samedi 23 août 2008

L’enquête sur l’enquête : Liège va conclure('Soir'5septembre1996 p18)


L’enquête sur l’enquête : Liège va conclure

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

Pas encore de réponse aux questions du ministre de la Justice.
Le rapport de Liège est attendu à la fin de la semaine.

Toutes les questions soulevées par le ministre de la Justice à la Chambre dès le 22 août, au soir des funérailles de Julie et Mélissa, et qui sont au centre des enquêtes sur l'enquête, restent sans réponse.

Les informations que la gendarmerie reçut depuis 1993 sur les intentions de Dutroux d'enlever et de séquestrer des jeunes sont-elles parvenues aux juges qui instruisaient les dossiers de disparitions à Liège (Julie et Mélissa) et à Bruges (An et Eefje) et ailleurs? La gendarmerie les a-t elle gardées pour poursuivre ses enquêtes «proactives»?

Ont-elles été communiquées en temps utile au parquet de Charleroi? Charleroi les a-t-il transmises? Dutroux était-il protégé ?

Le procureur général de Liège Anne Thily, chargée par le ministre de la Justice d'une enquête sur la manière dont s'était faite l'instruction du dossier «Julie et Mélissa», n'a pas encore déposé son rapport, attendu, nous disait-on hier, au plus tôt pour la fin de cette semaine.

Une autre question reste sans réponse. Elle concerne la réarrestation de Dutroux à Charleroi en décembre dernier, et sa remise en liberté au mois de mars. Si le parquet de Charleroi n'en a avisé ni le parquet gênéral ni le ministre, il y a violation d'une obligation légale. Mais on notera que l'administration pénitentiaire, qui dépend du ministre, en était aussi informée, puisque Dutroux était en prison.

Au palais de Justice de Bruxelles, le procureur général de Cassation, Jacques Velu, poursuit son enquête disciplinaire sur d'éventuels dysfonctionnements dans le ressort de la cour d'appel de Mons.

Il procédait hier après-midi encore a des auditions. Atteint par la limite d'âge le 17 septembre, il doit quitter ses fonctions. Si son enquête n'est pas terminée, son successeur la poursuivra.

Reste la question des congés pénitentiaires et de la libération conditionnelle de Dutroux, condamné à 13 ans pour enlèvements, viols et séquestrations. II fut libéré sur décision du ministre Wathelet au début de 1992.

La commission de la justice de la Chambre a demandé au ministre De Clerck communication du dossier de libération de 1992 et du dossier de la réarrestation en décembre 1995. A la Chambre, le ministre avait accepté de libérer le dossier administratif. Depuis, il a fait savoir au président de la commission, M. Verwilgen, que l'ancien ministre Melchior Wathelet a vérifié avec ses collaborateurs un dossier de cabinet: Melchior Wathelet écrit qu'il n'y a eu aucune autre intervention extérieure en faveur de Dutroux que celles de son avocat.

La commission de la justice de la Chambre n'a jusqu'à présent reçu aucun dossier. Elle se réunira le 10 septembre pour entendre le ministre De Clerck et compte redemander communication des dossiers administratifs et de cabinet de 1992, ainsi que du dossier de la réarrestation de Dutroux à la fin de 1995.

Une autre enquête sur l'existence d'éventuelles collusions entre les milieux judiciaires, policiers et mafieux de Charleroi, demandée hier par le procureur du Roi Marchandise dans l'émotion suscitée par des révélations de presse, devrait être confiée par le ministre « à une autorité adéquate ».

Elle devra voir aussi d'autres dossiers à l'information et à l'instruction, dont des dossiers de trafics de voitures qui concernent notamment l'inspecteur Zicot, et un dossier d'escroquerie à l'assurance qui concerne le garagiste Adam et l'expert Philippe Demanet, fils du procureur général mis en congé hier pour deux mois, à sa demande.

Ce sont les aveux du garagiste Adam qui ont provoqué l'inculpation du fils du procureur général, accusé par Adam de lui d'avoir demandé de voler sa Porsche. Or ce n'est pas Demanet, mais la société de leasing de Adam, qui fut indemnisée. Et c'est Adam qui recela la Porsche dans un box loué pendant trois ans avant de la livrer la semaine dernière au juge. Un dossier qui, comme d'autres, sent l'intox et le souffre...

RENÉ HAQUIN
____________________

Le procureur Bourlet et le juge Connerotte, un duo de choc à Neufchâteau

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

Toute la Belgique est suspendue aux efforts déployés par le juge et le procureur de la petite cité ardennaise qui se connaissent depuis dixans. L'un et l'autre ont leurs jardins secrets. Et affichent la même opiniâtreté à mener à son terme l'une des enquêtes criminelles les plus importantes qu'ait connu le pays.

PORTRAITS


Ils ne sont pas du genre nombriliste. Ils préfèrent la discrétion au devant de la scène que, malgré eux, ils ont investi depuis le 9 août. Le destin, le hasard des nominations, a formé le duo de choc voici moins de dix ans. Des enquêtes, difficiles, ont renforcé plus encore les liens qui les unissent.
Le procureur Bourlet et le juge Connerotte nourrissent une passion, une obsession commune: la recherche de la vérité.

LE CHÊNE ET LE ROSEAU

Michel Bourlet, 47 ans, et Jean Marc Connerotte, un an de plus, c'est, en apparence, le chêne et le roseau. Le procureur paraît solide comme l'arbre séculaire. Le juge, léger comme une plume. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne plie, ne se rompt. Ils travaillent sans relâche, avec obstination, comptent les nuits blanches. Mais ils sont toujours debout.

Les loisirs, ce sera pour plus tard. Stendhal a rejoint la bibliothèque. Sécurité oblige, le juge a abandonné sa puissante BMW 1.200 au garage. On l'a juste surpris une fois quittant la gendarmerie juché sur l'engin qu'il mène très sagement. Le juge n'appartient pas à la grande concentration des tatoués pétaradants : Ce n'est pas ça faire de la moto, glisse-t-il à l'écoute des échappements qui crachent les décibels.

Chapitre loisirs, le procureur râle: J'aimerais quand même bien tondre ma pelouse. Car le procureur a son côté cour, au palais, et son côté jardin. Chez les Bourlet, un zeste écologiste parfume le quotidien.
Dans l'enceinte de l'ancien moulin, leur demeure, l'épouse, Dominique, s'occupe du potager; le magistrat du jardin d'agrément. Le jardin remplace les gazons que Michel Bourlet arpentait, en des temps plus sportifs, lorsqu'il jouait au hochey.

Michel Bourlet adore la musique. Depuis peu, depuis qu'une de ses filles le guide sur les portées, il s'est mis au piano. Il se réfugie aussi dans la chanson française : Ferré, Nougaro, etc. On l'a déjà surpris, d'humeur taquine, fredonner du François Béranger. C'est que le procureur a conservé un petit côté «anar», héritage de 68. Michel Bourlet, fils et frère d'avocat, a quitté la Cité ardente après un bref passage au barreau et au tribunal de la Jeunesse. II a débarqué à Neufchâteau, d'emblée comme procureur, en 1984. II dirige son parquet d'une main de maître, qu'il met à la pâte. Car le procureur monte au créneau, n'hésite pas à requérir. Au même rythme que ses substituts, il prend ses tours de garde.

«UN VÉRITABLE ROC»


Jean-Marc Connerotte est un véritable Chestrolais. Bien avant lui, son père travaillait au palais, comme secrétaire du parquet. II ne s'est pas toujours destiné à la magistrature. Licencié en philo et lettres de l'UCL, J.-M. Connerotte s'est envolé pour l'Australie où il a enseigné le français deux années durant. Après cette expérience aux antipodes, il a terminé des études de droit.

Jean-Marc Connerotte a plaidé aux barreaux de Tournai et de Douai (Nord). II a été nommé à Neufchâteau en 1987. II n'a donc connu que Michel Bourlet comme procureur. Et ne s'en plaint pas: C'est un véritable roc, inébranlable. Marié à une blonde Valentinoise (Drôme) et père d'une fillette, Jean-Marc Connerotte a eu un premier contact très particulier avec le monde judiciaire.


C'était au temps des manifestations estudiantines, à Leuven.
Des pandores lui sont tombés sur le paletot alors qu'il renouait un lacet récalcitrant.

MICHEL PETIT
__________________________

D’autres disparitions à élucider

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

Les fouilles qui se poursuivent dans les propriétés de Marc Dutroux laissent craindre la découverte d'autres victimes du pédophile et de sa bande.
Les gendarmes chargés de l'identification des corps ont constitué des dossiers anthropométriques dont les données pourront être comparées à celles recueillies en cas de découvertes d'autres corps.

Gevrije Kavas. Disparu à l'âge de 6 ans à Molenbeek alors qu'il jouait au football avec son frère. Il y a deux ans, la police avait relancé les recherches en reconstituant par ordinateur le visage qu'il devrait avoir aujourd'hui.

Ilse Stockmans. Cette jeune fille de 19 ans a disparu à proximité de la gare de Louvain, le 17 février 1987. Elle soufffrait de troubles de mémoire et prenait des médicaments.

Elisabeth Brichet. Disparue à Saint-Servais (Namur) le 20 décembre 1989, à quelques centaines de mètres de son domicile, alors qu'elle rentrait de chez une amie. Des recherches ont été menées jusqu'en Espagne.

Nathalie Geijsbregts. Cette fillette de 9 ans a disparu le 26 février 1991. Ses parents l'avaient déposée à un arrêt de bus scolaire à Bertem. Elle n'est jamais arrivée à l'école.

Loubna Benaïssa. Cette jeune Marocaine de 9 ans a disparu le 6 août 1992 alors qu'elle se rendait dans un supermarché d'Ixelles où elle n'est jamais arrivée. Toute possibilité de fugue avait été écartée.

Silvy Carlin. Cette jeune fille de 19 ans, disparue en 1995, habitait Sars-la-Buissière, le village où Marc Dutroux possédait la propriété où les corps de Julie et Mélissa ont été retrouvés.
Les enquêteurs se disaient persuadés qu'elle s'était suicidée. Sa maman a toujours affirmé qu'elle avait été enlevée.

Ken Heyrman. Disparu le 4 janvier 1994 en compagnie de sa soeur alors qu'il se rendait à un terrain de football. Kim, sa soeur, a été retrouvée dans les eaux du port d'Anvers. Le garconnet de 8 ans demeure introuvable.

Liam Van den Branden. Ce garçonnet de 2 ans jouait sur une digue, à Malines, lorsqu'il a disparu. Les policiers pensent qu'il s'est noyé. Ses parents affirment qu'il a été victime d'un enlèvement.

_________________

Des appels au secours de pédophiles et de leurs victimes

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

Depuis vingt et un jours, le pays est plongé dans l'horreur de l'affaire Dutroux. Face à la révélation du sort qu'ont connu Julie et Mélissa et An et Eefje, on ne peut s'empêcher de parler.

D'exprimer sa tristesse, son angoisse, de s'interroger sur les raisons qui poussent un être humain à agir de la sorte. On se pose des questions sur le fonctionnement de la société, du système judiciaire...

Les nombreuses lettres diffusées dans notre courrier des lecteurs (voir en page 2) témoignent du deuil partagé par la population.

Et puis, il y a ceux qui n'osent rien dire. En tout cas pas à visage découvert. Ceux-là ont une douleur trop profonde pour pouvoir la partager avec un proche.

A la centrale de Télé-Accueil, un service d'écoute téléphonique dans l'anonymat, depuis une quinzaine de jours, les appels liés aux angoissantes nouvelles de la région de Charleroi affluent. Aux réactions d'horreur ou de violence suscitées par la révélation du sort réservé aux deux premières victimes de Dutroux succèdent des témoignages de pédophiles confrontés aux pulsions qui les rongent.

Face aux réactions violentes du public vis-à-vis de la pédophilie, réactions que l'on comprend, certains nous ont contactés, explique Alfred Vannesse, directeur de l'antenne bruxelloise de Télé-Accueil.

Manifestement, ils avaient besoin d'exprimer leur malaise alors qu'ils ne trouvaient évidemment aucun interlocuteur dans leur entourage. A ceux-là, les volontaires de Télé-Accueil ont prêté une oreille attentive, une étape indispensable avant toute démarche d'aide, celle-ci étant proposée en fin d'entretien.

Au service d'urgence psychiatrique des Cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles, les appels et visites de victimes d'actes de pédophilie ont été beaucoup plus nombreux que d'habitude.

- Ces agressions sexuelles ont toujours existé, précise le Dr Vincent Dubois, de la cellule de crise psychiatrique. Mais la médiatisation de l'affaire Dutroux a fortement ébranlé les victimes de pédophiles. Le cauchemar qu'elles avaient vécu est remonté à la surface, entraînant souvent de grands troubles.

La mort de Julie et Mélissa, d'Anet Eefje aura peut-être servi à mettre des pédophiles face à leur déviance. Motivés par la honte ou l'angoisse, certains d'entre eux ont peut-être enfin pu reconnaître leur mal et, qui sait, commencer à le dompter et le soigner.

______________________

Les députés européens se mobilisent

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

Jour de deuil au Parlement européen.

Atteints par le chagrin et le sentiment d'impuissance, les députés n'ont pas caché leur effroi devant les crimes commis en Belgique. Ils ont demandé que l'Union européenne se mobilise davantage pour étendre la traque aux abuseurs d'enfants. Beaucoup de députés ont insisté sur l'erreur d'avoir sous-estimé, partout, la gravité de la pédophilie et de ses crimes.

- Nous sommes tous coupables d'indifférence, de laxisme, s'est écriée une Française . Il a fallu attendre le drame de l'affaire Dutroux pour inscrire ce débat à l'ordre du jour de notre assemblée, alors qu'un million d'enfants sont livrés chaque année aux marchés du sexe dans le monde.

Trop souvent, a insisté la socialiste belge Raymonde Dury, lorsqu'il s'est agit de procès en pédophilie, on a constaté une incompréhension ou un refus de mesurer la gravité de ce que l'on semble considérer comme inévitable », quand ce n'est pas interprété comme un « consentement» des victimes.. .

Cette loi du silence a également été dénoncée par la libérale Anne André qui, depuis 1992, réclame en vain une commission d'enquête parlementaire sur l'exploitation sexuelle et les enlèvements d'enfants. Le drame éclate aujourd'hui, parce que jusqu'à présent, la société a toujours voulu ignorer l'existence de la pédophilie! Maintenant, estime Mme André, il ne faut pas s'endormir. Les parlementaires ont réclamé une meilleure coopération judiciaire et policière des Quinze dans la lutte contre l'exploitation des enfants, ainsi que l'inclusion, dans le traité européen, de dispositions sur la protection de l'enfant.

Selon eux, l'Office européen de police, Europol (dont la convention n'est pas encore ratifiée!), devrait pouvoir coordonner la lutte contre ces trafics, notamment par le biais d'un fichier informatisé. Enfin, certains ont estimé nécessaire de soutenir des associations comme « Marc et Corinne».

Par la voix de son vice-président, Léon Brittan, la Commission européenne a pris l'engagement de ne pas oublier « l'esprit de Stockholm ».

D'ici la fin de l'année, l'exécutif produira un rapport sur la traite des femmes. Sir Brittana a aussi annoncé que la Commission proposera des mesures destinées à décourager le «tourisme sexuel » et à chasser les pédophiles et les adeptes de la pornographie infantile du réseau Internet.

Il est difficile de poser les limites, surtout dans le contexte international, a-t-il reconnu. Mais la liberté ne peut permettre des abus inqualifiables.
Reste alors la question, soulevée par Paul Lannoye, de la place de l'être humain dans les choix politiques. L'écolo belge a plaidé pour que le bien-être des citoyens - et parmi eux des plus faibles - redevienne la priorité, sans quoi,, a-t-il dit, les mesures répressives et policières resteront inopérantes.

M.d.M.
______________________

Allocations pour enfants disparus

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

La ministre des Affaires sociales, Magda De Galan, vient d'annoncer la rédaction d'une nouvelle circulaire ministérielle prévoyant l'allongement de la période pendant laquelle les parents d'enfants disparus percevront les allocations familiales. Si l'Onafts (office national des allocations familiales des travailleurs salariés) l'approuve, ce qui selon le cabinet ne fait aucun doute, la mesure entrera en vigueur dès la mi-septembre.

Elle prévoit l'octroi, avec effet rétroactif pour les cas connus, des allocations pendant cinq ans après la disparition de l'enfant et ce, jusqu'à sa vingt-cinquième année.


Cette nouvelle circulaire retarde donc la limite d'âge (18 ans) prévue dans la procédure particulière prise en mars dernier alors que les parents de Julie et Mélissa avaient été avertis - de manière assez froide - de la fin de ces droits. La circulaire s'étendra aux parents travaillant dans des administrations tant nationales que provinciales et locales. Renseignements: Service juridique de l'Onafts : 02/237.21.00
________________________

Homonymie

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

M. Roberto Romano, administrateur délégué de la société Safar (Société Automobile farciennoise), sise 734 chaussée de Charleroi à Fleurus, tient à signaler qu'il n'a rien à voir avec le volet «vols de voitures» de l'affaire
Dutroux. Si un suspect, prénommé Romano, a bien été inculpé récemment à Bruxelles dans le cadre du vol de la Porsche du fils du procureur général de Mons M. Demanet, il ne s'agitpas de lui. M. Roberto Romano n'est en rien lié à cette affaire. Le parquet de Bruxelles l'a confirmé hier matin.
_____________________

Un tribunal international

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

La Belgique veut oeuvrer à la mise en place d'une juridiction internationale habilitée à juger des crimes commis partout dans le monde, notamment les abus sexuels d'enfants, afin de contrer l'immunité dont profitent les délinquants en raison des disparités nationales.


Le ministre des Affaires étrangères, Erik Derycke, doit proposer ce week-end à ses homologues européens un projet de déclaration fixant les priorités à adopter par l'Union européenne pour lutter contre les abus sexuels. La déclaration devrait s'inspirer des conclusions de la Conférence de Stockholm. M. Derycke y avait réaffirmé la nécessité de voir chaque pays mettre en oeuvre des mesures pour lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants. Un comité interministériel traitant de la criminalité internationale et des abus sexuels contre des enfants doit être créé sous peu par le gouvernement. (Belga)
______________________

Chez le juge d’instruction

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 18

Mardi, les parents de Mélissa Russo ont rencontré la juge d'instruction qui avait été chargée du dossier sur la disparition de leur fille. Bien qu'ayant rompu tout contact avec elle depuis plusieurs mois, la maman de Mélissa a désiré cette rencontre afin d'éclaircir ou de lever certains doutes, notamment en ce qui concerne l'identification de leur fille quand on a retrouvé son corps, le 17 août dernier.

Une fois de plus, les parents sont sortis déçus de l'entretien (Gino, le père, quittant même le cabinet du juge en cours «d'explication»), considérant qu'une fois encore on ne prenait pas leur demande en considération.





Le rôle de Nihoul, objectif des efforts policiers('Soir'5 septembre 1996 p17)


Le rôle de Nihoul, objectif des efforts policiers

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17

A Neufchâteau, les enquêtes sur le Bruxellois et sur Zicot se poursuivent dans la discrétion. Mais aussi très activement.

Hier, comme mardi,d'importantes opérations de police ont encore été engagées depuis Neufchâteau, où le juge Connerotte consacre tout son temps à ses dossiers 86 et 87 (concernant d'une part Marc Dutroux et l'assassinat de plusieurs jeunes filles et, d'autre part, Georges Zicot dans une affaire de vols de voitures).

En fin de matinée, via l'agence Belga, le procureur du Roi Bourtet a d'abord confirmé une partie des informations que nous révélions dans nos dernières éditions.., et démenti d'autres «nouvelles» qu'aucun quotidien n'avait évoquées.

II a ainsi confirmé que mardi à l'aube, le juge Connerotte a bien «rendu visite» à un notaire. II s'agit en fait d'un notaire carolorégien (et non bruxellois comme nous l'avions écrit erronément) chez qui on a saisi divers actes et documents relatifs aux maisons que Dutroux possède. A Bruxelles, c'est un collaborateur de ce notaire qui a fait l'objet de la curiosité des policiers.


Michel Bourlet a cependant infirmé (ce qu'aucun quotidien n'avait écrit) que de quelconques magistrats ou policiers soient impliqués dans les dossiers dont il a la charge. Le seul policier impliqué à l'heure actuelle, a-t-il précisé, est Georges Zicot; dans un dossier de vols de voitures ouvert après l'assassinat de Bernard Weinstein.

Le procureur de Neufchâteau ne fait aucun commentaire sur les perquisitions et interpellations effectuées ces dernières heures dans l'entourage de Jean-Michel Nihoul. C'est pourtant autour de ce suspect et de Georges Zicot que les efforts policiers semblent les plus importants et les plus prometteurs pour l'instant.

Plusieurs personnes ont encore été interpellées et entendues hier. Parmi elles: une femme qui avait déjà été interpellée (et laissée en liberté) il y a plusieurs jours.

A ce propos, une information révélée hier par l'agence Belga devrait intéresser les enquêteurs. C'est l'histoire d'une jeune Anversoise qui a été victime des abus sexuels de son beau-père. L'homme - aujourd'hui interné- était connu de la justice pour des faits de moeurs et a même été impliqué dans une tentative d'enlèvement manquée à Anvers. Il y a quelques jours, la jeune victime du pédophile, qui regardait la télévision, s'est soudainement exclamée, en voyant Jean-Michel Nihoul à la télévision, mais c'est Jean-Michel, je l'a vais vu à Bruxelles...Pour la fillette, «Jean-Michel» était un ami de son beau-père. La maman de l'enfant a immédiatement transmis cette information aux autorités judiciaires et le parquet de Neufchâteau en a communication.

En fait, les enquêteurs précisent progressivement l'image qu'ils peuvent avoir de Dutroux et de ses complices. D'une part, le monstre de Sars-la-Buissière leur apparaît de plus en plus comme un pédophile sadique et un voleur d'enfants, apparemment dans une situation financière précaire mais qui tirait des revenus discrets de la vente de vidéocassettes pédophiles.

D'autre part, Nihoul et ses complices pourraient avoir rempli un rôle d'intermédiaire entre Dutroux et les clients qui abusaient de «ses» fillettes.
Au-delà de ces développements discrets de l'enquête, des fouilles importantes se sont poursuivies hier à Keumiée (Wanfercée Baulet), sur les terres d'un ferrailleur mort dans des circonstances douteuses. Officiellement, on ne cherche là que des indices qui pourraient intéresser l'enquête.


Toutefois, selon certaines sources, les enquêteurs évoquent de plus en plus souvent la possibilité de découvrir, après celui de Weinstein, le cadavre d'un autre adulte qui aurait été victime d'un règlement de comptes dans la bande de Dutroux, et plus particulièrement dans le contexte des trafics de voitures volées auxquels elle se livrait.

ALAIN GUILLAUME (avec Michel Petit)

_________________________

Le Roi aussi veut toute la clarté

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17

II est extrêmement rare que le Palais royal intervienne publiquement à plusieurs reprises dans l'évolution d'un dossier. A fortiori, quand il est judiciaire. On peut donc interpréter le communiqué diffusé hier, dans lequel Albert II se disait déterminé à veiller auprès du ministre de la Justice à ce qu'aucune piste ne soit négligée et qu'aucune ambiguïté ne puisse subsister, comme une volonté réelle du Roi et de la Reine de ne pas laisser l'affaire Dutroux s'étouffer comme ce fut le cas pour d'autres, ces dernières années.

Le Roi, ajoutait-on au Palais, insistera auprès des ministres concernés, afin que tous les moyens soient mis en œuvre pour combattre sans relâche ce fléau sur le plan tant national qu'international et que des mesures de prévention soient prises pour éradiquer ce mal.

C'est dans cette optique aussi qu'Albert II, que l'on dit très préoccupé et ému personnellement par les événements, a téléphoné la semaine dernière et hier matin aux parents d'An et Eefje, sans pour autant oublier ceux de Julie et Mélissa (comme l'avait insinué une certaine presse prête à faire flèche de tout bois).

Dans la foulée de ces contacts, Albert II a également décidé de recevoir avec la Reine l'ensemble des familles touchées par le drame en tenant compte de la situation qu'ils vivent et dans le respect de leur deuil. Avec la même volonté de discrétion qui avait finalement prévalu lors des funérailles à la basilique Saint-Martin, l'emportant sur toute considération même protocolaire.

Gino et Carine Russo, accompagnés par Marie-France Botte, ont été reçus, hier matin alors que l'après-midi, Paul et Betty Marchal passèrent plus de deux heures avec les souverains ,une audience exceptionnellement longue.. Succédant à une rencontre du Roi avec le délégué général aux droits de l'enfant, Claude Lelièvre.
______________________

Les fouilles ont repris près des caches de Marc Dutroux

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17

Les fouilles ont repris, hier, en différents endroits susceptibles d'avoir servi de caches à Marc Dutroux et sa bande. Ainsi, une trentaine de gendarmes, des membres de la Protection civile, assistés de trois pelleteuses et du radar de sol du superintendant John Bennett (mais sans lui), ont investi une nouvelle fois le terrain situé à Keumiée (Wanfercée-Baulet).


C'est là qu'un démolisseur de 33 ans, Bruno Tagliaferro, avait exercé ses activités avant de mourir brutalement dans des circonstances toujours demeurées troubles, en novembre 1995. Bruno Tagliaferro était en relation d'affaires avec Mikaël Diacostavrianos que les riverains avaient souvent aperçu.

Des prévenus du dossier Dutroux auraient révélé que des indices étaient enterrés dans le vaste terrain près d'un hectare -- où Tagliaferro entreposait carcasses de voitures, ferrailles et vieux pneus. Pas de chien cadavres à Keumiée: les gendarmes soutiennent mordicus qu'on y recherche des indices, dont la nature n'a cependant pas été révélée. Il pourrait s'agir d'armes, selon certaines rumeurs. Les fouilles, qui devaient se poursuivre une partie de la nuit, pourraient prendre encore un jour ou deux: les chercheurs sont prêts à retourner tout le terrain sur une profondeur raisonnable, soit un à deux mètres.

A Sars la Buissière aussi, une certaine effervescence régnait hier. Un très important dispositif policier délimitait un périmètre de sécurité agrandi. Les gendarmes se montraient très vigilants et même les riverains étaient sous haute surveillance: pas question pour eux de sortir le caméscope ou l'instamatic à la fenêtre. Des gravats ont été évacués avant que les fouilles proprement dites ne reprennent. Elles furent interrompues vers 18 heures, vu l'intense fatigue des troupes.

Un convoi de la DVI assisté de chiens cadavres allemands a aussi sillonné un important périmètre en Thudinie. Les gendarmes se sont ainsi rendus à Biercée où pourrait se trouver une voiture suspecte dont le père de Marc Dutroux dit qu'elle a été jetée dans la Sambre par son fils. La DVI a également inspecte, avec minutie, un terrain près du château Grignard à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau de la propriété de Dutroux à Sars la Buissière. Ces recherches n'ont cependant rien donné. Elles devraient reprendre aujourd'hui.

F. M.
____________________

An et Eefje reposeront séparément

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17

An Marchal (17 ans) et Eefje Lambrecks (19 ans) faisaient du théâtre avec les « Arlequins de Hasselt. Parties ensemble en vacances, à Westende, elles avaient disparu en même temps et leurs deux portraits ont figuré pendant un an sur le même avis de disparition. An et Eefje ont été retrouvées côte à côte à Jumet, dans une propriété de Marc Dutroux.

Mais après avoir probablement subi d'identiques souffrances, elles seront enterrées séparément. C'est le père Lambrecks qui l'a voulu ainsi, à l'issue d'une année de désaccords avec les parents d'An sur la façon de mener les recherches. Betty et Paul Marchal ont décidé de respecter cette volonté. Les funérailles d'An auront lieu samedi.

Retour mercredi midi. Une centaine de personnes font la queue devant l'hôtel de ville de Hasselt où deux registres séparés -ont été déposés.
A l'intérieur, sur fond de drapeau belge, un grand portrait des deux jeunes filles réunies un beau bouquet de fleurs blanches et des paniers pour recueillir les condoléances.

Sur la façade de l'édifice, des drapeaux belges et blancs avec ruban noir, en berne comme l'espoir. La population est peu démonstrative, peu loquace mais elle laisse percer sa colère. Boos, boos... Fâchée contre
la justice qui a perdu dix précieux jours, juste après la double disparition des jeunes filles.

Une jeune fille blonde, qui fréquentait l'école d'An, exprime sa peur et son impuissance, une mère de famille sa déception face au double registre:
Je ne comprends pas que les familles aient poursuivi leurs disputes au-delà de la mort partagée de leurs enfants.

Julie et Mélissa étaient inséparables. Depuis quatorze mois, leurs parents font cause commune admirable. Mais qui peut juger?


On a appris, mercredi, que M. Lambrecks avait retiré sa plainte contre les Marchal. Hasselt, où les fêtes religieuses venaient de se dérouler dans une ferveur toute particulière, en présence de 700.000 spectateurs, sera ville morte, le prochain week-end.

Mercredi, 13 h 15, devant la maison des Marchal, en banlieue. Betty et Paul apparaissent sur le pas de la porte où six bouquets de fleurs ont été déposés. Le père a pris quelques notes. Ses tout premiers mots sont en anglais.

Des télévisions étrangères sont présentes.

Au nom des trois enfants qui leur restent, les époux Marchal remercient tout le pays pour le soutien très important qu'il leur apporte. Au procureur Bourlet qui leur a téléphoné mardi, ils ont demandé de transmettre leur reconnaissance à toute l'équipe des enquêteurs qui a si bien travaillé ces deux dernières semaines.

S'adressant aux journalistes: J'espère que vous resterez vigilants dans l'avenir car le problème est international...

Le Premier ministre a téléphoné, le Roi également, qui a reçu les Marchal dans l'après-midi. Juste après la visite à Hasselt du ministre de la Justice. Betty traduit les sentiments actuels du couple: Nous sommes heureux que cela soit fini.


Même si on souhaitait une autre solution. Nous sommes très proches de tous les parents de disparus. Carine Russo, la maman de Mélissa, a téléphoné aux Marchal, ce mercredi matin. Jean-Denis, Louisa et Maxime Lejeune, les parents et frère de Julie, leur avaient envoyé un fax, mardi soir:

Nous sommes encore plus liés qu'avant à eux, commente Mme Marchal, qui conclut à propos des parents Lambrecks: Nous regrettons d'avoir été brouillés durant un an. Mais nous sommes avec les autres parents. Parlons plutôt de ce qui va bien...

MICHELLE LAMENSCH
____________________________

Un appel de Jean Luc Dehaene aux parents d’An et Eefje...

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17

Le Premier ministre Jean-Luc Dehaene a, à l'instar du Roi, téléphoné personnellement aux parents d'An Marchai et Eefje Lambrecks pour leur présenter ses condoléances et dire qu'il s'engageait avec le gouvernement à mettre tout en œuvre afin d'éviter que de tels événements se répètent.


Le message des parents d'enfants disparus ou assassines, selon lequel des leçons doivent être tirées par les responsables politiques, doit être entendu, a ajouté le Premier ministre. Son porte-parole a précisé qu'il avait également envoyé une lettre aux parents de Julie et Métissa.

... et le report du « sommet du gouvernement


En outre, contrairement à ce qui était prévu, le «sommet» du gouvernement ne s'est pas réuni hier. Le gouvernement veut garder toute sa sérénité et ne pas donner l'impression qu'il passe simplement à l'ordre du jour après la découverte des corps d An et Eefje, a encore explique la porte-parole de M. Dehaene. Mardi, le «sommet» réuni à Val-Duchesse avait été interrompu par la découverte des corps des deux jeunes Limbourgeoises. (Belga.)

________________________

Les évêques « écrasés et révoltés»

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17

Dans un communiqué diffusé au nom des évêques de Belgique, l'évêque d'Hasselt, Mgr Paul Schruers, exprime la profonde émotion des évêques après l'annonce de la mort de An et Eefje.

Nous nous sentons écrasés et révoltés que chose pareille soit possible dans notre monde, a écrit l'évêque limbourgeois au nom de ses pairs. Les évêques de Belgique espèrent également que la vie et la mort de An et Eefje contribueront à l'avènement d'une société nouvelle, où tous seront respectés dans leur être profond d'hommes et de femmes, en particulier les enfants et les jeunes. (Belga.)

__________________________

Minute de silence dans tous les stades

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17


L'Union belge de football a tenu à manifester sa sympathie aux familles en deuil et demande à tous ses clubs de respecter une minute de silence à l'occasion des rencontres qui se dérouleront ce week-end. (Belga.)

___________________________

PSC et VLD veulent la clarté

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17

Deux partis politiques, le PSC et le VLD ont demandé hier, eux aussi, que toute la clarté soit faite sur l'affaire Dutroux. Les sociaux-chrétiens avaient avancé leur rentrée politique pour la circonstance et ont plaidé pour une modification de la loi sur la libération conditionnelle.

De son côté, Herman De Croo, le président du VLD, a manifesté sa sympathie aux parents Marchal et Lambrecks et a annoncé que son parti soumettrait à la commission de la Justice les propositions élaborées à l'occasion de son congrès sur la justice de mars 1995. (Belga.)

___________________

Registres de condoléances

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 17

Comme ce fut le cas pour Julie et Mélissa, de nombreuses administrations communales ont, de nouveau, ouvert des registres de condoléances après la découverte des dépouilles d'An et Eefje. Impossible de les citer toutes mais c'est, notamment, le cas a Bruxelles, Anvers et Charleroi ainsi qu'au Parlement bruxellois. Pour les autres localités, il est recommandé de s'adresser directement à l'administration communale. (Belga.)





Débat ('Soir'5 septembre1996 p2)


A BOUT PORTANT
Philippe Marion : Professeur à l'UCL, chercheur à l'observatoire du récit médiatique

Sur la manière dont la presse belge, flamande comme francophone, a traité la terrible découverte de Jumet.

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 2

Depuis trois semaines, toute la presse belge se focalise sur l'affaire Dutroux. Il peut paraître dérisoire de «communautariser» la question mais les analystes des médias constatent-ils des différences de traitement entre le nord et le Sud?


Des nuances entre la manière dont on a parlé de Julie et Mélissa et des deux Hasseltoises ?
Nous avons, à vrai dire,été frappés par la très grande similarité d'approche. C'est particulièrement vrai maintenant mais ce l'était déjà après l'horrible découverte de Sars la Buissière. La révolte de la population à Grâce-Hollogne et à Neufchâteau contre ce qui s'était passé figurait en aussi grosses lettres et photos à la «une» des journaux flamands.

C'est peut-être banal de le répéter mais quand le pays doit affronter un pareil électro-choc, une grande séparation, comme l'avait aussi été la mort du roi Baudouin, l'identité nationale resurgit. Pour ce qui est maintenant d'An et Eefje, on peut constater que l'on a conservé une relative unanimité dans le traitement et l'expression des émotions.


On pourrait aussi faire remarquer qu'à l'instar des parents de Julie et Mélissa, Paul Marchal a parfaitement compris le rôle de la presse pour tenter de faire bouger les choses, n'hésitant pas à aller vers les caméras de manière aussi courageuse que digne...

Les parents Russo et Lejeune avaient parfaitement compris qu'à défaut de faire bouger les trois pouvoirs, il fallait s'adresser à celui qu'on dit être le quatrième et faire face à la médiatisation. Paul Marchal se situe un peu dans cette lignée et est d'ailleurs devenu fort proche des parents de Grâce-Hollogne. Une solidarité d'ailleurs totalement réciproque pour ne pas parler de complémentarité.

D'un point de vue plus général, y-a-t-il une évolution dans le récit médiatique proprement dit?

En effet. Quand on prend l'ensemble de la presse depuis la découverte de Julie et Mélissa, on constate une sorte d'essoufflement, de satiété, d'inflation dans l'émotion. En fait, les journaux suivent d'une certaine façon la lassitude un peu désespérée de l'opinion publique. Un signe de cet écoeurement est qu'il y a un épuisement aussi dans la rhétorique: au-delà de l'horreur absolue, il n'y a plus rien à dire! On a également fait ce constat à propos de l'illustration, de l'image: vu qu'il n'y a pas grand chose à montrer sur l'évolution directe des événements, il y a eu moult cartes et infographies sur les fouilles et photos des inculpés.

Cette inflation est aussi perceptible dans la manière dont on montre les acteurs importants de l'affaire.
C'est le père d'An Marchal qui lance «We moeten niet meer zoeken!»(Nous ne devons plus chercher) comme si on ne pouvait plus aller au delà.
Certains vont plus loin en donnant de nombreux renseignements sur l'identification des restes humains alors qu'il y a quelques jours, on se penchait surtout sur l'organisation de la justice...
Oui, c'est une volonté didactique qui surprendrait sans doute en temps normal mais que l'on n'aurait pas osé publier au moment de la découverte de Julie et Métissa. C'eût été une sorte de lèse-émotion.
Par contre, les papiers didactiques sur le fonctionnement du système judiciaire étaient une manière de manifester une certaine révolte contre l'inertie de la Justice.

Quand on voit l'évolution du traitement de l'affaire, on a l'impression d'avoir atteint un sommet...
Cela paraîtra paradoxal mais il est clair que si la presse a finalement secoué les décideurs, amenant certains à faire marche arrière, c'est au prix d'une certaine inflation de traitement. Le problème est que quand l'émotion est hypertrophiée, elle tombe à court. La presse doit en fait gérer à la fois l'information et l'émotion. Il y a, en effet, peu de chances qu'on puisse encore aller plus loin.

Propos recueillis par CHRISTIAN LAPORTE

___________________

Carte blanche : Crimes sexuels une opinion

« Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996 page 2


Il y a des crimes dont l'horreur provoque une réaction unanime de rejet sans appel. Ils poussent la société à s'interroger sur l'application de la loi du talion et pour certains à demander le rétablissement de la peine de mort. C'est le cas des meurtres d'enfants ou d'adolescents par des pervers sexuels.

Il faut faire une distinction entre le pédophile qui cherche à capter la confiance de l'enfant ou de son entourage pour parvenir à ses fins, et le maniaque sexuel guettant sa proie pour assouvir ses pulsions jusqu'au meurtre.

Il n'en reste pas moins que la répétition de drames récents (ndlr : en France) comme le meurtre de Karine par un violeur récidiviste libéré, l'affaire Luc Rigolle, auteur de 6 viols, (alors qu'il était sous traitement et qu' il avait décidé de l' arrêter de son propre chef!), le meurtre avec viol de la jeune Anglaise, le réseau de pédophilie découvert en Belgique, l'enlèvement et l'assassinat de Mélissa et Julie, An et Eefje, choquent l'opinion et lui font se poser des questions.

Pourquoi relâcher des criminels, obsédés sexuels, alors que l'on connaît, au travers de ces derniers exemples, le taux très élevé de récidives? L'emprisonnement à vie est-il la seule solution, à l'exclusion de la peine de mort, pour protéger les enfants, victimes potentielles?

N'y a-t-il pas de solutions médicales pour modifier le comportement «abominable» de ces pervers et si oui, pourquoi ne pas les utiliser systématiquement? Sur ces points, je souhaite en tant qu'homme, médecin et parlementaire, faire connaître mon sentiment.

Qu'ils soient pédophiles ou maniaques sexuels, ces obsédés sont reconnus responsables de leurs actes. Ils font preuve d'habileté pour parvenir à leur fin et doivent être mis hors d'état de nuire en raison même de leur tendance à la récidive.

Même lorsqu'un acte sexuel grave, le viol par exemple, n'aboutit pas au meurtre, c'est toute la vie de la victime qui sera, elle, marquée à perpétuité.

La loi de février 1994 a prévu des peines incompressibles de longue durée, la libération conditionnelle pouvant néanmoins être envisagée après l'avis de trois experts psychiatres, puis celui de cinq magistrats.
Je suis à ce propos très surpris du luxe de précautions que l'on prend à l'égard de ces maniaques sexuels. Il est bon d'avoir à demander l'avis de la Commission Nationale d' Éthique, d'admettre les réserves du Sénat, encore faudrait-il ne pas en rajouter quant au respect de la liberté du maniaque, lorsque l'on sait le cas que celui-ci a fait de la liberté, voire de la vie des jeunes innocents.

En effet, de quoi s'agit-il? D'accepter une possible libération uniquement sous couvert d'absorption de médicament anti-androgéniques capables de maîtriser la libido accompagnant la délinquance sexuelle.
Ces médicaments existent et même s'ils ne suppriment pas la nécessité de poursuivre une psychothérapie au long cours, ils n'en sont pas moins un élément de sûreté indispensable à tout nouveau contact avec la société. Les médecins qui prescrivent des produits comparables contre le cancer de la prostate se posent moins de questions que certains psychiatres, et ils ont raison ! Dans les mesures de lutte contre la toxicomanie, «l'injonction thérapeutique» existe et là non plus, on ne se pose pas trop de questions quant à la qualité du consentement du toxicomane à qui l'on fait l'obligation judiciaire de se soigner. Ce n'est pas parce que l'obsédé sexuel aura eu en prison un comportement «normal» que l'on doit se sentir autorisé à le libérer puisque, dès ce moment, il retrouvera l'objet de ses pulsions dont la prison l'avait justement éloigné.

Mes conclusions et mes propositions rejoignent celles de nombreux spécialistes. (...)

Mais je vais plus loin que certains : une libération de délinquants sexuels même après des années de «bonne conduite» ne peut se concevoir que sous couvert de l'obligation absolue et incompressible de soins à vie sous contrôle judiciaire. C'est ainsi que la société fera son devoir tant vis-à-vis de l'être humain que reste l'obsédé sexuel que vis-à-vis de victimes innocentes potentielles.

Ces « anti-hormones » existent. Elles traitent la libido, composante majeure de la pulsion sexuelle. Tant que les établissements spécifiques destinés à soigner ces pervers seront limités à deux en France, il faudra s'assurer que la prescription de l'anti-hormone soit réelle. (...)Comme on peut concevoir que le maniaque modifie son traitement, je propose des injections régulières sur convocations ou des prises quotidiennes sous contrôle strict du produit oral (on le fait bien pour la méthadone), en attendant une forme injectable qui est toujours préférable.

Je propose également un «bracelet électronique de sûreté» indestructible qui serait imposé dès la sortie de prison. Au moindre rendez-vous manqué, le délinquant sexuel serait recherché et considéré comme évadé dangereux.

Au deuil national qui touche nos voisins belges doit répondre une réflexion de fond, qui, en s'appuyant sur la conscience collective doit faire réellement évoluer les choses.

Ce n'est qu'à ces conditions que notre société fera son devoir, sans succomber à la tentation de la loi du talion. Sinon, comment un juge qui aurait remis en liberté un meurtrier en puissance pourrait-il jamais soutenir le regard des parents d'un enfant violé et tué par un récidiviste libéré?
Il semblerait qu'une première estimation permettrait de penser que ces dispositions nouvelles, si elles étaient adoptées, pourraient déjà s'appliquer à près de 3 à 4.000 personnes actuellement détenues dans les prisons françaises pour perversité sexuelle.

Le souvenir de ces vies perdues et le respect dû à la mémoire de ces enfants martyrs doivent, au delà de l'émotion et du sentiment de révolte, nous amener à donner à notre société la volonté et les moyens de se défendre avec succès contre ceux qui s'adonnent au pire des trafics, celui de la «chair humaine ».

Dr MICHEL GHYSEL Député du Nord (France)

________________________

Courrier des lecteurs

Sabine, Laetitia, Julie, Mélissa, An, Eefje: suite des nombreuses réflexions en marge du sinistre dossier Dutroux.

(...) Si de tels monstres font des trafics d'enfants, c'est que la demande est très grande! Et combien d'hommes parmi cette foulle déchaînée qui réclame la peine de mort, n'assouvissent ils pas leurs fantasmes avec ces mêmes enfants, que ce soit dans notre pays ou dans ces pays pauvres où les enfants sont quasi en vente libre! (...)
La pédophilie est un très grave problème de société, car elle a beaucoup plus d'adeptes que l'on ne soupçonne ou ne veut soupçonner, car lorsqu'il s'agit d'affaires de moeurs l'hypocrisie de la société n'a pas d'égal. Ces pédophiles, trop facilement, appelés des malades le sont en effet bien moins que nous le croyons: certains, peut être? Mais beaucoup parmi eux ont délibérément choisi d'assouvir leurs fantasmes avec des enfants de plus en plus jeunes afin d'éviter toute contamination du virus du sida. (...)
Ce problème de la pédophilie nous concerne tous: nous condamnons les dirigeants du pays et les messieurs mais vous mesdames n'êtes-vous pas aussi complices de vos hommes?
En effet, combien d'entre vous ne préfèrent-elles pas fermer les yeux sur les agissements de leur mari ou compagnon plutôt que de faire éclater un scandale familial? (...)
G., une prostituée d'Anvers

La société fabrique ses Monstres et ses Saints. Après d'ultimes réflexions, n'est-ce pas dès la petite enfance qu'il nous faut veiller: les habitudes prises,alors, se répercutant sur toute la vie.
Notre choix de bons films, revues, spectacles, vidéos.., feraient la faillite des marchands de tous bords.
Par notre taux d'écoute, nous pourrions infuencer la T.V., éradiquer violence et sexe dont elle nous inonde.
Par nos encouragements et notre volonté, nous pourrions aider l'école et obliger le «Politique à choisir nos enfants avant le fric. Par notre exemple, notre manière honnête de voir les choses, nos discussions éclairées, nous serions des guides au lieu d'être des moutons bêlants. Un monde meilleur? A nous, de le vouloir.
J. Detaille (Montigny-le Tilleul)

(...) Avec le recul, et nous rappelant qu'il n'y a pas si longtemps, pour une histoire de financement de parti politique ô combien dérisoire face à l'horreur qui nous touche aujourd'hui, un éminent responsable de l'appareil judiciaire nous faisait la leçon sur la primauté du droit face à la démocratie.
Curieusement, l'éloquence de ces personnalités ne se fait jamais entendre devant la destruction morale et les tortures physiques que subissent les enfants.
Nous avons même entendu, pendant ce triste week-end, des sommités s'opposer à la peine incompressible au nom de l'espoir à laisser à ces monstres pervers de retrouver une place dans la société. (...).
Expliquez-nous, Messieurs, on ne comprend pas! Ayez au moins le courage de ne plus vous considérer comme des puits de vérité et cessez de nous considérer comme des analphabètes qui ne s'expriment que dans des moments de passion, ne connaissant rien de la réalité ou n'ayant pas le droit à l'information quand elle met en cause les erreurs inqualifiables dans le travail de la justice. (...).
A. M. Matthys (Chassepierre)

Depuis deux semaines, une phrase me revient en tête, lancinante, celle que Julos Beaucarne a prononcée lorsque, il y a 24 ans, son épouse a été sauvagement assassinée. Il a dit simplement: il faut s'aimer à tort et à travers. Il fallait le dire et, encore mieux, essayer de le vivre. Oserions nous redire cette phrase aujourd'hui? Et pourtant! Tout en souhaitant que chacun fasse son travail dans la société et que la justice suive son cours fermement, je pense qu'il est important que nous nous tournions quelques instants vers le dedans de nous-mêmes pour nous demander comment, chacun et chacune, nous pourrions vivre un peu plus d'amour au quotidien afin que le monde soit si non meilleur, au moins plus vivable. Fameux programme, tâche immense et jamais terminée mais la seule dont nous sommes vraiment entièrement responsables.
Je sais que d'aucuns trouveront que mes propos tiennent quel que peu du «sermon. Ce n'est que ma prière personnelle, elle n'engage que moi, mais je la fais de tout mon coeur.
M.-J. Krings (1170 Bxl)

A l'heure où la sécurité sociale est mise sous question, il apparaît choquant qu'un Marc Dutroux ait pu abuser une mutuelle et bénéficier de revenus de remplacement, alors que de son propre aveu à l'assistance sociale, il «bricolait». Un «bricolage» juteux sur le plan financier et crapuleux sur le plan moral. (...) J'aimerais savoir quelle action va être intentée pour récupérer les sommes indûment perçues par Dutroux et Martin?
Je conviens que cet aspect peut paraître secondaire, eu égard aux horreurs commises, aux réparations dues aux victimes et à leurs familles, mais que des allocations sociales soient si généreusement attribuées à des individus aussi douteux, déjà bien avant la découverte des sinistres événements, me sidère. Le suivi des dossiers par des assistants sociaux n'est-il pas à revoir? Quels sont les médecins qui reconnaissent aussi facilement un handicap, une invalidité? La générosité du système n'empêche hélas pas les dérives et les excès ne pourront qu'affecter les bénéficiaires honnêtes, d'où la nécessité de contrôles plus rigoureux, exercés par des gens alliant compétence et humanité
J.-C. Vergeylen Montigny-le-Tilleul)


(...) Une fois de plus se pose la question de la prévention. Comment éviter que quelqu'un ne devienne violeur ou pédophile? Le déchirement des familles, l'éducation permissive que nous acceptons n'y sont-elles pas pour une part? La débauche systématiquement présentée à tout public est-elle innocente? Le besoin de stimulants nouveaux, sans cesse affinés, n'en est-il pas une conséquence directe ? Le laisser-faire, le laisser aller ne sont-ils pas le levain dans une pâte plus facile à pervertir qu'à maîtriser? La liberté de chacun devant s'arrêter au seuil de la liberté et du respect des autres, peut-elle, au nom du plaisir, du jeu, du fric, bref de l'égoïsme, être abandonnée à la décision de quelques marginaux qui embrouillent notre coeur et nos sens? Les médias, par audimat et donc publicité sonnante et trébuchante interposés, pourront-ils jeter longtemps encore violence et sexe débridés en pâture à tous, déstabilisant une société, modifiant ses repères?
(...) Un virage a angle droit n'est il pas urgent? Julie, Mélissa, An, Eefje tant d'autres aussi, ici ou ailleurs ne peuvent être mortes pour rien. Leurs parents ne peuvent souffrir pour rien. Légiférer une fois de plus sous le coup de l'émotion à l'encontre des seuls criminels incarcérés, même si cela s'avère indispensable, n'empêchera pas d'autres de prendre la relève, surtout face à une demande inquiétante. Or c'est cette relève aussi qu'il faut absolument empêcher. Une fois de plus, on en revient à l'éducation dans les familles, à l'école, à l'apprentissage du respect de l'autre (...). Et en attendant, il faut punir tous les protagonistes de cet horrible commerce humain, y compris tous les demandeurs, même de haut niveau, à l'origine du mal. Tout ne peut plus être permis. (...).
P. Lenfant (Ath)

Le produit d’une société(«Soir»5 septembre1996)


Le produit d’une société

« UNE » du journal « Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996

L'horreur s'est ajoutée à l'horreur, le dégoût au dégoût, la colère à la colère. On ne sait s'il faut pleurer ou hurler.

Après s'être incliné, premier devoir, devant la douleur des familles dont les enfants ont été ainsi piétinés.

Non, Dutroux n'est pas seulement un accident effroyable. Il est né dans une société de violence et d'agressivité, de «bruit et de fureur», où l'argent et le chacun pour soi justifient trop de comportements.

Une société où tant de gens se retrouvent seuls et qui génère ses paumés, ses tarés, mais aussi ses pervers. Tous ceux qui ont acheté les vidéos pédophiles et autres vendues par Dutroux et ses complices, à prix d'or, ou qui ont «consommé» ces enfants, ces jeunes femmes, cherchent aujourd'hui plus que jamais à disparaître des projecteurs. Mais c'est aussi leur demande qui a entraîné ce déchaînement d'abominations.

Ces abominations qui défient l'imagination n'ont pas été commises à Gloucester dans la «maison de l'horreur» ou aux antipodes par on ne sait quel «monstre», elles ont eu lieu dans notre pays, dans la société belge, dans des quartiers tranquilles qui n'ont rien vu ou rien dit, rien prévenu, dans un environnement semblable à celui dans lequel nous respirons, travaillons, aimons.

L'enquête montrera si Dutroux et sa bande ont bénéficié de complicités ou si leur monstrueuse perversité s'est développée à l'insu de tous. Dutroux est un criminel froid, organisé, calculateur, que l'ont décrit comme insensible. Mais a profité aussi de ces multiples silences, de ces compromissions, de ces petites ou grandes lâchetés de gens qui l'ont côtoyé, y compris dans les milieux policiers.

En dehors des vrais et criminels complices de Dutroux, tous ces gens ne voulaient certes pas aider le psychopathe horrible qu'on découvre, ils ne connaissaient sans doute pas la portée de ses agissements mais, à leur niveau, ils n'ont pu empêcher le mal absolu de se développer.

GUY DUPLAT
_______________________

Chocs humains et judiciaires en écho à l'horreur de Jumet

« UNE » du journal « Le Soir » du jeudi 5 septembre 1996

Deuil pour An et Eefje. Fouille, enquêtes et un contrecoup ; le procureur général de Mons en congé pour deux mois.

Très triste. Et pas fière. Ces mots d'une dame qui attendait hier devant le funérarium de Hasselt traduisent l'abattement qui a saisi la population. Après Julie et Mélissa, après la découverte mardi des corps des deux Limbourgeoises An et Eefje à Jumet,l'enquête de Neufchâteau sur les crimes du réseau de Marc Dutroux se poursuit par des auditions, des perquisitions et d'autres fouilles qui, hier, n'ont quasiment rien donné.

Par ses prolongements liés aux dysfonctionnements d'enquêtes antérieures sur Dutroux et sur les disparitions de jeunes, et parallèlement aux dossiers touchant aux trafics de voitures, l'affaire Dutroux a provoqué hier un autre choc au niveau judiciaire: le procureur général de Mons, Georges Demanet, qui a été l'objet d'allégations diverses liées à la récente inculpation de son fils Philippe dans un dossier d'escroquerie à l'assurance, est à sa demande mis en congé exceptionnel pour deux mois par le ministre de la Justice. M. Georges Demanet, procureur général près la Cour d'appel de Mons, a demandé hier au ministre de la Justice à pouvoir bénéficier d'un congé exceptionnel de deux mois, a annonce peu avant 18 heures un communiqué du cabinet du ministre. Dans son courrier, le procureur général précise qu'il adresse cette requête par souci de l'intérêt général et pour permettre de préserver, dans ce climat de suspicion généralisé, une impartialité et une indépendance absolue. Le procureur général à la Cour de cassation, M. Velu, poursuit entre-temps son enquête disciplinaire, à laquelle M. Demanet apportera son entière collaboration chaque fois que le souhait en sera formulé. Le Ministre de la Justice a accordé le congé exceptionnel sollicité.
La décision de Georges Demanet, qui se défend avec force d'être intervenu dans le dossier d'escroquerie qui concerne notamment son fils Philippe, exprime le souci de se protéger comme celui d'écarter de l'institution tout soupçon.

Agé de 61 ans, Georges Demanet est procureur général à Mons depuis 1984 et, depuis mai dernier, il est le doyen du collège des procureurs généraux, après l'accès à l'éméritat du procureur général de Liège Léon Giet. Dans le dossier Dutroux, Georges Demanet s'était opposé au début de 1992 à la libération conditionnelle dû condamné, pourtant signée par le ministre Wathelet.

À Charleroi, le procureur du Roi Thierry Marchandise a de son côté réagi aux informations selon lesquelles il y aurait collusion entre des magistrats carolorégiens, des gendarmes ou des policiers et le milieu de la pègre.
II a annoncé avoir demandé hier par écrit au ministre de la Justice de charger une autorité adéquate de faire toute la lumière sur cette affaire et sur la collusion qui existerait entre le milieu judiciaire de Charleroi et la pègre.


Hier matin, le procureur du Roi de Neufchâteau avait démenti que des magistrats ou d'autres policiers que Georges Zicot soient impliqués dans les dossiers dont il a la charge.

Toute la lumière: c'est ce que recherchent les 250 enquêteurs lancés dans le détricotage de la filière Dutroux. Hier, ils ont pris connaissance du témoignage d'une fillette qui désigne Jean Michel Nihoul comme le violeur auquel l'avait livré son beau-père, lui-même pédophile. Selon certaines sources, les enquêteurs serait sur la piste d'un autre cadavre, celui d'un adulte qui aurait été victime d'un règlement de comptes au sein de la bande Dutroux.

Les fouilles se sont en tout cas poursuivies à Keumiée, sur le terrain du ferrailleur décédé Bruno Tagliaferro. Le «radar de sol» du superintendant britanni que John Bennett a été mis en action et les pelleteuses ont longuement fouillé le terrain. A Sars-la-Buissière, un important dispositif policier a été déployé pour isoler le terrain où les cadavres de Julie et Mélissa avaient été découverts des regards indiscrets.

Pendant ce temps, à Hasselt, l'heure était au recueillement. Des fleurs ont été déposées devant les domiciles de An et Eefje.
An sera enterrée samedi. La date des funérailles de Eefje n'a pas encore été fixée. Et le Roi a tenu à exprimer personnellement l'attention qu'il porte à l'enquête en recevant successivement les parents de Mélissa Russo, puis, dans l'après-midi Paul et Betty Marchal.

R.Hq., AI G., M.L. et F.M.

Il y aura d’autres morts(«Dernière heure»5 septembre 1996 pg4)


Il y aura d’autres morts

« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 4

Reçue hier par le roi, Marie-France Botte ne peut masquer son scepticisme

BRUXELLES - « C'est triste, mais il y en aura d'autres. D'autres morts. Parce que l'on n'a pas accepté que l'inacceptable puisse se produire. Marie-France Botte a déjà, dans nos colonnes (lire la DH du 23 août), dit l'indignation face aux agissements de la bande Dutroux. Elle a répété le combat de tous les instants mené depuis dix ans, en Asie du Sud-Est et en Belgique, pour lutter contre les abuseurs d'enfants. Reçue hier par le Roi, le même Albert II à qui elle avait remis, deux ans plus tôt, la pétition de 370.000 signatures prônant une politique plus cohérente en la matière, l'égérie du combat anti-pédophile ne peut pourtant s'empêcher d'afficher, aujourd'hui, au lendemain de la découverte des corps d'An et Eefje, un certain scepticisme.

« Je croyais beaucoup, pourtant, après Julie et Mélissa, que tout allait changer. Plus le temps passe, plus je crains que l'on ne colle des mesures d'urgence à tous les étages pour rassurer la population, sans trop savoir où l'on va à plus long terme : c'est une fausse solution. La crise est gérée dans l'urgence et j'ai peur que, dans quelques années, tout le monde se rendorme et que tout redevienne comme avant...

J'ai confiance en Bourlet »

- Avez-vous encore confiance en la justice?
- Marie-France Botte : «J'ai confiance en Michel Bourlet. La justice s'est contentée, jusqu'ici, de largement démontrer son absence totale d'humanité. La seule image humaine du système, c'est Bourlet.
Je crois sincèrement qu'il a la carrure d'aller jusqu'au bout. Ce qu'il a dit à la RTBf (NDLR: (Si on me laisse faire ») n'était pas un lapsus, c’était une manière habile de tirer la sonnette d'alarme. II a en outre précisé que toutes les personnes figurant sur les cassettes seront poursuivies : cela veut bien dire que Dutroux ne s'y retrouve pas seul. Je suis persuadée que Michel. Bourlet est révulsé par ce qu'il découvre. Pour le reste, j'ai longtemps espéré que quelqu'un du gouvernement admette : « Oui, on s'est trompé, on a mal fait, on n'a pas la conscience tranquille. » Mais non... On a traité la population belge comme on a traité les parents des gamines pendant 14 mois. On nous prend pour des moutons. On a épilogué, par ailleurs, sur les erreurs de l'enquête : n'accusons pas trop vite la petite police et la PJ, qui n'en auraient pas fait assez. Le véritable problème est que l'impulsion n'est pas venue d'en haut. Si un orchestre fonctionne mal, il faut plutôt aller voir du côté du chef d'orchestre. Mais je répète que si tout a été mal géré de A à Z, c'est avant tout parce que l'on n'a pas voulu croire que des réseaux pédophiles existaient chez nous : pourtant, depuis le scandale du Cries et celui de Spartacus, on aurait quand même pu s'interroger.

- Vous avez évoqué publiquement les soutiens dont disposerait Dutroux...
- M.-Fr. Botte : « Pourquoi cela fonctionnerait-il différemment en Belgique qu'en Asie ? Il est clair qu'il faut des appuis pour protéger un système tel celui de Dutroux. Certaines choses sont passées au dessus de la tête de la justice, déjà en 1985, quand il a été condamné pour viol et séquestration de mineurs : dès qu'il y a séquestration, cela signifie des partenaires multiples pour l'enfant, cela signifie filière, réseau et cassettes pornos. Quelque part, il doit exister une liste, une disquette, avec ces utilisateurs... Dans le monde, de telles cassettes mettant en scène des fillettes de moins de dix ans qui subissent de réelles violences sexuelles se monnaient jusqu'à un demi-million de francs : ce n'est pas non plus Monsieur Tout-le Monde qui peut sortir une telle somme...

- Quelle est votre position par rapport aux peines incompressibles ?
- M.-Fr. Botte : « Je crains que les pédophiles ne laissent pas leur victime en vie, pour ne pas risquer une peine de 30 ans incompressible. Ces peines rassurent la population, mais elles ne solutionneront rien. Après 30 ans, le pédophile sortira, il n'aura pas été traité et aura peut-être encore devant lui 15 ans d'activité sexuelle.

Propos recueillis par Nancy Ferroni

-------------------------------

Le Roi et la Reine ont reçu les familles Russo et Marchal

Ils ont donné l’assurance que l’enquête ira jusqu'au bout

« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 4

BRUXELLES - Pour la première fois, depuis le triste samedi où les enquêteurs ont découvert les corps de Julie et Mélissa, le Roi a rencontré hier Gino et Carine Russo. On se souvient que les familles Lejeune-Russo avaient exprimé leur désir de ne voir aucun représentant du Roi aux funérailles de leurs enfants. En vacances à la Côte d'Azur, les Souverains avaient néanmoins envoyé un télégramme et fait parvenir une couronne de fleurs a Grâce-Hollogne.

Nombreuses sont les voix, dans la population, qui se sont faites entendre. Pour critiquer cette absence...
Hier matin, c'est en compagnie de Marie-France Botte que les Russo ont été reçus par le roi Albert Il et la reine Paola au palais de Bruxelles.

Il ne s'agissait pas d'une audience ordinaire, ni d'une visite de courtoisie. Si les Russo sont venus à Bruxelles, c'est pour obtenir du chef de l'État des garanties formelles: celle que leur fille et la petite Julie ne sont pas mortes pour rien, garantie, aussi,-que l'on ira jusqu'au bout de l'enquête. Gino et Carine Russo sont arrive s au palais avec une série de points précis à évoquer. Il fut également question des dysfonctionnements de l'enquête depuis 14 mois...

L'entrevue a duré deux heures. On apprenait plus tard du palais royal que le Roi et la Reine, qui, le matin même, ont eu un contact téléphonique personnel avec les parents d'An Marchai et d'Eefje Lambrecks, tenaient désormais à rencontrer toutes les familles concernées par le drame: dans l'après-midi, Paul et Betty Marchal étaient au palais. Plus tard, le papa d'An Marchal devait qualifier cet entretien de « cordial, significatif et plein d'espérance ».

Dans un communiqué qui suivait, le Roi a exprimé la détermination avec laquelle il continuera à veiller, auprès du ministre de la Justice, à ce qu'aucune piste ne soit négligée, pour que la clarté totale soit faite sur ce drame et ses implications et qu'aucune ambiguïté ne puisse subsister... Albert II insistera auprès des ministres concernés pour que tous les moyens soit mis en oeuvre pour combattre sans relâche ce fléau de la pédophilie, sur le plan tant national qu'international, et pour que des mesures de prévention soient prises. Une prise de position peut-être tardive, mais tout à l'honneur du Souverain, qui devrait se faire représenter aux funérailles d'An et Eefje.

Par ailleurs, il semble établi, a présent, que les parents de Julie et Mélissa, qui seront en direct à l'émission Témoin numéro 1, sur TF1, le 16 septembre, vont bien créer une association en mémoire de leurs enfants. Il s'agirait d'apporter aux familles confrontées au drame de la disparition d'un enfant, un soutien psychologique, une aide de tous les instants.
Ce qui a tellement manqué aux Russo-Lejeune. De l'humanité.

Nancy Ferroni
------------------------------------

La personnalité de Dutroux décortiquée

Au service du mal sous toutes ses formes


« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 4

BRUXELLES - « Vous enlevez la pédophilie, il reste 95 % de Marc Dutroux. » Clair et net : considérant les éléments de l'enquête fournis par les médias, informations qu'il a pu confrontrer à sa longue expérience, le Dr Ansseau (Unité de neuropsychiatrie du CHU de liège) ne croit pas à la version qui expliquerait les actes horribles de Dutroux à la lumière de ses penchants' pédophiles.

Cet aspect de sa personnalité est réel, mais très marginal. En fait, cet homme ferait n'importe quoi pour autant que cela lui rapporte de l'argent et, pourquoi pas, du plaisir », indique le Dr Ansseau.

C'est un psychopathe, un être antisocial, sans aucune morale, sans le moindre respect de l'autre.

Il s'est odieusement attaqué à des enfants, parce qu'il estimait que cela lui était financièrement profitable.

Tout comme d'organiser des trafics de voitures... Il n'a d'ailleurs pas hésité à martyriser une personne âgée pour se faire du fric.
Marc Dutroux semble avoir mis au point un système de défense visant à minimiser sa participation dans les actes criminels les plus répréhensibles, pour autant qu'il soit possible de graduer l'horreur...
Il est un fait qu'il a tout intérêt à se faire passer pour pédophile », poursuit le Dr Ansseau. « Cela atténuerait probablement sa responsabilité dans cette terrible affaire, il bénéficierait d'un traitement, alors que ses conditions de détention pourraient être, disons, aménagées. »

Berner son monde
Comment concevoir une éventuelle prise en charge thérapeutique d'un tel individu ? « Je n'ai pas eu l'occasion d'expertiser son cas », note le Dr Ansseau. « Toutefois, à mon sens, c'est quelqu'un avec qui on ne peut rien faire, si ce n'est le tenir à l'écart de la société de manière prolongée. Dutroux est un criminel parfaitement responsable de ses actes. Il ne manifeste aucun regret. Il n'y a pas de souffrance chez lui, il ne demande pas d'aide. Les seuls qui souffrent, ce sont les autres. En prison, il adoptera un profil bas, sans faire de vagues. Il attendra patiemment de pouvoir sortir.
L'intelligence de Marc Dutroux a plusieurs fois été soulignée par les enquêteurs. « Il apparaît en effet comme un pervers intelligent, au service au mal - qu'elle qu'en soit la forme capable de mettre sur pied une organisation criminelle structurée, complexe. Il a pu, aussi berner pas mal de monde ces dernières années. N'était-il pas régulièrement suivi par une assistante sociale et un psychiatre, qu'il a convaincus que tout allait bien ?
Lors de ses précédents séjours en prison, il ne lui a manifestement pas fallu longtemps pour comprendre comment ne pas s'y éterniser... C'est un fait : cet individu est particulièrement dangereux.

J. M.

-----------------------------------

Dutroux toujours sans défenseur mais

La bâtonnière de Neufchâteau promet un avocat avant le 13


« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 4

NEUFCHÂTEAU - Marc Dutroux n'a toujours pas trouvé d'avocat pour l'assister. Quelques jours après son arrestation pour les enlèvements et les meurtres d'enfants et de son complice, Dutroux a fait appel au barreau de Neufchâteau, où aucun avocat n'a accepté la défense du sinistre personnage.

Mardi soir, la nouvelle bâtonnière de Neufchâteau, Me Annet (elle est entrée en fonctions le 1er septembre), a convoqué le conseil de l'Ordre où siègent notamment d'anciens bâtonniers.

Les sept avocats réunis n'ont pris aucune décision. Me Annet rappelle encore qu'il lui appartient de désigner un défenseur, soit au sein de son propre barreau soit à l'extérieur.

Risque pour la carrière et la sécurité
Il va de soi que la gravité du problème dépasse largement Neufchâteau. Nous avons des contacts avec l'ensemble des barreaux. Il est normal que l'on s'entoure de tous les avis. Nous devons étudier les conséquences à l'égard de la personne qui sera désignée.

Car au-delà de la difficulté d'assurer la défense dans un tel drame, se posera la question de la réputation de l'avocat. Avec u n risque sur la suite de sa carrière, voire sur sa propre sécurité.
Tenue par l'obligation légale de trouver un avocat, la bâtonnière, épaulée par le conseil de l'Ordre, a suspendu toute décision. Ce choix est guidé aussi par l'évolution constante de l'enquête.

Toutefois, ajoute encore Me Annet, je ferai en sorte que Marc Dutroux ait un avocat pour sa prochaine comparution devant la chambre du conseil.
Celle-ci, appelée à prolonger le mandat d'arrêt, est théoriquement fixée au 13 septembre.
A noter que, contrairement à son mari, Michelle Martin n'a pas saisi le barreau.

M. Pe.

------------------------------

La voie des peines effectives

« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 4

BRUXELLES - Le PSC a fait rebondir, mercredi, le débat sur les peines incompressibles. Même si, dans la plus pure tradition sociale chrétienne, il s'agit d'un rebond de petit pois enrobé d'une solide couche d'antidérapant. Il n'empêche : alors qu`on croyait le mécanisme- au grand dam de l'opposition libérale francophone - à jamais condamné par l'actuelle majorité, le comité directeur du parti social-chrétien lui redonne - timidement - une consistance.

Exceptionnellement réunie hier pour évoquer la saga de l'été, l'instance dirigeante du parti a, en effet, réclamé « une aggravation des peines effectives dans les cas de violences à l'égard des mineurs ». Qu'entend-on, à !a rue des Deux Eglises, par peines effectives ?

Tout bonnement des peines incompressibles qui refusent de dire leur nom ? Le PSC ne se risque pas à le définir clairement, qualifiant la polémique sur ces dernières d e «faux débat ».
Ce qui compte, à ses yeux, c'est de protéger la société. Comment?

D'abord en rendant possible le maintien en détention des délinquants sexuels, même au-delà du terme de leur peine, si an n'a pas la garantie qu'ils ne sont plus dangereux pour la société.
Le même principe s'applique aux possibilités de libération conditionnelle, qu'il s'agit de revoir pour s'assurer que le coupable reste en détention plus longtemps que ce n'est le cas aujourd'hui. En consacrant donc le principe des peines incompressibles? Le PSC refuse de trancher formellement.

«Mais il n'y a pas trente-six solutions », explique Charles-Ferdinand Nothomb. ((Renforcer les peines effectives, soit la durée de l'emprisonnement réel, ne peut se faire qu'en allongeant la durée des peines prévues dans !e code pénal, ou en allongeant le délai avant lequel un individu peut bénéficier d'une libération... »

Ch. C.

-----------------------------

Droit aux allocations pour tous les parents des victimes

A l’initiative de la ministre des affaires sociales


« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 4

BRUXELLES - Après plusieurs mois de préparation, une circulaire ministérielle va être signée d'ici à deux semaines pour permettre l'octroi d'allocations familiales pendant cinq ans après la disparition d'un enfant.

Le texte qui sera valable pour tous les travailleurs autres qu'indépendants pour lesquels le ministre des Classes moyennes est compétent, prévoit l'octroi, avec effet rétroactif pour les cas connus actuellement,
des allocations familiales pour une durée de cinq ans a dater de la disparition de l'enfant, et ce jusqu'à l'âge de 25 ans.

Les dispositions de la circulaire ministérielle limiteront leurs effets aux seuls cas de disparitions d'enfants inopinées, sans indication de l'endroit où ils se trouvent et jusqu'au moment où on les retrouve, avec un délai maximum de 5 ans.

A l'exception des fugues et des rapts familiaux
Cette dernière disposition a été prise pour éviter d'avoir à couvrir une série d'autres cas de disparitions, tels que les fugues ou les rapts d'origine parentale.
Selon Mme Nicaise, conseillère de la ministre des Affaires sociales Magda De Galan, la difficulté de la prise de décision s'explique par l'inadaptation du cadre légal (qui est, par définition, toujours général) aux cas particuliers de ces derniers mois.

A la suite des tracasseries administratives posées notamment aux parents de Mélissa Russo qui s'étaient vu suspendre au cours de l'automne dernier les allocations familiales dont ils bénéficiaient pour leur fille, une première circulaire avait été mise en chantier.

Elle aurait d û recevoir l'aval du comité de gestion de l'office national d'allocations familiales pour travailleurs salariés (Onafts), mais celui-ci souleva quelques questions. Elles portaient notamment sur la fin du droit d'allocation, initialement fixé à 18 ans.

Avant de remettre la nouvelle circulaire en chantier, on a été confrontés au problème posé par la situation du papa d'An Marchal, enseignant de profession et qui ne dépendait pas de la caisse d'allocations familiales pour les travailleurs salariés.

La première circulaire aurait donc amélioré la situation de la famille Russo, mais pas celle de la famille Marchal. Ce premier document, qui n'est jamais entré en vigueur, excluait également toute allocation pour Eefje Lambrecks au-delà de l'âge de 18 ans.

Du fait qu'elle prolonge l'intervention jusqu'à l'âge de 25 ans et qu'elle sera ministérielle, la nouvelle circulaire apportera une réponse favorable à l'ensemble des cas précités.

-----------------------------

G.Demanet part en congé

Son fils étant inculpé


« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 4

MONS - Georges Demanet, procureur général près la cour d'appel de Mons, a obtenu du ministre de la Justice, à bénéficier d'un congé exceptionnel de deux mois. Il agit, d'après un communiqué, par souci de l'intérêt général », et pour permettre de préserver, dans ce climat de suspicion généralisée, une impartialité et une indépendance absolue ». Pendant ce temps, M. Velu, procureur général à la Cour de cassation, poursuivra son enquête disciplinaire, « à laquelle M. Demanet apportera son entière collaboration, chaque fois que le souhait en sera formulé ».

L'intérim sera assuré par M. Misonne, premier avocat général. Le contexte, on le connaît : Philippe Demanet vient d'être inculpé pour escroquerie à l'assurance par le juge d'instruction bruxellois Laffineur. Et ce, suite aux aveux spontanés de Bernard Adam, de mardi dernier, comme quoi il « avait volé la Porsche de Philippe Dema net à sa propre demande, contre une prime de 5OO.ODOF» Une prime qu'il n'a jamais reçue !

Règlement de comptes?
Me Gérard Rivière, avocat de Philippe Demanet,nous affirme qu'il est victime d'un règlement de comptes.
« Pourquoi Adam a-t-il avoué cela, trois ans après les faits, alors qu'il n'était pas inquiété, et justement, alors que Zicot venait d'être arrêté ? Pour moi, c'est une stratégie pour faire tomber Philippe Demanet, fils du procureur général de Mons!»

Philippe Demanet aurait été victime de sa naïveté et de sa passion aveugle pour les Porsche. Selon Me Rivière, il s'en est procuré, non pas trois mais quatre. Sa toute première, il l'aurait un jour prêtée à Adam: celui-ci la lui aurait (comme par hasard) gravement accidentée... Bien désolé, il lui aurait proposé de lui procurer une Porsche, neuve (mais en fait déjà volée une fois !), qu'il a en stock la fameuse Porsche 911 Carrera 4; 3,6 litres, louée en leasing par Demanet ! La Porsche qui sera volée en Espagne en septembre 1993...par Adam !

C'est ce dernier qui avoue encore avoir maquillé la voiture en Italie, et l'avoir ensuite rapatriée en Belgique: précisément, elle a...dormi jusqu'à sa toute récente saisie judiciaire, dans un garage que Adam louait 3.000 F par mois.
Pourquoi ne pas l'avoir revendue ? », Interroge Me Rivière ! Philippe Demanet a été blanchi de ce vol par la Royale Belge. II s'est acheté, en financement, une autre Porsche qu'il revendra, pour s'acheter sa dernière Porsche, en occasion : la 911 Carrera Cup,rouge, de rallye. Celle-là que Zicot, en enquêteur officieux, trouvera à Ransart, et suspectera d'être celle volée en Espagne ! Me Rivière nous apprend que M. Laffineur l'a fait saisir... et qu'il l'a restituée à Philippe Demanet le 5 janvier 1996 !
Cela explique-t-il bien des choses ?

G. M.

------------------------------

ONE : L’Onkelinx va relancer la prévention

« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 4

BRUXELLES - Laurette Onkelinx, ministre-présidente de la Communauté française, devrait annoncer, ce midi, la relance massive et le renforcement des actions de prévention en matière d'abus sexuels des enfants. La cellule de crise de l'ONE (Office de la Naissance et de l'Enfance), qui, en marge de l'affaire Dutroux, s'est réunie une première fois le mardi 27 août, et hier tout l'après-midi, entend ainsi fournir, tant aux parents, qu'aux enseignants, et, surtout, aux enfants, des réponses concrètes et adéquates, « en nuançant et en pondérant les messages, en fonction de chacun de ces publics ».

Ecoute 24 h / 24h
Si le contenu exact du plan d'action ne sera dévoilé que ce midi, on sait que les réunions entre représentants de la ministre, de l'Aide à la Jeunesse, du délégué général aux droits de l'enfant et des équipes SOS-enfants ont débouché sur du concret. Laurette Onkelinx a notamment donné son feu vert au fonctionnement, 24 h sur 24, de la ligne téléphonique Ecoute-enfants (0800/14400), qui croule sous les appels.

Un souhait qu'avait exprimé Claude Lelièvre depuis l'ouverture de la ligne en 1994. Le même délégué général souligne que la Communauté française s'est déjà dotée d'outils de prévention efficaces : il restait à amplifier leur mise en oeuvre. Ce que la ministre présidente entend faire.

N. F.



Peu de fleurs chez les parents(«Dernière heure»5septembre1996p3)


Peu de fleurs chez les parents

« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 3

Des centaines de personnes ont pourtant signé les registres de condoléances à Hasselt


HASSELT - « Je ne connaissais pas les familles d'An et d'Eefje. Mais je tenais à venir ici. Ce qui s'est passé est effroyable.

Et je ne peux m'empêcher de critiquer la justice qui a libéré Dutroux ou les policiers qui n'ont pas réagi assez rapidement. »

Comme des centaines d'autres personnes, qui ont défilé hier dès 8 h dans la grande salle de la maison communale de Hasselt, Josée De Bruyckere (58 ans), de Deurne, a écrit quelques mots dans les registres de condoléances. Quatre Ilvres, deux pour chacune des familles, avaient d'abord été ouverts. Devant l'afflux, on a ensuite amené deux, puis quatre autres registres supplémentaires, répartis de part et d'autre d'un grand portrait d'An et Eefje.

Au-dehors, jusqu'à 19 h, la foule s'est pressée sous les six drapeaux blancs en berne, hissés à la façade de l'hôtel de ville. Dans la file, de très nombreux adolescents.

Aux abords de l'hôpital Virga-Jesse, où se trouvait le corps d'Eefje, et du funérarium de la chaussée de Campine, où reposait celui d'An, un calme étrange a régné toute la journée, contrastant avec l'ambiance à la maison communale. Très peu de gens se sont présentés à ces endroits. Seul le cercueil d'Eefje était visible.

Nous n'avons aucun contact avec les parents d'An. Le funérarium est fermé pour l'instant », commentait un responsable des pompes funèbres Pierards.
Calme identique près des maisons du papa d'Eefje et des parents d'An. En fin d'après-midi, une dizaine de bouquets de fleurs avaient été déposés devant la maison d'Eefje, guère plus devant celle d'An. Un mouvement populaire sans commune mesure avec celui déclenché par la mort de Julie et de Mélissa.

Dans la matinée, Paul Marchal a néanmoins tenu à remercier tout le pays pour le soutien que sa famille a reçu. Il a plus particulièrement rendu hommage au procureur du Roi de Neufchâteau et à ses collaborateurs. Il a souligné que tous les parents des enfants disparus constituent maintenant une grande famille. Les époux Russo et Lejeune ont été parmi les premiers à contacter Paul et Betty Marchal.

Emmenés vers le palais royal
A 16 h, le ministre de la Justice Stefaan De Clefck (qui a cinq enfants, dont deux filles de 17 et 19 ans, soit l'âge d'An,et d'Eefje) a rendu visite aux parents Marchal. Il s'est entretenu avec eux durant 45 minutes. Il leur a présenté ses condoléances et a donné des informations sur l'enquête, sans toutefois entrer danses détails. Le ministre s'est ensuite rendu dans la famille d'Eefje.

A 17 h, deux Mercedes du palais royal ont emmené Paul et Betty Marchal, ainsi que leurs trois enfants, vers Bruxelles. Le Roi et la Reine les ont reçus durant une heure. Albert Il leur a fait part de la profonde émotion des Souverains et de leur effroi à l'annonce de la nouvelle tragique. La famille Lambrecks est attendue au palais ce jeudi.

Le Premier ministre Jean-Luc Dehaene a lui aussi téléphoné aux parents, mercredi. Il leur a fait part de son intense compassion. Jean-Luc Dehaene leur a également déclaré que « leur message courageux » doit être entendu, indiquant qu'il s'engageait avec tout son gouvernement à « tout mettre en oeuvre afin d'éviter que de tels événements se répètent ».

La ville de Charleroi a encore invité la population à s'associer à la douleur des familles Marchal et Lambrecks. Des registres de condoléances et des urnes destinées à recevoir des messages de sympathie qui seront transmis aux familles endeuillées sont accessibles dans les différentes maisons communales. Les drapeaux y sont également en berne.

Benoît Franchimont
______________________

CAMARADE DE CLASSE

Un choc énorme


« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 3

HASSELT - Sur les marches de la maison communale d'Hasselt, Ingrid Vandenbroeck (18 ans) plie et replie entre ses doigts un ruban noir. An Marchal était sa copine de classe. L'an dernier encore, An et Ingrid étaient assises sur le même banc de l'Institut technique libre des Ursulines.

Avec ses amis, Ingrid est venue signer le registre des condoléances. « C'est toute la classe qui est venue.


Tous ensemble. Le matin, nous nous sommes réunis pour savoir ce que nous allions faire.
Nous avons acheté des rubans noirs, que l'on a portés à l'école toute la matinée.
J'ai appris la nouvelle à la télévision. On parlait d'ossements, puis on a cité les noms d'An et d'Eefje.

J'ai ressenti un choc énorme, l'ai toujours cru qu'An était en vie. Très vite, tout le monde s'est appelé au téléphone, pour parler de cette horreur. Mardi, sa meilleure amie, Wendy, n'est pas venue à l'école. Elle était sans doute trop choquée.

An Marchal venait de terminer sa sixième année secondaire aux Ursulines. Elle allait commencer une spécialisation en puériculture. Ingrid était dans la même classe qu'elle depuis deux années. Le corps d'An a été découvert le jour de la rentrée des classes. « Quand on a appris sa disparition, l'ensemble de la classe s'est mobilisé.

Nous avons participé aux recherches, aux battues. Et nous n'avons pas compris pourquoi la police ne croyait pas plus à l'hypothèse d'un enlèvement. La police n'a pas fait correctement son travail.
Pour Ingrid, An était « très sympathique, calme, gentille, toujours prête à aider les autres. Elle aimait beaucoup les animaux, surtout les petits, les lapins et même les souris ! » Dutroux ? « Il ne mérite plus de vivre. On devrait lui infliger les mêmes tortures que celles qu'il a fait subir à an et Eefje.

B. F.
____________________

An et Eefje s’étaient connues dans une troupe de théâtre

« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 3

HASSELT - An et Eefje s'étaient rencontrées voici deux ans environ dans une troupe de théâtre pour enfants, Harlekijn, qui joue au Centre culturel de Hasselt. Le directeur de la troupe, Pierre Coppens, se souvient.
Eefje Lambrecks faisait du théâtre depuis plus longtemps déjà. C'était une bonne comédienne, très débrouillarde. An Marchal, elle, est arrivée plus tard.
Elle a tout de suite été intégrée dans le groupe et s'est liée d'amitié avec Eefje. Les derniers moments, elles étaient tout le temps ensemble.

En août 95, quand An et Eefje sont parties en vacances à la côte, elles n'étaient pas seules. Cinq autres jeunes de la troupe Narlekijn étaient parties avec elles, au Marina park de Westende. Le soir du 22, An et Eefje avaient décidé d'aller voir, seules, le spectacle de Rasti Rostelli. On connait la suite.
Jour après jour, c'est toute la troupe qui a attendu des nouvelles des deux jeunes femmes.

Quand elles ont disparu, nous étions en train de monter Reinaart de Vos (une adaptation du Roman de Renard, Ndlr). Eefje devait y tenir le rôle de Chanteclair, le coq, et An celui d'une femme qui racontait l'histoire.

An était assez timide mais avait fait beaucoup de progrès. Je crois qu'elle s'épanouissait vraiment dans le théâtre. La pièce a été reportée. On attendait une issue heureuse à cette étrange disparition. On ne voulait pas commencer sans elles. En mai dernier, nous avons finalement donné !e spectacle. Deux autres jeunes ont repris les rôles d'An et d'Eefje. Les parents Marchal et Lambrecks sont venus assister au spectacle.
C'était un moment d'intense émotion. Sur la brochure, nous avions également imprimé les photos des eux jeunes femmes disparues.

Mobilisation
Une quarantaine de jeunes de Hasselt, âgés de 12 à 20 ans, font partie de la troupe Harlekijn. Dès 'annonce de la disparition, tous ont participé aux recherches. C'est un groupe très soudé, qui a fait tout ce qui était possible pour aider à retrouver An et Eefje. Les jeunes ont participé aux battues, distribué des messages ou vendu des autocollants pour les parents.
Quand, le samedi soir, on a annoncé la découverte des corps de Julie et Mélissa, la troupe était en train de jouer au Centre culturel.
Des rumeurs prétendaient qu'on avait aussi retrouvé An ou Eefje. La pièce a continué, mais dans une ambiance pénible. Ensuite, on a repris espoir. Jusqu'à mardi. Nous allons tous nous réunir ce jeudi, pour décider ce que nous allons faire, notamment pour les enterrements. Nous monterons aussi sans doute une nouvelle pièce, à la mémoire d An et d'Eefje.
En attendant; je vais aller voir les parents. Ce que je ressens aujourd'hui est indescriptible.

B. F.

---------------------------------

Répercussions dans la population

Appels angoissés chez les psychiatres


« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 3

LIÈGE - « Chaque jour, l'horreur franchit un nouveau palier. Nous sommes proches, à présent d'un seuil maximal: il existe des limites au-delà desquelles la charge émotionnelle n'est plus supportable.

Elle risque alors d'engendrer de très sérieuses conséquences psychologiques. D'autant que, dans cette terrible affaire, l'angoisse s'ajoute à l'émotion : chacun craint pour ses propres enfants.

Julie et Mélissa, An et Eefje, et peut-être d'autres malheureuses victimes encore : la Belgique vit un véritable cauchemar. Qui se fait déjà ressentir dans les cabinets des spécialistes. « L'impact psychologique de ces macabres découvertes est déjà sensible auprès des personnes psychologiquement fragiles », poursuit le Dr Ansseau, de l'Unité de neuropsychiatrie du CHU Sart-Tilman (Liège).
«A l'instar de la plupart de mes confrères, j'ai reçu de nombreux appels de patients, notamment dépressifs, me demandant de les recevoir le plus rapidement possible. Ils manifestent des sentiments de frustration, d'angoisse, de dépression... directement liés aux événements récents. Chez ces personnes, les répercussions peuvent s'avérer catastrophiques. En fait l'affaire Dutroux est devenue un élément dont nous devons tenir compte dans notre pratique quotidienne. »

Sans précédent
Les inquiétudes du Dr Ansseau ne portent pas uniquement sur les patients. « Le traumatisme est réeldans l'ensemble de la population», indique-t-il.


«Chacun l'exprime de manière différente – en fondant en larmes, en intériorisant... - selon sa personnalité, selon son passé, surtout si l'enfance a été marquée par des épisodes de violence, d'abus sexuels... Il reste que le choc, qui a considérablement ébranlé nos concitoyens, devrait se traduire par un accroissement des troubles psychologiques. »

Notre interlocuteur relève également un renforcement du sentiment d'insécurité. « Dutroux, c'est votre voisin, c'est le mien. Un homme apparemment banal, peut-être serviable, qui a commis des actes abominables. Dans ces conditions, comment faire encore confiance à qui que ce soit ? » Une réaction qui s'explique, aussi, par la proximité des faits. «


C'est la première fois, me semble-t-il, que notre pays est confronté à un drame de ce genre, dont l'ampleur et dont les mécanismes dépassent tout ce que l'on pouvait imaginer. »

Profondément affectés, les Belges ne se remettront de tout cela qu'avec difficulté. « Il est important qu'ils se persuadent que la justice suit son cours sans hésitation, que le pouvoir politique agit, qu'ils bénéficient d'une information claire, complète et objective », conclut le Dr Ansseau. « Une période de récupération va suivre. Mais le chemin est encore long... »

J. M.
___________________

Funérailles : Dans la même église?

« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 3

HASSELT -Les funérailles d'An Marchal auront lieu samedi à 14 h, a annoncé hier soir Paul Marchal. Aucune décision sur d'éventuelles funérailles communes - comme cela avait été le cas pour Julie et Mélissa - n'est encore prise.

La dépouille d'An Marchal se trouve au funérarium Pierards à Hasselt. Aucune disposition n'a encore été prise pour un éventuel accès au grand public. Des centaines de personnes se sont déjà rendues au funérarium Jamart de Kuringen où repose le corps d'Eefje Lambrecks.

Par ailleurs, un service de prières en mémoire d'An Marchai et Eefje Lambrecks se tiendra également samedi dans la cathédrale d'Anvers.
L'officiant en sera l'évêque d'Anvers, Mgr Van den Berghe. La cathédrale sera accessible entre 11 h et 13 h 30. Un livre sera ouvert pour les intentions de prières ou les condoléances. Il sera remis aux parents des deux victimes. A midi, une prière commune se tiendra en mémoire des personnes disparues.

Dans un communiqué diffusé au nom des évêques de Belgique, l'évêque de Hasselt, M9' Paul Schruers, exprime la profonde émotion des évêques après l'annonce de la mort d'An et• Eefje : « Nous nous sentons écrasés et révoltés que chose pareille soit possible dans notre monde.

B. F.
____________________

LA MORT REFUSES

Le deuil passe par le doute


« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 3

BRUXELLES - « Pour moi, il reste malgré tout un doute... » Carine Russo, la maman de Melissa, poursuivait, hier, dans ces colonnes: « Il faut qu'on se rende à l'évidence, mais ce n'est pas facile. L'identification n'a pas été faite de manière scientifique et rigoureuse.

Cette réaction de doute a pu surprendre, quelques jours après les funérailles particulièrement émouvantes de Julie et Mélissa. « Il s'agit d'une étape que je qualifierai de classique dans le cadre du processus de deuil », explique le Dr Ansseau, neuropsychiatre au CHU de liège. « En fait, après le choc initial, consécutif à l'annonce du décès, les proches entrent dans une phase de déni. Ils ne veulent pas y croire. Ils refusent l'évidence, ils sont dans l'incapacité d'accepter la vérité.

Dans le cas des parents de Mélissa, le fait qu'ils n'aient pas pu reconnaître le corps avant l'inhumation ajoute évidemment à ce sentiment d'incertitude. Pour autant que cette situation persiste, le risque est réel de bloquer le processus de deuil, avec des conséquences néfastes.
Carine Russo rappelle avoir demandé, avec son mari, de pouvoir identifier sa fille. Cela leur a été refusé, pour leur « bien psychololique ». N e s'oriente-t-on pas vers 'effet inverse

En tout état cause, souligne le Dr Ansseau, la phase de déni fait place, habituellement, à celle de la révolte, lorsqu'on essaie à tout prix de trouver un responsable – pas forcément le bon - à la mort de la personne aimée (par exemple une mède qui reproche à son époux d'avoir acheté une voiture à leur enfant, décédé dans un accident de la route). Le processus de deuil se poursuit par une période de dépression, avant d'aboutir à l'acceptation, a la résignation -« la vie continue... ». Des stades profondément douloureux dont la durée varie, évidemment, de manière sensible selon les cas.

J.M.
__________________

Francis Brichet crie sa colère

La rancoeur d'un papa


« La Dernière heure » du jeudi 5 septembre 1996 page 3

NAMUR - Francis Brichet, le père d'Elisabeth, n'a que des reproches à adresser à la justice et aux hommes politiques. Le papa d'Elisabeth Brichet vit avec beaucoup d'émotion et de tristesse l'interminable et effroyable succession des événements judiciaires actuels. Il déclarait, mercredi: « C'est abominable... Je crois que je suis au bout du rouleau. Je n'arrive même plus a imaginer la douleur des parents. En ce qui concerne Élisabeth, je préférerais qu'on me téléphone pour m'annoncer qu'on l'a retrouvée à Jumet que de la savoir dans un réseau de pédophilie. »


Mais M. Brichet a bien des ressentiments à exprimer en dehors de la répulsion qui l'anime à l'égard des membres de la bande de Marc Dutroux. Il les dirige vers tous les responsables : « Je dénonce l'inertie de la justice et l'apathie des hommes politiques qui ne prennent pas les mesures nécessaires. Je répète que notre justice est faite par des fonctionnaires.

M. Brichet explique avoir reçu de nombreux appels de la part de personnalités politiques, dont M. Busquin, qui tenaient à lui apporter leur soutien, mais, «parmi eux, il y a beaucoup de minables qui ne cherchent qu'à se mettre en valeur alors que leur rôle devrait être d'informer la population ».


Le père d'Elisabeth ajoute que le premier ministre est resté en vacances alors que la Belgique était presque en situation de deuil national.

Ces hommes, maintenant qu'ils sont là, font du cinéma...
Pourtant, on n'attend d'eux qu'une seule chose : qu'ils lèvent le secret de l'instruction pour les victimes. Ils en parlent depuis 20 ans… C'est un scandale. »

Quand va-t-on me téléphoner ?
Face à ces interventions incessantes auprès de lui, M. Brichet parle du calvaire des parents. Mais il dénonce encore plus la situation dans laquelle on laisse ceux qui ont vécu des drames similaires en perdant des enfants et dont personne ne s'occupe parce qu'ils n'ont pas alerté les médias à temps.
Comme ce vieux grand-père que j'ai vu l'autre jour à la télévision et qui pleurait son petit-fils. Pour lui, la police n'avait rien fait.
M. Brichet persiste à critiquer la manière dont « les magistrats, sans doute bien aimables, ne l'ont pas tenu informé de l'évolution du dossier». Aujourd'hui, il n'exclut pas que sa fille soit parmi les victimes de la bande Dutroux. « Je ne me demande plus qu'une seule chose : quand va-t-on me téléphoner pour me dire ce qui est arrive à ma fille ?


Je n'ai plus aucun espoir. Mais au moins qu'on aide les autres,» M. Brichet annonce par ailleurs qu'il a été informé de ce qu'un proche est parti pour les Pyrénées afin de vérifier les faits rapportés par une Dinantaise qui prétend y avoir vu Elisabeth.

S. Q.

Free Web Counters
Free Counter