lundi 11 août 2008

Les terrassiers de l’horreur('Soir illustré'4 septembre 1996 p12,13)


Les terrassiers de l’horreur

L’infernale attente à Jumet et dans d’autres maisons de Dutroux, les fouilles ont repris lundi matin


« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 12,13

Pendant l'insupportable recherche des enfants que Dutroux disait enterrés dans la maison de la rue Daubresse, les gens de Charleroi avouaient leur crainte d'être entraînés dans la répulsion qu'inspire le violeur à la camionnette. Blessé par le chômage, le pays de Charleroi est autre chose qu'une jungle urbaine où la déglingue économique autorise tous les trafics.

Les envoyés spéciaux étrangers ont été touchés par la chaleur humaine rencontrée.

L'affaire Dutroux révèle aussi le mal qui ronge les grandes cités européennes victimes de la crise industrielle.

Reportage: Marcel Leroy.

Chaque coup de pelle, dans la remise de la maison de Bernard Weinstein, entamait les nerfs à vif des hommes de la protection civile de Ghlin.


Depuis des jours, ils travaillaient dans la maison de la rue Daubresse, à Jumet, en craignant de tomber sur les corps qui scelleraient les atroces révélations de Marc Dutroux.

Comme à Sars la Buissière, quand furent exhumés les sacs contenant les corps de Julie et Mélissa, quand commença ce cauchemar qui hante la Belgique.

Plusieurs journaux ont publié une liste de cinq noms, dont ceux de An et Eefje, alors que les travaux de creusement étaient en cours, sous les caméras de toute l'Europe et de gens anxieux, venus ………

Suite page 14

Michel Nihoul le retors('Soir illustré'4 septembre 1996 p10,11)


Michel Nihoul le retors

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 10,11

Michel Nihoul n'a, paraît-il, as toujours eu l'air qu'il a sur es différentes photos publiées par la presse.

Pour ceux qui l'ont bien connu et qui ont travaillé avec lui, il avait plutôt des allures de dandy et une gueule sympa. Toujours tiré à quatre épingles, sa présentation parfaite et un bagou certain auraient largement inspiré la confiance de plusieurs personnalités politiques.

Michel Nihoul avait en effet créé une société de relations publiques du nom de "Nihoul International", une radio libre du nom de "Radio Cinquantenaire", ainsi qu'une revue toutes boîtes distribuées dans différentes communes.

C'est par l'intermédiaire de ces supports médiatiques que Michel Nihoul aurait assuré la promotion des campagnes électorales de certains membres du PSC comme Jean Leroy qui a, il y a peu, été candidat sur une liste du Front National et qui siège maintenant comme indépendant en qualité de conseiller communal à Bruxelles-ville.

Jean Leroy est pensionné comme échevin de la ville de Bruxelles, pensionné en tant qu'administrateur délégué de la Compagnie des Eaux et pré-pensionné en qualité de député de la région de Bruxelles capitale. Michel Demaret, ancien bourgmestre de la ville de Bruxelles, aurait également bénéficié des talents de Nihoul.


De même, l'ancien avocat Deleuze, rayé du barreau et ancien président de la Caisse Publique de prêts. Du côté PRL, les campagnes électorales organisées par Michel Nihoul auraient aussi profité à Claude Michel, conseiller communal.

• En peu de temps, Michel Nihoul était donc devenu l'homme de confiance de diverses personnalités du monde politique.


Son ASBL "La vie Laekenoise" dans laquelle on retrouve encore l'ex-avocat Deleuze, servait aussi à promouvoir ces diverses campagnes en organisant des foires, des fêtes diverses, des bals et même un championnat de boxe américaine dans les locaux de la maison communale.

• Michel Nihoul ne s'est cependant pas limité à organiser la promotion des campagnes électorales de ses relations politiques. Il avait aussi créé un guide des commerçants locaux sans toutefois négliger de participer à diverses combines, comme la vente de produits pharmaceutiques avec la complicité d'un employé d'une société pharmaceutique.


Une société pour laquelle il était parvenu à être l'imprimeur attitré des cartes de visites. Après avoir volontairement oublié de livrer quelques gros clients de cette entreprise, il sera aussi impliqué dans la fameuse affaire du Centre Médical de l'Est, à Liège.

• En janvier 1989, il est placé sous mandat d'arrêt dans l'affaire SOS Sahel. Cette ASBL qui prétendait jouer le rôle d'une organisation d'aide humanitaire, avait, soi-disant, pour objectif d'aider les malheureux habitants de cette région économiquement défavorisée.


Pendant deux années donc, Michel Nihoul a récolté d'importantes sommes d'argent en faveur de cette organisation jugée respectable et remplissait, par la même occasion, son compte bancaire en Suisse. Cette juteuse affaire se solda par son arrestation. Il fut mis en détention préventive pour le détournement d'une somme de 5.000.000 F avec inculpation de faux et usage de faux, faux en écritures, banqueroute frauduleuse, banqueroute simple et escroquerie!

L'affaire devrait être jugée le 23 octobre prochain, à la 49e chambre du Tribunal Correctionnel, à Bruxelles. A moins que Michel Nihoul ne soit jugé en cour d'Assises dans l'affaire Dutroux.

A sa sortie de prison, Michel Nihoul n'avait plus un franc.

Mais apparemment, rien n'arrête ce genre de personnage, faut-il le dire, assez surprenant. Il ne lui faudra que quelques semaines pour s'organiser et retomber sur ses pattes.

Il devient rapidement le roi de la moule et pour vendre une panoplie de denrées alimentaires, il crée "La maison des chefs" rue de Moorslede, à Bruxelles. Il vend de tout à tout le monde, surtout à des dizaines de restaurants de la capitale: des fleurs, du riz, du foie gras ou des poulets congelés.

Mais pour cet escroc notoire, la tentation est à nouveau trop forte. Il se taille avec l'argent d'une commande de plusieurs tonnes de poulets congelés, et est à nouveau poursuivi pour faillite frauduleuse, en attendant de se voir impliqué dans l'affaire Dutroux et peut-être aussi, dans un trafic d' extasy. A suivre.

Michel Jaspar.

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Charleroi Bratislava : La piste de l’est

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 10,11

Mercredi 28 août, six enquêteurs belges arrivaient à Prague dans le cadre des recherches entreprises sur les disparitions d'An Marchal et Eefje Lambrecks. Policiers et gendarmes, dirigés par le commissaire Van Tieghem ont tenté de vérifier ou d'infirmer certaines dépositions indiquant que les deux jeunes limbourgeoises pourraient avoir été vendues à un réseau de prostitution tchèque.

Dans son numéro du 28 août, l'Hebdo de Lausanne affirmait que c'est en Slovaquie que Marc Dutroux et ses comparses se rendaient fréquemment, notamment dans la région de Topolcany au nord-est de Bratislava.


L'hebdomadaire suisse affirme avoir retrouvé un certain nombre de jeunes femmes qui auraient été en relation avec Dutroux et ses complices.
Une certaine Vanda D. aurait même eu un enfant de Michel Lelièvre, le 8 juin dernier.

Cet enfant inscrit sur le registre d'état civil de Topolcany sous le nom de sa mère a néanmoins reçu le prénom de son père, Michel. S a mère rencontra Marc Dutroux, Michel Lelièvre et Michel Diakostavrianos dans une station thermale du sud du pays, à Dudince. Le trio fréquentait assidûment les boîtes de nuit. Dutroux en particulier s'intéressait aux très jeunes filles.

L'Hebdo a également interrogé Emilia, âgée de 21 ans, qui a entretenu une relation suivie avec Michel Diakostavrianos. Emilia s’est rendue plusieurs fois à Charleroi et dans la région, quelques personnes se souviennent effectivement d'une Emilia avec laquelle s'affichait complaisamment Diakostavrianos.


Lorsqu'on l'interrogeait sur le pays d'origine de sa compagne, il souriait en disant, "elle vient de l'Est". Eva, elle, avait noué une relation "sentimentalo amicale" avec Dutroux.
Elle garde un souvenir étrange de ses séjours à Charleroi où elle se rendait avec sa petite soeur: "Nous avions perpétuellement l'impression d'être dans un état second, comme si nous avions absorbé des médicaments ou des stupéfiants".

Elle se rappelle s'être endormie, un soir de juillet 1995, pour se réveiller 3 jours plus tard. Depuis l'arrestation de Dutroux, Eva fait des cauchemars en imaginant la façon dont le criminel pédophile aurait pu utiliser ses "absences", ainsi que celles de sa jeune soeur.

Les révélations de l'Hebdo ont trouvé un curieux écho avec les déclarations du responsable du bureau d'Interpol à Bratislava, Rudolf Gadjos. Le policier a indiqué que Marc Dutroux était soupçonné du meurtre d'une jeune Slovaque, une tzigane tuée au mois de juillet à quelques kilomètres de Topoclany.
Le portait robot du meurtrier révèlerait des ressemblances troublantes avec celui de Dutroux.

Cet itinéraire slovaque sera sans doute arpenté par le commissaire Van Thieghem et ses hommes qui ont débuté leurs recherches en République Tchèque où les ont conduits des témoignages recueillis en Belgique.

A.V.D.E.








L’homme qui en sait trop('Soir illustré'4 septembre 1996 p8,9)


L’homme qui en sait trop

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 8 , 9

Dans l'enquête de Neufchâteau se dessinent deux cercles: les enlèvements et les vols de voitures. Un homme relie ces deux dossier: Dutroux.

Policier trop efficace piégé par le métier, où l'enquêteur doit côtoyer des informateurs de l'autre bord, victime d'une guerre des polices,ou flic ripou? Il faudra attendre la suite des événements, à Neufchâteau,pour éclairer ce personnage important du dossier instruit par le juge Connerotte. Toujours est il que le mandat d'arrêt à charge de l'inspecteur principal de la PJ de Charleroi, Georges Zicot,a été confirmé par la chambre du conseil de Neufchâteau.

Restent détenus également le chef du service fraudes de la Royale Belge, Thierry Dehaan, qui n'est donc pas un simple courtier, et Gérard Pinon,propriétaire du hangar de Rancart où fut retrouvé le camion volé par Weinstein.Le jeune Pierre Rochow, fils du ferrailleur de Courcelles dont le chantier fut passé au peigne fin, a été relâché. Ce jeune homme était un des membres du trio séquestré par Dutroux et Weinstein, rue Daubresse, à Jumet.

Cet épisode remontant à la fin novembre 1995 apparaît dans l'épisode du vol du camion Fabricom où Weinstein doubla, pour son malheur, Marc Dutroux, selon ce dernier.


Le procureur Bourlet et le juge Connerotte se retrouvent face à deux enquêtes sur les agissements de Dutroux et de sa bande. La première se penche sur les enlèvements, dont celui des petites Julie et Mélissa. On peut parler d'un premier cercle.


Un autre cercle se dessine, qui circonscrit des affaires de vols de voitures et de camions. Entre les deux, un homme, une charnière dont il faudra préciser le rôle: Marc Dutroux.

 C'est lui qui avait ordonné à Bernard Weinstein de voler le camion. L'opération n'a pas fonctionné au mieux, puisqu'elle fut marquée par la séquestration (avec chloroforme) du trio, qui aboutit à la mise en prison de Dutroux de décembre 95 à mars 96. Dutroux a été blanchi, après trois mois de détention préventive et avoir chargé Weinstein de toute l'affaire. Avant de séjourner derrière les barreaux, il avait fait justice sur son complice, à sa manière: expéditive.

Il enterra Weinstein vivant, à Sarsla-Buissière, après l'avoir endormi, à une profondeur de 3,50 mètres. Julie et Mélissa ont été retrouvées au même endroit, à 2,80 mètres.

LE FAUX P V
L'important est de situer le point d'intersection des deux dossiers, enlèvements et vols de voitures. Le fameux camion volé par Weinstein réapparut comme par enchantement dans le hangar de Ransart appartenant à Gérard Pinon. Le commerçant est un indicateur de l'inspecteur Zicot.


Et celui-ci informa l'assureur Dehaan de la bonne nouvelle. La prime ayant été versée, l'assureur devait récupérer le véhicule. Zicot guida Dehaan chez
Pinon. Il fallut payer une indemnité supplémentaire de 150.000 F pour les dégâts occasionnés par le camion au hangar risquant, paraît-il, de s'écrouler! Une forme de gratification, ou de participation aux bénéfices?
Pour couvrir son indic,Zicot commit un faux-pas: il mentionna dans son procès-verbal que le camion avait été retrouvé sur la voie publique.


Ce faux P.V. accable l'inspecteur. Ce document a amené le procureur du Roi de Charleroi, M. Marchandise, à déclarer "dramatique pour la justice" qu'un policier puisse tronquer une pièce essentielle d'un dossier.


Lors d'une exceptionnelle conférence de presse précédant la comparution de l'inspecteur Zicot en chambre du conseil, Me Philippe Mayence, ainsi que son fils, Me Jean-Philippe Mayence, déclarèrent que l'inspecteur était un coupable désigné pour servir de bouc émissaire.


Il était l'homme idéal à sacrifier, au nom de la guerre opposant la gendarmerie et la police judiciaire. On sait que les compétences de la gendarmerie et de la PJ sont actuellement en cours de redistribution. Certains craignent que la gendarmerie, au service du ministère de l'Intérieur, devienne super-puissante. La PJ, elle, reste au service du parquet.

MALAISE AU PARQUET GENERAL
L'affaire se complique, atteint même un sommet, avec la thèse de Zicot, selon laquelle il serait dans le collimateur du procureur général de Mons, M. Georges Demanet, et de la gendarmerie.


Pour quelle raison avancer une hypothèse aussi audacieuse? Parce que Philippe Demanet, le fils du chef de file des PG belges, expert automobile auprès des tribunaux, fait l'objet d'une enquête pour escroquerie à l'assurance, un dossier instruit à Bruxelles.

Une enquête menée notamment par l'inspecteur Zicot, considéré comme le meilleur policier en matière de vols de voitures, à la PJ de Charleroi.

Le procureur général de Mons (qui s'était opposé avec énergie, rappelons-le, à la libération de Dutroux) a défendu son fils et démenti avec indignation les affirmations de Zicot. Pour le haut magistrat (son fils ne s'est pas exprimé), la Porsche 911 avait été volée en Espagne.

L'expert automobile avait été indemnisé pour ce vol et avait consacré la somme à l'achat d'une voiture de la même marque et du même type. La seconde voiture avait été rachetée à une société automobile de Charleroi dont Philippe Demanet avait figuré parmi les administrateurs.

Une fonction dont il s'est dégagé depuis lors. La deuxième Porsche était-elle tout simplement la première, recyclée, opération autorisant, au passage, un joli bénéfice?

C'est ce que vérifient les enquêteurs. Cette affaire extérieure au dossier principal, n'a de réel intérêt qu'en raison de ses liens éventuels avec la personne de l'inspecteur Zicot. Son avocat a clamé haut et fort que Zicot n'avait jamais rencontré Dutroux.

Il avait tout au plus pu voir son nom figurer dans un dossier. Pour Me Mayence, Zicot ne pouvait protéger Dutroux, parce qu'il n'était pas assez important pour y arriver.

PROTÉGER LA JUSTICE
Après une perquisition dans le bureau de M. Zicot à la PJ et des informations provenant des polices allemande et luxembourgeoise, il semble que M. Zicot avait perdu le sens des limites du travail policier.

Utilisait-il sa profession pour chipoter, mais à un autre niveau, comme Dutroux, dans les voitures, et faire de fructueuses affaires?

C'est la voie qu'explore le juge d'instruction Connerotte, dans une atmosphère explosive. Zicot porte un gilet pare-balles, sa vie semble menacée.

En sait-il trop?

Ses collègues continuent à le soutenir avec un bel esprit de solidarité. Ceux qui étaient allés jusqu' à Neufchâteau, pour lui adresser un signe d'amitié, ont été contrôlés avec une grande sévérité par la gendarmerie, sur la route du retour à Charleroi.

Le climat est pour le moins tendu! Derrière Zicot, revient l'enquête sur l' enquête de la disparition de Julie et Mélissa.
La gendarmerie menait-elle son enquête propre, surnommée « Opération Othello » par méfiance de la PJ ? Zicot était-il de taille à empêcher la gendarmerie d'enquêter sur Zicot ?

Qui protégeait Dutroux, et pourquoi? Si ce n'était pas l'inspecteur Zicot, qui était ce ?


La juge d'instruction Doutrewe affirme n'avoir jamais été informée des soupçons pesant sur Dutroux, alors que la gendarmerie affirme le contraire.
Les gens de la rue se perdent dans ce labyrinthe de plus en plus obscur.


Ils ne retiennent qu'une observation, dramatique: Julie et Mélissa sont mortes et elles auraient pu être sauvées.


Puissent le procureur Bourlet et le juge Connerotte faire la lumière sur tout ce qui entoure la tragédie. Seule la vérité totale, même si elle fait très mal, pourra montrer que la Justice rayonne toujours, chez nous.

Marcel Leroy.

Neufchâteau Alerte maximum !('Soir illustré' 4 septembre 1996 p6,7 et 8)


Neufchâteau Alerte maximum !

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 6 , 7 et 8

Le climat est à la nervosité, en Belgique.


Pendant que les fouilles dans la maison de la rue Daubresse marquaient un temps d'arrêt, comme une pause dans l'angoisse, l'étrange affaire d'enlèvement de deux jeunes filles, à Liège, trouvait une conclusion heureuse et rapide.

Et à Neufchâteau, le climat de l'enquête sur Dutroux et ses complices rappelait ce que la justice italienne a connu. Un procureur du Roi et un juge d'instruction véhiculés en Mercedes blindée sous la garde des super gendarmes, des inculpés systématiquement revêtus de gilets pare balles, ce n'était pas de la dramatisation médiatique, mais une mesure de protection justifiée par des menaces prises au sérieux.

Pour éclairer mieux les enjeux de l'enquête, le point sur les possibles connexions entre l'affaire des titres volés et les trafics de voitures. Ce sont bien toujours les mêmes qu'on retrouve partout.

Le 25 mars 1994, Armand Spirlet, avocat général près la cour d'appel de Liège, écrit au procureur général Léon Giet. A l'époque, le juge d'instruction Véronique Ancia, à Liège, et son collègue, Jean-Marc Connerotte, à Neufchâteau, enquêtent tous deux sur l'assassinat d'André Cools.

Tandis que dans la Cité Ardente, les enquêteurs de la Cellule Cools s'appliquent à travailler, sans trop y croire, sur ce que l'on peut appeler «la mouvance Van Der Biest", dans le Luxembourg, on remonte la piste des titres volés. Et, d'un côté comme de l'autre, on tombe sur les mêmes individus.

Ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes. Au parquet général, de même que chez le magistrat national André Van Dooren, on s'inquiète des «tensions croissantes entre les deux pôles d'enquête de Liège et Neufchâteau ».

C'est donc, dans le cadre de ce qui va devenir «la guerre des juges », qu'Armand Spirlet prend la plume et tente de faire le point. Et, surtout, d'obtenir une décision du procureur général afin d'autoriser Jean-Marc Connerotte d'instruire à la fois sur les titres volés et la «mouvance Van der Biest », puisque Liège ne croit guère à cette piste et déploie énormément d'énergie à entraver le travail des enquêteurs de la B S R de Bastogne chargés du dossier.


Léon Giet décidera de ne pas décider et laissera la cour de cassation s'emparer de l'affaire. Le 1er juin 1994, Jean Marc Connerotte sera dessaisi du dossier titres volés au profit de Véronique Ancia qui laissera l'enquête en l'état, estimant, une fois pour toutes, que cette piste ne peut mener aux assassins d'André Cools.

Mais voilà que deux ans plus tard, l'histoire repasse les plats. Et Armand Spirlet fait maintenant figure de visionnaire. Dans sa lettre du 25 mars, il écrivait, en effet, que:

« Ces différentes personnes (ndlr. Richard Taxquet, Pino Di Mauro,Silvio De Benedictis et Mauro De Sentis) sont impliquées dans des vols, recels et négociations de titres volés depuis 1986 et participent à une organisation mafieuse d'envergure internationale ».

Et de poursuivre ainsi: "Ces deux hommes (ndlr: Taxquet et Di Mauro), une fois perçus hors de leurs fonctions officielles, participent à un puissant réseau de malfaiteurs et brassent des millions à l'instar de grands professionnels du crime". Concluant en ces termes: "Le magistrat national, enfin, après avoir confronté les données recueillies à Neufchâteau avec d'autres données relevant de dossiers qui lui sont étrangers, a été formel: "la mouvance Van der Biest ressortit à l'évidence à un mouvement mafieux d'envergure internationale".

L'ÉNIGMATIQUE MONSIEUR ZICOT
Et ce sont, justement, ces "dossiers qui nous sont étrangers " qui refont surface, à Neufchâteau, avec l'arrestation de l'inspecteur principal de la PJ de Charleroi, Georges Zicot (voir article par ailleurs). Que reproche-t-on, en fait, à ce policier que ses amis considèrent comme brillant et que ses ennemis traitent, sans précaution oratoire, de ripou? Pas grand-chose à première vue: des faux procès-verbaux pour couvrir un informateur qui avait retrouvé un camion volé, quelques jours plus tôt, à Braine-l'Alleud.

Or, ce camion volé était au centre de l'affaire de séquestration qui devait conduire Marc Dutroux en prison, début décembre 1995. Dutroux, et son complice assassiné, Bernard Weinstein, étaient soupçonnés d'avoir séquestré les deux jeunes voleurs du camion, et l'amie d'un de ceux-ci, parce qu'ils les soupçonnaient de les doubler dans cette affaire.

C'est sur commande de Dutroux que les deux jeunes gens avaient volé le camion.

Or, Georges Zicot avait été, sans conteste, mis au courant des détails de cette affaire de séquestration par son informateur, Gérard Pinon, puisque c'est dans le hangar de ce dernier (à Ransart), où était planqué le camion, que les faits de séquestration avaient débuté.

Faute de preuves, Marc Dutroux sera relâché après trois mois de détention préventive. Il faut dire qu'il avait auparavant éliminé son comparse, Bernard Weinstein, retrouvé enterré aux côtés de Julie et Mélissa, à Sars-la-Buissière.

Georges Zicot apparaît, ainsi, comme le protecteur d'une série d'individus spécialisés dans le vol et le trafic de voitures. Si, à Neufchâteau, on reste très discret sur les autres volets du dossier à charge de l'inspecteur principal, des informations viennent de l' étranger.

Ainsi, la police de Cologne, mettant nommément Zicot en cause, s'est plainte de n'avoir pu faire aboutir une importante enquête sur un trafic de BMW entre l'Allemagne et la Belgique. C'était en 1994 et Charleroi était la plaque tournante du réseau. A la même époque, les polices allemande et luxembourgeoise refusaient de participer à une réunion Europol où l'inspecteur Zicot devait représenter la Belgique.

L'ombre de l'inspecteur plane donc sur les activités d' une bande spécialisée dans le trafic de voitures volées, une bande qui ne serait, elle-même, qu'une des branches d'une véritable structure mafieuse basée dans la région carolorégienne.

De nombreux vols de voitures sont à mettre à l'actif de cette bande. Ainsi, en 1995, la gendarmerie intercepte, à Sterpenich, une voiture suspecte. Le conducteur est un certain Tedesche, originaire de Châtelineau. Son passager est un certain Di Felice, garagiste au Luxembourg. Les enquêteurs sont rapidement convaincus d'avoir affaire à une véritable bande organisée. Pas moins de 176 vols de voitures lui sont attribués et l'enquête remonte sur Charleroi.
Mais, dans la capitale du Pays Noir, le parquet refuse de prendre le dossier en charge et l'instruction reste à
Arlon. Plusieurs procès-verbaux, rédigés par Zicot, apparaissent dans ces dossiers.

ET REVOILA MAURO DE SANTIS
Or,il faut savoir que Di Félice est décrit par plusieurs informateurs comme le bras droit de Mauro De Santis en matière de trafic de voitures volées. Et qu'il a fait à des enquêteurs des déclarations concernant l'affaire Cools!

Mauro De Santis n'est pas un inconnu pour les lecteurs du Soir illustré. Il est un des témoins-clés de l'affaire des titres volés et de l'assassinat d'André Cools. C'est Mauro De Santis qui fournit, en avril 1991, les titres volés que le coiffeur De Bock tente d'écouler, à Liège, avec l'aide de Silvio De Benedictis. Le coiffeur, pris sur le fait, sera incarcéré à la prison de Huy où il recevra la visite de Pino Di Mauro, alors chauffeur au cabinet Van der Biest. C'est encore Mauro De Santis qui fournira, ennovembre 1991, d'autres titres volés à Pino Di Mauro.

Celui-ci chargera Pol Beaujean, entreprepeur à Bastogne, et le gendarme Jean-Marie Van Mullen, de les écouler au Liechstenstein avec l'aide de Balakrishna Menon et Roman Abegg. Roman Abegg, directeur de la société Bali, sera arrêté quelque temps plus tard aux USA, dans une affaire de titres et autres actions volés à la Citibank par la mafia.

Lorsque l'opération du Liechtenstein foire, une réunion d'urgence est organisée chez Mauro De Santis à laquelle participent Pino Di Mauro et plusieurs truands albano-yougoslaves à qui sont attribués les vols de titres à l'aéroport de Zaventem. Mais c'est également à Mauro De Santis que l'on s'adresse pour recruter le tueur chargé d'éliminer André Cools. Un contrat que De Santis refusera. Parrain oui, tueur non...

Trafic de voitures volées, titres volés, Mauro De Santis apparaît comme le personnage central de la structure mafieuse dénoncée par Armand Spirlet. Et ce n'est pas tout.

LE DOSSIER AUQUEL MME ANCIA N'A PAS VOULU TOUCHER
Depuis deux ans, les gendarmes des BSR de Bastogne et de Bruxelles, ainsi que le Bureau Central de Recherche (BCR) de la gendarmerie, enquêtent sur les agissements d'une bande spécialisée dans le percement de coffre-forts.
C'est le dossier Walkowiak, du nom d'un des perceurs: Eric Walkowiak. Condamné en France et détenu à Toulon, il s'est rendu à la justice belge à sa sortie de prison. Mis au secret à la prison d'Arlon puis transféré à Huy, l'homme s'est révélé particulièrement prolixe.

Plus d'une centaine de cambriolages sont à mettre à l'actif de la bande dont il faisait partie. Placée sous l'autorité du magistrat national André Van Dooren, l'enquête montre d'étonnantes ramifications.

C'est ainsi qu'au mois de juin dernier, le juge d'instruction liégeois Prignon, qui seconde Véronique Ancia, a tenté de confronter Eric Walkowiak à... Mauro De Santis et à deux perceurs de la bande encore en liberté ! La confrontation n'a pu avoir lieu, malgré les pressions de Prignon qui a déclaré à cette occasion "être le seul à pouvoir enquêter sur les titres volés, en Belgique" !

La démarche est d'autant plus étrange que Liège a toujours considéré l'affaire des titres volés comme un dossier de "voleurs de portefeuilles". Mais elle montre surtout qu' à Liège, comme à Bruxelles et Neufchâteau, on sait que Mauro De Santis joue un rôle central dans toute cette affaire. La bande Walkowiak a, en effet, commis plusieurs des casses commandités par De Santis dans l'affaire des titresvolés.

Entre autres, le cambriolage commis chez le notaire François, à Fleurus, le 27 septembre 1990. Un dossier dont Véronique Ancia n'a jamais voulus' occuper, prétextant n'avoir pas "à s'occuper d'affaires de vols". Pourtant, l'enquête a permis de déterminer que Pino Di Mauro s'était adressé à Eric Walkowiak pour commettre un casse dans un restaurant de Tilf. Il s'agissait d'y vider un coffre-fort de son contenu.


Un casse à réaliser de toute urgence. Walkowiak s'en était référé à son patron, Mauro De Santis, qui lui avait interdit de le faire. "Ça pue", lui aurait-il déclaré.
Simple coïncidence?

Ce restaurant très discret était fréquenté par André Cools. • De plus, cette bande possède à son actif de nombreux casses d'administrations communales. A cette occasion, des dizaines de documents d'identité vierges furent volés. Or, à Neufchâteau, Silvio De Benedictis avait raconté aux enquêteurs, à une époque où il était particulièrement bavard, que ces pièces d'identité vierges étaient remplies à l'administration communale de GraceHollogne où l'on pouvait discrètement les retirer par l'intermédiaire de son neveu Richard Taxquet. Taxquet, policier communal à Grâce-Hollogne mais, surtout, à l'époque, secrétaire particulier d'Alain van der Biest.

Ajoutons à cela que c'est à deux jeunes voleurs de voitures de Charleroi que fut commandée, par Pino Di Mauro et Richard Taxquet, la voiture devant servir à l'évacuation des tueurs d'André Cools, voiture qui devait être livrée par Carlo Todarello, à Tongres, et l'on aura compris que l'on se trouve bien en face d'un véritable phénomène de criminalité organisée implantée dans la région de Charleroi avec ses bandes spécialisées, ses tapis, ses ramifications internationales, son parrain et ses protections dans le milieu judiciaire.

C'est à cette mouvance, dont ils avaient décelé l'existence, dès 1992, que s’attaque à nouveau le procureur du Roi Michel Bourlet et le juge d'instruction Jean-Marc Connerotte.

Au péril de leur vie, puisqu'ils sont désormais sous protection permanente et ne se déplacent plus qu'en Mercedes blindée.

Tout comme Georges Zicot sur la tête duquel court, désormais, et réellement, cette fois, un contrat. Un contrat qui ne trouverait pas nécessairement son origine dans le milieu mafieux que nous venons d'évoquer.

L.S.I.

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NOUS NE SERONS PLUS JAMAIS LES MÊMES

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 6 , 7

Nous ne serons plus jamais les mêmes, après les événements que nous traversons avec les parents de Laetitia et Sabine, de Julie et Mélissa, d'An et Eefje, Loubna et de tous les autres enfants arrachés à notre affection. La Belgique a perdu un peu de son âme et de ses illusions, dans la tourmente d'août.

Alors qu'elle reprenait espoir, avec l'extraordinaire bonne nouvelle du retour de Laetitia et Sabine, elle fut confrontée à l'horreur, en la personne de Marc Dutroux, monstre et bourreau.


La Belgique a fait bloc pour pleurer Julie et Mélissa, et encourager leurs parents à vouloir empêcher que d'autres enfants ne connaissent le sort funeste des petites de Grâce-Hollogne.


La Belgique fait bloc derrière le procureur du Roi Michel Bourlet et le juge Jean Marc Connerotte. Face à la dignité de Stefaan DeClerck, le ministre de la Justice qui a garanti au Procureur que rien n’entraverait ses recherches, la Belgique espère que les mesures de réforme annoncées par Jean-Luc Dehaene seront suivies d'effets.

Les Belges sont plongés dans les ténèbres. L'inspecteur Zicot était-il un ripou, ou est-il victime de la guerre des polices qui a empêché la libération de Julie et Mélissa?

Qu'une enquête sur l'enquête ait dû être ordonnée dépasse les normes de l'entendement. Confrontés à ces sinistres égarements, ceux qui ne veulent qu'un emploi pour éduquer leurs enfants, leur assurer un avenir et une élémentaire sécurité, ceux qui paient leurs impôts et ont peur du chômage, se sentent mal dans leur peau. A la fin de ce mois d'août, au moment où les enfants rentrent à l'école, chacun a peur. Il faudrait dépasser ce sentiment qui casse le moral. Il faut croire en la vie, s'accrocher à quelque chose de positif.

La vérité est que les raisons d'espérer ne sont pas apparentes

La récente déclaration du procureur du roi de Tournai, M. Poncelet, n'a rassuré personne.

Le père de l'inspecteur de la PJ abattu alors qu'il était de permanence à Mons pense que la justice est froide, et regrette d' être tenu à l'écart de l'enquête.


Il se place aux côtés des parents de Julie et Mélissa, espère que l'hypothèse d'un lien entre la mort de son fils et les trafics internationaux de voitures ne sera pas rejetée trop hâtivement, comme si cela gênait.


 Les enquêteurs de Neufchâteau ont-ils pénétré au coeur d'un système mafieux international dont la Belgique serait un carrefour majeur?


Les patrons de l'enquête entament un travail gigantesque, qui demande une extrême précision, du temps, et des moyens.

Le fait que Michel Bourlet et Jean-Marc Connerotte soient protégés par l'ESI et se déplacent en Mercedes blindée renforce encore l'impression que la Belgique est au bord d'une menace non encore clairement définie, mais à laquelle personne ne peut s'empêcher de penser. Où sont les tueurs du Brabant wallon? Où sont les assassins d'André Cools?

Qui protégeait Marc Dutroux?


Qui, dans ce pays, a perdu toute humanité au point de se repaître d'enfants, notre bien le plus sacré, pour faire du fric? Ceux qui s'attaquent aux enfants ont dépassé la volonté de pouvoir, à un point qui nous donne le vertige.

Septembre sera noir, en 1996. Et nous veillerons sur nos enfants, en n'oubliant jamais le sourire de Julie et Mélissa.

Marcel Leroy


Qu’est ce qui nous attend encore('Soir illustré'4 septembre 1996)


Qu’est ce qui nous attend encore !

« UNE » du « Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996

L’angoisse de tous les parents.


La recherche des disparus .


Le mal qui ronge la Belgique et sa justice.


Les menaces sur juges et inculpés.


La mafia connection qui gangrène Charleroi

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