jeudi 10 juillet 2008

Des bévues, il y en eut, mais pas qu’a Liège('La Meuse'jeudi 22 août 1996 p12


Des bévues, il y en eut, mais pas qu’a Liège

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 12

Les gendarmes carolos auraient entendu des gémissements.
Mais c'est difficile à imaginer...


Avec le drame épouvantable qui secoue notre pays, la justice a perdu énormément de crédit. On reproche en effet aux enquêteurs liégeois qui ont eu en charge le dramatique dossier de Julie et Mélissa beaucoup d'erreurs. L'une d'entre elles serait de ne pas avoir pris en compte des fax de la gendarmerie attirant l'attention sur Dutroux.
Pourtant, les Liégeois sont loin d'être les seuls en cause.
Fin 1993, un rapport de la gendarmerie faisait déjà état des agissements louches de Dutroux.

Ce rapport affirmait : « Il nous avait été signalé que Dutroux était occupé à faire des travaux dans les caves d'une de ses maisons à Charleroi (...) dans le but d'y loger des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger. »

Ce rapport a été envoyé, à Liège, une quinzaine de jours après la disparition des deux fillettes. Ceci dit, il parlait d'agissements suspects vieux de deux ans. Entre 1993 et 1995, rien n'a apparemment été fait ! Pourquoi ?

Surveillance du POSA

Dans la foulée, d'autres informations par fax ont été transmises à Liège. Ainsi, toujours début juillet 1995, un fax arrive et stipule «qu'aucune trace de présence d'enfants n'a été relevée. Dutroux a été entendu verbalement sur le but des travaux. Il a déclaré qu'il aménageait ses caves, sans plus. Les travaux étaient à leurs débuts. »
Une explication légère qui, semble-t-il, a suscité suffisamment d'intérêt pour en avertir les limiers liégeois, mais pas assez pour mener une solide enquête sur place...

Août 1995, Liège reçoit un nouveau fax reprenant les affirmations d'un témoin anonyme qui aurait reçu des confidences de Dutroux, quelques jours plus tôt. Selon cet anonyme, Dutroux lui a proposé de participer à des rapts d'enfants.
Un autre anonyme renchérit en apprenant aux enquêteurs 1à manière de procéder de Dutroux lors d'un enlèvement d'enfants :

« Il suffit de les tenir avec une main sur la bouche. Une fois dans la voiture, elles ne peuvent partir car la sécurité enfant est placée (...); le prix varie entre 100.000 et 150.000 F. »

La juge d'instruction, Mme Doutrewe, ordonne alors une perquisition chez Dutroux.
Ce sont les gendarmes de Charleroi qui sont chargés de ce devoir d'enquête. Ils connaissent bien les lieux et l'intéressé.
Pas assez seulement puisqu'ils rentreront bredouilles alors que Julie et Mélissa étaient encore en vie ! On peut se demander pourquoi, à ce moment, ils n'étaient pas munis du matériel sophistiqué employé ces derniers jours.

Les gendarmes carolos du POSA organisent alors des surveillances étroites de Dutroux, mais rien ne filtrera de ses horribles forfaits.
Lorsque Dutroux sera arrêté, qu'il passera aux aveux et dira qu'il va donner deux filles, Sabine et Laetitia, les gendarmes perquisitionneront chez lui mais ne trouveront rien. Il faudra revenir une fois sur les lieux, en étant munis des indications précises du pédophile.

Graves accusations

En décembre 1995, alors que les deux fillettes sont encore en vie, une deuxième perquisition est menée chez Dutroux... par les gendarmes locaux.
Elle ne s'inscrit même plus dans le cadre de l'enlèvement des deux gamines, mais est motivée par un vol. Les enquêteurs qui se rendent sur place ne sont d'ailleurs pas mandatés par la juge liégeoise, Martine Doutrewe, mais par un autre juge d'instruction de l'arrondissement judiciaire concerne.

Me Hissel, l'avocat des familles Russo et Lejeune, affirme qu'à cette occasion, les gendarmes auraient entendu des gémissements d'enfants.
Mais comme ils sont venus pour des voitures, ils n'y prêteront aucune attention. Voilà donc des gendarmes qui connaissent parfaitement les antécédents de Dutroux, qui entendent des gémissements d'enfants et qui ne font et ne disent rien. Difficile à imaginer, cependant...
Me Hissel qui a formulé, mardi soir, ces accusations face à la caméra, s'est montré moins affirmatif, mercredi.
Maintenant, il admet n'avoir eu aucune confirmation officielle de ses dires de la veille.

Jean-Michel Crespin


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Le parquet de Louvain n'a pas voulu céder au chantage et Claude Lelièvre n'a rien obtenu

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 12

Tout a été tenté pour faire parler le détenu de Louvain. Il a même reçu la visite de Claude
Lelièvre. Mais fallait-il céder au chantage et libérer un pédophile ?
Le parquet de Louvain a dit non

Comme nous l'indiquions dans notre édition de mardi, le parquet de Louvain et le parquet de Bruxelles se sont opposés à la libération d'un pédophile en échange de renseignements qui auraient pu sauver les vies de Julie et Mélissa. Mais, il ne faut pas en conclure pour autant que rien n'a été fait pour convaincre ce détenu de livrer son terrible secret.
Quelques jours après la disparition de Julie et Mélissa, un détenu de la prison de Louvain a proposé, en échange de sa libération, des informations menant aux auteurs de l'enlèvement de Julie et Mélissa. Confronté à ce «chantage », le parquet de Liège a cédé, acceptant le marché. Mais, le parquet de Louvain et le parquet de la cour d'appel de Bruxelles avaient refusé de libérer l'individu. En fait, le gaillard avait été arrêté pour des faits graves de pédophilie et on ne voulait pas libérer un pédophile pour en attraper un autre...

Un détenu « compétent »
Face à ce refus bruxellois et louvaniste, la justice liégeoise s'est retrouvée fort dépourvue, le détenu n'acceptant évidemment pas de donner ses informations sans contrepartie. Un retour que Liège ne pouvait pas rendre puisque tout était bloqué à Bruxelles.
Etonnant ! Le détenu en question avait déjà fait preuve de sa « compétence ». Il avait en effet déjà recouru à de tels marchés et avait livré à Bruxelles des renseignements fiables.
Le refus bruxellois est par conséquent étonnant et ce, d'autant plus que le pédophile était détenu préventivement et qu'il devait donc comparaître en jugement et éventuellement être condamné.
En outre, il aurait pu être soigneusement surveillé, durant cette courte période de liberté.
Bref, un espoir s'était envolé à Liège. L'avocat des familles Russo et Lejeune, Me Hissel, a alors été contacté par le détenu. Il s'est rendu à la prison de Louvain, mais n'a lui non plus obtenu aucun renseignement.
Loin de se décourager, le parquet général de Liège a décidé de laisser le détenu accuser le coup (le refus de son marché) et d'aller le retrouver une semaine plus tard.

Des photos dans un album
C'est à ce moment que M. Claude Lelièvre, le délégué général au droit de l'enfant est entré en scène. Prenant contact avec M. Giet, M. Lelièvre a suggéré de se rendre à Louvain pour tenter de convaincre le détenu de livrer ses informations.
Il lui fallait pour cela obtenir l'autorisation pour rencontrer le détenu, autorisation que M. Giet s'empressa de lui accorder.
M. Lelièvre s'est donc rendu plusieurs fois à Louvain et a rencontré le détenu. Mais, malgré ces visites et ses efforts, il a été réduit à dire à M. Giet qu'il n'avait rien appris.
Personne ne sait donc avec exactitude ce que ce détenu allait raconter puisqu'il n'a jamais livré le moindre renseignement à personne; Aujourd'hui, il parait avoir affirme a son avocat qu'il avait vu les photos de Julie et de Mélissa dans un album de photos pornographiques d'enfants. Ces photos menaient tout droit au milieu pédophiles de Charleroi. Pas à Dutroux.
Quoique! On imagine assez mal qu'il puisse s'agir d'un autre réseau pédophile puisque c'est chez le monstre de Sars-La-Buissière que l'on a retrouvé les corps sans vie des deux fillettes.
Le parquet de Louvain qui estime, aujourd'hui, que le détenu voulait uniquement se rendre intéressant a de quoi se poser des questions.

Jean-Michel Crespin


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Nos lecteurs veulent réagirent

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 12

Nous publierons chaque jour des extraits des nombreuses lettres signées que nous recevrons

Tout le pays est écoeuré par les horribles faits de ces derniers jours. Et nombreux sont nos lecteurs qui veulent faire quelque chose, réagir.
Certains signent la pétition de l'asbl Marc et Corine en faveur de l'incompressibilité des peines (dont nous avons publié le formulaire dans nos éditions de lundi). D'autres nous téléphonent ou nous écrivent. Nous allons ouvrir nos colonnes à ces réactions, à condition qu'elles soient écrites et signées.
Vu l'abondance du courrier que nous recevons déjà, nous nous permettrons de ne re prendre que les passages les plus significatifs afin de pouvoir en publier le plus possible.

Jacques Coupienne, de Stockay-Saint-Georges
Je fais appel à tous les concitoyens et à toutes les organisations se sentant concernés (sauf l'extrême droite) afin que nous ne nous laissions plus endormir par de mielleuses promesses et que le débat soit porté durablement sur la place publique. Ayons .conscience que les coupables de la mort de ces malheureux enfants ne sont pas seulement les pédophiles, mais aussi, et certes involontairement, certains responsables (ou réputés tels) trop souvent plus soucieux de leur image publique que de leur fonction! D'ailleurs qu'en est-il de leur image actuellement?

- Aurore Joris, de Dison
« Mère d'une petite fille de cinq ans, je me sens concernée et je sais que seule, tout ce que je pourrai tenter pour faire cesser cette horreur ne serait qu'une goutte d'eau dans l'océan mais nous avons tous en nous cette pensée égoïste « chacun pour soi » et défaitiste: « Que pris-je y faire » alors que si toutes les «gouttes d'eau » se réunissaient, elles formeraient l'océan ».

Dominique T.,de Flémalle:
« Venons-en à ces peines incompressibles avec suivi médical. Trouvez-vous plus «normal» d'offrir à un tel être vivant: le gîte (propre, net, chauffé, avec vue sur le ciel bleu), la nourriture (équilibrée), la surprotection (ici, pas de risque de voir arriver un méchant monsieur...) et en plus, les soins médicaux et le soutien psychologique en vue d'une prochaine réinsertion ?
Entre nous, s'il n'a pas réussi, ou voulu, s'insérer au bout de 39 ans, je doute que vos équipes y parviennent N'ont-elles déjà pas essayé? Qui va payer? L'argent DES PARENTS DES VICTIMES?
Notre pays va-t-il devenir un «paradis » pour bêtes sauvages puisqu'elles savent y être mieux traitées que chez les voisins? »

Paulette Petitjean,d'Awans
«Je m'appelle Paulette, j'ai 14 ans. Je suis triste pour Mélissa et Julie. Je pense tous les jours à eux et vous aussi les parents. Je vous soutiens par mes pensées. Prenez courage. Maintenant j'ai peur moi aussi».

Nicole Goffart, de Horion-Hozémont
« Dans notre société ultra médiatisée, les moyens d'information si souvent décriés (parfois à juste titre d'ailleurs) se chargent de faire découvrir à la société des dessous d'affaires pas très reluisants et bien inquiétants pour notre démocratie. Sous le couvert de « Secret de l'instruction », « Respect de la procédure » et bien d'autres termes d'un jargon incompréhensible au commun des mortels, la Justice peut se donner bonne conscience... C'est sa façon à elle de laisser stagner, avec la bénédiction du monde politique, les véritables problèmes d'une société rongée par l'obsession du matérialisme. Cette obsession est devenue telle qu'elle ne laisse plus aucune place aux valeurs qui devraient régir la vie d'un homme: le respect de l'autre, la solidarité; le sens de la famille, la protection des faibles, et, surtout, le sens des responsabilités ».

- Marcel Peters,de Jemeppe s/Meuse
Alors que toute la Belgique signe des pétitions pour des peines incompressibles et pour le rétablissement de la peine de mort, le nouveau ministre de la Justice a déjà annoncé qu'il était contre. Ce monsieur est-il insensible? La Belgique entière ne comprendrait pas un refus de sa part».

Une maman
Quand un enfant est violé, torturé, condamnons sans réserve son bourreau et ne lui octroyons surtout pas le bénéfice du doute! Condamnons le à une peine exemplaire et incompressible de manière à dissuader quiconque d'agir de la sorte. Et quand infraction il y aura, ce sera en pleine connaissance de cause ! Tout un chacun se doit de subir les conséquences de ses actes, d'autant plus les bourreaux d'enfants, pédophiles et autres. Protégez nos enfants, je vous en prie ».

D.M., de Herstal:
Toute la commune se pose des questions au sujet du roi Albert et de son épouse Paola. Le roi Baudouin et la reine Fabiola se seraient manifestés beaucoup plus tôt».

Joseph Seret, de Fléron
«Je voudrais, par votre intermédiaire, poser une question à nos «responsables».
Quel sens donnent-ils aux mots «RESPONSABLE» et « RESPONSABILITÉ»? A l'heure où la Belgique entière est sous le coup de la plus grande émotion, je pense qu'une explication est nécessaire».

Anna, de Dison
Vous étiez rayonnantes de joie et de bonheur. Et maintenant, ce sont nos cœurs qui pleurent. Nous sommes de tout coeur avec vos parents. Jamais personne ne pourra vous remplacer dans leur coeur. Mais nous tous comprenons très fort leur douleur. Julie et Mélissa à jamais dans nos coeurs resterez vivantes ».

Alberto Lucentini, de Bressoux
Au-delà de l'immense tristesse, de la colère et de la révolte, le dénouement tragique de Julie et Mélissa laisse un sentiment d'impuissance. Les citoyens peuvent pourtant se mobiliser et répondre au voeu des parents Russo et Lejeune pour que « les fillettes ne soient pas mortes pour rien ». Dans ce sens, le Conseil de Quartier de Bressoux a décidé d'apporter son soutien à la pétition que Marie-France Botte veut adresser aux Autorités du pays. Cette action parmi d'autres parviendra peut-être à convaincre les politiques de prendre des mesures concrètes Viables et efficaces pour que, plus jamais, un enfant n'ait à vivre le calvaire enduré par Julie et Melissa.


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Ecoeurement

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 12

L'avocat des parents :«On voulait un petit fil, ils avaient des câbles »

Victor Hissel, l'avocat des parents de Julie et Mélissa, qui était également celui des parents de
Marc et Corine, ne mâche pas ses mots sur la manière dont l'enquête a été menée.

Lui qui s'est toujours battu pour que les parents puissent avoir accès au dossier se dit que, rétrospectivement, on a vraiment laissé filer sa chance.
Il est consternant d'apprendre aujourd'hui tout ce que les enquêteurs savaient et de savoir qu'ils n'ont rien fait. Nous, on cherchait un petit bout de fil pour remonter jusqu'à la solution.
Et eux, c'était des câbles qu'ils avaient. Si l'on pouvait encore penser qu'ils ne disposaient d'aucune information, on pourrait ne pas leur en vouloir. Mais quand on apprend tout ce qu'ils savaient, c'est tragique

Un moment, ils ont accepté de nous donner quelques informations mais c'étaient des conneries du style de la femme de Jabbeke qui avait cru voir les petites dans un restoroute. Pour l'important, à savoir les pédophiles, ils ne nous donnaient rien. A croire qu'on voulait vraiment les protéger.
Je suis renversé quand j'entends tout cela. Cela confirme que les parents avaient raison sur toute la ligne quand ils disaient que leurs enfants étaient encore en vie et pris dans un réseau de pédophilie.

Et je m'en veux de ne pas y avoir cru aussi fort qu'eux.
Si on avait eu tous ces éléments en leur temps, on aurait pu éviter la mort des deux fillettes et bien d'autres drames encore (allusion directe à Sabine, Laetitia, Ann et Eefje, et peut être d'autres encore...).J'y pense sans arrêt... »

L.G.

Neufchâteau centre du monde('La Meuse'jeudi 22 août 1996 p10)


Neufchâteau centre du monde

Les horribles faits divers intéressaient déjà l’Europe entière.

Le F.B.I et les limiers sud-africains voudraient aussi se pencher sur le cas belge

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 10

Rarement, une affaire, a fortiori en Belgique, aura déclenché une telle onde de choc. Une onde ressentie un peu partout en Europe, comme en témoigne la frénésie qui s'est emparée, depuis plusieurs jours, des médias étrangers.

Un petit exemple significatif lors de la conférence de presse du procureur Bourlet mardi soir, on comptait pas moins de 14 caméras de télévision différentes braquées sur l'homme dont on connaît désormais le nom on sent parfois que- cela ne le réjouit pas franchement -bien au-delà de l'arrondissement judiciaire où il officie d'ordinaire...

Les médias britanniques, notamment, sont fort présents: «Il y a l'impact de l'affaire de Gloucester, expliquait un confrère dit desk bruxellois de l'agence de presse Reuter. Mais il y a aussi celui du cas de Dunblane» (NDLR: le massacre de petits élèves et d'enseignants, dans un gymnase, par un monstre aux tendances pédophiles avérées).

Depuis la visite de travail du ministre De Clerck à Neufchâteau,mardi, on sait aussi que le feu vert a été donné pour la location, par les enquêteurs de la cellule dirigée par Neufchâteau, de matériel up to date venant de Grande-Bretagne. Et, depuis hier, le Superintendant anglais, John Bennett, ayant mené les investigations dans la sinistre maison de l'horreur de la famille West, est arrive Neufchâteau.

Le vent de Pretoria

Hier, on apprenait également que, outre océans, on cherchait aussi sur le globe le petit point représentant Neufchâteau, Ainsi, des enquêteurs sud-africains et américains trouvent des similitudes entre l'abominable système Dutroux et une série de faits dont ils sont saisis.


La police de Pretoria et le FBI enquêtent actuellement sur un éventuel trafic international de morceaux de corps humains. On parle aussi dans ce cadre de pédophilie. A Pretoria, le chef de la police, Reggie Marimuthu, a précisé que ses hommes, les Américains et les Belges, devraient confronter leurs informations sur les «ressemblances étranges» existant entre les affaires.

En Afrique du Sud, on compte cinq fillettes disparues, en lien présumé avec les activités d'un pédophile de Pretoria décédé en 1990. Ce dernier, Gert van Rooyen, pourrait également être lié à la disparition non élucidée de 27 autres enfants sud africains durant les trois dernières années, selon la même source, relayée par l'agence Belga.

Dans ce contexte, une équipe de quatre enquêteurs sud-africains a commencé à mener une enquête aux côtés du FB I sur les relations existant entre les deux affaires.
Selon M. Marimuthu, « la police belge devrait répondre très bientôt aux questions posées par la police sud-africaine à ce sujet. Cela reste théorique pour l'instant mais nous sommes inquiets de la possibilité d'un réseau international de trafic de « chair blanche », impliquant le commerce de morceaux de corps humains et l'échange d'informations. Il peut s'agir aussi d'un réseau de pédophilie. »

Pour l'instant, à Neufchâteau, aucune confirmation de tout cela. Même si l'on sait que, bien sûr, les ramifications internationales ne sont pas du tout écartées par la cellule d'enquête sur les disparitions de fillettes et d'adolescentes. L'interlocuteur sud-africain s'avance, lui, dans une hypothèse effrayante : selon lui, Dutroux pourrait avoir utilisé les mêmes moyens d'opérer que Van Rooyen. Soupçonné de l'enlèvement des fillettes disparues en 1989, il les aurait tuées dans sa maison ou les aurait «exportées» vers d'autres pays africains.

Des fouilles effectuées en mai dernier dans la propriété du pédophile n'avaient rien donné. Mais les enquêteurs sud-africains n'excluent pas que les petites filles puissent avoir été exécutées par Van Rooyen et sa maîtresse, Joey Haarhoff, dans le cadre de rituels sataniques courants en Afrique du Sud.
Van Rooyen et Haarhoff se sont apparemment suicidés en 1990, alors qu'ils étaient recherchés.

Trois Asiatiques

Toujours selon Belga, M. Marimuthu a indiqué qu'il pourrait se rendre en Belgique avec une équipe d'enquêteurs, s'il restait persuadé de l'existence d'un lien, à quelque niveau que ce soit, entre les affaires.
« Il y a de fortes présomptions qu'existe une sorte de réseau international, aurait-il ajoute, mais nous ne savons pas exactement jusqu'où cela va. »

Nouvelle escalade dans la traduction de rumeurs? Imprudence d'enquêteur?
Déclaration prématurée ? Difficile à dire.

Quoi qu'il en soit, à Neufchâteau même, hier était un jour calme. En tout cas, en apparence, puisque bien peu d'enquêteurs et de magistrats étaient visibles: la discrétion la plus totale restait de mise.
Même la cohorte de médias avait fondu.
Pourtant, preuve supplémentaire de l'intérêt que suscite l'affaire, un trio de journalistes asiatiques débarquait à son tour, hier après-midi, sur la place du palais de justice chestrolais...

M.P. et A.D.


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John Bennett, le superflic de l'affaire West, est arrivé à Neufchâteau

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 10

Le superintendant de police britannique, John Bennett, qui avait mené l'enquête sur « la maison de l'horreur» de Gloucester, est arrivé hier à Neufchâteau pour y rencontrer les enquêteurs chargés du dossier Dutroux, ont annoncé les agences Reuter et AFP depuis Londres.
Ce soutien logistique s'inscrit dans le train de mesures avancées par le ministre De Clerck pour aider les enquêteurs de Neufchâteau dans leurs recherches.

Mardi soir, le procureur du Roi Michel Bourlet a indiqué que du matériel de génie civil spécialisé sera mis à sa disposition, principalement pour continuer les fouilles dans les différentes maisons ayant été occupées par Marc Dutroux ou ses comparses.

John Bennett a dirigé l'enquête qui avait abouti à l'arrestation de Frederick et de Rosemary West, les meurtriers de la «maison de l'horreur». Frederick West était accusé du meurtre de douze jeunes filles et femmes dont les corps ont été retrouvés pour la plupart au domicile des époux à Gloucester, enterrées dans le jardin ou la cave. L'accusé s'est suicidé avant d'avoir pu être jugé.
L'équipe dirigée par John Bennett avait utilisé un ordinateur spécialisé, de même qu'un radar sophistiqué capable de sonder le sol pour retrouver des corps enterrés.

Depuis, M. Bennett est un expert reconnu en techniques de recherches et donne régulièrement des cours aux forces de police dans toute la Grande Bretagne.


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Les fouilles continuent à Sart la Buissière

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 10

Hier vers 15 h 45, deux chiens de la protection civile de Ghlin ont été amenés à Sart-la-Buissière, au domicile de Marc Dutroux. Là même où l'on a retrouvé les cadavres de Julie et Mélissa.

La BSR de Thuin a eu recours aux chiens pisteurs pour parachever les fouilles entreprises la veille. Car, mardi soir, les enquêteurs étaient revenus avec du matériel léger pour poursuivre les recherches.
Ils ont démoli un mur de la cave de la maison de Dutroux, ainsi que les parois latérales de la fosse de son garage.

Résultat partiel à 17 h 30: rien. Les gendarmes ont donc demandé des renforts à la protection civile pour creuser encore.
Mais sur place, on restait sceptique. Depuis lundi on n'aurait plus d'éléments neufs.
La reprise des investigations n'étant que la traduction du retour de vacances de certains responsables, chacun voulant apporter sa pierre ou - et ce serait plus dommageable - voulant refaire ce qui a déjà été fait.

A Sars-la-Buissière, on attendait l'arrivée du superintendant de police britannique John Bennett, qui avait mené l'enquête sur « la maison de l'horreur » de Gloucester.

Les fouilles, avec un matériel très spécial, ne seraient prévues qu'aujourd'hui et demain dans des maisons de Sars-la-Buissière, Marcinelle, Marchienne-au-Pont, Mont-sur-Marchienne et Jumet.
La sixième maison à fouiller serait soit une demeure de Jemeppe-surSambre (celle des grands parents maternels de Dutroux), soit l'habitation de la mère de Michèle Martin, à Waterloo.

Yvan Scoys

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Le parcours de Michèle Martin

« De la jeune fille sage à l’épouse du monstre »

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 10

Une coquette villa de briques rouges entourée d'un joli petit jardin dans un quartier calme et aéré de Waterloo: c'est là, au n' 65 de la rue Beau Vallon, que Michèle Martin a passé son enfance. Michèle Martin est fille unique.
Son père était employé aux chemins de fer, sa mère travaillait dans une usine fabriquant du simili-cuir à Waterloo. Son père est mort dans un accident de voiture en la conduisant à l'école alors qu'elle avait 5 ou 6 ans. Michèle avait été retrouvée coincée sous le radiateur de la voiture, les jambes grièvement brûlées.

La gamine avait dû être particulièrement affectée par la disparition de son père car, selon les voisins, c'était lui qui s'en occupait le plus, lui préparait ses repas, lui donnait le bain et l'emmenait tous les jours à l'école.

Après la mort de son mari, Mme Henriette Puers Martin a élevé seule Michèle. La gamine a reçu une éducation assez stricte et très protégée. « Sa mère était assez avare et très fière. La petite avait consigne de ne rien accepter chez les voisins. Lorsqu'elle passait la journée chez moi pendant les vacances scolaires, elle amenait toujours ses tartines», explique une voisine qui habite depuis trente ans à côté de Mme Puers Martin.

La directrice de l'école du Chenois, qui habite elle aussi dans le quartier, a eu Michèle comme élève, puis comme jeune stagiaire institutrice: «Je me souviens être partie en classe de neige avec Michèle.
C'était une enfant calme, très réservée et secrète. Dans les années 70, Michèle a effectué chez nous un stage à la fin de ses études d'institutrice. Elle s'est occupée d'une classe de 5e primaire. Elle avait un très bon contact avec les enfants. Je garde le souvenir d'une chouette gamine qui s'occupait bien des enfants. A ma connaissance, elle n'a jamais été nommée ensuite et n'a fait que des remplacements.»

A Marcinelle, Michèle Martin n'a effectué que deux brefs intérims du 27 janvier au 12 février 1988, à l'école primaire de Marcinelle centre, et, du 31 mai au 25 juin 1988, à l'école de Marcinelle Haies.

Apparemment, la vie de Michelle Martin a basculé lorsqu'elle a rencontré Marc Dutroux. « Elle était vraiment folle de lui. Sa première condamnation en 1989 n'a pas modifié son opinion à son sujet. Elle était prête à tous les sacrifices pour ce sale type », déclare une voisine.

Toujours selon les voisins, Marc Dutroux était Témoin de Jéhovah et y a entraîné Michèle Martin.
Cette dernière a convaincu sa mère, Henriette Puers, d'y adhérer également. « En 1989, Michèle est partie à la prison de Bruges avec sa Bible sous le bras. Elle recevait fréquemment la visite des Témoins de Jéhovah au parloir.

Elle s'est mariée avec Dutroux en prison. Lorsqu'elle a fait une fausse couche à la prison, nous avons même fait une pétition dans le quartier pour qu'elle puisse être libérée anticipativement. On était persuadé qu'elle s'était laissée entraîner et qu'elle n'était pas vraiment coupable. A présent, on le regrette », explique une voisine.

Après la libération de Marc Dutroux, on a beaucoup moins vu Michèle dans le quartier. Elle ne rendait plus visite à sa mère que tous les deux ou trois mois.
Elle est cependant revenue vivre chez sa mère au début de l'année, pendant l'incarcération de Dutroux, de décembre 1995 à fin mars 1996.

Les voisins ont alors vu fréquemment la camionnette blanche et la CX grise stationner devant le n° 65. Cependant, Michèle retournait régulièrement à Charleroi « nourrir les chiens » (le couple avait dans la maison de Sars-la-Buissière deux bergers allemands).
Cette période correspond au moment où Julie et Mélissa sont mortes de faim dans leur geôle.


La maison de la mère de Michèle Martin a été perquisitionnée mercredi dernier. Après avoir défoncé la porte à coups de hache, les enquêteurs ont tout fouillé de fond en comble. Ils auraient trouvé de nombreuses cartes postales envoyées par Michèle lors de fréquents voyages dans les pays de l'Est.
E.Ma.


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Annie Bouty parait très liée à une secte africaine

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 10


Les enquêteurs chargés de l'affaire s'intéressent depuis peu aux activités d'une curieuse « église», la Celestian Church of Christ (C.C.C.), une a.s.b.l. constituée en janvier de l'année dernière au sein de laquelle gravite l'ex-avocate bruxelloise Annie Bouty, une proche de Michel Niehoul qui a déjà été interrogée à plusieurs reprises dans le cadre de ce dossier (mais n'a pas été inculpée).

Cette Église céleste du Christ (dont les statuts sont parus au Moniteur du 11 janvier 1995) est notamment installée au 99 de l'avenue Henri Jaspar, à Saint-Gilles, un immeuble où résident également Annie Bouty et Jean-Michel Nihoul...

Lorsque les journalistes qui suivent ce pénible dossier tentent de contacter Annie Bouty pour en savoir plus, ils se heurtent souvent au problème du téléphone de l'ancienne avocate dont le numéro ne leur est pas accessible. Par contre, s'ils téléphonent à la Celestian Church Christ (CCC), une «église » installée dans le même immeuble, on leur passe l'avocate en un clin d'oeil.
Pourtant, Mme Bouty dit n'avoir « rien à voir» avec cette église dont elle admet seulement « utiliser les téléphones ».
Elle reconnaît également avoir élaboré les statuts de cette curieuse a.s.b.l.
Une a.s.b.l. dont elle sait tout de même que « ce n'est pas une secte » et dont elle précise qu'elle rassemble des « Nigérians qui pratiquent un culte qui n'est pas reconnu en Belgique. Ils se sont organisés juridiquement pour pouvoir pratiquer ce culte dans notre pays ».

Par ailleurs, Annie Bouty se dit « renversée par l'exploitation que fait la presse de cette affaire » (elle précisera qu'elle veut parler de l'arrestation de Michel Nihoul et de sa propre interpellation).
« Ce ne sont que des amalgames, des contre vérités.
N'en déplaise pourtant à Mme Bouty, la Celestian Church of Christ est bien qualifiée de très petite secte par la sûreté de l’état.

« C’est une très petite secte dont le nombre est impossible à chiffrer, dit-on à la sûreté. A notre connaissance, elle n'est pas encore très active et fonctionne surtout de manière très discrète. Jusqu'ici, elle n'avait pas attiré l'attention de notre service. »

Jusqu'ici car on nous confirme à bonnes sources que, depuis très peu de temps, la Sûreté s'en occupe, en collaboration avec la 231ème brigade de la PJ, chargée de poursuivre l'enquête à propos de MM. Nihoul et Filer et de Mme Bouty. Selon nos sources aussi, Mme Bouty serait le « conseil juridique » de cette «église».

Par contre, il est tout à fait exact que l'ancienne avocate (qui, après sa radiation, est restée active dans les milieux africains de la capitale, où elle a aidé notamment certains à régulariser leur situation de séjour) n'est pas membre du conseil de direction, constitué autour de quatre personnes d'origine africaine, un Nigérian résidant au Nigeria, un Anglais d'origine nigériane, Ossai Ulugbe Kenneth (président de l'a.s.b.l.), résidant à Anderlecht, un second Nigérian, Paul Alabi, résidant à Anderlecht (vice-président) et un Belge d'origine nigériane, Ayodele Jemilat, de Bruxelles (secrétaire trésorier).

Cette « église », présentée comme une société coopérative à responsabilité limitée (s.c.r.l.) par le bottin de Belgacom, dispose de sept sièges à Bruxelles, Anderlecht, Molenbeek, Saint-Gilles, Saint-Josse et Jette (deux sièges). Selon une spécialiste belge des sectes, la Celestian Church of Christ est sans doute l'une de ces innombrables « assemblées de dieux » fort fréquentées par la communauté africaine de Belgique et surtout de Bruxelles. « Ces gens se réunissent régulièrement dans toutes sortes de salles et on ne sait pas du tout ce qu'ils y font. »
Cette a.s.b.l. a des contacts internationaux. Son siège central (pour l'Europe) est installé à Londres. On ignore par contre quel est la doctrine de cette « église » : « L'association a pour objet de mettre en valeur les principes de la doctrine des adhérents du mouvement Christianisme céleste », disent les statuts. « A cet effet, des célébrations régulières seront organisées au siège de l'association (rue des Mégissiers, à Anderlecht), notamment les mercredi, vendredi et dimanche. De même, chaque premier jeudi du mois. »
L'enquête se poursuit. A l'heure actuelle en tout cas -et à la Sûreté on tient à le souligner-, cette a.s.b.l. « n'est pas liée à des disparitions de mineurs».

Philippe Crêteur


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Nouvel appel à témoin

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 10

A la demande du procureur du Roi Bourlet à Neufchâteau, le Service général d'appui policier nous prie de diffuser l'avis suivant, complété de la photographie de Bernard Weinstein, impliqué dans l'affaire des enfants disparus et pouvant éventuellement entrer en ligne de compte pour d'autres faits. Bernard Weinstein est ce truand français que Marc Dutroux a avoué avoir assassiné et enterré aux côtés de Julie et Mélissa.

Suite aux récents événements et vu le caractère grave de l'affaire, il est demandé la coopération du public.
Toute personne pouvant mettre en relation cet individu avec des faits punissables, ou pouvant fournir des informations utiles, est priée de se faire connaître.

Pour permettre aux enquêteurs de centraliser de manière structurée les informations, un numéro de téléphone unique a été instauré.

Toute personne pouvant fournir des informations est priée de contacter le numéro 0800 - 97779 au Bureau central des recherches de la gendarmerie.
Chaque appel sera traité avec la plus grande discrétion.






La solidarité de tout un peuple('La Meuse'jeudi 22 août 1996 Pg11)


La solidarité de tout un peuple

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 Page 11

Pétitions, lettres, crêpes noirs, bougies et photos aux fenêtres, taxis et bus gratuits, sirènes hurlantes, cloches sonnantes: la Belgique va vivre une énorme émotion aujourd'hui à 11 heures

Personne ne peut encore imaginer aujourd'hui l'impact que suscite dans tout le pays le sort tragique des deux petites Julie et Mélissa.
Cette enfance battue, violée et assassinée restera à jamais gravée dans les mémoires.

C'est pourquoi aujourd'hui, jour du recueillement le plus intense, chacun voudra à sa façon communier avec la tristesse des parents.
Sur le coup de 11 heures, toutes les cloches du Royaume vont sonner durant cinq minutes, annonçant ainsi un instant solennel de recueillement. A ce moment précis, la célébration d'adieu débutera dans la basilique Saint Martin de Liège.

De nombreuses initiatives

On attend énormément de monde ce matin à Liège. Le chiffre énorme de 100.000 personnes a été avancé et il ne sera peut-être pas loin de la vérité si l'on en croit toutes les initiatives qui se sont mises en place depuis hier pour amener du monde à l'enterrement.

Nous savons que des sociétés de cars, organisent d'un peu partout des déplacements vers Liège : de Mons, de Charleroi, de Binche, de Namur... Les taxis bruxellois (voir ci-contre) proposeront le trajet gratuit vers Liège, aller et retour, aux personnes désireuses de se rendre à l'enterrement. Le TEC LiègeVerviers a mis en place des navettes de bus gratuites entre Grâce-Hollogne (funérarium) et Liège. De même pour la SNCB qui mettra des navettes supplémentaires entre Liège-Guillemins et Liège-Palais afin de ne pas engorger le quartier Saint Laurent de voitures.

La police de Liège va d'ailleurs boucler le quartier entre Saint-Laurent et Sainte Marguerite aux voitures, seule la rue Saint-Laurent sera disponible en sens unique vers le centre.
Rappelons que la cérémonie sera retransmise en direct sur RTL-TVI et sur la RTBF, ainsi que sur les chaînes de radio RTBF-La Première et Bel-RTL, ce qui devrait dissuader certains de se rendre aux funérailles.

Les marques de soutien

Mais tous ceux qui ne pourront pas se rendre aux funérailles auront également à coeur de prouver leur attachement aux familles par un simple geste.
On a déjà vu de nombreux crêpes noirs fleurir sur les antennes des voitures, des photos des deux fillettes s'afficher aux fenêtres avec un bandeau noir.

Les registres de condoléances dans les administrations communales font le plein de messages de soutien. La pétition de l'a.s.b.l. Marc et Corine sur l'incompressibilité des peines circule partout dans les rues. Des affiches sont aussi placardées sur les murs demandant les peines les plus sévères pour les bourreaux d'enfants.

Dans la plupart des entreprises, la direction a proposé un arrêt de travail, de cinq minutes à une heure, le temps de l'enterrement. Cockerill-Sambre Liège a donné congé quelques heures à ses 5.000 membres du personnel pour qu'ils puissent se rendre aux funérailles (voir nos échos).
Dans la plupart des prisons du royaume, les détenus ont diffusé des communiqués disant qu'ils s'associaient à la douleur des parents.

La ville de Liège devrait ressembler à une ville morte puisque l'association des commerçants a décidé de fermer leurs magasins de 9 heures à midi en signe de deuil. De nombreux commerçants de la région et du pays ont annoncé qu'ils feraient de même.

Personnalités présentes

Le gouvernement sera, lui, représenté par le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, et celui de la Fonction publique, André Flahaut. Dans un communiqué, le gouvernement fédéral présente ses condoléances aux familles. Il souhaite que le personnel de toutes les administrations publiques et parapubliques ainsi que toutes celles et tous ceux qui en ont la possibilité observent ce jeudi à 11 heures un moment de silence et expriment leur solidarité.

De nombreuses autres personnalités publiques et politiques sont bien sûr attendues. Mais il y en aura vraisemblablement d'autres vers lesquelles tous les regards se tourneront. Il s'agit notamment des parents d'Ann Marchal, la jeune Flamande disparue, qui ont annoncé leur venue. Mais aussi les familles de Sabine et de Laetitia à qui les parents de Julie et de Mélissa ont apporté des marques de réconfort au moment de la disparition de leurs fillettes.

On attend aussi des enquêteurs de Neufchâteau qui ont réussi à trouver la clé de l'énigme. Gageons qu'ils seront chaleureusement félicités.

La Belgique va donc vivre une journée d'intense émotion. Qu'elle soit à même de faire comprendre à tous les violeurs d'enfants qu'ils auront désormais tout le pays à dos et qu'ils seront traques, partout où ils se trouveront.

Luc Gochel

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ORGANISATION

Yves Duteil, Michel Fugain, Céline Dion et Ennia seront au programme de la cérémonie

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 11

Après la partie privée demandée par les familles à la petite chapelle Saint-Léonard de leur village, les deux corbillards emmenant Julie et Mélissa reviendront au funérarium Mestré vers 10 h 30 pour la levée officielle des corps. Une dizaine d'autres véhiculent formeront alors le cortège funéraire, emportant les innombrables fleurs.

A 11 h, la célébration d'adieu commencera à la basilique Saint-Martin. Les familles ont demandé à rentrer les premières ainsi qu'environ 400 personnes qu'elles auront choisies parmi leurs proches et parmi ceux qui ont connu de près ces pénibles événements comme les parents de Ann, Laetitia et de Sabine.

Ensuite, il restera 600 places assises pour les anonymes. Le reste de la foule restera à l'extérieur mais pourra normalement suivre la cérémonie via un écran géant.
Le doyen Goffinet, le prêtre-ouvrier Gaston Schoonbroodt (un ami de Gino Russo) qui célébrera l'absoute et des membres des familles ont choisi la musique du film « La Leçon de piano » pour l'entrée à l'église. Il y aura ensuite trois lectures tirées de l'Evangile de S' Jean et de S' Marc, entrecoupées des chansons d'Yves Duteil « Pour les enfants du monde entier » et de Michel Fugain «Où s'en vont».
Un petit garçon de 8 ans de Namur viendra ensuite lire un texte d'espoir, suivi par le recteur de l'UCL, Gabriel Ringlet.
Un texte de Vercors, « Le Silence de la mer », commencera la seconde partie de la célébration, entrecoupée par la musique du groupe Ennia.

Viendront parler : le psychothérapeute De Kaiser qui a suivi la famille depuis 14 mois, Daniel Martin, le criminologue, José Dessard, le journaliste de l'émission Faits-divers de la RTBF, et Victor Hissel, l'avocat des familles depuis le début.

« Elles étaient notre avenir » sera le texte suivant, suivi d'un message du comité de soutien « Julie et Mélissa ». Une chanson italienne « Com te partira » d'Andrea Bocelli précédera la bénédiction des cercueils. Et le dernier chant sera celui de Céline Dion: « Vole». A noter également qu'un groupe de bénévoles du choeur de l'Opéra de Liège chantera également.

Lorsque la foule aura pu s'incliner devant les deux cercueils, le cortège funéraire repartira alors par le Cadran et l'autoroute vers le petit cimetière de Mons-lez-Liège, où les familles ont également demandé d'être seules pour l'inhumation. Il sera alors probablement 14 h 30.

L.G.


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Les taxis bruxellois se mobilisent pour les funérailles

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 11

Les taxis de Bruxelles se mobilisent eux aussi pour manifester leur solidarité avec les familles de Julie et Métissa, dont les funérailles ont lieu à 11 h à Liège (voir par ailleurs). Et aussi pour relayer le mouvement d'opinion en faveur d'une politique pénale plus stricte à l'encontre des pédophiles et auteurs de délits sexuels.

Toutes les firmes bruxelloises marqueront, à des degrés divers, leur solidarité, avec une constante pour les quelque 1.500 taxis reconnus : le port d'un bandeau noir, et la distribution de la pétition de l'a.s.b.l. Marc et Corine.

De plus, au moins une firme, les Taxis bleus, a décidé de mettre gratuitement près de 60 voitures à la disposition des personnes désireuses de se rendre à Liège, aujourd'hui matin : le départ est prévu à partir de 8 h, sur le parking du Cora de Woluwe-Saint-Lambert.

« Les particuliers et les autres exploitants sont les bienvenus, souligne M. Moyensoenn, des Taxis bleus. Je pense que tout le monde est touché par ce drame. Ça me tracassait, et j'ai lancé l'idée de ce transport, qui a recueilli l'appui d'un grand nombre de nos chauffeurs. »

Deux autres grandes firmes, les Taxis verts et les Taxis orange, sans participer à ce voyage, mais «en accord avec le comité de soutien », ont décidé de manifester leur solidarité par un arrêt de travail de leurs 600 véhicules durant 5 min, sur le coup de 11 h. Après quoi, les voitures rouleront tous phares allumés pendant l'office religieux.

Quant aux chauffeurs des taxis Autolux, ils ont reçu depuis mardi l'autorisation de distribuer à leurs clients la pétition de l'a.s.b.l.
Hier, la gendarmerie de Bruxelles ne prévoyait pas d'escorte spécifique du convoi, celui-ci devant être pris en charge et dirigé à l'approche de la Cité ardente par les motards de l'UPC (Unité provinciale de circulation) de Liège.
Néanmoins, aux Taxis bleus, ont envisageait, en cas d'afflux, l'appel à une firme d'autocars privée.

L.W.


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Verviers : les détenus réagissent

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 11

Comme à Mons, les détenus de la prison de Verviers ont souhaité dénoncer les «faveurs » que le système accorde aux pédophiles.

Après avoir présenté leurs condoléances aux parents de Julie et Métissa, ils ont expliqué que les pédophiles n'avaient pas leur place en prison, où ils faussent le «Jeux ».
« Les remises de peine sont tout à fait arbitraires et profitent plus aux auteurs de ces crimes sexuels.

Alors que nous sommes considérés comme les Robin des Bois du système, eux, ils se forgent une bonne conduite par une discrétion totale. Qui mieux qu'un pédophile peut vivre dans le mensonge, l'hypocrisie et la discrétion ?
« Qualités » requises pour séduire, tromper, nos enfants et la justice... »

Craignant payer l'échec que vient de subir la justice, les détenus verviétois rappellent que, dès 1985, les grâces collectives ont été limitées pour ne pas que le système profite à des salauds. «Or c'est un salaud qui pu profiter d'une conditionnelle personnelle! Dutroux a trompé le système parce que le système lui a donné les moyens de le tromper. »

Marche vendredi

Par ailleurs, un groupe de Verviétois a décidé d'organiser une marche silencieuse, vendredi soir, dans les artères de la ville.
Partant de la gare centrale à 19 h, le cortège terminera son périple à l'hôtel de ville pour remettre une lettre aux autorités politiques. Lettre dans laquelle sont souhaitées des mesures efficaces, à savoir l'application de peines plus sévères, la mise en place de thérapies pour les auteurs de faits de moeurs, l'organisation d'un suivi psychologique et social pour les victimes.

Les organisateurs insistent bien sur le côté silencieux de l'opération, « sans slogan, ni calicot, sans crier sa haine même si elle nous habite... »


P.M.


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DERNIERES MINUTES

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996 page 11

Huy: deux petites bougies
Madame Defosse, une maman de Huy: «Je désire demander à toutes les personnes qui liront ce message: demain soir, allumez deux petites bougies à votre fenêtre, ceci en signe de deuil mais aussi en signe d'espoir pour que plus jamais on ne puisse éteindre les petites lumières que sont nos enfants dans notre vie. Ces deus petites flammes resteront à tout jamais dans notre coeur.

Registres de condoléances
La commune de Ferrières nous signale qu'elle met à la disposition du public un livre de condoléances, afin de transmettre des messages de solidarité aux parents des fillettes. I1 sera accessible au service « Accueil-Population » jusqu'au mardi 27 août à 16 h.
D'autre part, l'administration communale de Seraing rappelle que la pétition de l'ASBL Marc et Corne ainsi qu'un registre de condoléances peuvent être contresignés dans ses locaux.

Le personnel de Lantin marque le deuil
Le personnel de la prison de Lantin a décidé de rendre hommage à Julie et Mélissa.
Afin de marquer le deuil, les membres du personnel arboreront une chemise blanche et une cravate noire. A cette occasion, une collecte a été organisée, permettant de récolter environ 16.000 F. Une somme de 5.000 F a été consacrée à une gerbe de fleurs, déjà déposée au funérarium de Grâce-Hollogne, tandis que le reste sera versé au compte de l'ASBL Marc et Corine.

De plus, un arrêt de travail sera observé de 10 h 45 à 11 h 15. Les sirènes retentiront, à ces heures précises, pendant un laps de temps plus long qu'à l'habitude. Une action similaire sera vraisemblablement organisée dans l'après-midi.
Notons également que le personnel de la prison d'Arlon tient à marquer sa sympathie envers les familles. Il rappelle « toutes les difficultés à assurer à ces malfrats une sécurité maximale exigée par les autorités. (...) En aucun cas, il ne peut se sentir tenu responsable des débordements ou d'actes de violence que d'autres détenus poseraient envers ces tristes sires. »

Commerces fermés par solidarité envers les parents
Le commerce liégeois, profondément touché par le décès tragique de Julie et Mélissa, tient à s'associer à la douleur des familles. En signe de deuil, les magasins resteront fermés de 9 à 12 heures. Les commerçants de Spa, quant à eux, ont mis sur pied une action identique : les commerces afficheront porte close de 10 à 11 heures.

Province et Classes moyennes
Le gouverneur de la province de Liège, le président du Conseil provincial, la Députation permanente et le Conseil provincial s'associent à la douleur des parents des petites Julie et Mélissa dans l'épreuve terrible qui les frappe.
D'autre part, le Comité général des Classes moyennes de Seraing, Jemeppe, Ougrée et Boncelles, ainsi que les indépendants, commerçants et artisans marqueront leur solidarité vis-à-vis des parents des fillettes, en éteignant les lumières de leur commerce et en observant une minute de silence à l'heure de l'enterrement.

Petits footballeurs en deuil
Serge Verheyden, ancien joueur du Standard, et son épouse, accompagnés des garçons présents aux stages qu'ils organisent, ont eux aussi décidé de rendre hommage aux petites filles en déposant une gerbe de fleurs pendant la levée du corps. M. et Mme Verhey den possèdent un centre de formation pour jeunes footballeurs à Chaudfontaine. Interpellés par leurs jeunes stagiaires, ils ont décidé de faire ce geste «pour tous les enfants qui ont souffert, qui souffrent et qui souffriront encore, de maladie ou autres. Bref, c'est un hommage à tous les enfants.

CMI approuve Marc et Corine
L'ensemble des organisations syndicales de la S.A. CMI soutient l'action de l'ASBL Marc et Corine. Après avoir organisé une collecte au sein du CMI, une gerbe de fleurs sera déposée au funérarium, et la somme restante sera versée aux parents des deux petites filles.
Afin de marquer sa solidarité, les sirènes de CMI retentiront, ce jeudi, au moment des funérailles.

Sarma Nopri : arrêts de travail
Le personnel du dépôt de Sarma Nopri, chaussée de Mons à Anderlecht, annonce un arrêt de travail, ce jeudi 22 août, entre 11 h et 11h15.

Message des évêques
Message de Mgr Houssiau, évêque de Liège, au nom des évêques de Belgique «Au nom du peuple de Dieu, les évêques de Belgique assurent les parents de Julie et Mélissa de leur profonde communion dans leur détresse. Tant d'hommes et de femmes ont participé avec générosité à les aider dans l'attente et les recherches et nous sommes abattus par l'horrible mort de leurs enfants.
Beaucoup de parents sont blessés dans leur amour, car ils sont appelés au grand service de la vie. Jésus a mis un enfant au milieu de la foule pour nous faire saisir le prix de tout enfant pour Dieu et pour les hommes, en particulier lorsqu'il est maltraité et abusé. Nous invitons au recueillement tous les chrétiens et ceux qui sont épris de la dignité inaliénable de tout homme. Que l'Esprit Saint anime les coeurs et donne le courage de reprendre le chemin de la vie et de s'engager avec détermination, dans un esprit de réconciliation, à promouvoir et à protéger les plus faibles. Avec le Christ portons ensemble, avec humilité et miséricorde, le péché du monde. »

La magnifique solidarité('Meuse'jeudi 22 août 1996'UnE')



La magnifique solidarité

« La Meuse » du jeudi 22 août 1996

C'est ce matin, à 11 h, qu'auront lieu, en la basilique Saint-Martin, à Liège (photo), les funérailles de Julie et Mélissa, les petites filles martyres de Grâce-Hollogne.
«Nous sommes tous en deuil» titrait lundi La Meuse, La Lanterne. Et il est vrai que c'est tout le pays qui est sous le choc. Aujourd'hui, c'est une magnifique solidarité qui s'est créée autour des parents de Julie et Mélis
sa
.

De partout, des initiatives se sont manifestées : minutes de silence dans toutes les administrations du pays ; les cloches de toutes les églises sonneront; un peu partout, auront lieu des arrêts de travail ; les commerçants de Liège baisseront les volets; les 5.000 membres du personnel de Cockerill-Liège auront congé pour pouvoir assister aux funérailles ; la SNCB, des sociétés de bus, de taxis bruxellois participent à cet élan.

Et un peu partout, crêpes noirs, drapeaux en berne, sirènes hurlantes et minutes de silence.

C'est véritablement tout un peuple qui dira ce matin son émotion, qui entourera les parents et qui dira que jamais on ne pourra oublier les petits anges de l'autoroute

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Les parents de Julie et Mélissa désirent faire de la célébration de ce matin un témoignage d'union autour des valeurs sacrées de l'enfance.
Pour que soit préservée leur intimité, ils font savoir que le funérarium
(Photo de B. Delentrée: hier, c'était un océan de fleurs qui envahissait les abords) ne sera pas accessible au public ce matin et que l'inhumation se fera dans la plus stricte intimité.

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Les condoléances de nos journaux

M. Michel Fromont a adressé la lettre suivante aux parents de Julie et Mélissa:

Chers parents de Julie et Mélissa,
Chers Monsieur et Madame Lejeune,
Chers Monsieur et Madame Russo,

C'est au nom des conseils d'administration, des directions, des rédacteurs en chef, des rédactions et de l'ensemble du personnel des journaux La Meuse, La Lanterne, La Nouvelle Gazette et La Province, que je vous exprime toute notre sympathie et tout notre soutien dans votre profonde douleur.
Votre deuil est celui de toute la population; aussi, nos journaux resteront à vos côtés pour promouvoir une justice plus efficace et plus attentive aux victimes.
Soyez assure de notre appui dans votre lutte pour que soient mieux protégés tous nos enfants qui aujourd'hui deviennent un peu les vôtres.

Nous vous présentons, chers Monsieur et Madame Lejeune, chers Monsieur et Madame Russo, nos plus sincères condoléances,
Michel Fromont,
éditeur.

Un miroir pour la justice('DH'jeudi 22 août 1996 p7)



L’éditorial de Paul Masson

Un miroir pour la justice

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 7

En décembre dernier, lors d'un colloque Presse et Justice organisé au Sénat, l'implacable procureur général Velu et le prétentieux juge Panier s'étaient sévèrement attaqués à la presse.

Cette irritation qui était accompagnée de propositions visant à encadrer la liberté de la presse montrait à l'évidence que celle-ci dérangeait le pouvoir judiciaire et lui tendait un miroir dans lequel il n'aimait pas trop se regarder.

Avec la tragédie Julie et Melissa, c'est l'opinion qui, à son tour, tend ce miroir à la justice et lui demande avec impatience et colère de se réformer, de changer d'état d'esprit, de sortir de son insolente suffisance, bref d'améliorer les services qu'elle est censée rendre au pays et à ses citoyens.

Cette épouvantable affaire d'enlèvements de jeunes filles et peut-être de réseau de prostitution de mineurs, dans laquelle la justice se prend les pieds depuis plus d'une année, vient s'ajouter à son incapacité à résoudre l'assassinat d'André Cools ou à faire la lumière sur les tueurs du Brabant wallon.

Cela fait beaucoup en quelques années...Les critiques s'adressent à tous les niveaux de notre système judiciaire : depuis le ministre qui passa outre aux mises en garde des magistrats jusqu'aux assistants sociaux en charge du suivi des libérés conditionnels, en passant par les enquêteurs qui ne font pas confiance aux parents et aux juges d'instruction assis sur leurs dossiers. Critiques aussi à l'égard de tous ceux qui ont la responsabilité de protéger la société et surtout les jeunes contre les prédateurs.

Comment est-il possible qu'un Dutroux, repris de justice notoire, sans revenus fixes sauf le chômage, puisse posséder une demi-douzaine de maisons, des voitures, des engins de terrassement et que ce train de vie n'attire pas l'attention de l'administration communale ou de services fiscaux pourtant bien tatillons à l'égard des honnêtes citoyens
Que l'on choisisse la solution des peines incompressibles, d'un tribunal d'application des peines, d'un suivi médical et social plus sévère ou d'une nouvelle commission, comme le préconise le ministre De Clerck, suffira peut-être à régler le problème de la conditionnelle dont il est presque exclusivement question aujourd'hui.

Cela ne suffira pas à réhabiliter l'ensemble de la justice, ni à corriger ses erreurs. Il faut pour cela qu'elle fasse son autocritique et que le législateur procède sans retard mais sans précipitation à une réforme de son fonctionnement.

Cela demandera beaucoup de courage et de volonté politiques. La pression de l'opinion sera encore bien nécessaire.
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Colère et impuissance

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 7


BRUXELLES - Les réactions et les mots de soutien destinés aux parents de Julie et Melissa continuent d'affluer. Ces réactions sont toutes imprégnées d'un sentiment de colère, de haine, d'impuissance mais surtout de tristesse. Tristesse face à la dérive de la société, face à l'indifférence des gens. Tristesse, mais également indignation, face au manque de réaction de l'ex-ministre de la Justice, Melchior Wathelet.

Malgré cela, les Belges restent fidèles à eux-mêmes, solidaires face à l'adversité. Beaucoup d'entre vous ont réagi : nous ne pouvons malheureusement pas citer tout le monde mais nous avons retenus différents témoignages que nous vous livrons ci-dessous.

Serge Meurisse, de Kain se demande qui sont ceux qui ont libéré Dutroux : « Selon les psychiatres,les pédophiles sont des malades et nous, gens normalement constitués, ne serions pas à même de les comprendre. Si nous ne sommes pas à même de les comprendre, qui sont ceux qui les ont libérés ? Sont ils atteints de la même maladie ou ne sont-ils que des pistonnés incompétents ?

Paul Pierret, de libramont, médecin de son état, ne partage pas l'avis de M. Meurisse. Pour lui,
« de tels individus ne sont pas des malades, mais des pervers incurables et irrécupérables dont la société devrait définitivement se débarrasser au lieu de vouloir exorciser le mal en le mettant sur le dos des médecins.

Jean-Claude Dupré, de Tournai propose, quant à lui, la construction de prisons spéciales pour pédophiles où on les regrouperait entre eux. Il veut également que des gens condamnés à perpétuité ne ressortent pas après quelques années pour bonne conduite.
D'après lui, si ces individus passent le restant de leurs jours en prison, peut-être auront-ils le temps de prendre conscience de la monstruosité de leur acte.

Et les prisonniers eux-mêmes réagissent. Ainsi, Ernest de Logie prend la parole au nom des détenus de la prison de Jamioulx. Il voudrait qu'on ne fasse pas d'amalgame entre les actes pervers des pédophiles et les autres détenus. Ils ont également peur d'un ralentissement des mesures de libération conditionnelle, ainsi que du manque de grâce royale pour des prisonniers de droit commun.

Lucien de Deyn, de Woluwe Saint-Lambert, psychologue de formation, voudrait créer un groupe de travail chargé d'étudier, de fond en comble, le système éducatif dans notre pays. Selon lui, s'il y a tant de déviances en Belgique, c'est qu'il y a une faille quelque part dans notre système d'éducation. Pour lui, il faudrait essayer de réparer les erreurs qui existent dans ce système.

Frédéric Hagon, d'Ecaussinnes n'est sans doute pas psychologue mais il s'interroge néanmoins sur la consciente. Pour lui, nous sommes tous nés avec une conscience nous permettant de distinguer le bien du mal, afin de nous guider dans le droit chemin. «Nous avons tous une conscience et c'est pour cela que je ne pense pas que la pédophilie soit incurable. D'ailleurs, dans le dictionnaire, on ne parle pas de maladie mais bien d'attirance sexuelle vers des enfants. Je pense que si l'on enfermait ces gens en prison à vie, ils auraient le temps de se rendre compte de ce qu'ils ont fait. »

Eddy Van lanckere, d'Ucde se pose des questions : « J'espère que la mort de leurs petites victimes ne sera pas inutile, que ces actes ignobles pourront éclairer nos responsables de la justice, nos députés, nos sénateurs et leur apporter le courage et la détermination de changer, dans les délais les plus brefs, la loi Lejeune. »

Différentes idées

Jean-Philippe, de geauvechain espère que ces deux anges ne sont pas morts pour rien. A cette fin, il donne deux conseils. « lors des perquisitions, les policiers devraient toujours emmener des chiens, ceux-ci sont capables de détecter ce qui passe parfois à côté des hommes. Ensuite, et je m'adresse à l'ensemble de la population; soyez vigilants. Sans ce gamin qui a noté !a plaque d'immatriculation de !a camionnette de Dutroux, ce dernier courrait toujours. Ayez toujours un bic et un bloc-notes dans votre voiture, il se passe tellement de choses sur les routes

Isabelle Moret, d'Anderlecht voudrait que l'on imprime les visages des enfants disparus sur les emballages d'aliments de consommation courante comme cela se fait dans de nombreux pays. Elle nous explique, d'autre part, qu'elle avait oublié les visages des autres enfants disparus en Belgique.

Pascal Murtin, de Liège va encore plus loin. Il se demande pourquoi une asbl comme Marc et Corine ne fonderait pas un parti politique. Il est sûr que celui-ci drainerait une partie importante de la population. « En Belgique, on fait beaucoup d'efforts pour faire partie du gratin européen alors que les gens, dans le pays, ne sont plus heureux; ils ont peur pour leurs enfants. Ce qui se passe, c'est qu'une fois élus, les hommes politiques ne pensent plus qu'à leur propre profit ».

Baudouin Raymond, de Bastogne exige également la démission de l'ex-ministre de la Justice.
Pour lui, M. Wathelet ne mérite plus d'occuper une fonction représentative à quelque niveau que ce soit. Selon M. Raymond, Melchior Wathelet ne représente plus que lui-même !

Poème
Terminons par quelques lignes extraites d'un poème envoyé par
Pierre Decubber, de Bruxelles.
Combien de fois n'ont-elles pas pensé à leurs parents?
-Quels sévices ont-elles subi en pleurant tout doucement?-
-Elles ont dû voir cette femme complice, cette maman
-Que le législateur a libéré également
-Là-haut, dans le ciel, il y a deux nouveaux anges
-Qui expliquent à Saint-Pierre que la justice est bien lente
-Qu'il y a sur cette terre des hommes mechants
-C'est certainement ce qu'elles racontent dans leur langage d'enfant. ».

Ni. Ke.

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Scepticisme en Slovénie

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 7

LJUBLJANA - Contrairement à des pays comme l'Allemagne ou l'Autriche, où la sinistre affaire Dutroux faisait, mardi encore, la une de la plupart des quotidiens, en Slovénie la presse a été relativement discrète ces derniers jours.

Croire que la chose ne suscitait pas une émotion certaine serait pourtant une erreur. Si, dans la rue, tout le monde n'était visiblement pas au courant, les personnes pouvant être concernées par le dossier savaient très bien, hier matin, de quoi il s'agissait. Ainsi, alors que nous étions très courtoisement reçu par Janez Muzic, le responsable de la communication du ministère slovène de l'Intérieur, une demi-douzaine de copies de dépêches et d'articles évoquant les tristes disparitions s'empilaient sur le bureau de celui-ci.

« En fait, nous explique M. Muzic dans un français impeccable, en ce qui concerne An Marchal et Eefje Lambrecks, nous avons été prévenus par Interpol, il y a un an déjà, à l'époque de la disparition.

A ce moment, nous avons déployé toutes les procédures de routine habituelles, mais cela n'a rien donné. »
Mais aujourd'hui ? « Nous n'avons pas été avertis d'un quelconque indice de la présence des deux filles sur notre territoire.
Mais, de vous à moi, je les imagine assez peu se livrer à la prostitution chez nous. Vous savez, ce ne sont plus de petites filles... Et il me paraît bien difficile de les cacher dans le type d'établissement que l'on trouve chez nous. Dans certains pays arabes, peut-être, mais ici non!»

Réseaux de l'Est
Pour fanez Muzic, la prostitution est néanmoins un problème de plus en lus important en Slovénie : « Il faut distinguer deux formes de prostitution chez nous: Il y a d'abord celle qui est le fait de femmes slovènes mêmes et qui est surtout une prostitution occasionnelle, liée aux difficultés économiques. Beaucoup de femmes ont perdu leur travail, ces dernières années, alors elles font ça de temps en temps »...

Plus préoccupante est la prostitution organisée en provenance des ex-pays du bloc de l'Est.

Comme nous l'explique notre responsable : « Beaucoup de filles arrivent en Slovénie comme de soi-disant artistes. Seulement, voilà, elles n'exercent pas bien longtemps le métier d'artiste. Leur patron saisit leur passeport et, après cela, il les tient Ces filles viennent principalement de Roumanie, de
Hongrie, d'Ukraine et de Bulgarie.
Mais je n'ai jamais entendu parler de filles en provenance d'Europe de l'Ouest.
« Paradoxalement, poursuit M. Muzic, si elles se font exploiter par des proxénètes, ces filles préfèrent travailler ici plutôt qu'en Allemagne, en France ou en Italie. Il faut dire qu'ici les règles du milieu sont beaucoup plus souples. Leur vie est plus Facile: elles gardent plus d'argent et elles ne se font pas battre ou menacer pour un oui ou un non. Ce qui ne nous empêche pas de retrouver toujours autour de ces réseaux les mêmes types de délinquance que partout : la drogue, la fausse monnaie et les armes.

D'où viennent les clients ? « Un Slovène gagne en moyenne 80.000 tolarji (20.000 FB) par mois, ce qui rend la prostitution très chère pour mes concitoyens, une passe moyenne ne se négociant jamais en dessous de 12.000 tolarji.

Pratiquement, la plupart des clients viennent d'Italie. C'est ainsi qu'il y a pas mal de clubs installés dans les stations balnéaires proches de la frontière. Si les trois grandes villes du pays, Ljubljana, Celje et Maribor, sont également touchées, c'est sans doute plus par la prostitution occasionnelle.

On cite le nombre de quelque 3.000 prostituées en Slovénie. « Cela me semble énorme, s'étonne M. Muzic. Pratiquement, nous en coinçons une bonne centaine par an. Car, même si nous en voulons principalement aux proxénètes, il faut savoir que la prostitution est illégale en Slovénie. Certains pensent qu'en légalisant les bordels, on pourrait canaliser la chose, mais, en tout cas pour ce qui concerne les occasionnelles, elles resteront de toute manière rétives à toute organisation.

Ph. B

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Gros succès pour la pétition

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 7

BRUXELLES - Le dossier Dutroux ne laisse manifestement aucun Belge insensible: pour preuve, les manifestations spontanées de soutien aux parents des petites Julie et Melissa, mais aussi ces signatures, qui, par dizaines de milliers, déjà, affluent au siège de l'asbl Marc et Corine.
« Les formulaires nous arrivent de tout le pays, commente-t-on à l'asbl. Tandis que des centaines de fax nous en réclament davantage. Nos lignes sont constamment surchargées... »

Une seule doléance, au passage : celle de voir des signataires modifier le texte original de la pétition, en y laissant le logo de l'asbl.
Celle-ci espère d'ores et déjà un meilleur suivi que voici quatre ans, quand elle avait, au lendemain de la mort de Marc et Corine par des truands en liberté conditionnelle, remis des dizaines de milliers de signatures au parlement...

Autre pétition : celle organisée par l'opération Marie-France Botte (11, avenue de la Jonction, 1060
Bruxelles), qui exige, par le biais de sa mascotte Mimi fleur de cactus, une politique cohérente en matière de pédophilie. 300.000 formulaires ont été imprimes et retournent déjà à l'association par centaines.

Enfin, à Amay, deux dames, directement concernées par le problème de la pédophilie, ont, appuyées par les parents Lejeune, Russo et la chanteuse Muriel Dacq (Mme Werpin, 8, clos des Wallons, 4540 Amay et Mme Naveau, 11, rue de la Sablière 4540 Amay), initié une opération cartes postales toutes les cartes recueillies à leur adresse, portant la mention « Pour nos enfants », seront remises aux parents des fillettes, qui devraient eux-mêmes les apporter au ministre de la Justice.

Ici encore, il s'agit de considérer la sécurité des enfants comme prioritaire et d'exiger des peines plus lourdes, incompressibles, pour les assassins...

N.F.




Les victimes que l’on oublie('DH'jeudi 22 août 1996 p6)


Le monstre a aussi des enfants

Les victimes que l’on oublie

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 6


CHARLEROI - Marc Dutroux, on s'accorde à le reconnaître, n'a pas le profil type du pédophile que l'on rencontre d'habitude dans les tribunaux correctionnels du royaume. La cruauté est l'un des éléments qui le singularisent.
Il y a aussi son physique et son parcours conjugal. On sait que l'homme n'a pas d'exclusive et cultivait en tout cas presque l'image d'un don juan.

Sa première épouse parle de sa vie et de son comportement sexuel normal. Marc Dutroux avait aussi et surtout même engendré cinq enfants.

Il semble avéré que le pervers Dutroux n'avait jamais considéré sa propre progéniture comme des proies. D'un premier mariage, il avait eu deux fils, aujourd'hui âgés de 17 et 19 ans: ces derniers étaient allés vivre avec leur mère après le divorce et ne sont donc en aucune manière concernés par l'incarcération de leur père.

Dutroux avait cependant aussi eu trois enfants avec Michelle Martin : un grand garçon âgé de douze ans, un autre, beaucoup plus petit, qui en a à peine deux et demi et une fillette qui n'a pas dix mois. Les parents des trois enfants ont été interpellés et donc mis dans l'impossibilité de s'occuper d'eux dès mardi passé.

Déchéance
La mère de Michelle Martin, qui habitait à Sars la Buissière, s'est pendant deux jours occupée des deux plus grands enfants. La fil lette, encore bébé, avait immédiatement fait l'objet d'une mesure de placement, a l'hôpital civil de Charleroi d'abord, avant d'être aiguillée vers un centre. Les deux plus grands enfants ont eux aussi été placés. Il faut savoir que, depuis 1994, c'est la Communauté française, par le biais du service d'aide à la jeunesse, qui traite les délicats dossiers d'enfants de détenus.

Pour les quinze premiers jours, une mesure de placement d'urgence peut être ordonnée par le parquet, mais le SAJ peut à tout moment l'interrompre. Dans le cas des enfants de Dutroux, il est infiniment peu probable qu'un arrangement soit trouve avec les parents. La mesure de placement sera donc reconduite pour 60 jours.

Pendant ce temps, le parquet ne manquera pas d'introduire une demande de déchéance de droits des parents. Dutroux doit connaître la musique. Il avait déjà fait l'objet d'une telle mesure lors de sa précédente condamnation, mais son fils, celui qui est âgé de douze ans, lui avait été rendu après sa libération.
Les deux enfants aînés sont actuellement dans une institution tandis que la fillette est séparée de ses deux frères.

La plus grande discrétion entoure le passé de leurs parents et tout est fait pour que soit préservé leur parcours scolaire. Il y aura des indiscrétions, des insultes à l'encontre de ces enfants qui n'y peuvent rien, c'est presque inévitable.

F. M .
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Drapeaux en berne sur de nombreuses façades du pays

Liberté totale aux particuliers

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 6


BRUXELLES - Depuis quelques jours, des drapeaux belges en berne sont arborés à de nombreuses façades à travers le pays.

Un signe de deuil qui montre aux parents de Julie et de Melissa que le pays tout entier partage leur chagrin et leur détresse. Mais la loi permet-elle de mettre ainsi un drapeau tricolore à son balcon?
« Bien sûr, nous expliquait hier un porte-parole du ministère de l'Intérieur. Une liberté totale est octroyée aux particuliers dans ce domaine. »


On peut donc placer sous sa fenêtre ou à son balcon tous les drapeaux possibles et imaginables, même aux couleurs les plus fantaisistes. Rien ni personne ne peut davantage empêcher des citoyens de témoigner leur affliction aux familles des deux petites Liégeoises, en mettant un drapeau belge en berne sur les maisons.

Un hommage vibrant à Julie et Melissa, sacrifiées sur l'autel des perversités de l'ogre de Sars-la Buissière, consisterait d'ailleurs à noyer le pays sous une nuée de voiles tricolores. Un dernier adieu national, en quelque sorte.

Bâtiments publics
Les choses sont, par contre, nettement plus contrôlées lorsqu'il s'agit de bâtiments ou de lieux publics. L'arrêté royal du 5 juillet 1974 réglemente sévèrement la sortie des drapeaux.

L'article premier stipule que le drapeau national est arboré aux édifices publics les 17 février (en berne), les 1er et 8 mai, 6 et 11 juin, les 2, 21, 22 et 23 juillet, 11 septembre, les 11 et 15 novembre.
Pour le reste, le ministère de l'Intérieur peut ordonner le pavoisement à d'autres dates, notamment lorsqu'un deuil national est décrété.

Les bannières étrangères ne peuvent fleurir dans les lieux publics que dans des cas bien précis par exemple, « lors de la visite d'un chef d'État étranger, le drapeau national de cette nation pourra être sorti », dit la loi.
Notons encore qu'il existe une préséance dans l'univers des étendards : le drapeau national damera toujours le pion aux étoffes communautaires et provinciales.

Quant à brûler ou fouler aux pieds la bannière nationale, l'article 526 du code pénal prévoit de 8 jours à un an d'emprisonnement et / ou une amende de 5.200 à 1000000F,

D.Ste.

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La maison maudite de Sars la Buissière

Fouilles à l’anglaise

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 6

SARS-LA-BUISSIÈRE - Mardi, vers 20 h, des équipes sont de nouveau arrivées à la maison sanctuaire de Sars-la-Buissière.

Des gendarmes et des membres de la Protection civile sont descendus dans les caves et ont opéré au marteau piqueur. Les riverains assurent qu'ils ont creusé dans la cave ainsi que dans le garage. Ils ont également démoli des murs qui se trouvaient dans la cave.

Hier après midi, peu avant 16 h, on a vu arriver une équipe avec deux chiens pisteurs qui sont entrés dans la maison. Il semble que ces investigations très précises, demandées par le parquet de
Neufchâteau, n’ait pas donné de résultat.

Les enquêteurs de Charleroi qui reçoivent leurs ordres de Neufchâteau, où tout est désormais centralisé, semblent ne pas exclure l'hypothèse que l'une ou l'autre cache,une cage, comme les appelait Marc Dutroux, ait pu échapper à leurs recherches.

Ce n'est pas pour rien que le commissaire John Bennett, responsable de l'enquête sur les crimes du couple West à Gloucester, dans le sud de l'Angleterre, est arrivé hier en Belgique et est allé directement à Neufchâteau, pour y rencontrer les responsables de l'enquête.

Les autorités judiciaires belges se montrent très discrètes sur T'arrivée de ce superflic anglais en Belgique. On se souviendra quand même que les époux Frederick et Rosemary West avaient été arrêtés pour des faits que l'on peut rapprocher des crimes de Dutroux.

On accusait le couple infernal d'une douzaine de meurtres de jeunes filles qui auraient été enterrées dans le jardin ou la cave des West, dans cette sinistre maison de l'horreur. Mais, au total, les policiers britanniques avaient retrouve la trace de quelque 200 filles qui avaient été des visiteuses de passage ou des locataires des West.

John Bennett et ses hommes avaient utilisé à bon escient un matériel informatique sophistiqué afin de gérer toutes leurs informations. Ils avaient aussi fait usage d'un radar spécial, sans doute un scanner thermique pour sonder le sol et retrouver les corps enterrés.

Déjà, les autorités judiciaires avaient fait appel au cours du week-end à ce type de matériel en provenance de Hollande.
John Bennett n'était cependant toujours pas signalé hier à Sars la Buissière. On attendait plutôt son arrivée aujourd'hui.

Appel à témoins

D'autre part, toute personne susceptible d'apporter des informations utiles concernant Bernard Weinstein est priée de se faire connaître auprès du Bureau central des recherches de la gendarmerie (0800-97779).
Weinstein, domicilié rue Daubresse, à fumet, a été retrouvé mort dans la propriété de Dutroux. Il était connu dans trois dossiers de vols de voitures.

F. M.

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Lié à un pédophile sud africain ?

Dutroux intéresse le FBI

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 6

PRETORIA - Marc Dutroux, le monstre de Sars-la Buissière, avait-il des relations avec un tueur pédophile d'Afrique du Sud?

Selon le bureau de l'AFP à Pretoria, le chef de la police locale, Rieggie Marimuthu, a précisé que des enquêteurs sud-africains, belges et américains confrontaient en ce moment leurs informations sur les « ressemblances étranges » existant entre les affaires mises à charge des deux hommes.

En Afrique du Sud, la police enquête sur la disparition de cinq fillettes, liée selon elle aux activités d'un pédophile de Pretoria, Gert van Rooyen, mort depuis 6 ans. Ce suspect pourrait également être lié aux disparitions non élucidées de 27 autres enfants sud-africains, dont les corps auraient pu servir à alimenter un trafic d'organes !

Une équipe de quatre enquêteurs sud-africains a commencé à mener des recherches aux côtés du FBI sur les relations pouvant exister entre Dutroux et van Rooyen. Les enquêteurs belles devraient répondre « très bientôt » aux questions posées par la police sud-africaine à ce sujet, a ajouté M.Marimuthu, qui n'a pas exclu une visite en Belgique.

Cela reste théorique pour l'instant, mais nous sommes inquiets de la possibilité d'un réseau international de trafic de chair blanche, impliquant le commerce de morceaux de corps humains et l'échange d'informations. Il peut s'agir aussi d'un réseau de pédophilie », a-t-il dit. Geert van Rooyen aurait tué les fillettes dans sa maison de Pretoria ou les auraient exportées vers d'autres pays africains. Des recherches n'ont rien donné jusqu'ici.

La police n'exclut pas que les filles puissent avoir été assassinées par van Rooyen et sa maîtresse, Joey Haarhoff, dans le cadre rituels sataniques. Haarhoff et van Rooyen se sont suicidés en 1990, alors qu'ils étaient recherchés par la police.

B. F.

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Un fléau qui touche le monde entier

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 6

MANILLE - Au moment où la Belgique est bouleversée par les événements que l'on sait, de par le monde semble se lever un vaste mouvement de répression à l'égard de la pédophilie. Des pays naguère considérés comme des sanctuaires pour les détraqués en tout genre ont fini par muscler leur arsenal de répression.

C'est ainsi qu'à Manille la police philippine a arrêté hier un Allemand de 63 ans qui avait abusé sexuellement de jeunes enfants.
Lors de son arrestation, l'Allemand était en compagnie d'un jeune de 17 ans, nu. Deux enfants l'avaient dénoncé à la police.

L’allemand leur avait promis des vêtements de sport, un repas et de l'argent s'ils l'accompagnaient chez lui.


Depuis quelques mois, les Philippines traquent avec fermeté les abus sexuels commis par des touristes sur des enfants. En mai dernier, un homme d'affaires australien a été condamné à une peine de prison parce qu'il avait eu des rapports sexuels avec une fillette de 12 ans.

Plus tôt cette année, un Néerlandais de 23 ans avait été arrêté pour débauche sur un mineur. L'homme a été libéré sous caution et a réussi à s'échapper vers les Pays-Bas.

En France, c'est au Havre qu'un jardinier, Daniel Hazard, a été condamné mardi à quatre ans de prison ferme.


Récidiviste, Daniel Hazard, 47 ans, avait déjà été condamné à deux reprises pour attentat à la pudeur sur de jeunes garçons qu'il attirait chez lui pour se livrer à des attouchements.
Les faits qui lui sont reprochés datent de novembre 1995. Plusieurs enfants se sont plaints des pratiques du jardinier. Daniel Hazard a été condamné à quatre ans fermes, un an avec sursis avec mise à l'épreuve de trois ans et obligation de soins. Le parquet avait requis cinq années de prison ferme.

Disparitions aux USA et en Grande-Bretagne

Au Cambodge, quatre fillettes vietnamiennes âgées de 9 à 13 ans ont été libérées lundi d'une maison close proche de Phnom Penh à l'occasion d'un raid de la police réalisé en coordination avec un groupe anti-pédophilie.
Les quatre fillettes qui avaient été amenées clandestinement du Vietnam au cours des six derniers mois seront prochainement rapatriées.

Un récent rapport de l'Unicef estime à 50.000 le nombre de personnes impliquées dans l'industrie du sexe au Cambodge, dont 20.000 sont âgées de moins de 18 ans.
Par ailleurs, deux doubles disparitions sont signalées aux USA et en Grande-Bretagne.

A Spartanburg (Caroline du Sud), deux jeunes filles de 13 et 15 ans ont disparu depuis le 13 août.

Selon les enquêteurs, un de leurs amis les a vues pour la dernière fois alors qu'elles montaient dans une voiture immatriculée au Nevada, conduite par un homme qu'elles venaient de rencontrer et qui se présentait lui-même comme l'homme de l'ombre.

Deux enfants, un garçonnet de quatre ans et sa sueur de six ans, sont également recherchés depuis dimanche après avoir disparu sur une plage proche de Hunstaton, dans le Norfolk (est de l'Angleterre).
Les deux enfants avaient été aperçus se dirigeant vers la mer et les recherches, entamées dès dimanche soir, étaient initialement concentrées le long des côtes, car la police pensait que les enfants avaient pu se noyer.


Cependant, les recherches ont été étendues mercredi à l'intérieur des terres, a annoncé la police locale qui a précisé qu'elle cherchait à interroger un homme qui avait parlé aux parents des deux enfants, Jodi et Tom Loughlin, peu avant leur disparition

L’unanime solidarité('DH'jeudi 22 août 1996 p5)


A la mémoire de Julie et Mélissa, c’est tout le pays qui va se recueillir aujourd’hui

L’unanime solidarité


« DH » du jeudi 22 août 1996 page 5

LIÈGE - les témoignages de soutien aux familles de Julie et Melissa se sont poursuivis hier, durant toute la journée. Au funérarium de Grâce-Hollogne, des centaines de personnes ont encore défilé devant les cercueils des petites. Des parents d'enfants se sont rendus devant le palais de justice de liège pour déposer des fleurs.
A Jamioulx, les prisonniers, qui avaient déjà mené une action symbolique de protestation lundi soir,se sont une nouvelle fois manifestées hier. Ils ont réuni des cartes de téléphone, des gaufres et des paquets de cigarettes équivalant à une somme de 14.000 francs. L'argent a été utilisé pour acheter une couronne de fleurs pour les petites. « II s'agit vraiment d'un élan du coeur, pas d'un geste de récupération », ont précisé les détenus.
A Lantin, les prisonniers ont également manifesté leur soutien aux parents en envoyant une gerbe de fleurs. Hier, le papa de Julie, Jean Denis Lejeune, s'est rendu à la prison pour remercier personnellement les détenus. Un beau geste...

Des personnalités
Aujourd'hui, de nombreuses personnes - les autorités locales avancent le chiffre de 50.000! assisteront aux funérailles. Celles-ci auront lieu à 11 heures en la basilique Saint-Martin, à liège.
La cérémonie religieuse sera retransmise en direct sur les chaînes télévisées RTL-TVi et RTBF, sur la première chaîne radio de la RTBF, sur Fréquence Wallonie et Bel-RTL. A Saint-Laurent, non loin de la basilique, un écran géant sera disposé.
Des micros, installés autour de la basilique, permettront également au public de suivre la cérémonie.
Car il est évident que peu de personnes, sur la foule attendue, pourront rentrer à l'intérieur de l'édifice religieux. Celui-ci peut contenir un millier de personnes, 400 places sont réservées pour les familles et de nombreuses personnalités ont également annoncé leur présence.
Citons ainsi du côté politique : le ministre de la Justice Stefaan De Clerck, son homologue chargé de la Fonction publique André Flahaut, le ministre wallon de l'Aménagement du territoire Michel Lebrun, le président du Conseil de la Communauté germanophone Manfred Schoumk, le président du VLD Herman De Croo.
Le Palais royal, qui avait tout d'abord annoncé la présence d'un représentant, a finalement démenti l'information, souhaitant respecter le souhait des familles qui veulent des funérailles prioritairement réservées aux proches et à la population. Marie-France Botte devrait revenir du Cambodge pour assister aux obsèques.
Pol et Betty Marchal, les parents d'An, seront aux côtés des familles.

Arrêts de travail
Aux quatre coins du pays, des actions seront réalisées durant les funérailles. A Liège, la plupart des commerces fermeront leurs portes.
Les ouvriers verriers affiliés à la centrale générale FGTB Charleroi/Sud-Hainaut, le personnel du dépôt Sarma-Nopri de Zuun-Anderlecht et les ouvriers de l'entreprise Cockerill observeront un arrêt de travail en signe de solidarité.
Les taxis Verts et Orange de Bruxelles ne rouleront pas de 11 heures à 11 heures 05. Ils laisseront, en outre, leurs phares allumés pendant toute la durée de la cérémonie religieuse. Le personnel de la prison de Namur arrêtera aussi le travail au moment où débuteront les funérailles.

Enfin, le gouvernement a demandé que le personnel de toutes les administrations publiques et parapubliques ainsi que toutes celles et tous ceux qui en ont la possibilité observent ce matin à
11 heures un moment de silence et expriment leur solidarité en rendant hommage à la mémoire des enfants tragiquement décédées.

Nathalie Evrard

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Assommée par l’horreur de la situation

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 5


NAMUR - À l'heure où les dossiers de disparition d'enfants en Belgique prennent la tournure que l'on sait on en vient à nourrir de nouveaux espoirs quant à la disparition d'Elisabeth Brichet, à Saint Servais, le 20 décembre 1989, à l'âge de 12 ans.

C'est alors qu'elle effectuait un voyage aux Etats-Unis, dont elle est rentrée hier, que la maman d'Elisabeth, M" Bouzet, a appris les événements qui secouent la Belgique : « J'en ai eu connaissance vendredi, en téléphonant à un oncle, qui m'a dit qu'on avait retrouvé Sabine et Laetitia vivantes. C'était assez rassurant. Et puis j'ai téléphoné à la maman de Mélissa. Elle m'a annoncé : Maintenant, c'est fini... »
«A présent je suis littéralement assommée par l'horreur de la situation et par le fait que l'on avait finalement raison de redouter de telles atrocités, poursuit Mme Bouzet. Cette histoire montre que tout est possible dans l'horreur. Elle me donne aussi d'énormes rancoeurs à l'égard de la justice. Savez-vous, annonce encore la maman d'Elisabeth, pleine de colère, que Melchior Wathelet a refusé à plusieurs reprises la libération d'un proxénète qui la réclamait en échange de plus d'informations sur le sort de ma fille «Il disait l'avoir vue dans un réseau de prostitution aux Canaries. Il a fallu attendre ses congés pénitentiaires légaux pour pouvoir s'y rendre. »
Cette maman meurtrie pour suit : «Il faut vraiment que les policiers aient l'esprit ouvert et rigoureux, ce qui n'a pas toujours été le cas. Ils devraient également collaborer avec les parents qui, avec la force des choses, deviennent eux-mêmes de bons enquêteurs. »

Espoir ?
A propos du sort à réserver à des monstres comme Dutroux, Mme Bouzet se pose cette difficile question « On est un être humain censé, on n'a pas envie de tuer; mais il y a des prédateurs extrêmement dangereux pour ce que l'on a de plus cher, nos enfants. Si l'on ne veut pas de peines incompressibles, que reste-t-il ? Laisser nos enfants en danger ? Je me le demande. »

Les événements de ces derniers jours redonnent-ils espoir à la maman d'Elisabeth ?
« Espoir, c'est un drôle de mot car si ma fille est passée entre les mains de ces gens là - ce qu'il est logique de penser - ça doit être l'horreur totale. Si elle est vivante, après sept ans, dans quel état ? Elle peut très bien 'être aussi dans le fond d'un de leurs jardins, mais comme Sabine et Laetitia sont vivantes et An et Eefje probablement aussi, on peut peut-être espérer... »
En attendant, Mme Bouzet, hier, est allée rejoindre les parents de Julie et Mélissa, dont elle est fort proche. Et qui n'ont malheureusement plus rien a espérer...

Laurent Belot


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Sabine et Laetitia

Les parents à Liège

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 5

TOURNAI-BERTRIX - Doucement, Sabine Dardenne et Laetitia Delhez retrouvent une vie normale. La joie qui a marqué leur retour à la maison a été écourtée par l'annonce de la mort de Julie et Melissa. Des milliers de personnes assisteront ce matin aux funérailles des deux petites filles en la basilique Saint-Martin de Liège.
Durant les jours d'angoisse qui ont marqué la disparition de Sabine et Laetitia, les parents des adolescentes ont été soutenus par les proches de Julie et Melissa.
Dans les deux familles, à Kain et Bertrix, on entend ne pas abandonner les Lejeune-Russo. A Bertrix, une partie de la famille assistera à liège aux obsèques. Mais Laetitia et sa maman, craignant d'affronter la foule, resteront à la maison. Une messe sera célébrée le soir à Bertrix.
A Kain, Guy Dardenne nous avait précisé le week-end dernier qu'il comptait se rendre aux funérailles.
Mais Sabine et sa maman ne quitteront pas la résidence du Renard.

A. D. et N.Dz


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Une cérémonie d’adieu longue d’une heure vingt

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 5

LIÈGE - La cérémonie d'adieux à Julie et Melissa s'ouvrira par une musique extraite du film « La leçon de piano ».
L'abbé Gaston Schoonbroodt prononcera ensuite les paroles de bienvenue. La place sera alors laissée aux lectures : le Psaume 50 tout d'abord, suivi de trois textes évangéliques, par l'abbé Schoonbroodt et le vice-recteur de l'Université catholique de Louvain,
Gabriel Ringlet. Ils seront entrecoupés de chants : un prélude de Bach et « Pour les enfants du monde entier », d'Yves DuteiI, interprété par un petit Namurois de 8 ans.
L'homélie sera faite par M. Ringlet. Avant la lecture d'un extrait de « Le silence de la mer », de Vercors, la place sera laissée à la chanson « Où s'en vont » de Michel Fugain.
Trois personnes témoigneront ensuite : le psychothérapeute M. de Keyser, le criminologue Daniel
Martin et le journaliste José Dessart. L'avocat des familles, Me Victor Hissel, prendra la parole. Un texte écrit par un anonyme et intitulé « Elles étaient notre avenir » devrait être lu par un membre de la famille. La parole sera encore laissée à un membre du comité de soutien.

Avant la bénédiction des cercueils et le Notre Père, ce sera « Conte partiro », la chanson d'Andrea Boccelli. Un texte d'Augustin « Ne pleure pas si tu m'aimes » sera lu avant le chant final, « Vole » de Céline Dion. De nombreux extraits de disques d'Enya seront aussi diffusés.
Cette cérémonie devrait durer 1heure 20.

Une fois conclue, le public présent tant à l'extérieur de la basilique qu'à l'intérieur pourra défiler devant les cercueils pour rendre un dernier hommage aux petites victimes.
Ce recueillement sera accompagné d'une musique d'orgue et de chants des choristes de l'Opéra royal de Wallonie.
Les parents se rendront ensuite au cimetière de Mons-lez-liège, où ils souhaitent être seuls.

N.E.


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Voici 25 ans,Chantale, 8 ans, était violée et tuée par un pervers

La maman crie son indignation face à la justice

« DH » du jeudi 22 août 1996 page 5

BRUXELLES - « La justice n'a pas changé. Elle est toujours aussi cruelle et injuste. On tue votre enfant et le seul droit que vous avez est celui de vous taire ! Vingt cinq ans après l'assassinat de ma fille, les parents de Julie et Melissa ont eu droit au même manque de considération : on leur a interdit l'accès au dossier et on a même voulu leur retirer les allocations familiales. C'est comme si les victimes n'existaient pas !

J'ai voulu écrire aux parents des deux fillettes parce que j'ai vécu ce drame, mais je n'ai pas pu... », raconte Monique Libert, des sanglots plein la voix.

Le samedi 19 juin 1971, la petite Chantale Libert, 8 ans et demi, était retrouvée étranglée dans un terrain vague au bout de la rue Emile Hellebaut, à Anderlecht. La fillette avait également subi des sévices sexuels.
Le tueur, Jean Jacques D., était rapidement intercepté et se mettait à table, niant toutefois les violences sexuelles. Il avait rencontré Chantale dans un parc où jouaient plusieurs enfants.
Il avait réussi à attirer la gamine et à la faire monter dans son camion pour « faire une randonnée », disait-il. Une mortelle randonnée...

De profondes cicatrices ravivées

Mon calvaire a sans doute été moins pénible que celui des parents des deux petites Liégeoises,car leurs 14 mois d'attente ont dû être atroces. Moi, je suis allée embrasser ma fille dans son lit le matin avant de gagner mon travail aux Galeries Anspach et le soir, j'apprenais sa mort.

Vingt-cinq ans ont passe, mais la douleur reste vive pour la maman et l'épilogue tragique de la disparition de Julie et Melissa a ravivé de profondes cicatrices. Le chagrin est cependant submergé par une immense colère : celle d'une justice laxiste avec les meurtriers d'enfants et foulant aux pieds le plus élémentaire respect à l'égard des victimes.

Ignoble récidiviste

Quatre mois après la mort de ma fille, je n'avais reçu aucune nouvelle, aucune explication, l'ai décidé d'aller voir le juge d'instruction dans son bureau. Il m'a reçue comme un jeu de quilles !

Qu'est ce que vous venez faire ici, vous voulez des détails?, m'a-t-il dit avec un sourire narquois. J'étais désemparée, je lui ai explique que je voulais savoir ce qui se passait, où en était le dossier. Je lui ai demandé également si je devais prendre un avocat. Bien sûr, m'a-t’il soufflé cyniquement. Une telle froideur m'a bouleversée, à tel point que lorsque je suis sortie du palais de justice, j'avais l'impression que c'est moi qui était accusée d'avoir tué ma fille! », commente la maman qui ne peut réprimer un froncement de sourcils étonné face à tant d'indifférence.
Monique Libert apprenait par la suite que le meurtrier de sa fille Chantale avait été interne :

«Dix ans après la mort de Chantale, j'ai eu l'attention attirée par un entrefilet dans la presse. Sous le titre « Un ignoble récidiviste », un journaliste expliquait qu'un certain Jean Jacques D. avait tenté de violer deux enfants de deux et cinq ans.

Mon sang n'a fait qu'un tour : il était déjà libre. J'ai l'impression qu'on protège ces tueurs d'enfants. Je ne peux pas exiger la peine de mort, mais à tout le moins des peines incompressibles pour de tels crimes.
La justice n'est pas assez sévère. Cet homme n'a pas seulement arraché Chantale à la vie, mais il a brisé quatre existences : celles de mon mari, de mes deux fils et la mienne.
Mon fils cadet avait trois ans à la mort de sa soeur, mais il peut toujours décrire avec précision les traits du meurtrier.
Ces faits d u 19 juin 1971 hantent toujours toute la famille », soupire Monique, qui, le temps d'une larme, redresse ensuite la tête, car « la vie vaut malgré tout la peine d'être vécue ».

Une haie formée par les enfants des écoles anderlechtoises accueillait le cercueil de Chantale le jour des funérailles: « J'ai eu le soutien de beaucoup de monde à Anderlecht : du bourgmestre Henri Simonet, du voisinage... l'ai reçu beaucoup de lettres que j'ai conservées.

Mais quand la pression a disparu et que je me suis retrouvée seule avec mon chagrin, je n'ai jamais autant souffert...

A l'heure actuelle, il ne se passe pas une journée sans que Monique ne pense à Chantale, « une fille géniale, battante, affectueuse et courageuse ». Une photo de la fillette en tenue de communiante ne quitte jamais la maman, de même « qu'une mèche de cheveux coupée alors qu'elle était morte ».

Donatienne Stévigny

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