dimanche 27 juillet 2008

La justice à l’épreuve du drame de Julie et Mélissa(«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14)


La justice à l’épreuve du drame de Julie et Mélissa

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14

Dès cette semaine, les délinquants sexuels libérés feront l'objet d'un suivi obligatoire.

Dans le train de mesures annoncé vendredi à l'issue du premier conseil de la rentrée, le ministre de la Justice Stefaan De Clerck précisait que 8.000 dossiers de personnes mises en liberté avec mesure judiciaire vont être réexaminés. II s'agit de dossiers «toutes catégories » parmi lesquels on compte environ 1.250 dossiers de délinquants sexuels en liberté.
Pour l'ensemble de la population pénitentiaire, la proportion de détenus pour délits sexuels est de 10 à 11 %, soit un peu plus de 700.

Ces 8.000 dossiers sont donc ceux des libérations sous tutelle, des sursis probatoires, des mises en liberté avant jugement avec accord des parquets en application de la loi sur la détention préventive, des libérations conditionnelles (2.000 dossiers) et d'internés libérés à l'essai.

Le ministre a précisé que la priorité sera donnée aux cas à risques. Pour réexaminer ces dossiers, Stefaan De Clerck envisage la mise sur pied d'une équipe composée d'universitaires et de chercheurs du «terrain: des universitaires pour développer le concept de liberté ambulatoire, des chercheurs pour évaluer l'efficacité des diverses formes de tutelles.
Il ne s'agit donc pas d'un réexamen en vue de réincarcérations massives, mais il n'est pas exclu que dans le nombre de libérés sous conditions dans le cadre de la loi Lejeune, des arrêtés ministériels soient révoqués en cas de comportements «à risques ».

Annuellement, le ministre de la Justice signe entre 5.000 et 6.000 dossiers: pour les deux tiers, il s'agit de dossiers de grâces en vue de libérations anticipées, et pour le reste, environ 2.000 dossiers de libérations conditionnelles en application de la loi Lejeune.

Nous revoyons la procédure de libérations provisoires en vue de grâces. Pour les délinquants sexuels, dans le cadre de la procédure raccourcie pour les peines de moins de trois ans, un accompagnement sera dorénavant exigé. Cette décision entre en application dès cette semaine.

Le choc de l'affaire Dutroux a aussi pour effet l'accélération des procédures dans le cadre de la mise en pratique de la loi du 13 avril 1995 sur la traite des êtres humains, en partenariat avec les Communautés qui prennent le relais pour assurer le suivi ambulatoire après les décisions de remise en liberté.
Notons aussi que l'idée, soulevée par certains, d'établir un fichier national des délinquants sexuels, n'est pas retenue par le ministre de la Justice:

- Le réexamen des huit mille dossiers et la mise en application rigoureuse de la loi d'avril 1995 permettront de bien cerner la situation sans qu'il soit nécessaire de stigmatiser les délinquants sexuels dans un fichier, dit-on au département.

Quant à la décision de transférer de l'exécutif au judiciaire les compétences en matière de remises en liberté, en créant deux chambres d'exécution des peines, on précise au cabinet De Clerck qu'un projet de loi devrait être déposé dès la fin octobre.

Dans un premier temps, la compétence de ces chambres serait limitée aux libérations conditionnelles en application de la loi Lejeune. Ultérieurement, et sur la base d'une étude confiée par le ministre au professeur Dupont, la compétence de ces nouveaux tribunaux serait élargie à toute cette matière.

RENÉ HAQUIN
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A Mons, peu de cas des enquêtes en cours

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14

A quelques heures de la rentrée solennelle de la cour d'appel de Mons, la rumeur laissait entendre, jusqu'au coeur du palais de justice, que le procureur général Georges Demanet n'y prononcerait pas sa mercuriale et qu'il se contenterait d'évoquer la situation de la criminalité en Hainaut, une obligation légale il est vrai.

C'est lundi matin que l'on eut finalement l'assurance que tout se passerait comme d'habitude dans le salon d'apparat de l'hôtel de ville.
En dépit, donc, des tracas qui assaillent ces jours-ci le magistrat montois, en marge des dossiers connexes mis à charge de Dutroux et consorts. A peine aura-t-on noté, du côté des habitués de cette séance, plus nombreux que d'ordinaire sans doute, que l'orateur s'attarda moins longtemps que d'habitude au micro.

Des affaires en cours, Georges Demanet ne dit finalement rien. Rien non plus sur son état d'esprit à l'occasion de la rentrée judiciaire. On releva toutefois des hommages appuyés au procureur du roi de Tournai Poncelet et à travers son fils Simon, assassiné à Mons en février dernier, à la police judiciaire qui traverse des heures particulièrement difficiles.

C'est en définitive Christian Jassogne, premier président faisant fonction, qui souligna la gravité du moment: l'interpellation de l'actualité est trop intense et les éléments de réponse insuffisants. Le sentiment de la cour est que, face à la souffrance des enfants d'ici ou d'ailleurs, il faut poursuivre une réflexion active et vigilante et en appeler à de nouvelles stratégies et de nouvelles approches.

Nouvelles stratégies ? A sa manière, Georges Demanet les évoqua finalement dans sa mercuriale consacrée à l'entraide judiciaire, particulièrement entre Etats européens. Le procureur général de Mons y dénonça les entraves actuelles: il faut, dit-il, simplifier les procédures et permettre le contact direct entre les magistrats de deux pays différents.
On n'était pas si éloigné que cela, en définitive, de l'actualité la plus récente.

E. D.
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La Belgique mène un « combat d’arrière garde »

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14

Quelques instants de recueillement, c'est tout ce que le procureur général près la Cour de cassation, Jacques Velu, a daigné accorder ce lundi matin au trouble qui frappe pour l'heure le monde judiciaire, dans la foulée des dossiers de disparition d'enfant.

- L'actualité dans la vie de la Nation est secouée de plus en plus par des remous qui s'agitent autour de la Justice. L'actualité récente met celle-ci tragiquement en cause, à la suite des événements que nous connaissons tous et qui ont odieusement frappé de jeunes êtres innocents, reconnaîtra-t-il en son discours de rentrée. Il exprimera d'ailleurs aux familles les sentiments de douloureuse sympathie de la Cour.
Mais c'est pour mieux s'empresser d'affirmer que ces faits dramatiques ne m'étaient pas connus lorsque j'ai choisi le thème de ma mercuriale et que je l'ai rédigée. Je ne vous entretiendrai donc pas dans celle-ci des réflexions qu'ils m'inspirent.

Ayant ainsi, pour la dernière fois de sa carrière, scellé pour un an les portes de ce qui sera inévitablement perçu comme une tour d'ivoire du monde judiciaire - retenue et immobilisme ne sont pas forcément synonymes -, le procureur général pouvait sans autre remords soliloquer pendant plus d'une heure sur le thème de « représentation et pouvoir judiciaire». Nous avons vu dans l'auguste assemblée des paupières se clore.

Les temps sont désormais à l'urgence, et c'est bien ce qui ressortait d'une autre mercuriale, prononcée cette fois par le magistrat national André Vandoren, en audience solennelle de rentrée de la cour d'appel de Bruxelles, hier après-midi. II ressort de cette intervention, qui commence par un exposé sémantique sur les termes et définitions de «criminalité organisée» et «mafia», que notre pays est bien au croisement de différentes criminalités organisées importantes, parmi lesquelles le magistrat national épinglera les triades chinoises, la criminalité nigériane, la criminalité turque - et, en l'occurrence, son corollaire terroriste -, les mafias italiennes, la criminalité russe.

L'exposé interminable - faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ? - des opérations de police, dispositions législatives et/ou administratives prises pour contrer le phénomène laisse songeur: est-ce à dire que tout est sous contrôle ? Rien n'est moins vrai, avertit le magistrat national, soulignant que ces criminalités sont évolutives, et que la Belgique mène en fait un combat d'arrière-garde! Il faut, selon lui, rénover l'arsenal législatif, et ce sans attendre : Une attaque frontale, préconisera t’il. Si notre choix est l'immobilisme, il ne faudra pas s'étonner que notre pays devienne une plaque tournante et un refuge pour ces criminalités organisées.

Dénonçant le déséquilibre existant entre la coopération policière et la coopération judiciaire internationales, le magistrat a exhorté fermement le monde judiciaire à suivre l'exemple de l'évolution récente du monde policier.
L'exposé évoquera par ailleurs cette forme particulière de criminalité organisée qu'est la traite des êtres humains et la pornographie infantile.

Le procureur général de Bruxelles, André Van Oudenhove, prolongera par sa propre mercuriale l'exposé du magistrat national Vandoren, avec deux accents fort spécifiques: d'une part, rien ne servirait de s'engager fermement dans la lutte contre la criminalité organisée s'il n'existe pas une coopération et collaboration étroites entre tous les services de police. M. Van Oudenhove prêche pour une coexistence pacifique, et espère que les particularités spécifiques de nos services de police soient une source d'enrichissement.
Il peut y avoir, reconnaît le procureur général, une certaine spécialisation de ces polices, mais il met en garde contre une transposition textuelle excessive de cette spécialisation.
Par ailleurs, M. Van Oudenhove ne veut pas que les critiques émises durant les dossiers de disparitions d'enfants affectent de manière émotive le débat policier.
Autre accent personnel, relatif cette fois encore aux dossiers Dutroux et connexes: le procureur général a certes annoncé que le monde judiciaire assumerait sa charge avec rectitude. Mais qu'il défendrait en même temps son honneur.

ALAIN LALLEMAND
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Adam, Romano et Demanet inculpés

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 14

En marge de l'enquête de Neufchâteau, on apprend que trois personnes ont été inculpées la semaine dernière à Bruxelles par le juge Guy Laffineur dans le cadre d'un dossier distinct d'«escroquerie à l'assurance»: il s'agit d'un garagiste de Damprémy, Bernard Adam, d'un certain Romano, et de l'expert judiciaire en voitures Philippe Demanet, fils du procureur général de Mons.

En 1994, une affaire touchant à des trafics de véhicules volés du ressort de l'arrondissement de Charleroi avait été mise à l'instruction chez le juge Guy Laffineur à Bruxelles, en raison de la personnalité des suspects. Ce dossier concernait en effet l'inspecteur de la PJ carolorégienne Georges Zicot et le responsable du contentieux à la Royale belge Thierry Dehaan, soupçonnés d'être impliqués dans ces trafics. Interrogé à Bruxelles, l’inspecteur Zicot avait dénoncé Philippe Demanet dans une affaire d'escroquerie à l'assurance, pour le «vol prétendu » d'une Porsche. Zicot croyait avoir repéré dans un box a Ransart la Porsche de Demanet «volée» en Espagne.

En septembre 1993, Philippe Demanet avait en effet déclaré le vol, sur la Playa de Oro, de sa Porsche Carrera 911 achetée en août 1993 à la SPRL Adam à Dampremy (on le sait aujourd'hui, il s'agissait déjà d'une
Porsche volée). Demanet l'avait fait immatriculer sans difficulté, payant même un supplément pour obtenir la plaque LRS 911.

L'inspecteur Zicot, impliqué dans plusieurs dossiers et déjà appréhendé à Bruxelles mais laissé en liberté, est depuis une semaine, comme l'assureur Thierry Dehaan, arrêté a Neufchâteau.
La Porsche de Philippe Demanet volée en Espagne en 1993 était équipée de «doublettes», l'expert Demanet ayant laissé en Belgique ses plaques d'origine abîmées peu auparavant dans un accident, avait-il dit.
Rentré au pays, Philippe Demanet avait racheté en mars 1994 à Ingelmunster une autre Porsche Carrera neuve, modèle 1993, pour 3 millions, qu'il revendit en décembre 1994. Entre-temps, il l'avait immatriculée en mai 1994 avec les plaques d'origine de sa première Porsche. Il affirme en avoir informé à l'époque l'assureur Dehaan.

Puis Philippe Demanet avait racheté d'occasion en France, pour 1,3 million, une troisième Porsche qu'il ne comptait utiliser que pour les compétitions. Le vol de la première Porsche en Espagne fut, après enquête de Thierry Dehaan (qui pour clôturer ce dossier s'était même rendu dans la péninsule Ibérique), remboursé à la SPRL Adam. La semaine dernière, le garagiste Bernard Adam, fils d'un commissaire de police de la région carolorégienne, a avoué avoir pris part au vol de la Porsche et l'avoir lui-même ramenée d'Espagne, passant par l'Italie pour lui rendre une origine légale, à la demande, dit-il, de Philippe Demanet, ce que ce dernier conteste avec force.

Adam et Romano affirment avoir dépensé 200.000 F en Italie pour le camouflage du véhicule et disent n'avoir pas été payés par Demanet, comme c'était convenu. Ce que ce dernier nie.
Adam, Romano et Demanet sont donc tous trois inculpés à Bruxelles dans cet autre dossier carolorégien qui respire aussi le règlement de comptes.

R. Hq.

Martin et Nihoul guetteurs rabatteurs de Dutroux ?(« LE SOIR » du mardi 3 septembre 1996 page 13)


Martin et Nihoul guetteurs rabatteurs de Dutroux ?

« LE SOIR » du mardi 3 septembre 1996 page 13

A Jumet, les fouilles touchent à leur fin. Mais les enquêtes progressent sur le rôle rempli par chacun des membres de la bande à Dutroux.

Comme prévu, les recherches ont repris, hier à Jumet, dans la maison que Marc Weinstein (le complice de Dutroux) avait occupée jusqu'à sa mort, à la fin de l'année dernière. La cour intérieure de l'habitation a été creusée - apparemment sur toute sa surface - jusqu'à une profondeur de 5 mètres, mais les hommes de la protection civile n'y ont rien trouvé. Dutroux et son épouse avaient dit qu'on y trouverait «peut-être» des corps enterrés par leur complice Weinstein. Avec le temps qui passe et l'absence de résultats, les enquêteurs pensent de plus en plus sérieusement qu'il s'agissait donc d'un faux renseignement. Pour les égarer ?

Le hangar de Weinstein a également été fouillé et creusé. Mais là, en fin de journée, il restait du travail à faire puisque la décision a été prise d'abattre complètement ce hangar.

Hier, les regards se sont cependant tournés vers un autre lieu du «domaine» de Weinstein: un second chalet, voisin du sien, qu'il voulait acheter des mois avant sa mort. II y tenait tant, qu'au décès du propriétaire de ce chalet, en septembre 1995, il s'y était lui-même installé, squattant les lieux (vendus depuis lors à un couple étranger à l'affaire) à la grande indignation des habitants du voisinage.

Trois chiens allemands, dressés à la recherche de cadavres, ont sillonné l'endroit hier après-midi. Ils n'ont, semble-t-il, «marqué» aucun point leur paraissant suspect. On a cependant découvert, à l'arrière de ce chalet, deux emplacements où la terre semble avoir été retournée fraîchement. Le sol sera fouillé, mais le juge Connerotte doit encore décider s'il veut qu'on sonde ce second chalet.

Pour le reste, les enquêteurs de Neufchâteau poursuivent sans relâche leur travail dans le sillage de Dutroux et de ses complices.
Ainsi, de nombreux témoignages s'accumulent contre Michèle Martin, l'épouse de Dutroux. Plusieurs enfants qui fréquentent l'école de Julie et Métissa affirment avoir vu Michèle Martin dans les environs de l'école et dans les jours précédant l'enlèvement des deux petites. D'autres témoins assurent que Nihoul se trouvait à proximité des lieux où Nathalie Ghijsebrechts et Laetitia Delhez ont été enlevées, à Louvain et à
Bertrix. Martin et Nihoul pourraient ainsi, imaginent les enquêteurs, avoir rempli un rôle de guetteurs pour Dutroux.

Hier, de source confidentielle, nous avons ainsi obtenu confirmation d'une information révélée par nos confrères de «La Libre Belgique » et se rapportant à ces soupçons. Interrogé sur son éventuelle présence sur des lieux d'enlèvements, Nihoul a assuré qu'il ne pouvait être à Bertrix le 24 juin 1995. Comme alibi, il présente le témoignage de... l'ancien avocat Michel Vander Elst avec lequel il se serait trouvé ce jour-là à Givet.

Vander Elst est l'ancien avocat de Patrick Haemers. Il a été condamné en assises – avec le reste de la bande Haemers - dans l'affaire de l'enlèvement de Paul Vanden Boeynants. II tente de confirmer l'alibi de Nihoul, mais il semble que les enquêteurs ont encore un doute à ce propos.
Par ailleurs, diverses investigations sont encore menées sur les liens unissant Nihoul et l'ex avocat. Les enquêteurs s'intéressent ainsi à des trafics de voitures et des trafics de stupéfiants auxquels les deux hommes pourraient être mêlés, mais il ne s'agit encore, à ce stade de l'enquête, que de suspicions policières.

AI.G.
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Pédophile prédateur ou tueur en série ?

« LE SOIR » du mardi 3 septembre 1996 page 13

Depuis plusieurs jours, la presse évoque le rôle important joué par « les analystes» - de la gendarmerie, de la PJ... mais aussi du FBI américain - à l'oeuvre sur le dossier Dutroux. Mais a quoi servent-ils, que font-ils?
La première tâche de ces enquêteurs qui ne sortent pas de leurs bureaux est d'abord de prendre connaissance des informations qui «entrent» à la cellule de Neufchâteau: des procès-verbaux d'enquêteurs, des notes d'information, des rapports d'experts, des récits faits par d'autres enquêteurs...
Une fois triées (ce qui est sûr ou pas, ce qui est utile ou moins utile), toutes ces informations sont encodées dans de puissants ordinateurs qui fonctionnent sur base de programmes spécialement conçus pour l'analyse criminelle. On en sort des foules de choses...

Une «ligne de temps », par exemple. C'est la chronologie de l'affaire. Elle peut commencer, par exemple, à la naissance de Dutroux. Ou à sa première arrestation. Sur cette ligne (représentée graphiquement sur une feuille de papier), on inscrit les événements côte à côte, jour par jour et même minute par minute. La «ligne de temps» de l'affaire Dutroux est extrêmement précise et détaillée. Elle s'allonge déjà sur plusieurs dizaines de mètres, collée au mur du district de gendarmerie de Neufchâteau sur...3 étages!
Le «lay out» d'une affaire est un autre des documents produits par les analystes. C'est en quelque sorte la toile d'araignée du dossier: qui est en contact avec qui?; quelle histoire, quelle «anecdote» peut-elle avoir un rapport avec quelle autre?, etc.

Mais les ordinateurs de Neufchâteau peuvent encore produire bien d'autres choses: des fiches par fait, par véhicule, par personne, par groupe d'auteurs, par lieu... Concrètement: si l'on apprend, par exemple, qu'un suspect a été vu a tel endroit dans telle voiture, l'ordinateur «sort» les fiches expliquant tout ce que l'on sait à propos de ce lieu et de ce véhicule, mais aussi les numéros de rapport ou de PV qui permettront d'en savoir plus sur les informations reprises en résumé dans la fiche.

Enfin, les analystes ont été très complètement formés à la psychologie. Ils établissent (et affinent jour par jour) le portrait des suspects de l'affaire. Cela leur a permis, dans un premier temps, de définir pour chaque suspect le portrait type de l'enquêteur qui a un maximum de chances d'établir un lien efficace avec le suspect qu'il interroge régulièrement. Par la suite, ils guident les interrogateurs, en les aidant à poser les bonnes questions de la bonne manière, en leur montrant les contradictions ou les invraisemblances des témoignages qu'ils n'auraient pas remarquées immédiatement.

Ces techniques ont été utilisées à Neufchâteau et c'est grâce à elles qu'on a choisi tel ou tel enquêteur pour interroger Dutroux, Martin et les autres. Grâce à elles qu'on procède à des interrogatoires précis, fouil
lés, quasiment scientifiques.

Les deux analystes du FBI présents à Neufchâteau ont, en quelques jours, acquis l'estime et l'admiration de leurs confrères belges de la gendarmerie et des. PI Ils appartiennent à la CASKU (« ChIld abduction and serial killer unit» ou «unité enlèvements d'enfants et tueurs en série ») du FBI, basée à Quantico, en Virginie, dans les installations de « l'Unité des sciences du comportement criminel» de la police fédérale américaine. C'est ce centre (de formation, d'études et de support aux unités du terrain) qui a été rendu célèbre par le film « Le silence des agneaux».
Les agents du FBI présents en Belgique sont très discrets. On sait seulement qu'ils ont dit à leurs collègues belges qu'ils sont surpris par l'extrême perversité et la grande violence de Dutroux qui leurs paraissent exceptionnelles par rapport aux autres cas de pédophiles et de tueurs en série qu'ils connaissent.

A cet égard, les analystes américains – et leurs collègues belges - s'interrogent sur l'étiquette qu'il convient de donner a Dutroux. Des trois grandes catégories de pédophiles retenues dans la typologie les pédophiles familiaux, les pervers et les prédateurs - Dutroux appartient sans conteste à la dernière. Mais il a aussi, disent-ils sans la moindre hésitation, toutes les caractéristiques du tueur en série.
AI. G.
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A Neufchâteau la « paix des polices »

« LE SOIR » du mardi 3 septembre 1996 page 13

Alors qu'à bien des endroits, la guerre des polices semble faire rage, Neufchâteau est,de l'avis général (gendarmerie ou police), un véritable havre de paix. Enquêteurs de la BSR ou de PJ, officiers ou sans-grade, ceux qui enquêtent dans le sillage de Marc Dutroux s'appellent par leur prénom, travaillent côte à côte... et se passent même leurs «tuyaux».
Dans une enquête aussi importante, aussi vaste, impliquant tant d'enquêteurs, partant dans tant de directions et lançant même le soupçon sur un policier, tout permettait de craindre que chiens et chats bataillent à nouveau.

Alors que se passe-t-il?

En fait, c'est peut-être justement la taille de cette enquête qui la sauve. Sous la direction du juge Connerotte et du procureur Bourlet, une structure de travail exceptionnelle a dû être installée. Elle est, dit-on, exemplaire. A sa tête, autour des magistrats, on trouve des officiers de gendarmerie d'un côté, des policiers judiciaires de l'autre. C'est en quelque sorte «l'état-major» de l'enquête.

Côté PJ, une soixantaine de policiers au moins travaillent sur l'affaire dans tout le pays. L'ensemble des informations recueillies par ces brigades (et surtout par la brigade de PJ de Bruxelles dont une vingtaine d'hommes sont affectés à l'enquête) sont d'abord centralisées à la Brigade nationale de PJ. De là, elles sont transmises à Neufchâteau.

Même dispositif côté gendarmerie où 200 hommes oeuvrent à temps plein sur le dossier. Ici, c'est le Bureau central de renseignement (BCR) qui centralise dans un premier temps toutes les informations avant de les envoyer à Neufchâteau.

Arrivées dans la cellule de crise (au district de gendarmerie de Neufchâteau), toutes ces informations sont examinées, triées par ordre d'urgence et d'importance, puis encodées dans les ordinateurs (lire ci-contre).
Les renseignements importants sont ensuite transmis aux enquêteurs «de terrain» qui sont soit gendarmes soit péjistes. En fait, à ce niveau, les tâches ont été réparties par « target » (par cible).

C'est par exemple la gendarmerie qui s'intéresse a Dutroux et la Brigade nationale qui se soucie de Nihoul. Concrètement, cela signifie qu'un «tuyau» recueilli par la PJ peut être porté à la connaissance des gendarmes qui en ont besoin en quelques heures (et inversement, bien sûr).

En outre, la structure de Neufchâteau dispose de tous les services d'appui qui peuvent être mis à sa disposition par les gendarmes comme par les péjistes. Il s'agit, par exemple, des laboratoires de police scientifique de la PJ, des «rotors» (les équipes d'observation PJ), de l'Escadron spécial d'intervention de la gendarmerie, de son «stress team» (ses psychologues), de ses analystes, etc.

Tous ces hommes travaillent de l'avis du juge et du procureur - avec un esprit de dévouement exceptionnel, sans compter ni leurs jours ni leurs heures. A l'arrivée du premier week-end dans l'affaire, l'état major de la gendarmerie avait demandé des volontaires pour travailler le samedi et le dimanche. Il y en eut 300 !
Même dévouement dans les PJ où depuis le début de l'enquête, on doit sélectionner dans les listes de volontaires.

AI. G.
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Éviter la psychose

«LE SOIR» du mardi 3 septembre 1996 page 13

L e premier jour de classe, on pense d'abord à vider le gros cartable et à ranger les fournitures dans son nouveau bureau. Ce matin, aucun enfant n'a spontanément évoqué devant moi Julie et Mélissa. Et, si mes élèves ne m'en parlent pas, je ne prendrai pas l'initiative d'aborder le sujet, tout au moins dans les premiers jours.L'école est un lieu sécurisant pour les enfants. Elle doit le rester.

Ce professeur de troisième primaire d'une école de la ville de Bruxelles a vécu les traditionnelles retrouvailles avec ses élèves «comme si de rien n'était». Les enfants sont arrivés, légèrement euphoriques, comme à chaque rentrée de septembre, dans leurs effluves de cuir et de papier neufs. Le jour magique avait à peine débuté que les élèves étaient happés par la première «séquence d'orthographe»...

- Je vais attendre les questions, poursuit le professeur. Mon mari et moi avons été fort perturbés par cette affaire, comme enseignants et comme parents. Pendant plusieurs jours, les enfants ont vu pleurer des adultes devant la télévision. A chaque générique de journal parlé ou télévisé, ils savaient qu'ils allaient entendre ou voir des choses tristes.
Alors, je n'ai pas voulu ôter à mes élèves le plaisir de la rentrée. Je dois aussi faire preuve de beaucoup de psychologie.
Je me retrouve face à vingt-huit élèves, vingt-huit personnalités différentes...Les appréhensions, les questions, cependant, risquent de fuser, d'ici quelques jours. L'enseignant s'y est préparé

- Je vais prendre contact avec les professeurs de morale et de religion pour voir comment aborder avec les enfants les dangers des mauvaises rencontres. Comme je l'avais fait, l'an dernier, après le rapt de Julie et de Métissa. Quand je sortais en rue avec mes élèves, je leur répétais souvent de rester près de moi.
Pour les excursions, ils avaient confectionné de petites cartes d'identité à mettre au cou et je leur avais donné la consigne: « Toujours me voir, toujours m'entendre ».

NE PAS CRÉER DE PSYCHOSE
Sollicité de toutes parts dans l'école, le directeur avait déjà pris soin, lundi, de rédiger un avis aux parents, leur rappelant les règles d'élémentaire prudence. Les enfants attendent leurs parents à l'intérieur de l'établissement et non sur le trottoir, quelle que soit l'heure de sortie. L'enfant autorisé à rentrer seul rentre immédiatement chez lui par le trajet le plus court. Il pénètre également seul dans le préau car celui-ci n'est accessible aux parents que lorsqu'ils ont rendez-vous».

Je veux éviter de créer une psychose dans l'école, reprend le directeur, mais, désormais, la porte de rue sera fermée.

Quiconque voudra entrer devra sonner. Une personne fera le tri. Les enfants ne seront libérés qu'au vu des parents ou de la personne habilitée. Et les élèves qui vont à l'étude ou à la garderie seront aiguillés vers des rangs. Cela prendra plus de temps, mais tant pis.
D'ici quelques jours, les professeurs seront invites a parler de Julie et de Mélissa à leurs élèves:

- L'école doit absolument aborder cette question, conclut le directeur. Les enfants ont été bombardés d'informations qu'ils répètent sans toujours bien les comprendre. Le titulaire de classe me paraît la personne la mieux placée pour leur faire comprendre certaines choses.

M. L.

Les Russo et les Lejeune préparent l’avenir(« LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 9)


Les Russo et les Lejeune préparent l’avenir

« LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 9

Après une semaine de repos, les parents de Julie et Métissa vont s'attaquer à tous les dysfonctionnements de l'enquête

Le lendemain des funérailles de Julie et Mélissa, Gino Russo avait demandé quelques jours de repos à tous ceux qui tentaient de les joindre.
« On reçoit des propositions d'aide par milliers », avait-il dit à la RTBF. «Je leur demande simplement d'attendre quelques jours. Après, on les recontactera et on aura besoin d'eux, je leur promets. »
Besoin d'eux, pour quoi faire ? C'est ce que nous lui avons demandé hier après-midi. La famille Russo est revenue samedi soir à son domicile de Mons Crotteux. Juste à temps pour participer à la marche silencieuse qui a rassemblé dans le calme et la dignité des milliers de personnes à l'endroit où les deux fillettes avaient disparu, près du pont de l'autoroute.
Les Lejeune quant à eux sont toujours à l'étranger, ils reviendront bientôt.

Allocations familiales
Dimanche s'est tenue une première réunion avec les membres du comité Julie et Mélissa et il a été longuement question de la suite à réserver à l'action que comptent mener les parents.
«Jusqu'à présent, notre tâche principale était de faire pression sur les enquêteurs pour que l'on retrouve nos filles vivantes. Aujourd'hui, notre nouvel objectif est de mettre en lumière tous les dysfonctionnements de l'enquête et de trouver les responsables tant politiques que judiciaires qui ont conduit à ce désastre », explique Gino Russo. Les parents veulent aller au bout de cette vérité, aussi dure soit-elle, en englobant les éventuelles protections dont a bénéficié Dutroux et la liste des clients qui devaient forcément exister a l'intérieur de ce réseau.
« Pour le moment, nous attendons, observons, écoutons et analysons tous les renseignements que l'on nous donne. Et la semaine prochaine, nous donnerons ensemble une conférence de presse pour dénoncer tous les éléments que nous avons obtenus. »

La justice collabore-t-elle enfin avec vous? Vous a-t-on laissé consulter le dossier? La victime est-elle replacée au centre des débats comme le ministre de la justice le laissait entendre vendredi dernier?
« Mais pas du tout. Savez vous que jusqu'à présent, je ne peux me fier qu'aux dires de Dutroux pour savoir que nos deux filles sont bien mortes ! Nous n'avons jamais pu voir les corps, nous n'avons reçu aucun rapport d'autopsie. Rien!

Mais ça, de belles paroles, on en a eu. Tiens, prenez encore la ministre des affaires sociales, Magda De Galan, qui, au moment où l'Administration nous avait retiré les allocations familiales des petites en novembre dernier, avait déclaré partout que nous y aurions à nouveau droit après que l'affaire eut fait les gros titres des journaux. « Et avec effet rétroactif», affirmait-elle! Pensez-vous qu'à l'heure où je vous parle, nous en avons reçu le moindre franc...Je ne les réclame plus maintenant, évidemment. Mais si je vous dis cela, c'est simplement pour vous faire comprendre que ce sont toujours des belles paroles, rien que de belles paroles. Rien n'a changé. Loin de là. »

« On ne les a pas oubliés... »
Visiblement, au cabinet du ministre De Galan, on était fort surpris et navré de ce nouveau dérapage ».
« Effectivement, renseignements pris, ces allocations n'ont toujours pas été payées, nous explique l'attaché de presse. En novembre dernier, lorsque l'affaire avait éclaté, la ministre avait directement changé la circulaire en portant de 5 mois à 5 ans l'obligation de délivrer des allocations familiales à une famille dont l'enfant a disparu et dont on est sans nouvelles.
Mais, l'Administration a voulu également régler le cas d'An et Eefje dont l'une était âgée de 19 ans et n'avait donc théoriquement plus droit non plus à ces allocations. Je suppose que ce sont ces deux problèmes qui ont pris du temps à être résolus. »

Du temps? Plus de 9 mois!
Mais, le problème sera réglé dès la fin de ce mois de septembre. Un délégué va prendre contact avec les familles pour leur expliquer le problème et les sommes dues seront versées. » Merci pour eux !

Luc Gochel
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Dutroux et consorts sont désormais surveillés toutes les 7 minutes 30

«LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 9

LA révélation vendredi par notre journal des conditions de détention de Marc Dutroux et de ses complices à la prison d'Arlon a tout de même eu des effets bénéfiques. Un nouveau directeur a pris ses fonctions ce lundi et la sécurité a été renforcée vis-à-vis de ces illustres détenus.
Sur les 10 inculpés de cette affaire,nous savions déjà que Michèle Martin se trouvait à la prison pour femmes de Namur et que Georges Zicot,l'inspecteur de la P.J., était à la prison de Huy. Sur les huit inculpés restants,
Pierre Rochow a été libéré et Michel Nihoul a été transféré ce samedi matin, sous bonne escorte, à la prison de Namur.

Il reste donc à la prison d'Arlon six détenus: Marc Dutroux, Michel Lelièvre, Michael Diakostavrianos, Gérard Pinon, Thierry Dehaan et Claude Thirault. Comme la prison est petite et qu'il faut absolument les séparer des autres détenus, les six inculpés se trouvent encore tous dans la même section qui comprend 20 cellules. Ils sont éloignés le plus possible les uns des autres et sont surveillés toutes les 7 minutes 30 par les gardiens (une surveillance encore plus sévère que pour Patrick Haemers, nous dit-on). Ceux-ci ouvrent le judas durant la journée et la lumière durant la nuit. Autant pour les surveiller que pour éviter des tentatives de suicide,paraît-il.
Pratiquement en criant, ils peuvent encore se parler mais les gardiens surveilleront désormais toutes leurs paroles. Quant à la télévision et aux journaux, ils peuvent malheureusement encore y avoir accès, ce qui nous paraît tout à fait surprenant.

Chacun peut donc lire dans la presse ce que l'autre a dit de l'affaire. On nous affirme cependant qu'aucun n'a demande à s'abonner a un journal mais que quatre des six inculpés (Dehaan, Lelièvre, Pinon et Diakostavrianos) disposent de la télévision.

Pour le reste, ils ne sortent jamais ensemble, ne demandent jamais à aller au préau, ils vont à la douche un par un et sont fouillés à l'entrée et à la sortie de prison.

Anecdote : le 16 ou le 17 août dernier, Marc Dutroux a été victime d'une tentative d'agression de la part d'un détenu ordinaire. Ce dernier s'était caché dans le couloir qui mène à l'infirmerie afin de rosser le personnage qu'il savait devoir se rendre aux soins. A son passage, il s'est rué dessus mais a été maîtrisé par les gardiens.

L.G.
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Le fils du procureur général inculpé !

«LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 9

La nouvelle était tenue secrète depuis vendredi. Ce jour-là, le juge d'instruction bruxellois Guy Laffineur inculpait Philippe Demanet, 33 ans, de Thuin, le fils du procureur général de Mons, dans le cadre d'une présumée escroquerie à l'assurance portant sur le vrai faux vol, en Espagne, d'une Porsche 911 appartenant à l'inculpé.

Cette inculpation, apprise à bonne source, ferait suite aux aveux enregistrés quelques jours auparavant par le Comité supérieur de contrôle (CSC) du patron de la SPRL ayant vendu la voiture à Philippe Demanet.
Philippe Demanet, expert automobile au parquet de Charleroi et fils du procureur général de Mons (par ailleurs doyen des procureurs généraux du pays), est un « dingue de voitures Porsche », pour reprendre l'expression de son père que nous avions interviewé par téléphone le 30 juin 1995.

En 1993, il avait acheté une Porsche 911 à la SPRL Adam, gérée par un ami de Philippe Demanet. Elle fut mise en service le 10 août 1993. Mais le mois suivant, lors d'un voyage en Espagne, Philippe Demanet se faisait voler sa belle voiture. Il fit une déclaration de vol en Espagne, le 10 septembre 1993, à Castel Playa d'Aro et, à son retour, une seconde déclaration en Belgique, à la police communale de Thuin, en novembre 1993.
L'enquête sur ce vol avait notamment été effectuée par l'assureur bruxellois Thierry Dehaan, de la Royale Belge: un assureur ayant très bonne réputation dans la capitale mais qui a également été placé sous mandat d'arrêt à Neufchâteau dans le cadre du dossier connexe à l'affaire Dutroux, le dossier 87/ 96 du juge Connerotte concernant un trafic de voitures volées.
L'assureur Dehaan avait «marqué son étonnement » sur ce vol mais avait finalement marqué son accord pour le règlement du litige: la Royale Belge avait versé 3,2 millions de francs à Philippe Demanet, à titre de dédommagement (valeur de la voiture, accessoires compris).
Avec cet argent, Philippe Demanet avait acheté une nouvelle Porsche. C'est lorsqu'il voulut la faire immatriculer qu'il y eut un problème.
En mars 1994, le DIV à Bruxelles est intrigué par l'insistance de Philippe Demanet qui, par fax, réclame une nouvelle plaque ressemblant étrangement à la première.

Puis, coup de théâtre, le 16 mars: il fait une nouvelle déclaration à la police de Thuin, cette fois pour annoncer qu'il avait retrouvé sa plaque. C'est d'ailleurs cette plaque (LRS.911) qui fut remise en circulation sur la seconde Porsche, le 10 mai 1994.
Enfin, dans une troisième version, Philippe Demanet déclarera qu'il avait enlevé sa plaque originale avant de partir en Espagne où il craignait qu'on la lui vole.

Cette plaque était tout à fait spéciale et lui avait coûté 25.000 F. C'est pour cette raison qu'il avait fait faire un «doublon» de l'immatriculation et l'avait apposée sur sa Porsche lorsqu'il s'était rendu en Espagne. C'est donc ce doublon et non la plaque originale qui aurait été volé.

L'affaire passablement embrouillée parvint aux oreilles de Georges Zicot, le spécialiste «voitures» de la PJ de Charleroi qui, rapidement, soupçonna une escroquerie à l'assurance. Et même une double escroquerie puisque selon certains, la Porsche 911 ne datait pas de 1993 mais de 1991. La Royale Belge aurait donc été roulée sur le vol et sur le prix de la Porsche. Curieusement, c'est finalement ce policier qui fut interpellé dans le cadre d'une instruction ouverte à Bruxelles chez le juge Guy Laffineur. Mis à la disposition du juge, après une nuit au bloc, il fut finalement relâché, sans inculpation.

Mais l'enquête du juge Laffineur s'est poursuivie. En juin 1995, le Comité supérieur de contrôle perquisitionnait au domicile de Philippe Demanet, qui est aussi celui de son père, à Thuin, ainsi qu'au siège d'une société de dépannage, à Ransart. Et, il y a près de quinze jours, le patron de la SPRL Adam était entendu au Comité supérieur de contrôle et, selon nos informations, avouait que la Porsche n'avait jamais été volée. Philippe Demanet aurait remis la Porsche à son copain qui en aurait fait usage en Italie avant de la ramener en Belgique.
Une Porsche de rallye appartenant à Philippe Demanet a bien été retrouvée à Ransart mais le jeune homme prétend qu'il ne s'agit pas de « la » Porsche volée en Espagne.

Quoi qu'il en soit, Philippe Demanet a été inculpé vendredi passé par le juge Laffineur dans le cadre de ce dossier. Même si cette décision ne préjuge en rien de la décision future des tribunaux Philippe Demanet, qui nie, reste présumé innocent elle apporte tout de même de l'eau au moulin de Georges Zicot et de ses collègues de la PJ de Charleroi. S'il a dit la vérité dans le dossier de Bruxelles, ne l'a-t-il pas dite aussi dans celui de Neufchâteau ?

Philippe Crêteur
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Tout n'est pas «net» dans cette histoire de voiture volée

«LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 9

Premier point, et d'importance: que Philippe Demanet ait été inculpé ne signifie pas qu'il soit coupable. Il bénéficie, comme tout un chacun, de la présomption d'innocence.

Deuxième point, et tout aussi primordial: les faits qui composent ce dossier méritent un examen aussi approfondi que ceux qu'aurait commis n'importe quel justiciable.
Cela entend une instruction à charge et à décharge, un parquet qui poursuive au nom de la société, un avocat qui assure la défense et une partie civile qui, le cas échéant, demande réparation du dommage matériel subi.
Cela suppose aussi - ce qui va sans dire va mieux encore en le disant – que l'enquête soit menée jusqu'à son terme, quelles que soient les personnes impliquées et leur entourage.
On ne peut, s'en référant aux informations qui filtrent parcimonieusement, que constater ceci : il y a apparemment eu, dans les déclarations de vol de Philippe Demanet, plusieurs versions qui concernent principalement le chemin pris par sa plaque d'immatriculation.
En un premier temps, elle est déclarée volée avec la Porsche à laquelle elle se rapporte, comme cela paraît logique. Elle est ensuite déclarée «retrouvée». ce qui peut sembler singulier, et elle est alors remise en circulation sur la seconde Porsche.
Finalement, Philippe Demanet parlera d'un doublon de plaque, version qui est également celle accréditée par son père, il y a quelques jours.
Ces déclarations successives ne prouvent évidemment rien, et surtout pas la culpabilité de l'intéressé. Elles contribuent seulement à alimenter un sentiment de malaise et donnent à penser que tout n'est pas net dans cette affaire de voiture volée.
Comme, parallèlement, les autorités judiciaires conservent à son propos un silence opaque, on en est réduit aux suppositions. C'est la pire des choses qui puisse arriver a un dossier. C'est plus vrai encore quand s'y trouve inculpé un proche d'un haut magistrat qui, par souci de tirer son fils d'embarras, a donne à une affaire secondaire un éclat tout particulier, en courant le risque de s'y impliquer au nom de sentiments paternels par ailleurs honorables.

Philippe MAC KAY
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Mercuriales

«La criminalité organisée innove sans cesse»


« LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 9

Le procureur général près la Cour de cassation, Jacques Velu,bientôt admis à la retraite, a prononcé hier sa dernière mercuriale, à l'occasion de l'audience solennelle de la rentrée judiciaire. Un discours d'autant plus attendu que le précédent, tenu l'an dernier au sujet des rapports justice - presse, n'avait pas manqué de soulever de vives réactions.

On s'attendait donc ce lundi à quelques ultimes flèches acérées de la part du haut magistrat, qui avait choisi comme thème le titre quelque peu énigmatique de «Représentation et pouvoir judiciaire ». Il n'en a rien été. M. Velu a livré un exposé juridique pointu sur les rapports unissant le pouvoir judiciaire, la Nation et la magistrature. Problèmes de souveraineté, de contrôle, de politisation... Une analyse critique mais sans polémique.

Le procureur général a néanmoins évoqué en préliminaire l'actualité tragique et les remous qui s'agitent autour de la Justice: « Je n'entends pas émettre ici d'appréciation au sujet des griefs qui lui sont adressés», a dit M. Velu en expliquant avoir rédigé sa mercuriale avant que n'éclate « l'affaire Dutroux ». Et d'exprimer l'espoir que les autorités concernées sauront tirer des tristes événements les enseignements qui s'imposent.
Le magistrat a dit partager « l'émotion qui étreint le pays entier et vouloir exprimer aux familles cruellement atteintes dans leurs plus chères affections, nos sentiments de profonde affliction et de douloureuse sympathie».

Lors de son discours de rentrée, le procureur général près la cour d'appel de Bruxelles, André Van Oudenhove, a aussi fait allusion au dramatique épilogue de l'enlèvement de Julie et Mélissa. Dans le flot de critiques déclenché, la Justice prendra ses responsabilités mais exigera aussi un débat serein, a-t-il dit.
« La Justice demeurera en effet une Justice des hommes, donc nécessairement imparfaite. Elle combattra de toutes ses forces le fléau de la criminalité sous foutes ses formes, et plus particulièrement celle qui touche aux êtres les plus chers, les enfants.
La magistrature partage très profondément l'immense peine causée par les drames dont des enfants sont les Innocentes victimes, mais elle défendra aussi son honneur. »

Criminalité organisée
Pour l'essentiel, tant M. Van Oudenhove que le magistrat national André Vandoren se sont penchés dans leurs discours sur le thème de la criminalité organisée. « Nous avons très vite réagi face à ces nouveaux phénomènes criminels », a avancé le magistrat face à certaines critiques. Et de citer diverses mesures prises dès 1990: la création de la fonction de magistrat national, les nouvelles lois concernant le blanchiment d'argent et les écoutes téléphoniques, la création de l'OCDE FO...
Les chiffres sont éloquents : 84 enquêtes ouvertes (dont 80 dossiers d'envergure internationale}, 1.212 suspects interpellés, 4.544 faits punissables inventoriés... M. Vandoren observe que le crime organisé est aussi très actif dans le milieu de la prostitution et de la traite des enfants.

Mais quels que soient les résultats engrangés à ce jour, il ne faut pas conclure que la situation est sous contrôle, dit le magistrat national. (La criminalité organisée innove sans cesse et le combat mené aujourd'hui est un combat d'arrière-garde, compte tenu notamment de l'arsenal légat mis à notre disposition. »

M. Vandoren s'est néanmoins réjoui du plan d'action gouvernemental mis en place. « II devrait nous permettre de nous lancer dans une attaque frontale contre ces formes de criminalité, a-t-il estimé. Car si notre choix est l'immobilisme, il ne faudra pas s'étonner que notre pays devienne une plaque tournante et un refuge pour les organisations criminelles. »

A.B.

Rentrée des classes à la future école « Julie et Mélissa»(« LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 8)


Rentrée des classes à la future école « Julie et Mélissa»

« LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 8

Le premier lundi de septembre signifie pour beaucoup d'enfants la rentrée des classes.
Pour les plus petits, c'est le saut dans l'inconnu. Pour les plus grands, la nostalgie des dernières minutes de vacances fait rapidement place à la joie de retrouver les copains. Pourtant, cette nouvelle année scolaire ne sera pas comme les autres. « Plus jamais comme les autres», précise une mère.
Julie et Mélissa restent bien évidemment dans toutes les mémoires à l'école communale de Grâce-Hollogne que fréquentaient les 2 enfants.

En souvenir de ces 2 enfants assassinées, le corps enseignant a demandé au collège échevinal de GrâceHollogne de rebaptiser l'établissement «école Julie et Mélissa ». «Cette initiative du corps enseignant devait bien sûr recevoir l'accord des parents de Julie et Mélissa , précise Henri Loest, échevin de l'Instruction publique à Grâce-Hollogne. « Le collège échevinal était bien entendu d'accord avec cette idée. J'ai été chargé d'en faire part aux parents de Julie et Mélissa.

Ceux-ci ont donné leur accord. Je suis en train de monter le dossier administratif pour pouvoir en faire part au prochain conseil communal. »

Dans la cour de récré de la future école Julie et Mélissa, les enfants jouent et courent sous le regard attentif des parents. Si ces derniers marquent encore une certaine crainte, les bambins, eux, semblent reprendre leurs jeux. Ils n'ont, il est vrai, que l'insouciance et la force d'oublier à opposer a ceux qui piétinent le jardin de leur enfance.

P.G
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Le train de vie du monstre

« LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 8

Depuis le début de l'affaire, on a parlé régulièrement des dix, voire onze, «propriétés de Dutroux », ce qui ne manque pas d'étonner quand on connaît son parcours judiciaire et son statut social. Selon nos renseignements, l'indemnité qu'il percevait en tant qu'invalide était de 38.500 F.
Toutefois, suite à une dénonciation, une enquête avait été ouverte et l'INAMI s'apprêtait à lui enlever son statut de V.I.P.O.

A cela s'ajoutent un peu plus de 40.000 F que sa femme percevait comme isolée (Marc Dutroux et Michèle Martin étaient mariés mais vivaient séparément, probablement pour bénéficier d'indemnités doubles), soit au total environ 80.000 F. Ce n'est bien sûr pas rien, surtout compte tenu de leurs agissements, et on comprend l'indignation suscitée par de tels chiffres.

Mais même avec 80.000 F par mois, comment le couple avait-il pu faire l'acquisition d'autant de biens? Et, question qui découle de la première, personne ne s'était-il inquiété de savoir comment un V.I.P.O. pouvait être propriétaire d'un si grand nombre d'immeubles?
La réalité administrative ramène à de plus justes proportions ce dossier. Selon nos renseignements en effet, l'Administration des contributions directes était en possession des fiches transmises par l'Enregistrement au sujet des différents biens appartenant à Dutroux.
Mais contrairement à ce qu'on a cru, ces avoirs immobiliers sont relativement «modestes» et on peut comprendre qu'ils n'aient pas suscité d'interrogation particulière.

En réalité Dutroux a fait l'acquisition de trois immeubles:

- une maison à Sars-la-Buissière achetée en 1992 pour 1.850.000 F. Elle est couverte par un emprunt hypothécaire dont l'octroi par un organisme de prêt ne semble apparemment pas avoir fait problème;

- une maison à Marchienne au-Pont avec garage achetée en 1986 pour 300.000 F ;

- une maison à Marcinelle achetée en 1985 pour 250.000 F.
Quant à Michèle Martin, elle est propriétaire d'une maison à Mont-sur-Marchienne achetée en 1984 pour 325.000 F.
Les autres maisons et «planques» attribuées à Dutroux appartiennent à ses complices ou à des connaissances.

B.D.
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Concentration des recherches à Jumet

« LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996 page 8

Hier, les forces de l'ordre ont continué leurs fouilles uniquement rue Daubresse à Jumet. Ils ont étendu leurs investigations au chalet voisin de celui de Bernard Weinstein. Les enquêteurs ont en effet appris pendant le week-end que ce dernier avait squatté cette propriété pendant quelques mois.

Faute de forces suffisantes pour fouiller simultanément dans les multiples points de chute de la bande de Marc Dutroux, les enquêteurs ont changé de stratégie et concentrent leurs recherches en un seul point.
Sur instruction du juge Connerotte, ils ont poursuivi intensivement leurs investigations au domicile de Bernard Weinstein, au n°65 de la rue Daubresse à Jumet.

C'est dans ce chalet délabré que Bernard Weinstein avait séquestré trois jeunes gens en décembre 1995.
Une quinzaine d'hommes de la Protection civile et autant de gendarmes ont repris les fouilles lundi après midi, vers 13 h, non seulement chez Weinstein, mais aussi dans le chalet voisin. En effet, les enquêteurs ont reçu ce week-end une information selon laquelle Bernard Weinstein a occupé cette maison sans titre, ni droit, pendant quelques mois.

Entre la mort de l'ancien occupant en septembre 1995 et l'arrivée du nouveau locataire en avril 1996, ce chalet en bois est resté vide. Trouvant cette maison plus confortable que la sienne, Bernard Weinstein y avait installé ses pénates sans autorisation. Il avait raconté aux voisins qu'il s'était porté acquéreur de ce chalet et avait déjà versé un accompte de100.000 FB.

Les enquêteurs ont sondé le sol de la propriété voisine et y ont décelé deux endroits où le sol a été remué, dans la cave et le jardin. Harry Jongen, le « nez » hollandais spécialise dans la recherche de cadavres, a inspecté les lieux, de même que deux chiens de la police allemande. Ceux-ci n'ont cependant marqué aucun arrêt révélateur.

Pendant ce temps, les agents de la Protection civile ont continué à creuser systématiquement le terrain de Bernard Weinstein jusqu'à atteindre la couche de terre dure, à 5-6 m de profondeur. Vers 17 h, ils avaient exploré pratiquement toute la surface, sans avoir rien trouvé. Ensuite, ils se sont attaqués au hangar qu'ils comptaient raser avant la tombée de la nuit. Ce matin, ils en creuseront le sol.
La gendarmerie continue à monter la garde devant tous les autres points de recherche de la région de Charleroi. La maison de Michel Lelièvre, rue Destrée à Marchienne Docherie, a été entièrement vidée de son contenu afin de faciliter de prochaines investigations.

Le porte-parole de la gendarmerie, le major Jean-Marie Boudin, a déclaré hier que le radar anglais n'avait pas été utilisé hier et crue le superintendant Bennett était rentré en Angleterre. Selon l'estimation du spécialiste anglais, les recherches devraient encore continuer pendant plusieurs mois, tant les surfaces à explorer sont vastes...

E.Mathieu




La rentrée : Une minute de silence dans plusieurs écoles(« Une » de « LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996)



La rentrée : Une minute de silence dans plusieurs écoles

« Une » de « LA MEUSE » du mardi 3 septembre 1996

Dans la région liégeoise, comme dans la plupart des écoles du pays, une minute de silence a été observée à la mémoire de Julie et Mélissa lors de la rentrée des classes en primaire

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L'ENQUÊTE :

* Les fouilles ont repris, hier, à Jumet

* Ce que possédaient réellement Dutroux et Michèle Martin

* Les autorités ont remis de l'ordre à la prison d'Arlon où le pédophile et ses co-inculpés avaient la «vie facile», pouvant notamment communiquer entre eux

* Dénoncé par l'inspecteur Zicot (que l'on présente comme l'un des protecteurs de Dutroux), le fils du procureur général de Mons est inculpé dans une affaire de vol à l'assurance

* Quant aux parents des deux fillettes assassinées, ils restent décidés à s'attaquer à tous les dysfonctionnements de l'enquête qui ont amené un tel désastre ainsi qu'aux promesses non tenues (exemple: les allocations familiales)

*On en saura plus, la semaine prochaine

(Pages 8, 9)

Dans la cour, l’ombre de Dutroux ("DH" du mardi 3 septembre 1996)


Dans la cour, l’ombre de Dutroux


L’école Julie et Mélissa

LE SOUVENIR DES DEUX GAMINES DISPARUES

LA DERNIERE HEURE du mardi 3 septembre 1996

A GRACE-HOLLOGNE - II est des établissements où la rentrée des classes fut particulièrement douloureuse; ainsi, l'école communale de Crotteux, à Grâce-Hollogne, où deux petites élèves manquent désormais à l'appel.

De Julie et Mélissa, « deux gamines studieuses que tout le monde appréciait », il est bien sûr partout question, dans la cour de récréation, dans les couloirs, les salles de classe ou la salle des professeurs.

« Chacun d'entre nous appréhendait cette rentrée », confie un des instituteurs en avouant qu'il y a des situations « auxquelles on n'est pas préparé. » « On s'est demandé s'il fallait ou non en parler avec les enfants, s'il fallait observer une minute de silence, s'il fallait faire quelque chose. Et puis on s'est dit que le mieux était encore de ne pas traumatiser davantage les enfants; nous répondrons simplement à leurs questions et leur rappellerons de se méfier des gestes équivoques.
Henri lhoest, l'échevin de l'Instruction publique, parle, lui, d'une « école de village, où tout le monde se connaît » et où chacun ressent très durement la disparition de Julie et Mélissa. «Les familles Lejeune et Russo nous ont autorisés à rebaptiser notre école du nom de leurs enfants. Ce serait sans doute la meilleure façon de leur rendre hommage; la demande sera prochainement introduite auprès du conseil communal des rassurer
Les enfants, eux, semblent chercher désespérément du regard leurs deux copines. Ils savent bien sûr ce qui s'est passé, regardent la télé et parlent avec leurs parents, mais, pour beaucoup, mourir ne veut rien dire et il leur faudra du temps pour comprendre tout ce que cela a de cruel. « On a beaucoup discuté avec nos enfants, on a essayé de leur faire comprendre que tous les adultes n'étaient pas méchants comme Marc Dutroux et son amie, mais qu'il ne fallait cependant pas suivre des inconnus dans la rue », explique le papa de Gérôme, un gamin de 7 ans qui se débat sous un cartable trop lourd pour lui. « Il n'empêche que nous,les parents, on a peur pour nos gosses. Bien sûr, on sait que c'est déraisonnable, mais des drames comme celui-là, ça impressionne.
On réalise aujourd'hui que personne n'est à l'abri, que ça n'arrive pas qu'aux autres.

Conseils de prudence
Et l'enlèvement de deux adolescentes en fin de semaine dernière n'est pas pour refroidir les esprits. « Nous répétons à nos enfants les éternels conseils de prudence », reprend une maman en vérifiant le dix heures de son petit bout.
Mais vous savez comment ils sont à cet âge-là, tellement imprévisibles ! » C'est là sans doute le plus grand problème.
Jo. M.
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IL AVAIT CHANTÉ POUR JULIE ET MELISSA

C'était un honneur

LA DERNIERE HEURE du mardi 3 septembre 1996

FLOREFFE - Pour François, comme pour des milliers d'autres enfants, hier c'était le jour J, celui de la rentrée des classes. Une rentrée qui, dans son cas, revêtait un caractère particulier. Parce que, âgé de 12 ans 1/2, il rentrait en première rénové-options anglais, sports, dessin, sciences - au séminaire de Floreffe, après des primaires à l'école Saint-Joseph de Malonne. Certainement... Mais aussi parce que, après ces vacances 1996, et plus particulièrement la journée du 22 août dernier, ce n'est plus vraiment le même François qui reprend le chemin des écoliers.
François Saussus, c'est ce talentueux jeune Namurois dont la voix a ému aux larmes des milliers de gens, en chantant magistralement « Pour les enfants du monde entier », d'Yves Duteil, lors des funérailles de Julie et Mélissa. Une performance qui, sans conteste, a marqué la vie du jeune artiste.

Et sa rentrée scolaire ?

« Il y a bien quelques copains qui m'ont félicité », reconnaît-il humblement. Et ça fait plaisir ? « Oui. Nous venons d'aller rechercher sa soeur, qui est toujours à l'école à Saint-Joseph. Là, des anciennes profs lui ont dit qu'elles l'avaient vu à la télé», ajoutent ses parents, qui l'accompagnent à cette première séance d'information. On n'en saura pas plus... Visiblement, dans la famille,on sait rester modeste.

Une voix chaleureuse
Même si les parents ne peuvent s'empêcher d'apprécier, à juste titre, la prouesse du fiston. « Je suis moi-même chef de choeur, commente le papa, qui dirige la chorale des Petits Chanteurs de Namur, dont fait partie son sympathique garçon, mais, franchement, je n'aurais jamais osé. Pas tant à cause du public, dont François a une certaine habitude. Mais plutôt à cause des circonstances. » Ce que confirme la maman: « Il a quand même été impressionné en se retrouvant devant les deux cercueils blancs. Et des cercueils d'enfants, en plus. Mais sa voix était tellement chaleureuse. Tout le monde a dit que c'était sa meilleure prestation. Il y avait aussi toutes ces cameras : « Il savait que la RTBF serait là,mais quand il a vu toutes les autres chaînes étrangères dehors... Et puis les français l'ont montré au JT et les techniciens de TF1 lui ont annoncé qu'il passerait sur CNN.
Des circonstances extraordinaires, mais qui n'empêchent pas la famille Saussus de garder les pieds sur terre et de ne les évoquer qu'avec une extrême pudeur.

Vous savez, s'il a chanté pour Julie et Mélissa, c'est parce que, nous aussi, nous avons perdu un enfant.. , confie Mme Saussus.

Quant à François, qui reconnaît qu'il est, à présent, a plus prudent qu'avant, dans la rue », il l'a parfaitement compris: pour lui, qui rêve pourtant de se produire devant Duteil en personne, « c'était un honneur » de pouvoir chanter là.

Laurent Belot
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DANS LA PLUPART DES ÉCOLES, DES DÉBATS SUR L'AFFAIRE

Pas de psychose exacerbée, mais quelque chose a changé


LA DERNIERE HEURE du mardi 3 septembre 1996

BRUXELLES - « Nous avons eu une réunion des profs avant la rentrée. On s'est demandé ce qu'il fallait faire, s'il fallait observer une minute de silence ou quelque chose du même genre. On pensait que les élèves allaient tellement en parler »...
Directeur du fondamental à la Communauté éducative Sainte-Geneviève, à Etterbeek, M. Michiels était hier rassuré : finalement, les enfants auront vécu une rentrée moins troublée que prévu, où les souvenirs de vacances, les retrouvailles avec les meilleurs amis éclipsaient les autres préoccupations. Et pourtant, plus aucun instit, dans cette école comme ailleurs, ne tentait d'esquiver la question, tous bien conscients qu'ils devront débattre, ces prochains jours, du dossier qui a retenu toute l'attention des élèves, même en vacances à l'étranger. « Nous avons des livres spécifiques, comme Mimi fleur de cactus, de Marie-France Botte, des cassettes, le Bla-Bla spécial que nous avons enregistré... », commentent les enseignants en salle des profs.
« Mais c'est vrai que l'on aurait besoin, en plus, d'apport extérieur, d'animations spécifiques sur le thème. Cependant, face à la pression énorme de ces dernières semaines, on se dit qu'il vaut mieux attendre que cela sorte, spontanément, de la bouche des élèves : ne les traumatisons pas davantage. Quand ils le souhaiteront, alors nous serons prêts à répondre à leurs questions.

Par deux, sans risque
Point de psychose exacerbée, mais tous conviennent que quelque chose a changé en ce premier lundi de septembre. « Déjà pendant les plaines de vacances,on constatait que !es enfants ne réagissaient plus de la même manière : ils nous signalaient d'emblée qu'ils restaient bien ensemble lors des déplacements.
Avant, quand on laissait des élèves sortir, on s'imaginait que s'ils étaient deux ils ne risquaient rien...

Et pour nous aussi, ça a change: on n'oserait plus se montrer trop gentil, trop amical avec nos élèves, par crainte qu'ils n’interprètent mal. Nous avons déjà eu, dans nos murs, des enfants victimes d'inceste ou de pédophilie, mais jamais nous n'avions osé imaginer que des réseaux structures existaient dans notre pays.

Débat
La discussion n'avait pas été programmée, mais il a suffit plus tard d'une phrase, dans la classe de sixième de Mme Delplace, pour entamer un large débat sur l'affaire.
Surinformés, les élèves n'ignorent aucun détail, y compris les plus sordides, de ce sinistre dossier.
Leurs témoignages, leurs récits, leurs avis tranchés (« Qu'on en ferme Dutroux et qu'on le laisse mourir de faim, comme il l'a fait pour Julie et Mélissa »...) montrent la nécessité de les encadrer, de tempérer certains propos, de jouer, surtout, la carte de la prévention.
Oui, nous en avons beaucoup parlé à la maison, avec les parents, ou les amis, ou les cousins », lancent en choeur ces gosses de 11-12 ans.
Si leur comportement a changé ? « Je ne sors plus seul. » « Moi oui, mais je sais comment me défendre et puis je cours vite. » « Je ne répondrai plus en rue si on me demande un renseignement, même pour de vrai. » « Je ne vais plus au basket », « Je vais prendre des cours de karaté »... «A cause de Dutroux, on ne peut plus rien faire. C'est moche. Mais c'est aussi la faute à ceux qui ont relâché Dutroux »...
L’occasion, pour l'institutrice, de prendre le pouls de ses ouailles assurément, le dossier mérite réflexion et suivi... Pour remettre, au moins, les pendules à l'heure dans les têtes des enfants.

Nancy Ferroni
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UNE RENTRÉE MOINS PÉNIBLE QUE PRÉVU À SARS-LA-BUISSIERE

« Les questions des enfants »


LA DERNIERE HEURE du mardi 3 septembre 1996

LOBBES - « Ici, plus rien ne sera jamais comme avant ! » la réflexion de cette mère, entendue hier matin au portail de la petite école de Sars-la-Buissière, dans l'entité lobbaine, résume peut-être assez bien un sentiment unanime dans ce village qui attire malgré lui les regards du pays entier depuis la découverte des corps de Julie et Mélissa. « En quelques jours, la vie a complètement changé. Les rapports ne sont plus les mêmes. On essaie parfois de faire comme si, mais c'est difficile : cette affaire nous a trop pris au ventre...

Chape de plomb
Dans le matin encore gris, les bancs d'un brouillard épais pèsent comme une chape de plomb sur la petite école communale de la rue Chevesne dont la cour de récréation commence à peine à résonner des cris et rires d'enfants. Vers 9 heures, un coup de cloche sonne la rentrée. Elle se fera dans la gravité et le silence.
« Sur les soixante élèves fréquentant nos classes primaires (une par degré) et maternelles, pas un n'est extérieur à sars-la-Buissière », explique la directrice, Mme Defrasnes, qui y est elle-même domiciliée.

Programme scolaire
Je crois qu'après le drame qui s'est joué à nos portes, les enfants ont besoin d'être sécurisés. Avec mes collègues, nous pensons qu'il faut soulever la question en classe. Ils ne comprendraient pas un silence de la part de leur institutrice alors qu'il n'est partout question que de cela. Nous ne voulons pas non plus les traumatiser en s'appesantissant sur les dangers et mises en garde. Il est donc prévu d'évacuer le problème aujourd'hui. Demain, nous passerons au programme scolaire normal, mais, si des questions nous sont posées, nous nous efforcerons toujours d'y répondre naturellement.

Un équilibre à respecter
Une institutrice reprend : « Entre trop dire et se taire, il y a un équilibre à respecter. En tant qu'institutrices, nous devons la vérité à nos élèves. C'est la première fois qu'ils ont assisté au bouclage de leur quartier, et qu'une telle effervescence a régné dans leur village. Il serait impensable de vouloir tirer un trait là-dessus.
Venu assister à la rentrée, le bourgmestre de Lobbes André Levacq aurait souhaité, de son côté, qu'on ne revienne plus sur l'affaire.
Celle-ci n'a fait l'objet d'aucune demande particulière de parents ni même d'enfants selon Mme Defrasnes qui avait quand même des appréhensions. « En arrivant à la garderie ce matin, je craignais d'être assaillie de questions embarrassantes. Comme vous le voyez, ce n'est pas le cas. Les enfants ont un comportement tout à fait normal. »

D.A.
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Réveillés toutes les 7 minutes 30...

LA DERNIERE HEURE du mardi 3 septembre 1996

ARLON / NAMUR - Pour éviter que Dutroux ne cherche à s'évader ou, surtout, ne tente de mettre fin à ses jours, les gardiens de la prison d'Arlon ne le laisse que peu de temps sans surveillance. Sur ordre de la direction, ils contrôlent sa cellule toutes les 7 minutes et 30 secondes exactement !
Les autres membres de la bande enfermés à Arlon sont soumis à la même cadence. Le jour, on ouvre le judas; la nuit, on allume en plus la lumière. Autrement dit, Dutroux et ses comparses sont réveillés toutes les 7 minutes 30!
De telles surveillances suivies ne sont pas si rares. Les principaux membres de la bande Haemers étaient ainsi surveillés toutes les 15 minutes, ce qui n'a tout de même pas empêché le grand blond de se pendre en cellule. A l'époque du procès, les avocats de Philippe Lacroix, lieutenant de Haemers, s'étaient plaints à plusieurs reprises de cette surveillance, estimant qu'elle rendait fou leur client.

Tentative d'agression à l'infirmerie d'Arlon
Par mesure de sécurité, Dutroux et ses complices présumés sont également complètement isolés des autres prisonniers. On nous confirme aujourd'hui que Dutroux a fait l'objet d'une tentative d'agression dans les tous premiers jours de sa détention. Il devait se rendre à l'infirmerie, qui avait été vidée pour l'occasion. Un détenu a cependant réussi à s'y cacher et a attendu Dutroux pour le frapper. Les gardiens sont intervenus juste à temps pour protéger le tueur de Sars-la-Buissière...

Samedi, Michel Nihoul a quitté Arlon pour être transféré à la prison de Namur, sur décision du juge d'instruction Jean-Marc Connerotte. On ignore les raisons de ce transfert subit.

Dans la prison ardennaise, la bande Dutroux occupe la 8e section, une aile d'une vingtaine de places qui leur est entièrement réservée. Si Dutroux est isolé, d'autres peuvent recevoir des visites. L'un des prévenus peut même téléphoner une fois par jour à son avocat.

II se confirme que les détenus de la 8e section peuvent communiquer entre eux. « Les fenêtres des cellules sont grandes et ils peuvent se crier des messages. Mais ils ne le font pas », commente un membre du personnel pénitentiaire. Deux détenus ont également demandé et obtenu la télévision. Rien ne leur interdit non plus de lire les journaux.
Dutroux et ses comparses ont l'autorisation de se rendre au préau pour la promenade. Mais, jusqu'ici, tous ont refusé de sortir de cellule, manifestement par crainte de représailles. S'ils acceptent, on leur réservera un préau isolé.

En temps normal, la nourriture est distribuée par des détenus, sous la surveillance de gardiens. Ici, pour éviter d'autres problèmes de contact, ce sont les gardiens seuls qui amènent les repas à la 8e section.

A Namur, Michelle Martin fait elle aussi l'objet de mesures de protection spéciales. Si elle séjourne dans l'aile des femmes comme les autres prisonnières, elle est séparée au maximum de ces détenues et ne participe ainsi à aucune activité. Quand elle doit se rendre à la douche, par exemple, le quartier est vidé, afin qu'elle ne rencontre aucune autre prisonnière. Elle peut recevoir la visite de sa mère, sur autorisation du directeur de la prison, qui a lui-même obtenu l'accord du juge d'instruction de Neufchâteau. Contrairement à ce qui avait été dit au début de l'affaire, sa fille, Céline (9 mois), ne se trouve pas en prison avec elle.
A Namur aussi, la nourriture est distribuée par les surveillantes. Michelle Martin est servie en dernier lieu, lorsque les autres détenues sont rentrées dans les cellules.

Benoît Franchimont


Des marcheurs par milliers pour Julie et Mélissa(« La Wallonie » du lundi 2 septembre 1996)


Des marcheurs par milliers pour Julie et Mélissa

« La Wallonie » du lundi 2 septembre 1996

Samedi soir, la place de Crotteux, à Grâce Hollogne, était noire de monde. Des milliers de marcheurs avaient répondu à l'appel d'un habitant du quartier pour entamer une marche silencieuse en hommage aux deux petites filles.
Des milliers de petites bougies blanches ont été distribuées. Elles ont scintillé sur des centaines de mètres dans la nuit qui tombait.


Au terme d'un trajet de presque 3 km, les marcheurs sont passés devant une stèle commémorative qui portait cette inscription:

«Volez petites ailes, douces hirondelles, Julie et Mélissa ».

C'est un habitant du voisinage, M. Van Damme, qui a pris l'initiative d'organiser la marche silencieuse de ce samedi soir. A 20h30, les marcheurs quittaient la place de Crotteux pour grimper en direction du pont de l'autoroute où les deux petites filles ont été aperçues pour la dernière fois.
Sur un des panneaux exhibés en tête du cortège, on pouvait lire ceci: «Monsieur Bourlet, allez jusqu'au bout. Nous sommes avec vous». Pas de doute, la volonté que justice soit faite ne faiblit pas. Le nombre de personnes présentes en témoigne.

De rues en rues, la troupe des marcheurs se grossit. Seuls les pas résonnent. La foule est silencieuse. Lorsqu'elle passe devant la maison des Russo, elle ne peut s'empêcher d'y porter son regard. De l'autre côté de la petite rue qu'empruntent les marcheurs, sur le bord du verger, un tapis d'une vingtaine de mètres de fleurs fanées témoigne du drame qui vient de se jouer il y a une semaine et demi.

Le cortège se dirige alors vers l'endroit où les petites filles ont été enlevées. La longue voirie qui y mène n'est pas éclairée. Dans la nuit tombée, de petits feux s'étalent d'un bout à l'autre de la rue, sur plus de 500 m. Seules deux voitures de la police communale de Grâce-Hollogne encadrent la manifestation. Mais les 5 agents de faction n'auront pas à intervenir de quelque façon que ce soit. Le calme et la dignité caractérisent les marcheurs.

Des bougies sur le pont

La tête du cortège arrive au croisement des rues qui mènent au pont de l'autoroute, là où une stèle commémorative a été érigée par un tailleur de pierre de Grâce-Hollogne. Sur une pierre de taille d'une hauteur d' l m50, une plaque en granit porte cette inscription: «Volez petites ailes, douces hirondelles. Julie et Métissa».

Les marcheurs se recueillent devant la pierre en bas de laquelle on peut distinguer une photographie des deux petites filles. Des bougies y sont déposées. A une quarantaine de mètres de là, les murets de pierre qui bordent le pont commencent à scintiller de milles feux. Les marcheurs y déposent leurs bougies.

On peut estimer qu'ils étaient une dizaine de milliers à s'être déplacés pour rendre ainsi un hommage supplémentaire aux petites victimes de la barbarie humaine.

Th. D.

Plusieurs milliers de personnes pour une marche silencieuse et l'inauguration d'une stèle(«La Meuse» du lundi 2 septembre 1996 page 8 et 9)



Plusieurs milliers de personnes pour une marche silencieuse et l'inauguration d'une stèle

«La Meuse» du lundi 2 septembre 1996 page 8 et 9

A Grâce-Hollogne, pas de cris, pas de débordements, seules l'émotion et la dignité...

SAMEDI, en début de soirée, des centaines de véhicules tentent de trouver une place aux alentours de la place de Crotteux. La plupart arborent des rubans noirs et des photos de Julie Lejeune et Mélissa Russo. A 20 h 30, la place est déjà envahie. Beaucoup de jeunes couples, de familles avec des enfants mais aussi de personnes plus âgées. Des bougies sont distribuées et le cortège se met en marche. Les premiers partent, bougie à la main, en direction du domicile des Russo, puis du pont de l'autoroute où les fillettes ont été enlevées, le 24 juin 1995.


Samedi soir, c'est par milliers que vous avez répondu présent au rendez-vous qui avait été lancé par un habitant de Herstal. Pour une marche silencieuse aux flambeaux et l'inauguration d'une stèle à côté du pont enjambant l'autoroute.

« Volez petites ailes. Douces hirondelles. Julie et Mélissa ».


Ce sont les quelques mots gravés sur le monument inauguré samedi soir.
Dignement, les milliers de personnes - entre cinq et dix mille qui avaient tenu à être présentes ont parcouru les trois kilomètres de la marche.
A quelques exceptions près,la majorité des marcheurs venaient de la région. Ils avaient tenu, par leur présence, à manifester leur soutien aux parents des deux fillettes assassinées.

Certains étaient aussi là pour faire passer un message.

« C'est pour faire bouger les choses, déclare une habitante des Trixhes. Je pense aux parents, à leur calvaire et au fait qu'ils finiront leur vie avec ça.Nous espérons que cela va soulever beaucoup de choses nébuleuses ».
Manifestation digne et silencieuse, mais manifestation tout de même. « Cela fait partie d'une réaction contre la justice, son incompétence et son impuissance, remarque un habitant de Grâce-Hollogne.
Les magistrats, mais aussi les hommes politiques devraient être plus attentifs. Cela s'adresse au ministre de la Justice qui ne doit pas signer n'importe quoi de manière lâche et imbécile. »

Pas d'oubli


Moment d'émotion quand les marcheurs passent devant le domicile des Russo. Certains se recueillent quelques instants avant de reprendre la marche en direction du chemin de Fexhe et du pont de l'autoroute.
Pas de cris, pas de débordements. Rien que de la dignité et de l'émotion. Les organisateurs de la marche et les forces de l'ordre ne s'attendaient certainement pas à un tel mouvement de foule.
Preuve que l'on n'est pas encore près d'oublier les deux fillettes assassinées de Grâce-Hollogne. Preuve aussi que le public n'acceptera pas que le dossier soit mis de côté.

Petit à petit, sur le pont enjambant l'autoroute, c'est un véritable parterre de bougies qui s'est constitué.

Et puis tout le monde est redescendu vers la place de Crotteux et les voitures...

P. Crommen
Photos: W. Leclercq

Dix mille personnes à la marche silencieuse en souvenir de Julie et Mélissa(« UnE » de « La Meuse » du lundi 2 septembre 1996)


Dix mille personnes à la marche silencieuse en souvenir de Julie et Mélissa

« UnE » de « La Meuse » du lundi 2 septembre 1996

Près du pont sur l'autoroute où les fillettes disparurent, une stèle a été érigée (la photo).

On peut y lire : « Volez petites ailes, douces hirondelles,Julie et Mélissa ».

Michel Bourlet le Chevalier blanc(« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 22 et 23)


Michel Bourlet le Chevalier blanc

« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 22 et 23

Son visage nous est devenu familier depuis le 14 août 1996.
Humain, chaleureux, direct, il incarne une justice de terrain, à cent lieues des pompes compassées


Marie-Cécile Royen


Les Belges se souviendront longtemps de sa première apparition à la télévision dans le cadre des enlèvements d'enfants, le soir du 14 août, à Charleroi. Michel Bourlet, procureur du roi de Neufchâteau, avait la chemise ouverte, la mèche pendante et l'élocution un brin pâteuse.

Mais il émanait de cet homme au physique de baroudeur une joie tellement simple et humaine qu'une vague d'euphorie avait gagné le pays. Une semaine après sa disparition à Bertrix, Laetitia Delhez, 14 ans, était retrouvée saine et sauve dans une maison de Marcinelle, en compagnie - surprise inespérée - de la petite Sabine Dardenne, 12 ans, dont on était sans nouvelles depuis septante huit jours.

Trois jours plus tard, sanglé strictement dans son costume, les yeux perdus dans l'horreur, Michel Bourlet décrivait, avec le même poids humain et des mots sans apprêt, le supplice subi par Julie et Mélissa.

Pour une société gravement traumatisée et placée sous perfusion médiatique, le procureur du roi d'une petite bourgade du Luxembourg est devenu l'incarnation même du justicier, cet homme intègre et droit qui, dans les séries américaines, est chargé de débusquer les coupables et de faire toute la lumière sur une affaire où la réputation de la justice est mise en cause.

Pourtant, rien n'est plus étranger à la personnalité de Michel Bourlet que l'exaltation du redresseur de torts ou les sombres ruminations du révolutionnaire-né.

A 47 ans, le procureur du roi peut savourer les fruits de la vie. Né dans une famille d'avocats liégeois, il a fait son droit dans la Cité ardente, où il laisse le souvenir d'un étudiant volontiers guindailleur, bon élément sans être brillant.

Avocat, puis substitut du procureur du roi à Liège, où son étiquette libérale lui barre toute chance de promotion, il prend la tête du parquet de Neufchâteau en 1983, devenant ainsi le plus jeune pro cureur du roi de Belgique.
Un exil pour ce Liégeois pur sucre? Pas vraiment. Monsieur le procureur cultive l'art de vivre aux champs.
Dans un ancien moulin restauré, plus exactement. C'est là qu'il vit, à une vingtaine de kilomètres de Neufchateau, avec sa femme, dont l'activité politique (elle est secrétaire régionale Ecolo de Neufchâteau-Virton) n'entame en rien son indiscutable autorité dans la région. Il a aussi trois filles et des roses qu'il cultive passionnément.

Le poste qu'il occupe n'est pas davantage une sinécure pour avocat fatigué. Avec une énergie et une obstination peu communes, Bourlet empoigne des affaires complexes et graves, en parfaite symbiose avec le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte, auquel, par sa manière et le physique, tout semble l'opposer.

Autant le premier, félin dans son mètre quatre vingt-cinq, est pétri de bon sens, autant le second, chétif et ombrageux, ne se prive d'aucune foucade.
Voir sa lettre ouverte au roi Albert II où il imagine une conjuration médiatico-policière mafieuse visant à discréditer, et sa personne et la piste dite des « titres volés » dans l'assassinat d'André Cools, dont la juridiction de Neufchâteau a été dessaisie en 1994, au profit de Liège, par la Cour de cassation...

Malgré ces dissemblances, le tandem fonctionne à merveille et, avant l'affaire Dutroux, avait déjà en charge une autre affaire d'intérêt international, fondée sur des renseignements venant de la Sûreté de l'État luxembourgeois : l'attentat du GIA contre des gendarmes à Arlon.

L'amertume des 'titres volés'

De la période mouvementée des « titres volés », le procureur du roi, qui est resté dans l'ombre derrière Connerotte, garde une vive amertume.
Aujourd'hui, il clame sa volonté d'aller jusqu'au bout, mais la tempère d'une petite phrase assassine : « Si on me laisse faire... », lâchée au cours d'un récent débat, à la RTBF, et mûrement réfléchie.
La réponse du berger à la bergère ne s'est pas fait attendre. Dès le surlendemain, Anne Thily, procureur général de Liège, montait la garde, avec deux magistrats nationaux, autour d'un Michel Bourlet satisfait.

Avec un message urgent l'affaire ne sera pas étouffée. En haut lieu, on n'est pas loin de céder à la panique devant les ravages causés par le sentiment largement répandu dans l'opinion publique, selon lequel Dutroux aurait disposé des hautes protections pour pouvoir agir impunément de si longues années.

Bref, à l'heure qu'il est, personne n'a rien à refuser à Bourlet, pas même Stefaan De Clerck,ministre de la Justice, avec qui le « courant passe bien », et qui lui a adjoint des moyens considérables, en hommes et en matériel, pour mener à bien son enquête et retrouver, si c'est encore possible, An et Eefje.

Assez solide pour résister lui-même au vertige médiatique, Michel Bourlet a appris, en effet, à jouer en virtuose sur le clavier des médias. Sa personnalité bourrue et franche, « brute de décoffrage », lui vaut d'ailleurs des fidélités passionnées comme des inimitiés sans nom, car il n'a pas fait de la diplomatie sa vertu maîtresse.

Sans être autoritaire, le procureur tient son monde d'une main ferme. Ancien capitaine de l'équipe de hockey sur gazon de Liège, « Li Torè », il possède au plus haut point l'art de faire travailler les gens ensemble. Et de les protéger, au besoin contre toute logique, lorsqu'il est persuadé qu'ils sont injustement attaqués. Lui-même paie de sa personne : il prend son tour de garde le week-end et va requérir en chambre du conseil, à l'égal des substituts placés sous son autorité.

Enfin, il descend sur le terrain sans hésiter : quinze minutes après le signalement de la disparition de Laetitia, à Bertrix, il était déjà sur les lieux. Et il a fait établir une ligne directe avec les parents de An Marchal et Eefje Lambrecks, dont il espère toujours retrouver la trace, bien que les pistes tchèque et slovaque, dont il faisait grand cas, peinent à aboutir.

Pour les citoyens qui, à l'instar des parents de Julie et Mélissa, se révoltent contre les compromissions et les médiocrités du système, le procureur du roi de Neufchâteau qui ne fait pas mystère d'avoir lui-même été freiné dans certaines affaires, Michel Bourlet, donc, fait figure de chevalier blanc.
Sa relative marginalité dans l'appareil judiciaire, comme la haute idée qu'il se fait de ses fonctions, l'acculent à un exercice délicat : restaurer la crédibilité de la justice sans jouer « seul contre tous ».

Dutroux a-t-il été protégé?(« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 14 et 15)



Dutroux a-t-il été protégé?


« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 14 et 15

Dès avant les angoissantes recherches du milieu de la semaine, de nouvelles arrestations ont été effectuées par Neufchâteau. Ce qui portait, du même coup, le nombre des inculpés à dix. Certes, les derniers venus ne sont inquiétés « que » pour trafic de véhicules volés, et non pour des monstruosités pédophiles.

Il n'empêche, parmi eux se trouve un... inspecteur principal de la PJ de Charleroi,Georges Zicot. Neufchâteau l'a inculpé de faux et usage de faux (un PV où il aurait omis de dénoncer l'un de ses informateurs, peut-être Dutroux), mais aussi d'escroquerie à l'assurance. Il aurait par exemple tenté d'obtenir une « prime » - une rançon ? - pour la restitution d'une voiture volée et retrouvée. Mais il est surtout soupçonné d'avoir sciemment protégé les activités de Dutroux... Sachant qu'en outre un autre policier de la PJ de Charleroi a été brièvement interpellé, force est de poser la question : la justice de Charleroi a-t-elle protégé Dutroux ?

Les bruits les plus fous circulent.

Zicot aurait prévenu le « monstre des perquisitions visant à retrouver les enfants. Il aurait aussi participé au trafic immonde. Et même, on a pu lire qu'il était suspect dans le meurtre de l'inspecteur Poncelet, survenu à la
PJ de Mons en février 1996 !
Certes,cette dernière information a été officiellement démentie. Mais qu'en est il du reste ?
Les policiers de Charleroi et même certains gendarmes, qui connaissent Zicot parce qu'il a été leur collègue durant plus de dix ans lui conservent leur confiance.
Par ailleurs, si Zicot a été soupçonné dans une affaire de vol, s'il a fait l'objet d'une enquête du Comité P voilà quelques mois, il a aussi été blanchi.
Ses défenseurs signalent aussi qu'une inimitié notoire l'oppose a Georges Demanet,le procureur gênéral de Mons, sous l'autorité duquel il se trouve. Parce que Zicot a dressé un procès-verbal à charge de son fils, pour escroquerie à l'assurance, précisément. En cause, une Porsche de près de 3 millions. Ce qui, assurément, fait désordre dans le chef d'un expert automobile, comme l'est M. Demanet junior.
Même si ce dernier nie de façon circonstanciée la moindre faute. Quoi qu'il en soit, on parle à la PJ de règlement de compte. Autre argument entendu de ce côté la gendarmerie aurait suscité de toutes pièces les accusations portées contre Zicot. Afin de détourner l'attention sur la police judiciaire, après l'éventuelle bavure « Othello » !

Le vrai, le faux ?
Jacques Velu, procureur général de la Cour de cassation, devra, lui aussi, localiser les dysfonctionnements. Il faudra punir les coupables. Et rétablir la justice. Qui, de toute évidence, en a bien besoin.

L'enquête risque-t-elle d'être étouffée ?

Justice, encore, avec le débat mené sur les antennes de la RTBF, le 23 août. Le procureur du roi de Neufchâteau, Michel Bourlet, y a suscité un malaise certain. Affirmant que tous les adultes identifiés sur les cassettes pédophiles saisies dans l'entourage de Dutroux seraient poursuivis, il nuançait : « Si on me laisse faire. »
Gino Russo, le papa de Mélissa, courageusement présent sur le plateau au lendemain de l'enterrement de sa fille, relevait le caractère inquiétant de cette réserve.


Quant à l'animateur du débat, il demandait des explications au magistrat : craint-il qu'on l'empêche de mener l'enquête à bien ? « J'ai eu des expériences dans d'autres affaires, s'il vous plaît ! Répondait Michel Bourlet. Lesquelles ? « Je ne parle pas d'affaires de pédophilie.
Le procureur a confirmé, plus tard et ailleurs, qu'il évoquait l'affaire des titres volés. Vieille rancoeur, née le le' juin 1994, lorsque la Cour de cassation a dessaisi Neufchâteau de ce dossier - et des travaux menés en parallèle par le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte sur l'affaire Cools -, au profit de la Liégeoise Véronique Ancia.

Certes, la juridiction ardennaise s'est montrée convaincante en exploitant rapidement un indice capital et les informations obtenues de Dutroux.
La qualité du travail mené par les magistrats et les enquêteurs a sauvé les vies de Laetitia et de Sabine, alors qu'elles étaient manifestement promises à un sort atroce.
Ce succès vaut une sympathie naturelle et spontanée au procureur (lire le portrait page 22).
Fallait-il pour autant évoquer les vieilles querelles relatives à la « guerre des juges » entre Neufchâteau et Liège, au risque d'affoler les parents et de semer le doute dans la population ? C'était à tout le moins déplacé dans le contexte actuel.

Le ministre de la justice, Stefaan De Clerck, a réagi le 26 : « Il ne m'appartient pas de donner ma propre version des déclarations (de M. Bourlet). Mais je peux vous confirmer - et il en est lui aussi convaincu - qu'il ne fait l'objet d'aucune pression. Qu'il ait sa propre idée sur d'autres affaires, c'est son problème. » Compte tenu de la nausée que chacun partage devant les terribles révélations de l'affaire Dutroux, compte tenu également des moyens humains et matériels mis à la disposition de l'enquête, rien ne permet de croire que l'on veuille « faire taire » Neufchâteau.

Les moyens des enquêteurs sont-ils suffisants ?

Prenant conscience de l'immensité du drame que représentent la pédophilie et le commerce honteux qui en découle, la Belgique semble vouloir mener le combat sur tous les fronts. Certes, d'irréparables dommages sont déjà commis : rien ne ramènera les jeunes victimes à leurs parents. Mais ceux qui entreprennent cette guerre disposent-ils pour autant d'armes suffisantes ? On peut véritablement en douter (lire page 18).
Ainsi, l'affaire Dutroux aura montré que la « cellule disparition » de la gendarmerie se compose normalement de 6 personnes, dont 5 néerlandophones. Ce qui pose problème dans le cas présent, puisque l'enquête est presque exclusivement axée sur la Belgique francophone.
S'il est indécent de vouloir débusquer là un problème communautaire, cette parcimonie semble malgré tout relever d'une économie de bouts de chandelle.

Cela dit, pour l'heure, juge et enquêteurs semblent avoir reçu l'appoint souhaitable. Le ministère de la Justice a débloqué des fonds exceptionnels pour permettre le financement d'aides extérieures. Des policiers spécialisés d'Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni prêtent main-forte à leurs collègues belges.
Le superintendant britannique John Benett (qui avait mis au jour les cadavres de 12 victimes de Frederik et Rosemary West à Gloucester, en 1994) a par exemple déployé son matériel électronique de pointe, à Sars-la-Buissière puis à Jumet. Harry Jongen, un lieutenant de l'armée hollandaise, participe lui aussi aux fouilles. Il est réputé pour un flair extraordinaire - le mot doit être compris au sens propre comme au sens figuré -, et a fait ses preuves dans de nombreuses enquêtes. Quant au Bundeskriminalamt (BKA) allemand, c'est une équipe de maîtres-chiens qu'il a dépêchée sur les lieux. Avec des animaux dressés à la détection de cadavres enfouis.

Si spectaculaire qu'il soit, ce déploiement n'est pourtant pas le seul fait qu'on puisse mettre en exergue. Anne Thily, procureur général de Liège, le signalait dimanche dernier : une cinquantaine d'enquêteurs venus des quatre coins du pays se consacrent désormais uniquement à l'affaire Dutroux.

Deux à trois dizaines de gendarmes bruxellois s’est également ajoutés à ce premier effectif. Nous les avons remarqués, dès lundi, au cours de perquisitions menées dans quelques bâtiments suspects de la région de Charleroi. Il s'agit surtout des spécialistes de la 3` SRC (section de recherches criminelles), rompus aux analyses financières.
Cela indique que l'enquête va tenter de démêler, nouvel angle d'attaque, l'écheveau financier de l'ignoble commerce qui, suppose-t-on, sous-tendait les activités de Dutroux. Lequel, en fait, disposait avec son épouse de revenus mensuels divers approchant les 80 000 francs.
Quant à ses propriétés - six ont été identifiées en Belgique -, certaines proviendraient d'héritages.

Sachant que le pervers tirait également des profits certains du trafic de véhicules volés, tout le problème des enquêteurs consistera, de ce côté, à déterminer si le total des avoirs de Dutroux et son train de vie correspondaient à ses rentrées connues.
Dans le cas contraire - rien n'est encore avéré -, on pourrait alors conclure plus certainement qu'aujourd'hui à la réalité de sa participation à un commerce systématique et monstrueux. Celui des enfants.
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Une justice sans pouvoir

« Le Vif l’Express » du vendredi 30 août 1996 page 15

1995 sera une année clef pour la modernisation de la justice », promettait le gouvernement au lendemain des élections. Les enquêtes sur les disparitions d'enfants ne semblent pas avoir bénéficié de cet engagement

Chantale Anciaux

Dans sa déclaration du 20 janvier 1994, le gouvernement nous annonçait tout à la fois « une organisation judiciaire et des procédures plus efficaces, moins d'impunité, plus de sécurité et plus de justice, des structures respectant les victimes, un équipement adéquat, l'amélioration de la fonction de police ».
Que sont devenues ces promesses de papier sur le terrain judiciaire ?
Mis en oeuvre le 18 juin 1993, le plan pluriannuel pour la justice devrait poursuivre ses effets jusqu'en 1997.
Mais quels effets ? Plus d'un milliard de francs a été consacré aux contrats de sécurité avec les villes et les communes « pour prévenir la criminalité ».
Les grands systèmes informatiques intégrés devaient permettre d'organiser «une communication permanente entre les différents sites judiciaires ainsi qu'avec l'ordinateur central de Bruxelles ».
16 parquets ont mis sur pied une structure d'accueil des victimes. 220 personnes - magistrats, greffiers et agents administratifs - ont été recrutées pour « accélérer la procédure pénale et renforcer les tribunaux de police ». 93 agents ont été intégrés aux unités d'orientation et de traitement censées « favoriser, en prison, la réinsertion sociale des détenus libérés »...

Le budget de la justice représente un peu plus de 2 % des dépenses courantes de l'État. Il s'élevait, en 1995, à quelque 35 milliards. Alors que le budget octroyer à la gendarmerie atteignait, à lui seul, plus de 27 milliards, augmentant spectaculairement de 75 % en dix ans. La Défense recevait 99 milliards, sur un budget global des dépenses de l'État de 1 695 milliards cette année-là.




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