jeudi 14 août 2008

Juges qui fait quoi ?(«Soir illustré»4 septembre 1996 p24,25)


Juges qui fait quoi ?

Essayer d’y voir clair dans les arcanes d’une justice en butte aux critiques

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 24,25

L'affaire Dutroux est, avec l'affaire Cools et celle des tueurs du Brabant, la plus importante qu'ait connu la justice belge. Elle met en jeux tous les rouages de notre justice.
Un certain nombre de personnages tiennent la vedette. Qui sont-ils?


Sur le terrain, le gros de l'enquête a été pris en main par la gendarmerie, étroitement épaulée par la Protection civile. Des policiers appartenant aux polices communales ou à diverses polices spécialisées transmettent toutes leurs informations, le plus souvent sous forme de procès-verbaux, au Parquet.

C'est le Juge d'instruction - dans le cas de l'affaire Dutroux, le juge Jean-Marc Connerotte - qui orchestre l'enquête. Sur base du dossier qu'il a constitué, il ordonne divers "devoirs complémentaires" à charge et à décharge d'une thèse donnée: par exemple il ordonne des interrogatoires de témoins, des perquisitions, des fouilles...

Ces devoirs peuvent également être demandés à la Police judiciaire, dépendant non du ministère de l'Intérieur, comme la police communale et la gendarmerie, mais du ministère de la Justice.

Cette police dispose de moyens d'investigations plus importants que les autres, avec divers laboratoires, spécialistes, etc.

Comme on peut le constater dans cette affaire, le juge d'instruction peut également faire appel à des services policiers étrangers (en l'occurrence le superintendant Bennett ou les chiens pisteurs allemands et hollandais, etc.)


Le juge d'instruction est tenu au devoir de réserve et est soumis au secret de l'instruction.


 C'est le Procureur du Roi, en l'occurrence Michel Bourlet, de l'arrondissement de Neufchâteau
(il y a 26 arrondissements judiciaires en Belgique), qui a pris en charge la délicate gestion de l'information à la presse. Pour éviter tout dérapage, il assume personnellement ce rôle et c'est donc lui qui apparaît le plus souvent devant les caméras. Mais son pouvoir est bien entendu beaucoup plus étendu que celui d'un porte-parole. En fait, c'est lui qui imprime à l'enquête ses grandes orientations.

Lorsqu'une affaire se déclare, il "ouvre l'information judiciaire". Recueillant les informations de partout, résistant aux pressions de toutes parts, il supervise réellement l'enquête. Lui, ou ses substituts, interviennent encore au niveau de la Chambre du Conseil et de la Chambre des Mises en Accusation.

Lorsqu'on monte d'un cran dans la hiérarchie judiciaire, on arrive au niveau du Procureur général, en l' occurrence une femme: Anne Thily. Anne Thily est Procureur général près la Cour d'Appel de Liège (on compte cinq cours d'appel en Belgique), où elle succède à Léon Giet, héritant notamment de l'encombrant dossier Cools. La spécialité d'Anne Thily, c'est notamment la définition des zones inter-polices et les concertations dites pentagonales entre polices, gendarmerie et autorités locales.

On comprend donc bien son rôle dans la présente affaire. C'est elle qui a pris la responsabilité d'annoncer aux parents la découverte des corps de Julie et Mélissa. Son rôle de supervision l'a conduite à mener, à la demande de Stefaan De Clerck, une "enquête sur l'enquête" Julie et Mélissa, vu les défaillances apparentes de la justice dans cette affaire.
Elle a remis, la semaine passée, ses conclusions (non divulguées à la presse) à son supérieur hiérarchique Jacques Velu, procureur général près la Cour de Cassation, au sommet de la pyramide (il n'y a qu'une seule cour de Cassation en Belgique: à Bruxelles), ainsi qu'au Ministre de la Justice Stefaan De Clerck.

Il convient de souligner la présence, dans cette affaire criminelle particulièrement importante et complexe, de deux "supermagistrats nationaux": le francophone André Vandoren et son homologue néerlandophone Patrick Duinslager.

Ces magistrats représentent le Parquet et le Ministère public, mais ils ne sont rattachés à aucun arrondissement judiciaire. Hiérarchiquement équivalents à un Procureur général, ils ont pour rôle de représenter le parquet dans les grandes enquêtes qui débordent d'un arrondissement donné. Le besoin de "super-magistrats" est apparu après le rapport de la commission parlementaire d'enquête sur le grand banditisme, où l'on avait constaté l'existence de ce qu'on a appelé la "guerre des polices et des arrondissements". L'objectif est de coordonner les efforts, de favoriser les connexions et d'éviter les dédoublements d'enquêtes. Ces deux magistrats ont coordonné le transfert des dossiers instruits à Bruges, à Liège ou ailleurs, vers Neufchâteau.

Il convient, singulièrement dans l'affaire Dutroux, de souligner le fonctionnement de la procédure d'internement pour raisons psychiatriques. La décision de renvoyer un inculpé vers la Commission de défense sociale peut être prise à divers moments de procédure judiciaire: elle peut être prise en Chambre du Conseil, en Chambre des Mises en Accusation, au tribunal correctionnel, et même en Cour d'Assises.

Lorsqu'à un quelconque de ces niveaux, la constatation est établie (éventuellement par un jury d'assises) que l'inculpé est en état de démence ou dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale le rendant incapable du contrôle de ses actes, c'est à la Commission de défense sociale de donner suite. Cette commission, présidée par un magistrat, compte aussi un médecin et un avocat.
Son avis est quasi-médical: elle décide dans quel établissement la personne doit être internée.
Elle peut décider un régime de semi-liberté, voire une mise en liberté sous contrôle médical.

Étant donné la surpopulation dans les établissements de défense sociale et leur état de délabrement impressionnant, des mesures de semi-liberté ou de liberté à l'essai sont souvent décidées. Avec les conséquences qu'on a vu.

Jean-Marc Veszely.

Des parents un cri(«Soir illustré»4 septembre 1996 p20,21,22,23)




Des parents un cri

Tous, ils ont connu le désespoir, l’attente, le mutisme, l’indifférence et même le mépris

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 20,21,22,23

Nous nous somme battus tous seul .Heureusement quelques voisins nous ont aidé a collé des affiche de notre fille disparue. Nous avions écrit à « perdu de vue » qui ne pouvait rien faire pour cause de « trop de demandes »

Meurtris par la douleur et l'interminable attente, les parents, dignes, discrets, ressentent la même angoisse quant au sort de leur enfant disparu ou trouvé mort. Certains ont bien voulu témoigner de leur consternation, de leur chagrin, de leur colère alors que les recherches et fouilles macabres continuent dans les multiples maisons de l'horreur.


Que faire face au silence? Que dire de l'insoutenable absence? Se calfeutrer chez soi en attendant que des nouvelles, même les plus atroces, leur parviennent?




Oscillant entre la peur et l'espoir, de nombreux parents essaient de comprendre la réelle portée d'un geste, d'un coup de fil, d'une image, d'une lettre, d'une présence.


Se retrouvant dans une détresse immense, ils se battent contre le mur du silence. Refusant la fatalité, les familles des jeunes victimes veulent savoir. A tout prix.


Témoignages.

ANITA CRUL, LA MAMAN DE SILVY CARLIN "LE PIRE EST DE NE RIEN SAVOIR".
"Le malheur c'est quand les gens ne font pas leur boulot". Tel est le cri que lance Anita Crul, la maman de Sylvie Carlin; domiciliée à Rocourt (Péruwelz). "Je ne vis plus. Cette situation est intenable. Voilà quatre ans que nous vivons dans l'angoisse. Le pire est de ne rien savoir".
Le lendemain de la disparition de Sylvie, Agnès, ma fille aînée, a téléphoné à la gendarmerie de Péruwelz. Ils ont pris la déposition et pendant des mois, nous sommes restés sans nouvelles.

Aucun coup de fil. Aucune autorité n'est venue à la maison. Finalement, au bout de trois mois, la police judiciaire nous a rendu visite. Elle privilégiait la piste de la fugue. Nous ne pouvions pas croire à cette hypothèse. Sylvie préparait la fête de Noël : elle avait acheté des cadeaux pour toute la famille. Puis, à nouveau, plus rien. En avril-mai 1995, ce fut le branle-bas de combat : je devais être à 14 heures à la gendarmerie de Péruwelz. On avait retrouvé un corps aux Pays-Bas. Les gendarmes m'ont montré des photos d'une jeune fille mutilée, sans tête ni bras. J'étais évidemment incapable de reconnaître ma fille. Ils n'avaient même pas pensé à faire la comparaison du groupe sanguin. Ils allaient s'en occuper. Finalement, une amie doctoresse qui connaissait bien Sylvie avait pu conclure que le corps retrouvé n'était pas celui de ma fille. En septembre 1995, après les vacances, la gendarmerie confirma ces résultats. Régulièrement, j'appelais la PJ et la gendarmerie qui, apparemment, s'ignoraient. On me répondait "Que dit la gendarmerie ?" et vice versa. Je devenais folle. J'avais téléphoné aux journaux. Je me heurtais à un mur d'indifférence. Est-ce parce que mon fils est en prison à Mons; là où se trouvait d'ailleurs Dutroux, que mon "cas" devenait "suspect" ? En tout cas, on se désintéressait de mon dossier à tous les niveaux.


J'ai écrit à "Perdu de vue" sur TF1 qui ne pouvait rien faire pour cause de trop de demandes...


Aujourd'hui, mon moral est au plus bas. Avec les révélations de Dutroux, la PJ est venue chez nous trois fois de suite. Depuis, plus rien. J'ai téléphoné plusieurs fois à la brigade judiciaire de Neufchâteau où le dossier a été transféré. A nouveau le silence. Dans notre soi-disant démocratie,on doit se taire."

CHRONOLOGIE DE LA DISPARITION DE SYLVIE CARLIN



15 décembre 1994 : Sylvie était allée voir une copine à Péruwelz. Sans nouvelles pendant 24 heures, la famille pensait que Sylvie avait dormi chez sa sueur à Antoing. Sylvie avait bel et bien disparu.
Agnès Carlin, la soeur aînée de Sylvie, avertit la gendarmerie de Péruwelz qui dresse un PV.

Février 1995 : convocation d'Anita Crul et de la famille à la PJ de Tournai, les enquêteurs croient à un suicide ou à une fugue.
Mai 1995 : convocation à la gendarmerie de Péruwelz. La famille tente de reconnaître le corps de leur Fille, retrouvé aux pays-Bas.

Juin 1995 : une amie doctoresse de Bruxelles compare les groupes sanguins le corps découvert aux Pays-Bas n'est pas celui de Sylvie.

Septembre 1995 mêmes conclusions de la part de la gendarmerie.

Août 1996 l'affaire Dutroux relance le dossier.

LA FAMILLE CAVAS ""VOILÀ ONZE ANS QUE NOUS ATTENDONS"

"Mon petit frère voulait jouer avec moi, il avait pris les clefs dans la boîte aux lettres et probablement voulu me rattraper. Mes parents avaient trouvé les clefs sur la porte, restée ouverte", explique Besim, aujourd'hui âgé de 20 ans. "Une demi-heure après sa disparition, vers 16 heures, mes parents avaient averti la police de Molenbeek", poursuit Zeki, le frère aîné d'une famille aujourd'hui composée de treize enfants. "Ils avaient été sèchement reçus.




C'est seulement vers 23 heures que deux policiers étaient à notre domicile. Ils avaient fouillé la maison de fond en comble, sans rien trouver évidemment.




Ne croyant pas à la disparition, ils pensaient que le petit s'était réfugié chez mon oncle et ma tante. Puis, plus aucune nouvelle.


Nous ne savions pas à qui nous adresser et tous nos coups de téléphone à la PJ se résumaient en une seule réponse: rien. Je comprends qu'une disparition ne laissant aucun indice, même pas un bouton de culotte, est particulièrement difficile à mener.


Mais au moins aurions-nous souhaité, de temps en temps, quelques appels d'encouragement et de soutien.


Nous avions l'impression d'être oubliés. Un an plus tard, une femme était venue avec ses deux enfants avec des photos, elle aurait vu Gevrije à Namur.


Cette piste s'est terminée en une voie de garage. Nous avions obéi aux injonctions de la police: "Il faut attendre".




En 1989, le dossier fut relancé. En collaboration avec le FBI américain, la police "réactualisa" le visage de Gevrije : nous avions désormais une photo de Gevrije âgé de 18 ans.
Ce fut une première en Belgique. La presse s'était quelque peu intéressée à cette innovation. Je crois sincèrement que cela ne suffisait pas. Il faut sortir du pays. Les recherches doivent s'étendre au delà de la Belgique. On y avait pensé dès le premier jour. Car que peut-on faire avec un petit garçon de six ans?
Nous avions aussi pensé à un kidnapping: une maman en mal d'enfant, par exemple.


Voilà onze ans que nous attendons. Peu de gens ont su ou savent encore que Gevrije a disparu.


Nous pensons toujours qu'il est vivant. Ma mère était enceinte quand notre petit frère avait disparu. C'était très dur pour elle. Daniella, la petite dernière, est née à six mois et demi. Notre moral connaît des hauts et des bas. Maman et deux de mes frères sont allés à l'enterrement de Julie et Mélissa. Nous nous sentons solidaires de tous les parents en détresse. Nous sommes très contents que le public puisse voir la photo de Gevrije dans les journaux. Nous comptons prendre contact avec l'ASBL "Marc etCorine".
Enfin, nous avons l'impression d'être écoutés. On se sent moins seul. Il est probable que notre dossier soit transféré à Neufchâteau. C'est notre souhait.
Au moins des recherches sérieuses pourront être entreprises .

CHRONOLOGIE DE LA DISPARITION DE GEVRIJE CAVAS
6 février 1985, Gevrije (6 ans)disparaît vers 16 heures, à quelques mètres de son domicile. Dans la demi-heure, les parents alertent directement la police de Molenbeek (Bruxelles).

Juin 1985 : un témoin dit avoir vu Gevrije à la gare du midi (Bruxelles) accompagné d'une femme. Aucun résultat.

Mars 1989 : fabrication d'une photo "réactualisée" : Gevrije apparaît sur image sous les traits d'un adolescent.

Juin 1990 : la famille Cavas quite Bruxelles craignant la disparition d'un autre de leurs enfants. Elle emménage à Lièqe, ville qu'elle juge plus "tranquille".
Août 1996 : le dossier Cavas est rouvert. Recherche d'un lien éventuel avec l'affaire Dutroux. Nouveaux contacts avec l'inspecteur de la PJ de Bruxelles. Transfert probable du dossier à Neufchâteau.

NABELA BENAISSA: "NOUS RESTONS OPTIMISTES"

"Depuis quatre ans, nous sommes sans nouvelles. Nous avions contacté la police d'Ixelles (Bruxelles) une demi-heure après la disparition de Loubna. Ce n'est que six jours après qu'un avis de recherche a été lancé dans le public! Au début, la police nous parlait de fugue. C'est ce qu'on dit à tous les parents.




C’est révoltant. Comme si l'hypothèse d'un enlèvement ne pouvait être crédible. Et puis, comment une petite fille de neuf ans pouvait-elle fuir le domicile ?




Les gendarmes avaient procédé à des fouilles importantes dans notre maison.
A part cela, rien. A l'époque, l' ASBL "Marc et Corine" n'existait pas encore. Une association bruxelloise, aujourd'hui disparue, nous avait aide a imprimer des affichettes.
Nous avions même proposé une récompense de 500.000 francs à toute personne qui apporterait un indice précieux pour les recherches. Nous devions nous débrouiller tous seuls.


Nous avions également envoyé un dossier à "Perdu de vue" sur TF1. Pas de réponse. Nous nous étions même déplacés à Paris. A la réception des bureaux de TF1, on ne nous avait même pas reçus.


La disparition de Loubna a été très peu médiatisée, on ne comprend pas cette indifférence. Nous ne savions pas à qui nous adresser.
Finalement, avec les nouveaux rebondissements dramatiques de Marc Dutroux, nous avons pris contact avec l'ASBL "Marc et Corine". Les gendarmes sont revenus chez nous la semaine dernière. Nous avons peur d'une issue malheureuse.


Nous voulons sortir de l'ignorance dans laquelle nous sommes plongés.




Depuis trois semaines, nous avons reçu une vingtaine de cartes de soutien: elles rendent l'attente un peu plus supportable".


CHRONOLOGIE DE LA DISPARITION DE LOUBNA BENAISSA
5 août 1992 : la petite Loubna (9 ans) va chercher un petit pot de yaourt à 500 mètres de son domicile, à Ixelles (Bruxelles). Elle ne reviendra jamais à la maison. Les parents préviennent immédiatement la police d'Ixelles.

11 août 1992 (soit six jours après la déposition de la disparition de Loubna, un avis de recherche est lancé dans le public.
Août 1996 après quatre années de silence, deux gendarmes reviennent au domicile des Benaïssa. La piste Dutroux est envisagée.

PHILIPPE DELEUZE: "JE VEUX LA VÉRITÉ SUR LAURENCE"
"Je veux la vérité. J'ai promis à Laurence de faire toute la lumière sur sa mort. Elle est toute ma vie.


Depuis quatre ans, je suis dans le pétrin. Je suis un homme épuisé,ma vie est un cauchemar. Je ne dors plus depuis le jour où j'attendais son coup de fil à 16h 30 pour savoir si je lui permettais d'aller dormir chez une amie.


Toute la nuit, j'étais resté à côté du téléphone. Dès le départ, le juge d'instruction namurois avait cru à un suicide. C'était insensé. L'autopsie de Laurence m'avait permis de montrer qu'elle avait succombé à une dose massive de médicaments, barbituriques et calmants.


Je suis en colère. La presse comme les autorités ont fait preuve d'une indifférence accablante. Personne ne croyait à une disparition. Je suis victimisé comme tout les parents. Et quelle est la place de la victime dans notre société ? On doit subir et c'est tout. On avait même réussi à confondre ma fille avec une autre.


C'est scandaleux. Aujourd'hui, je suis attentif à l'évolution du drame Dutroux. Je m'attends à des révélations horribles, mais vivre dans l'incertitude et la confusion est insupportable.Il est grand temps de considérer la disparition d'un enfant au sérieux"

CHRONOLOGIE DE LA DISPARITI0N ET MORT DE LAURENCE MATHUES

28 août 1992 Laurence disparaît dans la journée. Son papa,Philippe Deleuze,l'avait déposée à Walibi à 8h 30. En allant la reprendre l'après midi, il ne la retrouve pas.

Septembre 1992: le corps d'une jeune fille est retrouvé dans des buissons bordant une route fréquentée à Fernelmont. II est iden tifié comme celui d'une jeune Taminoise qui avait disparu le 30 août.

Septembre 1992 : quelques jours plus tard, confusion la plus totale. La jeune Taminoise téléphone à ses parents, avouant une fugue. Ce n'est que deux jours plus tard que Philippe Deleuze apprend que le corps retrouvé était bien celui de Laurence.

Octobre 1992 : Philippe Deleuze rejoint I'ASBL "Marc et Corinne" dont il devient le vice-président.

Août 1996 : refusant le silence, Philippe Deleuze veut faire avancer l'enquête. Il sera entendu. Le juge d'instruction de Namur a demandé des devoirs complémentaires portant sur les produits anesthésiants et les médicaments utilisés par Marc Dutroux. L'insoutenable attente continue.

Corinne Le Brun.

Pédophilie l’affaire qui cache la forêt(«Soir illustré»4 septembre 1996 p18,19)


Pédophilie l’affaire qui cache la forêt

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 18,19

Le dramatique retentissement de l'affaire Julie et Mélissa nous a ouvert les yeux: la pédophilie est un fléau de notre société. A partir du cas belge, s'opère une prise de conscience mondiale plus que nécessaire. L'approche de la vie en commun en sort bouleversée.

Test sur grande échelle à notre service de documentation. Que peuvent-on donc bien représenter trois ans d'articles quotidiens sur la pédophilie dans notre pays?

Recherches longues mais surtout abondantes: un épais dossier d'une centaine de pages bien serrées atterrit sur le bureau. La face émergée d'un monde souterrain, inavouable, où apparaissent pêle-mêle tous les tourments d'une société mal dans sa peau.

LES ÉGOUTS DES AMES
Les cas défilent dans une angoissante répétition. Viols et attentats à la pudeur (pour rappel, la loi ignore le terme pédophilie; elle ne reconnaît que les deux notions précédentes), enfants abusés et brisés à jamais, abus d'autorité, photos des sévices infligés.., tout une litanie écoeurante de sadiques et de pervers.

Ils sont curé, professeur d'arts martiaux, gendarme, employé, instituteur, fonctionnaire européen, facteur.

Ils se recrutent dans tous les milieux. Ils ont souillé leur nièce, leur fille, leur petite voisine, ou des gamins prostitués dans les bas-fonds de Bruxelles. Les récidives se suivent et se ressemblent: risques sous-estimés, manipulation habile des médecins psychiatres, peines légères.

On touche ici aux égouts des âmes, à la lie des pulsions, aux démons de la libido. La société belge est révulsée par ce qu'elle a découvert d'elle même. L'affaire Julie et Mélissa n'entraîne pas seulement le discrédit des institutions; elle met à nu une pourriture effrayante autour de Marc Dutroux, serial kidnapper. Comme dans un écheveau, on a tiré un fil et c'est une partie de la région de Charleroi qui révèle ses tares et ses pratiques douteuses.


Déjà plombée par tant de désespérance, cette terre fertile des combines les plus graves (négriers de la construction en tête) entre en agonie. Le tissu social se déchire et la misère ravage les têtes...

On libère anticipativement des pédophiles (y compris la semaine passée!), on accorde une nouvelle chance à de dangereux salauds, on souligne la pauvreté des moyens, notamment des instituts de défense sociale.
Curieusement, ce sont souvent dans les mouvements de jeunesse qu'éclatent des affaires.

- Renversez l'axiome, prévient Claude Lelièvre. Ce n'est pas parce qu'on est moniteur de sport, éducateur, chef scout ou autre qu'on devient pédophile.
C'est parce qu'on est pédophile qu'on cherche par tous les moyens â entrer en contact avec les enfants.

On se retrouve alors forcément dans ces cas de figure.
Récemment, on a découvert un marchand de jeux-vidéos qui avait choisi ce biais pour approcher les gamins.

L'horreur se poursuit. On profite d'handicapés, et même de sourds-muets!
- C'est affreux. Il nous arrive même des bébés avec la bouche ou le sexe abîmés, révèle une infirmière de l'hôpital Reine Fabiola spécialisé dans le traitement des enfants.

Les pédophiles minimisent leurs responsabilités, mentent, nient, accusent même parfois à leur tour en tentant de renverser les rôles. Les comptes-rendus des affaires donnent des haut-le-cœur. A chaque fois, un enfant souffre dans sa chair et toute sa personnalité.

ON SE REFILE LES ADRESSES DES "BORDELS À GOSSES"
Pire encore, certains profitent de cette déglingue. Début février 96 éclate l'affaire Hedwig Huybrechts. Ce gendarme flamand de 34 ans dirigeait un réseau de pédophilie à Bruxelles. Surpris dans ses coupables agissements dans un parking du centre-ville, il passe rapidement aux aveux.
Dans son attaché-case, on saisit 650 photos d'enfants subissant des attouchements ou des pénétrations. Il les recrute dans la capitale, principalement des ex-Yougoslaves, une petite vingtaine de Serbo-Croates dont le plus jeune n'a pas dix ans. On trouve aussi un fichier de noms de clients contactés par annonces dans les périodiques homosexuels ou par boîte postale aux Pays-Bas. Et l'on tombe sur du beau monde: un psychologue ayant travaillé dans des institutions pour enfants du juge, mais aussi le vice-président du Dolphinarium de Bruges, un directeur de société, le chargé de relations publiques de l'aéroport d'Ostende, un militaire de carrière, et un ingénieur. Sept personnes sont inculpées.
Au domicile de certains, on saisira des cassettes de pornographie enfantine. Cette histoire exemplaire ne s'arrête pas là.
Arrêté par la police de Bruxelles tandis qu'il prenait des photos de gamins en pleine masturbation, Huybrechts était en fait repéré depuis plusieurs semaines.., par la gendarmerie!
Sabotage ou négligence, elle n'est pas intervenue et s'est montrée irritée de voir tant de publicité autour d'une affaire que, manifestement, elle aurait préféré couvrir! Au centre de la filière, ce gendarme est actuellement en liberté en attendant son procès!

ON TROUVE TOUJOURS DU BEAU MONDE...
Des affaires de pédophilie, on en recense presque chaque jour, comme si la psychose actuelle poussait à en parler. Certains cas criants sautent à la mémoire: le curé de Kinkempois, le petit Jonathan à Bouffioulx, Zénon, le C.R.I.E.S. La lutte s'intensifie pourtant contre les pédophiles.
La loi d'avril 95 sur la traite des êtres humains précise que tout étranger trouvé en Belgique peut être poursuivi pour avoir commis des abus sexuels sur des enfants.
Cette loi, quatre organisations non-gouvernementales (Terre des Hommes, Sentinelles, Défense des enfants international, Fédération abolitionniste internationale) ont tenté de la faire jouer contre John Stamford et sa sinistre besogne. Ce Britannique de 56 ans fut arrêté par la police belge en septembre1993. Connu pour être le rédacteur-en-chef du guide Spartacus - un guide d'adresses pédophiles- installé à Geel, Stamford fut poursuivi pour diffusion d'écrits contraires aux bonnes moeurs.
Mais son commerce est en fait nettement plus grave: il refile tout bonnement les adresses aux pédophiles se rendant dans "les bordels à gosses des pays du tiers-monde". Ce monsieur renseigne les sex-touristes occidentaux, consigne ses remarques sur des enfants qu'il a lui-même "testés", et se vante de détenir un réseau d'un millier de correspondants dans le monde capables de fournir un(e) tout jeune partenaire à la demande. Stamford, vulgairement dit, est un rabatteur de chair fraîche que les quatre O.N.G. suisses cherchent à coincer pour proxénitisme, un crime passible de vingt ans de prison.

Mais la qualification des faits les décevra. Stamford comparaît devant le tribunal correctionnel de Turnhout, où il risque un an de prison. Cet esclavagiste - comment l'appeler autrement? - se lance dans une logorrhée de 12 heures où il nie en bloc toute culpabilité. Il se dit victime d'un complot et parle d'action humanitaire. Embarrassé, le tribunal de Turnhout se déclarera finalement incompétent, renvoyant l'accusé vers un éventuel procès d'assises.

Son passage y aurait été observé avec infiniment d'attention par tous les défenseurs des enfants exploités dans le monde. Mais le 30 décembre 1995, John Stamford décédait de mort naturelle à l'hôpital de Geel.

LES BELGES SONT AUJOURD'HUI HYPER SENSIBILISÉS À CES AFFAIRES.
Ils notent les bonnes intentions de la conférence de Stockholm, et se rendent compte que la pédophilie touche tout le monde, même les stars, de Michaël Jackson (qui a racheté une accusation de pédophilie à coups de millions de $) à Roger Moore qui vient d'avouer avoir été victime d'un exhibitionniste à I' âge de huit ans.
Des réactions éparses se font jour. La publicité "Mexx" a été recouverte d'auto-collants au texte on ne peut plus clair: "C'est l'industrie du sexe qui produit des Dutroux. Parents, dites non" scandait le message qui barrait la photo d'une jolie blonde et d'un métis tendrement enlacés dans leur nudité.

La campagne est la première victime d'une vague de rigorisme qui pourrait rendre tout geste suspect ou répréhensible, même le plus anodin. Les Belges ont les nerfs à vif et ils dénoncent la pédophilie, même celle qui est acceptée dans le domaine artistique. Cet été, au casino de Knokke, l'exposition David Hamilton proposait un album de jeunes filles à peine pubères.

Une photo ressortait, choquante par sa légende. On y voyait une douzaine d'adolescentes, couchées nues les uns contre les autres, avec ce propos "My winter stock", "mon stock d'hiver" annoté par le photographe. Dès la mi-août, elle inspirait un obscur sentiment de gêne...

Bernard Meeus.

Les carolos vivent mal la tragédie qui les salit(«Soir illustré»4 septembre 1996 p16,17)


Les carolos vivent mal la tragédie qui les salit

Toute une région refuse d’être associés aux violeurs qui s’y sont infiltrés

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 16,17

Suite de la page 15 …
……..chargea de toute l'affaire, mais, à sa grande colère, fut enfermé en prison jusqu'en mars 1996: Avant d'entrer en prison, il avait eu le temps d'éliminer Weinstein, qui le doublait, et de demander à Lelièvre de nourrir Julie et Mélissa, prisonnières de la maison du 128, route de Philippeville, à Marcinelle, dans ce réduit inventé par un bricoleur animé du génie du mal. Si Lelièvre n'alla pas nourrir les petites, Michèle Martin non plus.
Elle a avoué avoir nourri les chiens de Dutroux, mais n'a jamais tenté de délivrer ou même de nourrir Julie et Mélissa. Elle était effrayée, ment-elle.

Marchienne-Docherie, rue Destrée; Marcinelle, route de Philippeville;Jumet,rue Daubresse; Mont-sur Marchienne, rue des Hayettes; Sars-la Buissière, et quels autres lieux encore?

Dutroux avait infiltré le corps de la ville où il était venu vivre au début des années soixante, après le retour du Congo, et les événements tragiques de l'indépendance de la colonie. Dutroux, qui avait étudié dans plusieurs écoles de Charleroi et qui avait fini par décrocher son diplôme A3 d'électricien, est la face noire d'un pays qui voudrait déchirer les ténèbres, arracher ce masque qui nous fait horreur.

MARIE-LOU FAIT du CAFE AUX REPORTERS


L'envoyée spéciale d'un mensuel japonais était frappée par l'urgence des Carolos à crier qu'ils ne sont pas des Dutroux. Dans sa maison ouverte à tous, Madame Booman, que les journalistes connaissent désormais comme Marie-Lou, avait à peine le temps de préparer un thermos de café qu'il était vide. Et elle revenait avec des biscuits.
Sa maison lumineuse, pareille au sourire des habitants de ce pays qui encaisse les coups de la crise, depuis le début de la fin, la fermeture des charbonnages, puis les coupes sombres qui blessèrent la sidérurgie, et ce chômage qui pourrit la vie, qui sert de terreau à toutes les combines, forcément, parce qu'il faut s'en sortir, malgré tout.
Malgré les pubs à la télé qui vantent des bagnoles que peu oseraient encore s'acheter, malgré le crédit si facile. Les gens auraient voulu montrer aux journalistes ce terril couvert d'arbres, sillonné de sentiers de promenades, dominant le ring reliant la cité au réseau d'autoroutes: deux heures et demie de Paris, 45 minutes de Bruxelles. Ils auraient voulu emmener les journalistes sur le ring qui encercle le coeur de Charleroi et leur montrer les communes satellites qui forment la trame de la première ville wallonne, par le nombre d'habitants. Jumet, Marcinelle, Gilly, Châtelet, Fleurus, Courcelles, autant de centres animés, avec leur vie, leur folklore. Des centres formant un tissu de commerces, de cafés chaleureux, où l'on offre une pinte pour nourrir la conversation, de lieux où les gens ont leurs racines, une région riche en artistes.
Puis, au-delà, les villes à la campagne, comme Thuin, voisine de Sars la Buissière, où Dutroux s'était planqué dans sa fermette désormais maudite.
Cette région frappée par la fin des entreprises qui avaient besoin de bras, tente de se reconvertir. Le bourgmestre Jacques Van Gompel et le ministre Jean-Claude Van Cauwenberghe, pour lutter contre l'image projetée aujourd'hui de Charleroi, ravalée au rang de ville des crimes les plus odieux, ont même rédigé un communiqué. Un plaidoyer pour la justice, et pour ce coin dont l'hymne, connu par coeur de tous ses enfants, est, avec sa nostalgie d'une autre époque, "Pays de Charleroi, c'est toi que je préféré, le plus beau coin de terre, à mes yeux, oui, c'est toi". Un hymne qui, vu de la rue Daubresse à Jumet, donnerait envie de pleurer sur les illusions perdues.

C'EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ VOUS


Pourtant le paysage a été travaillé, comme le potier malaxe sa terre glaise, pour le préparer à l'avenir. On veut extirper les ruines industrielles du décor pour ouvrir des espaces à ces entreprises nouvelles que l'on n'en finit plus d'attendre. Au Pont de Waterloo, sur le site de l'ancien terril de la Croix, le cinéma géant Carollywood et les galeries de Ville 2 montrent qu'un Charleroi du futur se dessine.

La reconversion est dure à réaliser, quand les économistes ne jurent plus que sur le néo-libéralisme le plus débridé.

D'autres villes d'Europe, comme Detroit aux USA, redeviennent, partiellement, des jungles urbaines que les gens ne voyaient pas ailleurs que dans les films américains du Carollywood.

Et voilà que la fiction vole en éclats sous la pression d'une réalité insupportable, accablante. Alors, Madame Booman accueille à Jumet les journalistes avec du café et son sourire.

Chez Minou, à l'épicerie, on peut acheter des sandwiches, des pizzas et des pains au boudin chaud pour pas bien cher et se réchauffer gratuitement, le matin, d'une tasse du café offerte par la Ville. La seule manière d'essayer d'effacer les horreurs commises par Dutroux et son gang, qui ont maculé de sang tout un coin de terre.

Tous les gens de la région de Charleroi, comme ceux du pays, et du monde entier, éprouvent de la répulsion pour ce qui s'est produit à côté de chez eux, comme le disait le titre du film belge qui sidéra le festival de Cannes.

Mais Charleroi, c'est aussi Le Huitième Jour. L'évolution a voulu que la crise finisse par mélanger deux mondes en un même lieu. Les gens comme Dutroux, Lelièvre, Diakostavrianos ou Weinstein se sont faufilés entre les nantis et les minimexés, profitant de la déglingue pour tisser leurs trafics. La région de Charleroi est constellée de champs de démolition d'autos.

Les gens y font leur marché de pièces d'occasion, pour prolonger la vie de voitures aussi usées que leur moral. Beaucoup n'ont plus les moyens de vivre dans le monde dont on leur présente l'image à la télé. A Charleroi, des marchands de voitures d'occasion voient refuser des prêts de 30.000 francs à des clients qui rêvent d'une auto pour retrouver un boulot. L'auto permet d'aller voir ailleurs, procure l'illusion fugitive d'échapper à sa destinée.

CE CAUCHEMAR QUI N'EN FINIT PLUS...
Dans la région de Charleroi, on voit des familles déménager leurs meubles sur des charrettes à bras.

Les fourgueurs de voitures en noir finissent par prendre le pain de ceux qui paient des impôts.

Cercle infernal. Comme celui des jeunes sans futur qui se droguent. Et qui cassent des pharmacies, ou finissent rue du Moulin, à la Ville Basse. Là où des jeunes filles se gâchent pour quelques billets, à la sauvette, à la rage des filles des vitrines. Elles-mêmes arrivées là parce qu'elles n'avaient plus d'homme ni d'emploi, et qu'il fallait bien nourrir les gosses. C'est sur ce pays de Charleroi-là, celui qui est à la dérive, qui s'éloigne très vite de celui qui survit à la crise, de la ville qui se redéploie avec ses boutiques de luxe et ses restaurants de qualité, que Dutroux rayonnait. Lui, l'intelligent, le pervers, le manipulateur, la victime de la justice, le violeur, qui hantait la Belgique à bord de sa camionnette déglinguée pour enlever, droguer et violer des enfants et des jeunes filles rentrant à la maison. Son forfait accompli, il garait sa camionnette infernale dans une de ses tanières éloignées des regards et tournait ses vidéos immondes, avec sa femme, Michèle Martin, l'ancienne institutrice. Chef craint et manipulateur régnant sur une bande de paumés, Dutroux tenait sous sa coupe des plus faibles, comme Lelièvre, ou Diakostavrianos.

Ceux qui ont bu une chope avec Michel le Grec, au dancing La Réserve, ne le trouvaient pas bien malin. Le vendeur de pneus d'occase rachetés en Allemagne était parfois escorté d'une fille venue de l'Est.

Elle ne parlait pas un mot de français. Il racontait n'importe quoi, qu'elle venait de Slovaquie, ou quelque chose comme ça. Des filles vendues comme des pièces de bagnoles à la décharge.

Et des cassettes vidéo montrant des enfants violés, torturés. A qui Dutroux montrait-il ses immondes catalogues d'enfants torturés, à vendre, comme s'ils n'étaient que des débris glanés au bord des routes, au hasard de ses dérives?

Marcel Leroy.

« Mon dieu faite qu’au moins nous sachions »(«Soir illustré»4 septembre 1996 p14,15


L’angoisse de tous les parents belges fait écho au calvaire des parents des disparues

« Mon dieu faite qu’au moins nous sachions »

« Soir illustré » du mercredi 4 septembre 1996 page 14,15

Suite de la page 13 ….

……aux nouvelles, figés dans l'attente. Tous ont veillé, durant d'interminables heures, sous le ciel noir déchiré d'orages, sous cette sale pluie battante inondant les caves de Marchienne-au-Pont, envahissant des routes proches de la Sambre, achevant de casser le moral.

Une foule trempée par ce temps à ne pas mettre un chien dehors veillait, derrière les barrières isolant cette petite rue de Jumet du vaste corps de la région de Charleroi. Le lieutenant Jongen,de la police des Pays-Bas, avait lâché ses chiens dépisteurs de cadavres sur le site et les limiers avaient décelé des traces dans le hangar, qui fut littéralement évidé, ajoutant des camions de déblais aux dizaines de transports déjà effectués.

Ensuite le super intendant John Bennett, le spécialiste qui déterra les victimes de Frederick West, dans la maison de Gloucester, actionnait son radar pour déceler les cavités dissimulées dans la terre.
Une simple bouteille enterrée renvoie un écho. On parlait de galeries, de tunnels, de cavités. Une excavation de près de six mètres, menée avec la pelleteuse, transforma la cour en un vaste trou d'obus, et les terrassiers de l'horreur descendirent à un mètre cinquante sous le sol de la remise.

Ensuite, ils s'attaquèrent à l'intérieur du chalet, faisant sauter le pavement. Les chiens, épuisés, revinrent à la charge, et il fut décidé de suspendre les opérations jusqu'au lundi à midi.

Trop d'eau, trop de fatigue, - même les chiens tremblent sur leurs pattes, trop d'angoisse, il fallait prendre un temps de répit, avant de continuer à creuser vers ce qui pouvait être la tombe de plusieurs enfants,
Sont les parents parcourent au moment où vous lisez ces lignes un chemin de croix plus cruel que celui du Christ.

LE VIEIL ALEXANDRE AVAIT RACHETÉ LA MAISON DE L'AMÉRICAIN

Jumet. Parallèle à la chaussée de Bruxelles, la rue Daubresse s'étire dans un quartier paisible comme il y en a tant dans ce Charleroi qui a honte. Les voisines qui appréciaient la politesse de Bernard Weinstein n'auraient jamais, au grand j aurais, imaginé qu'autre chose que des trafics de camions et de voitures puisse se dérouler dans l'ancienne tanière du vieil Alexandre, que tout le monde surnommait l’inventeur.

Les gosses du quartier aimaient écouter l'original qui accumulait les vieux outils, les vieilles machines, les carcasses déglinguées, pour prolonger la vie de ces objets en bout de course.
Alexandre aimait le bric-à-brac de ce pavillon construit après la guerre 14-18 par un Américain.

Le voyageur qui s'était arrêté à Jumet, nostalgique de Cape Cod ou du Maine, avait demandé à l'architecte d'élever une réplique de bungalow en bois. L'ensemble devait être joli, dans les premiers temps.
Quand Bernard Weinstein, le Français enterré vivant par Marc Dutroux à Sars-la-Buissière, s' y installa, la maison avait commencé à prendre sa triste allure actuelle, comme tirée des décors de Stephen King, avec sa peinture verte délavée par les hivers.

Devant la porte, un vieux camion militaire est toujours couché dans les herbes folles. Sur la gauche, le passage qui conduit à la vaste cour, au hangar et à la remise, est un couloir de boue.
C'est ici, qu'en décembre 1995, des coups de feu furent tirés, alors que les gendarmes arrêtaient Dutroux, qui avait séquestré trois jeunes gens, impliqués, disait-il, dans le vol d'un camion effectué par Weinstein. L'occupant du bungalow avait disparu, Dutroux le …..

Suite page 16
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Légende des photos :

RUE DAUBRESSE, LIEU TRAGIQUE
Vus du ciel, les lieux des fouilles.
Nos photos montrent combien le bric-a brac de la propriété de Weinstein détone, dans l'univers propret et coquet des jardins de Jumet.
Touchés dans leur vie quotidienne, frappés par la proximité du drame, les gens de la rue Daubresse se souviennent du temps où le vieil Alexandre habitait le bungalow construit après la guerre 14 par un Américain
(En bas à gauche).

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En pensant aux familles des jeunes filles

(En haut à droite, les parents d'An, ci-dessus, le papa d' Eefje et le ministre De Clerck) que l'on recherche, ils ont voulu montrer aux envoyés spéciaux et à tous les journalistes,que le Pays de Charleroi n'est pas le pays de Dutroux.

Un coin de terre qui souffre de la crise, mais qui veut s'en sortir. Une région dont les habitants sont chaleureux et solidaires, pas très riches, sans doute; dignes, certainement.

Au fil des jours, la tension était perceptible, alors que les enquêteurs et les hommes de la protection civile, étaient hantés par l'idée de ce qu'ils pouvaient exhumer de la terre qu'il leur fallait remuer, malgré la pluie.

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