mardi 3 juin 2008

Criminelle incompétence


Criminelle incompétence

« La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996 page 4

BRUXELLES - Nos confrères de RTL-TVi ont versé, hier soir, une terrible pièce de plus au dossier Julie et Melissa, un document accablant qui démontre que les forces de l'ordre étaient au courant des horribles projets de Marc Dutroux depuis fin 1993, soit près de deux années avant la disparition des deux fillettes de Grâce-Hollogne !
Pis encore : quinze jours après l'enlèvement, un document confidentiel, dressé par des enquêteurs qui avaient surveillé Marc Dutroux à sa sortie de prison, a été adressé r information aux enquêteurs liégeois. Ce document relate ces faits de fin 1993.

Extrait : « Il nous avait été signalé que l'intéressé (Dutroux) était occupé à faire des travaux dans les caves d'une de ses maisons de Charleroi (...) dans le but d'y loger des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger (...). Aucune trace de présence d'enfants n'a été relevée. L'intéressé a été entendu verbalement sur le but des travaux, il a déclaré qu'il aménageait ses caves, sans plus. Les travaux étaient à leurs débuts. »
Dès cet instant, les premiers enquêteurs, non identifiés, communiquent une liste des 6 adresses des maisons de Dutroux et font remarquer que « l'intéressé a fait un long séjour en prison suite à une condamnation pour des viols sur des enfants qu'il enlevait avec son épouse. »
Une seconde note atterrit sur le bureau des enquêteurs liégeois, début août 95. Elle stipule que Dutroux a contacté, fin 94, une tierce personne en lui proposant de participer à des rapts d'enfants.
Dans la même note, on signale qu'une autre source a raconté comment Dutroux s'y prenait : « Il suffit de les tenir avec une main sur la bouche. Une fois dans la voiture, elles ne peuvent partir car la sécurité enfant est placée. (..) Le prix (donné pour les filles enlevées) varie entre 100.000 et 150.000 francs. »
Le document révèle déjà le nom d'un possible complice Michael Diakostravianos. C'est cet homme qui a été interpellé vendredi dernier, puis relâché...
Si ces documents ont bien été transmis à Liège comme l'affirme RTL-TVi, les enquêteurs étaient donc au courant de la personnalité de Dutroux et de ses curieux préparatifs. Une perquisition a effectivement été menée dès août 95 chez Dutroux. Mais elle n'a pas permis de retrouver les deux filles.
Les enquêteurs savaient que Dutroux était suspecté d'avoir aménagé ses caves pour y cacher des enfants. Pourquoi n'a-t-on pas alors utilisé des moyens plus poussés lors de cette perquisition ?

Plaintes d'enfants


Pour sa part, l'avocat des familles Russo et Lejeune, Victor Hissel a déclaré à RTL-TVi que, selon ses informations non confirmées officiellement, les enquêteurs chargés d'une autre perquisition chez Dutroux, en décembre 1995 dans le cadre d'une affaire de vols de véhicules, auraient entendu des « plaintes d'enfants » mais n'y auraient pas prêté attention, puisque le but de la perquisition visait un autre dossier. Incroyable...
Pour rappel, Stefaan De Clerck a chargé le procureur général de Liège de lui faire rapport sur la manière dont l'enquête menée à Liège. Le procureur ne pourra pas ne pas aborder ces fameuses notes.
D'autres confrères avançaient également mardi qu'un détenu de la prison de Louvain avait tenté d'échanger sa libération contre des informations menant à des auteurs d'enlèvement, prétendant avoir reconnu Julie et Melissa dans un album de photos pédophiles.
Le parquet de Louvain et le parquet de la cour d'appel de Bruxelles se sont opposés à ce marché.
Le détenu est resté en prison, sans que l'on sache aujourd'hui s'il disait la vérité...

B. F.

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J’ai engendré un monstre

« La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996

BRUXELLES - Mais qui sont les parents de Marc Dutroux, le pervers de Sars-la-Buissière ?
Son père, Victor Dutroux, habite aujourd'hui dans une maison à la limite du taudis à Gand.

Voici 10 ans qu'il vit là, reclus, sans téléphone, ni même télévision.
Une voisine de Victor Dutroux confiait au micro de nos confrères de Bel-RTL : « l'ai toujours eu une aversion physique pour cet homme ». Et la dame de poursuivre qu'elle se méfie comme de la peste de Victor Dutroux, qui déshabille toujours les jeunes femmes du regard ».
Des années durant, le père Dutroux emmenait sa famille en vacances au camping De Tourist à Wilskerke, près de Middelkerke.
La famille Dutroux, et tout particulièrement Victor, a laissé un mauvais souvenir à la propriétaire.

Dans les colonnes du quotidien Het Laatste Nieuws, cette dernière commentait les moeurs plutôt dissolues du locataire du chalet 169: « Son chalet était d'une saleté repoussante. Mais ce n'est pas le plus grave. Le camping était devenu un lieu de rencontres sexuelles.
Chaque fois qu'il séjournait ici, il était accompagné d'une jeune femme différente». Et selon la propriétaire du camping, ces dernières semblaient parfois fort jeunes...

Homme à femmes


Un voisin du chalet 169 se rappelle : « Victor Dutroux et son épouse étaient tous les deux instituteurs. Ils étaient revenus du Congo belge en 1960 et enseignaient à l'école communale de
Roux, près de Charleroi. Marc était l'aîné des cinq enfants du couple.
Nous n'avons jamais eu à nous plaindre de lui. C'était un garçon calme, au caractère renfermé. Il a séjourné ici entre ses 12 et 17 ans ».
Selon le même témoin, les choses auraient vraiment dégénéré dans la famille Dutroux lorsque le père Victor a perdu son emploi d'enseignant en raison de ses multiples frasques sexuelles.
Sa femme le quittait peu après. A partir de ce moment-là, il n'a pas cessé de ramener ses conquêtes féminines au camping. « Une fois, j'ai entendu une femme crier au secours au milieu de la nuit», poursuit-il.
Quant à la mère de Marc Dutroux, elle s'est remariée. Elle a rompu tout contact avec son fils après sa condamnation. En 1992, après sa libération de prison, Marc Dutroux l'a néanmoins revue, mais ils se sont disputes à propos de la maison de la grand-mère qui venait de décéder.
Dans le genre tragédie familiale: un frère de Marc Dutroux s'est suicidé.
Concernant les faits horribles reprochés aujourd'hui à son fils, elle préfère garder le silence et se contente de cette terrible sentence de la part d'une mère : « Je suis honteuse d'avoir engendré un monstre pareil »

D. Ste.
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Nihoul , as des faillites

« La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996

BRUXELLES - Le moins que l'on puisse dire est que Michel Nihoul (qui se faisait appeler Jean-Michel) n'était pas un champion des affaires. Trait commun? Il a accumulé faillite sur faillite. Il ne laissait visiblement pas tomber les bras puisque, en mai dernier, il repartait de plus belle avec une affaire en nom propre (TVA : 561.633.760, sous l'intitulé « autres services aux personnes», rue Jaspar à Saint Gilles).
Autre constante : l'homme a toujours choisi des associés qui avaient, eux aussi, tendance à tomber en déconfiture...

- Bio Plantai est sa première société à tomber dans la dèche, le 14 avril 1982. Vague spécialité l'étude de marché.

- Bio Clinic Corporation International au nom également pompeux tombe en faillite deux mois plus tard.

-Les Éditions Michel Deligne (BD) n'apporteront pas plus de chance à Nihoul : faillite sur aveu le 23 septembre 1986. Selon nos informations, on retrouverait dans cette société des capitaux zaïrois d'un certain Musube W.-M. Dont le nom n'apparaît nulle part. Ce riche Zaïrois aurait été présenté à Nihoul par l'intermédiaire de l'avocate Annie Bouty. Un bon observateur de la gestion de la société décrit Nihoul comme un individu absolument inconséquent dont le seul souci était de se sucrer au maximum.

-J.M. Nihoul & Associates, spécialisée dans l'étude de marché également, fait faillite en janvier
1989. En fait d'associé, JM. Nihoul n'en avait aucun dans cette affaire où seul son nom apparaît...

- DCN (La Maison des Chefs) à Jette tombera en faillite en 1992. On y trouve déjà Marleen De Cokere qui fut auparavant impliquée dans trois autres faillites: Interrestho, DCN, DCN Benelux ! Et un autre que l'on retrouvera plus loin : Jean-Claude Castaigne...

-Achats Services Commerces (Asco) dont Nihoul était le fondé de pouvoir terminera aussi en faillite, en 1995. On retrouve encore un de ses associés, Jean-Louis Delamotte, qui était présent dans DCN Benelux également tombée en faillite en 1992. Nihoul savait décidément s'entourer.

Un autre associé, Michel Forgent, a dû liquider ses sociétés Mido, MFO Organisation et on le retrouve aussi dans DCN Benelux. La troisième associée est Marleen De Cokere.
Activité de Asco ? Le commerce en gros de véhicules automobiles.

Serait-ce par ce biais que Nihoul aurait rencontré Dutroux, qui chipotait aussi dans les voitures de seconde main (comme l'indique son inscription à la TVA, jusqu'en 1991).
Enfin, la société Euromar, à laquelle le nom de Nihoul a été associé par le passé, est désormais entre les mains d'administrateurs qui n'ont rien à voir, de près ou de loin, avec ce triste personnage.

Didier Hamann


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Nos lecteurs révoltés

« La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996 page 4


BRUXELLES - De tout le pays, les réactions continuent à nous parvenir, après le drame qui a endeuillé la Belgique entière. Des réactions mêlant un profond sentiment de révolte, une colère larvée, mais aussi beaucoup de tristesse. Certains veulent faire quelque chose, suggèrent des affichettes de protestation contre la libération de monstres tels Dutroux et ses comparses, de nouvelles pétitions voire pour réclamer le rétablissement de la peine de mort), des récoltes de fonds pour aider les parents ou encore une journée de deuil national... D'autres expriment, par écrit ou par téléphone, et par centaines (La Dernière Heure / Les Sports a ouvert un numéro spécial pour recueillir vos réactions jusqu'à ce mercredi minuit: le 090Q/20770) une unanime émotion.

M. Dubuisson, de Maulde : « Je ne veux pas parler de haine et de vengeance, ni condamner nos hauts responsables - qui portent pourtant une fameuse responsabilité. Un fait m'a particulièrement choqué : les autorités refusent aux parents de voir les dépouilles de leurs enfants : de quel droit?
Se rendent-elles compte qu'elles infligent ainsi une peine plus profonde aux familles

Dormez en paix...
M. Wouters, de Bruxelles s'interroge: «A quand la justice devant ses juges ? Ce n'est pas la première fois que le laxisme judiciaire mène au drame! Dormez en paix messieurs les juges, magistrats, ministres... Nous, le petit peuple, on à peur »

Patrick Vanstryp, de Marcinelle s'adresse lui aux gardiens et détenus des prisons belges: « Unissez vous!
Vous qui avez la triste obligation de côtoyer les individus qui ont séquestré ces enfants, pourquoi n'appliqueriez-vous pas une sanction exemplaire que la justice de notre pays semble éviter ? »

Guillaume Olivier, de Battice s'est rendu avec son épouse et son petit garçon à Grâce-Hollogne
« Notre coeur n'était pas assez gros pour contenir la douleur, la colère et la révolte. Comment peut-on encore avoir confiance dans une justice qui, par son fonctionnement inadapté et sectaire, punit les victimes et non les meurtriers? Les citoyens de notre pays doivent s'unir au travers du combat des parents de Julie et Me lissa pour que ces décideurs soient rendus responsables de leurs actes ».

Jean-Pierre Bonaposta, de Vilvorde fustige quant à lui la curiosité malsaine de certaines personnes et pointe du doigt des « voisins irréfléchis qui regardent un homme dont ils connaissent les antécédent creuser des trous et bétonner comme un maniaque durant la nuit dans des maisons aux fenêtres constamment occultées Ils se contentent de trouver cela bizarre et se rendorment bien qu'ils savent que depuis un certain les enfants ont tendance à se volatiliser dans la nature ».

Guy Declercq, de Gand, le rejoint: « Comment cela se fait-il que Dutroux n'ait subi aucun contrôle accru des autorités alors que, chômeur il menait un train de vie manifestement au-dessus de ses moyens et qu'il possédait de nombreuses propriétés. Ne s'est on jamais interrogé sur l'origine de ces revenus ?

Alain Bodart, de Dinant abonde dans ce sens : « Etait-ce bien raisonnable de laisser Dutroux sous le seul contrôle d'une assistante sociale ? »

Bernard Saulmon, de Bruxelles « Les enquêteur ont cherché des fillettes comme des fonctionnaires, non avec le coeur d'un père : il aurait peut-être été utile qu'ils soient accompagnés des parents, dont les enfants auraient reconnu la voix » .

Opinion dure que celle de Huguette Bosquin, de Spa, qui préconise la castration chirurgicale pour les violeurs d'enfants.

Claudine Calin, d'Uccle, estime également que les pédophiles sont incurables et plaide pour une castration chimique sous contrôle serré après la prison.

Patrick Tonoir, de Bruxelles, s'étonne lui de ne pas encore avoir vu le Roi aux côtés des familles éprouvées. «Il doit intervenir et prendre de son initiative une décision d'importance pour que cela ne se reproduise plus jamais ».

Claudine Debuck, d'Etaimpuis,suggère enfin que, comme aux Etats-Unis, un pédophile ou un violeur une fois relâché, soit signalé au voisinage, pour surveillance.

Tandis que Mme Wattiez, de Waulsort propose, vu la surpopulation des frisons, de rouvrir les mines et d'y faire travailler les détenus : « Une partie des revenus de leur travail irait aux familles des victimes ».
En vrac, d'autres lecteurs suggèrent l'édition d'un journal souvenir, et la création, par les parents de Julie et Melissa, d'une association qui viendrait en aide à tous ces enfants victimes des pédophiles, dans le monde entier.

La Fondation Nathalie, présidée par une jeune femme victime d'inceste, propose d'observer, à travers le pays, un arrêt de travail de cinq minutes le jour des funérailles de Julie et Melissa

La ligue des Droits de l'Enfant, dans un communiqué, explique pour sa part qu'elle a suivi avec consternation les développements de l'enquête. « L'horreur des faits confirme de la façon la plus tragique ce que nous dénonçons depuis plusieurs années : l'inadéquation de la réponse sociale aux phénomènes liés à la pédophilie. Nos revendications en la matière vont notamment dans le sens de la création d'un registre des infractions sexuelles contre les enfants, impliquant la création d'un album photos spécifique des auteurs; de la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement social au caractère d'exception; de l'utilisation de techniques policières modernes...
Dans l'affaire Dutroux, la Ligue s'interroge enfin spécifiquement quant aux mesures d'accompagnement prises à l'égard des enfants victimes ».

N. f.

Les enquêteurs y croient plus que jamais


Les enquêteurs y croient plus que jamais

« La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996 page 3

La localisation d'An et Eefje est devenu la priorité des enquêteurs qui se montrent discrets quant à la direction prise par leurs investigations. 11 se confirme cependant que /a piste des pays de l'Est est privilégiée.

NEUFCHÂTEAU - «Non, nous n'avons pas encore retrouvé An Marcha! et Eefje Lambrecks, disparues à Ostende le 22 août 1995 à Ostende. Non, nous ne les avons toujours pas localisées. Mais, par contre, l'espoir de les retrouver vivantes subsiste plus que jamais.

Tel est le message qu'a tenu à faire passer le procureur Michel Bourlet, hier soir, à la presse belge et internationale, au palais de justice de Neufchâteau. Dans la foulée, M. Bourlet demandait à tout un chacun, jusque dans l'univers carcéral, de conserver sérénité et dignité, à l'image a de l'attitude admirable des familles des victimes ».

Les remerciements du ministre


Ce faisant, M. Bourlet a tenu à mettre en garde contre des rumeurs trop optimistes, alimentées, semble-t-il, par Interpol elle même. En tout cas, le message était clair. Il était adressé aux
«Plus hautes autorités d'interpol »qui avaient multiplié, il est vrai, les annonces sur les antennes télévisées. Interpol a expliqué avoir été contacté dans plusieurs états de l'Est européen pour se mettre enquête des jeunes Flamandes. Enquêtes qui se poursuivent toujours du reste...
Hier, le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, accompagné du magistrat national M. Van Doren, s'est rendu, dans l'après-midi au district de Neufchâteau. « Voor het werk », dira-t-il devant la meute des journalistes qui l'attendaient à sa sortie. Mais aussi, ajoutera plus tard le procureur, « pour remercier et encourager les enquêteurs pour leur travail ». Le ministre a également eu une très longue discussion, « de travail » sans doute, avec le président du tribunal, Francis Moinet.

Une libération, une confirmation


Depuis plusieurs jours, les enquêteurs ont mis en place une importante structure de travail et de coordination reposant sur l'ensemble des services. « Le ministre a promis des moyens complémentaires en hommes et en matériel ».

Un magistrat devrait débarquer de Liège Un second juge d'instruction sera également désigné pour les dossiers courants. Car le juge Connerotte outre l’enquête sur les enlèvements, planche sur un autre dossier capital, celui du GIA, la mouvance armée islamiste.

En matinée, la chambre du conseil a confirmé, comme il fallait s'en douter, le maintien en détention de Jean-Michel Nihoul, l'agent immobilier bruxellois. Son avocat, M° Declétv, a interjeté appel. Pour lui, la détention ne repose que sur des banalités. Certes, Nihoul admet-il connaître Dutroux depuis un an et demi environ. Il admet l'avoir rencontré quelques fois. En substance, l'avocat explique que Dutroux devait 20.000F à son client. Incapable de rembourser, celui-ci a proposé un marché: on laisse tomber l'ardoise et


Dutroux réparait et assurait le passage d'une voiture de J.-M. Nihoul devant le contrôle technique.
Peu après s'être occupé du cas Nihoul, le juge d'instruction remettait en liberté Casper Slier, un Hollandais de Schaerbeek, qui possède une seconde résidence à Hastière.

Le procureur a enfin confirmé que les arrondissements judiciaires de Liège (pour les enlèvements et meurtres de Julie et Melissa) et de Bruges (pour les enlèvements de Eefje et An) se dessaisiraient cette semaine encore au profit du juge Connerotte

Gilbert Dupont


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Le ministre chez les parents d’An et Eefje

« La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996

HASSELT - « Nous avons pu dire ce que nous avions sur le cœur depuis un an. Et ça faisait beaucoup. Nous nous demandions comment le ministre réagirait. Nous avons été surpris de constater que Stefaan De Clerck partageait nos critiques. Mieux, il nous a même demandé de continuer de dénoncer ce qui ne fonctionnait pas.

Nous avons parlé de Julie et Melissa ainsi que de la douleur des parents. Le ministre partageait notre avis quand nous lui avons dit que les critiques formulées pendant des mois à liège par les familles Russo et Lejeune avaient contribué à sauver Sabine et Laetitia. Ce sont ces critiques qui ont amené le parquet de Neufchâteau à réagir vite et fort après la disparition de Laetitia. An et Eefje n'ont pas eu cette chance. A l'époque,on nous a dit pendant dix jours de ne pas nous inquiéter, nos enfants ayant sans doute fugué...
Le ministre est monté d'un cran dans l'estime des parents. Stefaan De Clerck leur a rendu visite une heure durant. Ils se sont parlés à coeur ouvert. Dans un esprit constructif. Depuis le matin, les rumeurs les plus folles circulaient à Hasselt; elles ont fait naître de faux espoirs. La plus tenace voulait qu'Eefje avait été retrouvée vivante en Slovaquie - ou Slovénie - mais que le parquet réclamait le black out, le temps de récupérer An.

Bière et café noir


En annonçant qu'il rendrait visite aux deux familles, Stefaan De Clerck allait relancer les spéculations. Les parents, eux, gardaient la tête froide. Leur attente pourtant fut terrible. Fidèles à la politique qu'ils se sont fixés depuis le début - faire un maximum de bruit autour de la disparition d'An et Eefje pour empêcher l'affaire de sombrer dans l'oubli et forcer les pouvoirs publics à remuer ciel et terre - les parents continuaient d'accorder des interviews. Les télés accourent de partout. De France avec TF1 et France 2, de Suisse, de Norvège.
A 17 h, le ministre de la Justice et son chef de cabinet arrivent au domicile des Marchal.

Accroché à l'antenne, un crêpe noir. Le ministre, ou plutôt sa voiture de fonction, porte le deuil de Julie et Melissa.
Le ministre est souriant. L'entretien dure. Le ministre et le père d'An boivent des bières. Cédric

Visart de Bocarmé, le chef de cabinet, avale du café noir. Sur le pas de la porte, les reporters se prennent à rêver que le ministre est porteur de bonnes nouvelles...

« Ce n'était pas du tout le but de sa visite, coupe Paul Marchal. Le ministre n'était pas là pour parler des progrès de l'enquête. Pour ça, le procureur de Neufchâteau, Michel Bourlet, nous tient informé.

Quand il en a le temps, souvent tard le soir. Nous avons demandé au ministre d'intervenir contre les spectacles d'hypnose de maître Rasti Rostelli. Nous avons remis au ministre la liste des six prochains spectacles programmés pour octobre. Le ministre a promis qu'il veillerait à faire appliquer la loi, qui interdit ce genre de show »

« Nous lui avons dit aussi que nous avions souffert pendant un an d'être si peu et si mal informé des progrès de l'enquête. A l'avenir, d'autres parents ne devraient plus subir ce calvaire. Le ministre nous a décrit aussi le fonctionnement de l'enquête à Neufchâteau.

Il nous a demandés de ne rien dévoiler mais ce qu'il nous a confié nous a rassurés totalement: nous savons que maintenant, tout est fait pour retrouver nos enfants. Le ministre a enfin ajouté qu'à l'avenir, nous pourrions le contacter en cas de besoin. Nous avons un contact au cabinet !

Nous croyons plus que jamais que l'espoir subsiste de retrouver An et Eefje en vie. Le ministre aussi... »

Gilbert Dupont

Emotion au funérarium


Emotion au funérarium

« Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996 page 2

Le père de Melissa a été touché par l'énorme mouvement de solidarité à la mémoire des deux fillettes. Une foule considérable est venue se recueillir devant les petits cercueils, beaucoup retenant mal leur émotion.

Grâce Hollogne- Depuis samedi soir, le quartier de Crotteux, où était domiciliée la petite Mélissa Russo, était envahi par la foule.Dimanche après-midi, les sympathisants se comptaient par milliers.

Hier, la rue Dierain Patar a retrouvé sa quiétude. Et rien ne laisse présager l'horreur que connaissent les habitants du n° 51. Rien, si ce ne sont quelques détails : des calicots flottant au vent, des photos couleurs de Julie et Melissa sur la porte d'entrée, des avis de recherche des autres disparues sur la fenêtre du living, un avis mortuaire sur la porte et des milliers de fleurs sur la pelouse...

Mais devant le funérarium Lambert Mestré, chaussée de liège, 341, à Grâce-Hollogne, la file n'en finit pas de s'allonger. Lundi, le funérarium a fermé ses portes à 23 heures, soit deux heures plus tard que prévu.

Deux petits coeurs
La police laisse entrer le public par groupe de 5 personnes. Dehors, sous le soleil e plomb, la foule attend. Parfois plus d'une heure. Elle est silencieuse. Certains écrasent une larme. Une ambulance est présente. De l'eau est distribuée dans la foule. Malgré cela, quelques personnes sont victimes de malaises; des coups de chaleur... et d'émotion.

A l'intérieur du funérarium, l'odeur de fleurs est très forte.


Sur les cercueils blancs, deux petits coeurs de fleurs identiques. Le message : «A ma soeur ». L'un est signé de Maxime lejeune, l'autre de Grégory Russo. Ce dernier est présent, en compagnie de son papa.

Parents émus


Un tel mouvement de solidarité émeut les parents. « Je suis content, heureux pour les petites.

Ça ne comble pas notre peine, c'est sur, mais ça fait du bien. Tout ce qu'on fera dans le futur, ce sera pour les petites; pour qu'on ne les oublie pas. Il faut que l'on continue à se souvenir d'elles », remarque Gino Russo. Des souvenirs, les sympathisants en demandent. Des photos, des affiches,... A la mémoire des enfants !

Dernier hommage


Un dernier hommage pourra être rendu à Julie et Melissa, jeudi matin. A la demande des parents, la levée du corps et l'inhumation se feront en privé, à l'abri des regards. Les funérailles publiques auront lieu à 11 heures, à la Basilique Saint-Martin, à Liège, l’église peut contenir mille personnes. Mais, selon les forces de l'ordre, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont attendues...

Au centre de liège, la plupart des magasins fermeront leurs portes entre 9 et 12 heures. A Cockerill, les cinq mille travailleurs arrêteront le travail. Tous les carillons des églises liégeoises sonneront à 11 heures. Pour que jamais, personne n'oublie Julie et Melissa...

Nathalie Evrard

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Condoléances du palais royal

« La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996

Le Palais Royal a publié, mardi en début d'après-midi, un communiqué faisant part de la profonde émotion du Roi et de la Reine à la suite des enlèvements et des décès d'enfants qui ont bouleversé le pays ces derniers jours.

Voici le texte intégral de ce communiqué:

"Le Roi et la Reine ont été consternés et profondément émus en apprenant les développements récents dans le cadre des enlèvements et, dans ces moments particulièrement pénibles, se sentent très proches des familles des victimes. Dès qu'ont été connues les circonstances dramatiques des décès de Julie et Melissa, les Souverains ont exprimé à leurs parents leurs condoléances et leur plus profonde sympathie.

Le Roi et la Reine ont, d'autre part, exprimé leur satisfaction aux parents de Laetitia et de Sabine suite à la libération de leurs filles. ils espèrent qu'à présent elles trouveront la force de surmonter le pénible cauchemar qu'elles ont vécu.

Les Souverains, qui ont toujours accordé une attention particulière à la problématique de la traite d'êtres humains et des abus commis sur des mineurs d'âge, continuent de suivre de très près ces dossiers d'enlèvements et ont demandé au ministre de la Justice de les tenir en permanence informés de l'évolution de ces dossiers.
Le Roi et la Reine espèrent que, très rapidement, toute la clarté sera faite sur tous les aspects entourant ces enlèvements.

Dans ce contexte, ils pensent particulièrement aux parents d'An et Eefje ainsi qu'aux parents des autres enfants, qui vivent encore dans l'angoissante attente de nouvelles quant au sort de leurs enfants"; conclut le communiqué du Palais Royal.


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Funérailles, jeudi à 11hr en direct sur RTL et RTB

Le centre de Liège bloqué

« La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996


LIÈGE - Les funérailles auront lieu jeudi, à 11 heures, à la Basilique Saint-Martin, à Liège, avec retransmission directe sur RTL et la RTBF.

L'église est située sur les hauteurs de liège, dans le quartier Saint-Laurent. La rue est étroite et difficile d'accès.

Des conditions particulières de circulation seront mises en place dès 8 heures. La circulation des véhicules sera interdite dans le périmètre décrit par les rues Saint Laurent (jusque la rue Wazon),Mont Saint-Martin (jusqu'au cadran) et Sainte-Marguerite.

Comment dès lors accéder à la Basilique? En voiture, en venant de l'autoroute, il est conseillé d'emprunter les sorties Avroy, Guillemins ou éventuellement Burenville. La sortie Saint-Laurent est en tout cas à proscrire. Les personnes qui gareront leur véhicule dans le centre (Avroy) pourront accéder à la Basilique via les escaliers de la rue Sur-la-Fontaine ou des Bégards, ou par la rue Haute
Sauvenière.

En bus et en train


Les solutions les plus faciles restent cependant les transports en commun. Le TEC mettra gratuitement à la disposition des usagers des bus qui assureront la liaison entre le zoning industriel de Grâce-Hollogne (rue de Wallonie) et la Basilique. Le premier départ aura lieu à 9h 30. Le retour sera assuré après l'office.
A partir de la gare des Guillemins, il sera également possible de rejoindre la gare du Palais (à 5 minutes à pied de la Basilique). La SNCB augmentera la cadence des trains sur cette liaison.
Enfin, il reste l'association parking en dehors du centre (Sart-Tilman, Coronmeuse, Cointe,...) et bus.
II est en tout cas fortement conseillé d'éviter la place Saint Lambert toujours en chantier...

N_ E_


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Marc Dutroux libérable après 14 années de prison

« La Dernière Heurte » du mercredi 21 août 1996

BRUXELLES - Si Marc Dutroux, 40 ans, était jugé en France, il ne remettrait plus un pied hors de prison avant l'âge de 70 ans. Mais ici, que risque-t-il ? Et quand pourrait-il déjà, en théorie, ressortir de prison?

Deux avocats chevronnés nous ont donné leur analyse.


Dutroux sera renvoyé devant la cour d'assises, où il risquera la peine maximale, c'est-à-dire la perpétuité. « Compte tenu des éléments connus, de ses aveux de l'assassinat de son complice.
Je ne vois pas comment il échapperait à la perpétuité», estime l'un des avocats.

Au terme de la loi Lejeune, un condamné à la perpétuité est théoriquement libérable après 10 ans, ou 14 ans pour un récidiviste.


Légalement, une libération conditionnelle de Marc Dutroux pourrait donc intervenir après 14 ans, précise l'un des conseils. Attention, ce ne sera certainement pas automatique !


Vu la gravité des faits, leur caractère ignoble, la précédente condamnation, Marc Dutroux devrait passer quelques années supplémentaires en prison.

Mais certainement pas 30 ans comme en France...En Europe, la France et le Danemark ont adopté un système permettant au juge d'assortir certaines condamnations de peines incompressibles.

En Grande-Bretagne, le ministre de l'Intérieur peut fixer une durée de peine lors de laquelle le condamné ne peut être libéré anticipativement. En Italie, les tueurs d'enfants restent en prison durant 26 ans minimum.
Rien de tout cela en Belgique.

L'affaire Tissier


En France, c'est un fait divers tragique qui a poussé les autorités à réagir. Le 19 septembre 93, Patrick Tissier avouait le viol et le meurtre de Karine, 8 ans. On découvrait alors que l'homme avait été condamné une première fois à 20 ans pour avoir étrangle et violé son amie. Relâché après 11 ans, il violait une autre femme et écopait de 10 ans. Huit mois après avoir été relâché après les deux tiers de sa peine, il tuait Karine...

La nouvelle loi française, appliquée depuis mars 94, permet maintenant d'infliger, pour des faits d'assassinat de mineur de moins de 15 ans accompagné de viol ou torture, une peine à quasi-perpétuité, assortie d'une peine de sûreté de 30 années, période durant laquelle le condamné ne peut bénéficier d'aucune réduction de peine, d'aucune grâce, d'aucune permission de sortie.


Après ces trente années de prison, un collège de trois experts médicaux peut rendre un avis. S'il est favorable, une commission de 5 magistrats de la Cour de cassation peut décider de remettre le condamné en liberté.

Relâché, l'auteur d'un crime sexuel contre un mineur, reste obligé de suivre un traitement psycho médical. Jusqu'à la fin de sa vie.

B, F.

Un document accablant



Un document accablant

« UNE » de « La Dernière Heure » du mercredi 21 août 1996

Selon un document présenté, mardi soir, par nos confrères de RTL-TVi, les enquêteurs chargés d'élucider la disparition de Julie et Melissa avaient été informés très explicitement des projets monstrueux de Marc Dutroux, le ravisseur pédophile.

Des renseignements, communiqués peu après le rapt, tendaient à démontrer que Dutroux participait à un réseau, à des enlèvements.

Des informations faisaient état de l'aménagement des caves au domicile de Dutroux, en vue d'y cacher des enfants à expédier vers l'étranger. Les enquêteurs liégeois ont bien perquisitionné à Marcinelle, mais n'ont pas été capables d'y trouver la cache de Julie et Melissa, derrière un mur (nos photos).

Compte tenu des informations précises dont ils disposaient, pourquoi les enquêteurs n'ont-ils pas utilisé plus de moyens pour découvrir la geôle des fillettes, toujours en vie à ce moment-là ?

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