette, maison ne servait pas qu'à recueillir des dons. Elle était aussi le théâtre de soirées «fines » (entre adultes consentants semble t’il).
Une « boîte» un peu particulière qu'aurait gérée Michel Nihoul, lequel remettait des clés aux «clients» intéressés.


Nihoul fut également «producteur» de jeunes talents, en général des jeunes femmes, voire des jeunes filles qui voulaient se lancer dans la chanson.
Il n'est pas exclu que l'une ou l'autre ait payé très cher un bout d'essai... rue des Atrébates
.

Depuis lors, le « fond de roulement » de cette société avait été cédé à une prénommée Dolorès, qui gérait un club de la rue du Germoir, à Ixelles. Mais Nihoul était resté proche de «ses» clients: par l'intermédiaire d'une société d'import-export de poisson (rue de Moorslede à Laeken) qu'il gérait, il fournissait le club en huîtres tous les vendredis.

C'est toute cette nébuleuse de sociétés que la 23e brigade tente de mettre au jour. Car chez les enquêteurs, on n'est pas loin de penser que Nihoul et ses complices bruxellois assuraient la «logistique» d'un réseau belge de prostitution enfantine, à destination peut-être de la Tchéquie ou de l'Allemagne.
Les policiers n'excluent pas que les fréquents voyages de la bande à l'étranger servent à acheminer des mineurs belges « échangés » contre d'autres étrangers et ramenés en Belgique.
Dans cette hypothèse, Dutroux et ses amis se chargeaient du sale travail et « se gardaient » parfois des filles.

Les enquêteurs rassemblent pour l'instant divers éléments à charge de Nihoul et de ses amis: tous nient. Parmi ces éléments, la rencontre à demi avortée à Bruxelles, le samedi suivant l'enlèvement de Laetitia, de Nihoul, Dutroux et Lelièvre.

L'enquête dira pour quelle raison ils devaient se voir. L'enquête devra dire aussi si les « relations » de Nihoul, des hommes politiques bruxellois, des avocats, etc., sont susceptibles d'aider les enquêteurs à y voir plus clair.

Philippe Crêteur

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Selon un voisin,Casper Flier aurait hébergé Lelièvre
« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 10

La perquisition à la résidence de Casper Flier, à Hastière, s'est effectuée dans la discrétion, hier après-midi.
Seuls quelques voisins, intrigués par la présence d'un combi de la gendarmerie, sont venus aux nouvelles. L'allée de l'Air pur est située dans le domaine Eden Haute Meuse, un lotissement de bungalows et caravanes résidentielles sur les hauteurs d'Hastière.

Les maisons sont souvent protégées par une verdure abondante ; c'est le cas notamment du chalet que loue Casper Filer au numéro 17. Un chalet qui, selon les gens du voisinage, serait la propriété des habitants du numéro 15.

Le Hollandais, interpellé dans le courant de la matinée, a été ramené sur place en début d'après midi,hier, pour une perquisition rondement menée: les enquêteurs ont notamment emporté, on le sait, des grands sacs poubelles. Selon une amie de Casper Flier qui se trouvait là et qui assurait tout ignorer du mobile de cette perquisition, ils pourraient contenir, entre autres, des vêtements qu'elle dit appartenir au frère de Filer.

Quelques curieux, intrigués par la présence d'un véhicule de la gendarmerie. sont venus voir ce qui se passait. D'après eux, l'homme du numéro 17 est un voisin calme, « comme les autres», plutôt aimable et très lié avec une famille du domaine, à tel point que certains croyaient qu'il s'agissait d'un neveu du Hollandais.

Pour le reste, ils signalaient aussi assez bien d'allées et venues de véhicules, «mais sans plus».
Une personne cependant était plus précise, hissant entendre que Filer aurait reçu régulièrement en soirée, voire la nuit, la visite de jeunes personnes, garçons et filles. Mais d'autres ajoutent qu'il pourrait s'agir de membres de sa famille, une famille toujours installée aux Pays-Bas, selon l'amie de Flier.

D'une autre source, plutôt catégorique celle-là, on a appris que Michel Lelièvre, compagnon de détention du Hollandais, aurait séjourné avec lui à l'ailée de l'Air pur, durant plusieurs mois, il y a une bonne année environ.
A la suite de quoi Lelièvre aurait loué une caravane quelques rues plus haut, allée des Coquelicots. II aurait ensuite quitté cette caravane qui a d'ailleurs été relouée depuis.

Pendant la perquisition, les enquêteurs ont également pris quelques renseignements concernant une chape rectangulaire de béton barrant la pelouse de la propriété : ils ont aussi soulevé un paillasson pour observer une dalle semblant couvrir un puits ou une fosse septique. A 16 h 15, leur visite terminée, ils repartaient en emmenant Casper Flier.

Françoise ORY


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Plus de "guerre des polices"

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 10

Cette fois, l’enquête est menée en parfaite collaboration

On pouvait l'espérer mais ce n'était pas gagné d'avance. L'enquête dirigée par le juge Connerotte est menée à la fois par la gendarmerie (qui est titulaire du dossier) et par la police judiciaire qui, pour la première fois depuis très longtemps, travaillent en parfaite collaboration.

Depuis la première perquisition, mardi 13 août, un centre de crise a été installé à la gendarmerie de Charleroi et, à la demande du commissaire général de la PJ, Christian De Vroom, deux membres de la brigade nationale, Raymond Drisket et Eddy Suys, ont été désignés « coordinateur national » pour la PJ.
Ils sont chargés, au centre de crise et à Bruxelles, d'assurer la coordination entre les 23 brigades de police judiciaire, les laboratoires régionaux de la PJ et l'Institut national de criminalistique. Ils sont chargés parallèlement d'être le contact de liaison avec la gendarmerie.
Cette coordination des actions policières, mise au point dans un souci d'efficacité, dispose bien sur d'une permanence 24 h sur 24.

C'est le procureur du roi de Neufchâteau, M. Bourlet, et le juge Connerotte qui ont procédé à la répartition des tâches entre les deux services de police : la PJ est chargée de l'ensemble des devoirs relatifs aux constatations techniques, scientifiques et criminalistiques de l'enquête.

Depuis mardi, tous les laboratoires de police judiciaire sont en état d'alerte : leur action est coordonnée par MM. Jadin et Stevaux (laboratoires de Charleroi et de Mons). M. Stevaux est sur le terrain, tandis que M. Jadin est de permanence au centre de crise.

Concrètement, lors des dramatiques fouilles de Sars-la Buissière, pas moins de 25 opérateurs de laboratoire travaillaient ensemble sur le terrain. Une mobilisation exceptionnelle (de mémoire de policier, c'est du jamais vu) à la hauteur de l'enjeu. C'est de leur travail que dépendra une bonne partie de l'enquête.

Dès les premières arrestations, aussi, les autorités judiciaires de Neufchâteau ont décidé de «travailler sur le client » : la gendarmerie « travaillera » dorénavant sur Dutroux et Lelievre, la PJ d'Arlon et de Namur travaillera sur Martin, la 23e brigade étant chargée de Nihoul et consorts.

Toutes ces recherches sont bien sûr analysées régulièrement: hier matin et durant toute la matinée une importante réunion de coordination a eu lieu entre tous les services, sous la direction de MM.Bourlet et Connerotte. Il s'agissait notamment de confronter les dépositions de chacun des suspects.

Des policiers heureux au moins d'une chose, au travers de toutes ces horreurs : « Les volontaires ne manquent pas ils viennent de tout le pays. Et même s'ils sont harassés, ils ne demandent qu'à travailler. »

Philippe Crêteur

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L’épouse de Dutroux reste en prison

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 10

Le mandat d'arrêt de Michèle Martin a été confirmé par une chambre du conseil secrète

Hier, la chambre du conseil de Neufchâteau devait se pencher sur l'éventuelle prolongation du mandat d'arrêt décerné par le juge d'instruction Jean Marc Connerotte à charge de Michèle Martin, 36 ans, l'épouse de Marc Dutroux. Inculpée de complicité de séquestration et d'enlèvement de mineurs d'âge, elle n'a, semble-t-il, pas changé sa position d'un iota: elle se dit toujours innocente, une version qu'accréditerait Marc Dutroux, argumentant que le couple vit séparé depuis des mois.

Il n'empêche, le mandat d'arrêt de Michèle Martin a été confirmé. A tout le moins, le parquet semble considérer qu'elle ne pouvait ignorer tout des agissements ignobles de son mari.
A cet égard, le passé de Michèle Martin ne plaide guère en sa faveur: faut-il rappeler que, en avril 89, elle prenait cinq ans de prison, aux côtés de Dutroux, qui écopait de 13 ans (on sait que, hélas, il ne les fit pas!), devant la cour d'appel de Mons, dans un dossier, déjà, de séquestrations et de viols...

Rien au palais
Chambre du conseil il y eut donc bien, comme prévu. Mais pas au palais de justice de Neufchâteau. On sait que le procureur Bourlet avait averti qu'il se réservait la possibilité de tenir ces séances en un autre endroit, discret, afin d'éviter de nouveaux débordements et manifestations d'une foule prête au lynchage des inculpés. De fait, hier après midi, les nombreux curieux, manifestants potentiels (certains étaient là depuis 8 h du matin) et journalistes n'ont rien eu à voir, si ce n'est des drapeaux mis en berne aux abords du palais.
La chambre a eu lieu à l'écart, à 13 h 30, « quelque part dans l'arrondissement judiciaire de Neufchâteau », dans un lieu tenu secret, pour des raisons d'ordre public et de sérénité d'autant plus compréhensibles que, aujourd'hui, ce sera au tour de Jean-Michel Nihoul, le Bruxellois du dossier, d'y comparaître...

Contact avec les familles Marchal et Lambrechts
Par ailleurs, hier, l'ensemble des enquêteurs travaillant sur les dossiers de disparitions se sont retrouvés à Neufchâteau, pour une indispensable réunion de coordination.
Peu de choses ont filtré sur ce briefing de travail. Mais on sait que, très rapidement, chaque arrondissement judiciaire concerné devrait communiquer ses dossiers et se dessaisir au profit de
Neufchâteau.

Sur le terrain, les perquisitions et fouilles mécaniques qui se poursuivaient à cadence soutenue allaient-elles amener au bout de la piste Ann et Eefje ? En tout cas, le discours, de source judiciaire à Neufchâteau, restait hier après midi empreint d'optimisme mesuré:
«Nous espérons toujours retrouver les deux jeunes filles vivantes»... Peut être, d'ailleurs, pour des raisons totalement étrangères aux manoeuvres à grand renfort d'engins de chantier...
Les familles Marchal et Lambrechts ont en tout cas été mises en contact, hier, avec le procureur du Roi de Neufchâteau, Michel Bourlet.

A.D. et M.P.

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Une action «cartes postales» au ministre de la Justice

« La Meuse » du mardi 20 août 1996 page 2

POUR avoir déjà rencontré des petites victimes, Véronique Naveau et Nathalie Werpin, deux
Amaytoises, se sentent fort concernées par le problème de la pédophilie. En 1994, elles avaient déjà lancé une pétition réclamant des peines plus lourdes et un suivi médical et psychologique des pédophiles.
Grâce à cette première pétition, elles avaient recueilli 70.000 signatures. La semaine dernière, les deux Amaytoises ont rencontré les parents de Mélissa Russo. Elles leur avaient alors proposé de mettre en place une action afin d'inciter le ministre de la Justice à durcir les lois à l'égard des pédophiles.
Les parents de la petite Mélissa s'étaient dits tout à fait favorables à cette initiative.
Après le terrible drame de Sars-la-Buissière, Mmes Werpin et Naveau se disent d'autant plus déterminées à poursuivre leur action. Voici leur message : « Nous en avons assez que la justice ne considère pas la sécurité de nos enfants comme une priorité. Nous en avons assez de retrouver dans nos rues, après trop peu de temps, les criminels qui ont blessé ou tué nos enfants. Nous en avons assez de voir les forces de police et de gendarmerie se démener pour arrêter ces monstres et qu'ensuite la loi libère ces derniers sans aucune crainte des récidives.»

Nous voulons que notre gouvernement change tout cela.»Nous voulons des peines plus lourdes. Des peines incompressibles. Des suivis judiciaires et psychologiques sévères et stricts. Des centres médicaux adaptés avec des médecins spécialisés qui seront à même de donner des diagnostics réels sur l'état mental de ces dangereux individus. »

Véronique Werpin et Nathalie Naveau proposent aux personnes qui se sentent concernées par le problème d'envoyer des cartes postales portant la mention « Pour nos enfants ». « Ce petit message indiquera que les personnes qui ont signé la carte sont d'accord avec nos revendications», a déclaré Mme Werpin.

Mmes Werpin et Naveau précisent que cette action est parallèle et non concurrentielle aux pétitions déjà proposées par l'ASBL « Marc et Corine » notamment.
Toutes les cartes postales seront ensuite transmises au ministère de la Justice « avec l'espoir, qu’enfin, la voix et le chagrin d'un peuple soient entendus », concluent Mmes Naveau et Werpin.

A.B.
Les cartes postales peuvent être envoyées chez Nathalie Werpin, 8, clos des Wallons
4540 à Amay (085/31.61.88) ou chez Véronique Naveau, 11, rue de la Sablière 4540 Amay
(085/31.67.44).

Le Rendez vous silencieux



Le Rendez vous silencieux

« UNE » de « La Meuse » du mardi 20 août 1996

Les mamans de Julie et Mélissa ont passé de longs moments, hier, assises près des cercueils blancs des leurs petites filles assassinées (La photo de M.Crahay : Carine Russo, maman de Mélissa )

Dignité, recueillement : Un dernier rendez-vous d’amour avant le grand adieu ; une toute petite musique qui frémit au bord du cœur ; et puis, doucement, le silence qui se referme sur la douleur.

Julie et Mélissa seront enterrées, côte à côte, au cimetière de Hollogne. On pensait, hier soir, que les funérailles auraient lieu jeudi matin

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