jeudi 25 septembre 2008

Le courage des agneaux - - Bourlet - Connerotte : Compagnons de la justice (« Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 46 et 47)


LE COURAGE DES AGNEAUX

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 46

 Il en est donc dans les affaires criminelles liégeoises comme dans les élections: on prend les mêmes que quatre ans avant, et on recommence. Avec l'espoir, cette fois, que commanditaires, fripouilles et assassins téléguidés paient le prix de leur(s) crime(s), quelle que soit leur position.

Un espoir vraiment trop naïf ? Dimanche encore, à l' issue de Controverse, 95 pourcent des téléspectateurs estimaient que, non, l'enquête sur l'assassinat d'André Cools n'irait pas au bout. Mais leurs 8000 coups de téléphone ont fait sauter le standard de RTL-TVI, et l'ampleur de cette marée de réactions montre combien ils voudraient croire que la vraie opération Mains Propres a commencé en Belgique.

Comme tous les Belges. Comme tous ceux qui sont saisis de révolte comme, en une vingtaine d'années, le

je m'en-fichisme  et l'égoïsme bien belges ont progressivement glissé vers le fatalisme, puis la peur de perdre sa place et ses avantages si on dénoncait ouvertement certains comportements. Puis la peur tout court, dans divers milieux dirigeants.

Oui, on en est arrivé là  aujourd'hui en Belgique: certains, dans cet «État de Droit», vous avouent sous le manteau qu'ils ont carrément la trouille de révéler ce qu'ils savent. C'est nouveau. Dans ce royaume à la corruption de république bananière, on s'était peu à peu résigné à une caricature de démocratie.

Les perspectives qui nous sont offertes ne sont guère exaltantes, d'accord.

Liberté de communiquer ?

Proximus ou Mobistar. Espoir de prospérité? Lotto ou Télé Kwinto. Programme politique? Bruges ou Anderlecht. Mais on survit dans la sécurité grise du cocon...

Du moins, on le croyait. Les dernières années, pourtant, les agneaux silencieux que nous étions devenus ont commencé à comprendre que leur silence pouvait se payer du prix de la mort. La mort d'un ministre d'État, pour commencer. La mort de la Justice, dans la même lignée, par étouffement des enquêtes trop dérangeantes.

La mort atroce, enfin, d'enfants considérés comme de la viande de boucherie par de vrais réseaux de pourris, jouissant de complicités très puissantes.

Non, il n'y avait plus de quoi rire. Le juge Connerotte et le procureur Bourlet n'avaient pas envie de rire, quand on les a cassés dans leur enquête sur les titres volés, aux ricanements de certains plumitifs qui traitaient le parquet de Neufchâteau de «juste bon à traquer les voleurs de poules».

Nous non plus, au Soir illustré comme chez nos confrères de La Libre Belgique et du Morgen, nous n'avons pas eu envie de rire quand des révélations très sérieuses et horrifiantes pour le fonctionnement de la Justice ont été accueillies par le silence assourdissant de ce quatrième pouvoir qu'est, que devrait être, la presse. Dans le monde de la communication,il n'y a pas de moyen plus sûr de tuer que le silence. Celui des moutons.

Ce silence était plus inquiétant encore que les procès à nous intentés par Richard Taxquet et Guy Mathot, pour ne citer qu'eux, et certainement aussi inquiétant que les perquisitions effectuées par deux fois. Nous agacions, nous gênions. Nos lecteurs savaient bien sûr ce que nous faisions, pas ceux d'autres média.

Le silence continuait,nous aussi. On se sentait un peu seuls, parfois.

Mais de moins en moins. Les enfants d'André Cools – même pas officiellement prévenus par la justice liégeoise - et Philippe Moureaux ne sont plus tout seuls. La divine surprise du sauvetage de Sabine et Laetitia,

l'épouvante de la mort de Julie, Mélissa, An et Eefje ont créé une onde de choc qui ébranle jusqu'aux cercles les plus étroits de cette société «d'irresponsables jamais coupables». C'est un vrai miracle que Dutroux, ivre de son impunité, ait enlevé Laetitia à Bertrix, à un jet de pierre de l'endroit où travaillent des juges qui font efficacement leur boulot.

A Liège, à Charleroi, que serait devenue cette enquête? Nous n'aurions jamais connu la vague d'émotion qui, en moins d'un mois, a ouvert et remué les consciences. Nous n'aurions pas assez écouté des parents admirables de dignité nous rappeler le nécessaire devoir de concitoyenneté et d'humanité.

Ce sont eux qui ont trouvé la force de briser le silence: ils ont eu le courage des agneaux. Nous leur devons encore plus que le respect.

Stève Polus.

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Bourlet - Connerotte : Compagnons de la justice

Portrait des juges qui ont rendu son honneur à notre justice

« Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 46 et 47

Le duo fait merveille.Il a permis d'élucider l'assassinat d'André Cools, de sauver la vie de deux gamines, Sabine et Laetitia. D'élucider les assassinats de Julie, Métissa, An et Eefje. Il a l'art de surgir là où les truands, les assassins, les ripoux se croient à l'abri. Et pourtant, on l'a insulté, calomnié. On a voulu le liquider.

Aujourd'hui, malgré les drames découverts, on imagine les sourires de satisfaction du procureur Michel Bourlet et du juge d'instruction Jean-Marc Connerotte. La démission du commisaire Brose, qu'ils n'aiment pas vraiment, doit encore ajouter à ce sentiment.

Le destin, ou le hasard des désignations, a formé la paire en 1987, lorsque le ministre de la Justice, Jean Gol, nomme Jean-Marc Connerotte magistrat à Neufchâteau. Le président du tribunal de première instance place le nouveau venu à l'instruction. Sauf les proies du juge, personne, aujourd'hui, ne s'en plaindra...

LE JUGE Qui a ÉCRIT AU ROI

Pour les Connerotte, c'était un double retour. Le juge revenait du pays où il a vu le jour en juillet 1948. Et le fiston intégrait le Palais où papa Connerotte avait terminé sa carrière comme secrétaire du parquet.

Avant cela, avocat, Jean Marc Connerotte était au barreau de Tournai. Il passait de temps à autre la frontière pour plaider dans la jolie ville nordiste de Douai.

C'est aussi d'Outre -Quiévrain que provient son épouse, Marie-Hélène, une charmante et blonde valentinoise qui a conservé une bonne dose de son accent provençal.

Le juge Connerotte est ce que l’on appelle une vocation tardive. A Leuven, il a tout d'abord décroché une licence en philo et lettres. Cet intellectuel qui donne parfois l'impression de planer, s'est envolé pour l'Australie où il a enseigné le français. L'expérience aux antipodes a duré deux ans. Il a songé y retourner lorsqu'il sentait qu'il ne pouvait plus mener a sa guise l'enquête sur les titres volés et l'assassinat d'André Cools.

Après l'enseignement, le doctorat en Droit. De cette époque, Jean-Marc Connerotte connaît son premier contact physique avec la justice. C'était au cours d'une manif' estudiantine, à Leuven. Il s'était attardé en queue de peloton à cause d'un lacet défait qui aurait pu le faire choir. L'étudiant s'est arrêté, baissé, concentré sur le lacet. Puis il s'est fait épingler par la maréchaussée, heureuse d'avoir sous la main une proie en difficulté.

Depuis qu'il est à l'instruction, l'homme a pris de la carrure, ceci au figuré: les titres volés, le GIA, et puis tout ce que l'on vit aujourd'hui. Mais le juge reste discret, presque effacé. Il déteste la parade, refuse de rouler des mécaniques.

Refuse aussi l'idée de vengeance. Pourtant tentante, car Jean-Marc Connerotte a encaissé les coups, la calomnie, pendant des années. On a même dit, et écrit, qu'il avait touché de l'argent lors de son enquête.

En fin de compte, il a choisi de porter plainte. Et comme cela ne suffisait pas, il s'est adressé au roi Albert II, le 16 janvier, notamment, pour lui décrire «la véritable mission de protection et d'étouffement» entreprise par le commissaire Raymond Brose.

• Pour se remonter les bretelles, le petit juge se promène en famille. Ou alors, il enfourche sa puissante BMW. Pour éviter toute provocation, il ne l'a pas prise rouge, mais grise. Avec des amis, de la PJ par exemple, il sillonne la Gaume. Il s'attarde volontiers dans la douce campagne des Ardennes françaises. Un regret de sa part: il n'a pas encore convaincu son épouse de l'accompagner. Pourtant, JeanMarc Connerotte, comme dans son métier, ne fonce donc pas tête baissée. Il manipule l'accélérateur avec une infinie douceur. Ses oreilles grincent lorsqu'il entend les échappements qui crachent les décibels: «Ce n'est pas ça, faire de la moto» dit-il, le sourire aux lèvres.

• Depuis quelques jours, le juge a revu son programme de loisirs. Sécurité oblige, on ne le voit plus sur sa BM. Et certainement pas pour se rendre au Palais. Il a remis Stendhal dans la bibliothèque. Quand il veut souffler quelques minutes, devant une bière bien fraîche, au bistrot de la place, ses deux gardes du corps tiennent la chandelle.

CE PROCUREUR VA DROIT À LA VÉRITÉ

• Michel Bourlet, un an de moins que le juge, entretient quelques points communs avec lui. Il déteste le vedettariat, le devant de la scène. Après quelques interventions publiques, il a déjà abandonné les médiatiques conférences de presse. Il ne frime pas. Par exemple, l'auto est essentiellement utilitaire, et ça se voit.

• Au Palais, on voit le proc' bougon, puis, quelques secondes plus tard, souriant, accueillant. Il garde toujours dans l'oeil un éclat amusé, presque ironique. Son humour est souvent ravageur. Le proc' ne perd pas son temps en mondanités.

• Au parquet, (presque) tous ses substituts l'adorent. Il n'hésite jamais à monter au créneau, à la barre. Il tient même son tour de garde, week-end inclus.

• Michel Bourlet n'a peur de personne. Epingler un politique ne le dérange vraiment pas. Il rue dans les brancards, adore écorcher les margoulins et tous les pollueurs. On n'épouse pas une Ecolo pour rien.

• Le couple et leurs trois filles habitent un ancien moulin au zeste environnementaliste. Le ruisseau coule jusque dans une cave. Les forêts sans nombre du pays de Verlaine sont le prétexte à promenades, même à skis. Au jardin, chacun tient son rôle.

 A Dominique, le potager; au magistrat, le jardin environnemental. On dit que M. Bourlet décline ses roses en latin, préférant le terme scientifique. Son jardin secret remplace le gazon liégeois que, joueur de hockey, il arpentait. Michel Bourlet a l'oreille fine.

Il écoute de la musique classique, s'est même installé au clavier depuis que l'une de ses filles lui a fait découvrir le sens des portées. Mais il ne dédaigne pas la chanson française, la vraie: Nougaro, Brel, Ferré. On l'a une fois surpris, l'air taquin, fredonner Béranger. C'est le reliquat anar' de Bourlet, cette part d'héritage des belles années, celles du crépuscule des sixties.

Michel Petit.

L’ANNÉE DES DISPARUES- - -Comment on identifie ( « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 40 et 41) un cadavre(


L’ANNÉE DES DISPARUES

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 40 et 41

 Incroyable, l'accélération des événements relatifs aux disparitions d'enfants attribuées à Marc Dutroux. Chronologie. En vert, les enlèvements, en bleu le dossier des voitures volées.

24JUIN 1995

Enlèvement à Grâce-Hollogne de Julie Lejeune et Mélissa Russo, toutes deux âgées de 8 ans. Les fillettes sont enfermées dans la cave de la maison de Marc Dutroux, à Marcinelle et y subissent divers sévices.

7 JUILLET 1995

La gendarmerie de Charleroi envoie à ses collègues de Grâce-Hollogne un rapport de 1993 sur Dutroux: "...il a aménagé, dans la cave de sa maison de Marchienne au-Pont, des cellules qui pourraient être destinées à retenir des enfants."

22 AOUT 1995

Enlèvement d'An Marchal (17 ans) et d' Eefje Lambrecks (19 ans), à Ostende. Elles sont enlevées par Michel Lelièvre et Marc Dutroux qui les emmènent à bord de leur voiture. La voiture tombe en panne sur l'autoroute. Dutroux et Lelièvre rentrent en stop à Sars la Buissière pour y chercher un autre véhicule. Ils récupèrent les deux filles droguées qu'ils emmènent d'abord à Marcinelle, où elles ont pu rencontrer Julie et Mélissa, puis, après quelques jours, à Sars la-Buissière ou à Jumet.

28 AOUT 1995

Après l'envoi d'un troisième rapport de gendarmerie au sujet des activités de Dutroux, les gendarmes organisent sa filature. Ils perquisitionnent plusieurs maisons de Dutroux

4 NOVEMBRE 1995

Marc Dutroux et Bernard Weinstein séquestrent trois jeunes qui leur ont volé un camion. L'un des trois, un certain Rochow, arrive à s'échapper et à prévenir la police. Dutroux élimine Weinstein qu'il soupçonne de l'avoir doublé. Il enterre son cadavre à Sars-la Buissière.

7 DECEMBRE 1995

Arrestation de Marc Dutroux pour vol avec violence dans l'affaire du camion

19 DÉCEMBRE 1995

Perquisition au domicile officiel de Marc Dutroux, à Marcinelle, dans le cadre du dossier du vol du camion. Au cours de cette perquisition, les enquêteurs entendent des voix d'enfants. Mais au dehors, des enfants sont en train de jouer dans le quartier et ils ne poussent pas plus avant leurs investigations

20 Mars 1996

Marc Dutroux est libéré pour raison humanitaire. De retour à sa maison de Marcinelle, il constate que son épouse ne s'est pas occupée d'alimenter Julie et Mélissa. L'une est déjà morte tandis que l'autre meurt dans ses bras. Il les enterre à Sars la Buissière.

29 MAI 1996

Enlèvement de Sabine Dardenne, 13 ans, non loin de Tournai. Sabine est emmenée à Marcinelle, dans la cellule de Julie et Mélissa.

9 AOUT 1996

Enlèvement de Laetitia Delhez,15 ans, à Bertrix. Elle est emmenée à Marcinelle, où elle rejoint Sabine Dardenne. Un témoin relève le numéro d'immatriculation d'une camionnette.

I2 AOUT 1996

La gendarmerie identifie la camionnette comme étant celle de Marc Dutroux.

13 AOUT 1996

L'Escadron Spécial d'Intervention opère tôt le matin dans six maisons de Dutroux. Marc Dutroux, Michelle Martin et Michel Lelièvre sont arrêtés. Le Parquet n'ébruite pas l'informa tion car on espère retrouver des enfants vivants.

5 AOUT 1996

Au cours d'un interrogatoire,Dutroux déclare soudain: « Bon, je vais vous donner deux gamines ». Sabine et Laetitia sont retrouvées vivantes et libérées de la maison de Marcinelle.

16 AOÛT 1996

Inculpation d'un homme d'affaires bruxellois, Michel Nihoul, suspecté d'appartenir à un réseau de pédophilie.

I7 AOUT 1996

Nouveaux aveux de Marc Dutroux. Amené à Sars-la Buissière, il indique l'endroit où il a enterré Julie et Mélissa. On retrouve aussi la dépouille de son complice Weinstein.

I8 AOUT 1996

Nouveaux aveux: Dutroux et Lelièvre reconnaissent avoir enlevé An et Eefje. Mais ils affirment ne pas savoir ce qu'elles sont devenues.

21 AOUT 1996

Arrivée en Belgique du spécialiste anglais de la recherche de corps, John Bennett. Les fouilles sont intensifiées. On retrouve des centaines de cassettes pornos dans les caves de Dutroux.

22 AOUT 1996

Funérailles de Julie et Mélissa, à Liège, en présence de dizaines de milliers de personnes. Arrestation de Diakostavrianos, accusé d'association de malfaiteurs.

23 AOUT 1996

Arrestation de Claude Thirault, relation d'affaires de Dutroux, soupçonné de pédophilie. En direct à la télé, le procureur du Roi à Neufchâteau, Michel Bourlet fait sensation en déclarant: Toutes les personnes sur les K7 seront poursuivies... si on me laisse faire!

24 AOUT 1996

Perquisition chez l'inspecteur principal Georges Zicot, à Charleroi, qui aurait couvert son informateur, Gérard Pinon (propriétaire du hangar où l'on a trouvé le camion volé en décembre 95).

25 AOUT 1996

Zicot est arrêté ainsi que Thierry Dehaan, expert en fraude à la Royale Belge et Gérard Pinon.

26 AOUT 1996

Arrestation de Pierre Rochow, l'un des trois séquestrés par Dutroux dans l'affaire du camion volé de 95.

Michelle Martin, qui avait toujours nié toute implication dans l'affaire, avoue sa participation à la séquestration de Julie et Mélissa.

Elle dit aussi que Marc Dutroux lui a affirmé qu'An et Eefje n'étaient plus en vie et qu'elles ont été enterrées par Weinstein à Jumet. Marc Dutroux est confronté à ces affirmations et emmené, pendant la nuit, à Jumet, pour indiquer l'endroit où il pense que sont enterrées les dépouilles des jeunes filles.

27 AOUT 1996

Début des fouilles de grande envergure à Jumet, dans la maison de Weinstein.

28 AOUT 1996

Une commission rogatoire part en Tchéquie, pour retrouver la trace éventuelle d'An et Eefje. Au même moment, on apprend que Dutroux s'est rendu plusieurs fois en Slovaquie, où les autorités le soupçonnent du meurtre d'une jeune femme.

3O AOUT 1996

La chambre du conseil confirme les mandats décernés à l'encontre de Zicot, Dehaan et Pinon. Rochow, en revanche, est libéré.

31 AOUT 1996

Retour de la commission rogatoire en Tchéquie avec une série de cassettes pornos.

2 SEPTEMBRE 1996

Le fils du procureur Demanet est inculpé d’escroquerie à l'assurance. Son assureur est l'une des personnes arrêtées en même temps que l'inspecteur Zicot.

Les fouilles reprennent à Jumet.

3 SEPTEMBRE 1996

Découverte à Jumet d'ossements humains. Ils sont rapidement identifiés comme étant les dépouilles d'An et d'Eefje.

4 SEPTEMBRE 1996

Le procureur général de Mons, Georges Demanet, demande au ministre de la Justice sa mise en congé pour deux mois "par souci de l'intérêt général et pour permettre de préserver, dans ce climat de suspicion généralisé, une impartialité et une indépendance absolue".

5 SEPTEMBRE 1996

Arrestation d'Anne Bouty, ex-compagne de Jean-Michel Nihoul, suspectée d’être impliquée dans le réseau pédophile de Dutroux.

Fouilles à Ixelles, dans la maison d'un pédophile, Roland Corvillain. On a vu Dutroux et Nihoul à cette adresse. Tout près de là, habitait Loubna, la petite Marocaine de 9 ans, disparue en 1992.

6 SEPTEMBRE 1996

Perquisition et fouilles à l'aide de pelles à Waterloo, dans la maison (inoccupée) de la maman de Michelle Martin.

7 SEPTEMBRE 1996

Enterrement d'An et Eefje à Hasselt.

 Jean-Marc Veszely.

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Comment on identifie un cadavre

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 40 et 41

 Fort de plus de 25 ans de métier, le capitaine commandant Étienne Brams (e.r.) garde des catastrophes de Zeebruge et du Heysel des images d'épouvante. "J'ai encore des cauchemars. Certains de mes collègues ont eu besoin d'une assistance psychologique bien des années après.

Ce qui se passe avec l'affaire Dutroux dépasse l'horreur. Je suis moi-même père et grand-père et il m'est très difficile de supporter une telle violence à l'encontre des enfants. Je suis de près les informations à la télévision et je sais que l'équipe de la gendarmerie fait un travail extrêmement pénible".

 Sans papiers, le visage méconnaissable, le corps très abîmé, dans un état de décomposition avancé voire squelettique... Autant dire que l'identification des quatre dépouilles exhumées dans les maisons de Sars-la Buissière et de Jumet s'annonçait difficile. Mais on dispose aujourd'hui de moyens suffisamment sophistiqués pour identifier les corps y compris à l'état de fragments osseux. Certaines parties du squelette humain peuvent déterminer le genre (les mâchoires, le menton plus arrondis chez la femme), l'âge (la longueur et le volume des os) de la victime.

Les examens périphériques comme la collecte des vêtements, des bijoux peuvent s'avérer insuffisants, explique le Dr J.-P. Bomblet, médecin légiste et professeur de médecine légale à l'UCL. On examine alors le corps lui-même: la couleur des cheveux, des yeux, les cicatrices, les interventions chirurgicales, la taille, le poids... Les empreintes digitales peuvent aussi aider à reconnaître la victime. Encore faut-il qu'elles soient enregistrées.

Ensuite, on procède à l'autopsie interne du cadavre susceptible de révéler des particularités de la victime (exemple: le port d'une prothèse cardiaque, d'un rein artificiel).

A cela s'ajoute une zone capitale pour l'identification: la dentition. L'examen dentaire suffit dans les trois quarts des cas à identifier une personne, confirme le Dr Bomblet. La dentition se révèle être un élément fiable pour autant que la victime ait eu un contrôle dentaire régulier. Les dents résistent longtemps à la putréfaction. Et pour éventuellement compléter les analyses, on demande à la famille de fournir des échantillons de leur sang pour permettre la comparaison de l'ADN. En un jour, cette comparaison donnera une identification incontestable, précise le Dr Bomblet.

Quelles que soient la ou les méthodes utilisées, l'identification repose sur un inlassable travail de comparaison. Cette mission de bénédictin peut être rapide ou durer des mois. Il s'agit de mettre en regard les éléments ante mortem et les indices post mortem.

 Dans les cas de Julie, Mélissa, An et Eefje, on disposait d'une large panoplie d'informations ante mortem.

En outre, les jeunes filles flamandes portaient des objets personnels - notamment un bracelet-montre au poignet d'Eefje - qui ont probablement facilité l'identification.

 L'autopsie sur des restes humains s'avère particulièrement laborieuse. Les os contiennent des matières organiques qui, au fil du temps, se désagrègent. En revanche, la présence de métaux lourds,subsistent plus longtemps. La strangulation, par exemple, n'est pas détectable sur les os. D'ailleurs, la date comme la cause de la mort des jeunes victimes restent relativement floues.

Corinne Le Brun.

 

Une maman au combat(pg39)--Weinstein(pg38) («Soir Illustré» 11 septembre 1996)


Une maman au combat

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 39

Dans la déferlante de mauvaises nouvelles qui accablent la Belgique, la maman d'Élisabeth Brichet conserve une attitude à la fois digne et volontaire, à l'image des autres parents eux aussi étonnants de maîtrise. Après sept ans d'épreuves, elle se dit que l'heure de la vérité va peut-être sonner, en craignant le pire.

Sur son répondeur, elle se présente simplement comme la maman d' Élisabeth Brichet. Une voix douce demande de laisser un message, preuve du souci de ne négliger aucun contact. Marie Noëlle Bouzet est plus connue comme la maman de la petite Namuroise disparue le 20 décembre 1989, à quelques mètres de chez elle, près de Saint-Servais.

Elle revenait de chez une amie habitant à deux pas, elle avait 12 ans, on ne l'a plus jamais revue. Plus encore que pour d'autres, l'affaire Dutroux a de cruelles résonances chez cette femme éplorée. Elle a fait renaître l'angoisse en même temps que le besoin de savoir, d' enfin accéder à une solution, aussi funeste soit-elle. Mme Bouzet fait partie de ces oubliés de la Justice, livres quasiment à eux mêmes, à la recherche d'un fantôme. Elle espère que, des décombres du dossier, surgira un indice décisif sur sa petite fille. En sept ans, elle a essuyé bien des déceptions, des commissions rogatoires aux Canaries aux enquêtes en Espagne, en passant par de nombreuses fausses pistes.

Récemment, un couple de Dinantais prétendait même avoir vu Elisabeth en septembre 95 dans un café des Pyrénées françaises, à Bagnères-de-Bigorre, où des jeunes filles se prostituent. A chaque fois, le coeur des parents (aujourd'hui séparés) s'emballe pour sombrer dans une nouvelle incertitude. Mais la maman d'Elisabeth ne relâche pas sa vigilance. Elle se dit persuadée de l'existence d'un lien entre la disparition de sa fille et Dutroux. Elle clame depuis longtemps que des réseaux de pédophiles sévissent en Belgique, scénario aujourd'hui tristement confirmé.

ÉVACUER L'ANGOISSE

Elle doit supporter l'idée que, si elle retrouve son enfant, ce sera peut-être pour en porter le deuil. Mais à ses yeux, rien n'est plus insupportable que l'ignorance. C'est pour cette raison qu'elle s' est rendue spontanément à Jumet la semaine dernière. La maman se bat avec toute son énergie, en surmontant le chagrin.

Elle est très digne, Mme Bouzet. Elle a trouvé les mots justes aux obsèques de Julie et Mélissa. Son intervention a rappelé le chemin de croix des parents, l'incrédulité sur laquelle ils butaient jusqu'à ce qu'on découvre l'inimaginable. Elle a récidivé sur le plateau de Perdu de Vue, à TF 1, face à Jacques Pradel, expliquant le sens d'un entêtement qui honore tous les parents en proie à l'absence.

Elle a rencontré le Roi pour dialoguer avec lui. Elle a même souhaité être accompagnée par son ex mari, Francis Brichet. Usé par tant d'années de combat, celui-ci a décliné l'offre.

- J'attends ma fille depuis sept ans, mais ce sont les dernières semaines qui m'ont le plus remué, a-t-il avoué à un quotidien flamand. D'abord, la découverte de Julie et Melissa, puis celle d'An et Eefje. Je suis sonné. J'espère qu'Élisabeth est morte depuis longtemps, qu'elle n'a pas dû se prostituer depuis sept ans. Je préférerais qu'on la retrouve sous terre...

Ce terrible aveu d'un père désabusé s'explique par l'épais brouillard entourant l'enquête.

- Le grand scandale de tout cela tient au secret de l'instruction.

Nous, les parents qui avons perdu un enfant, nous ne pouvons pas savoir où en est l'enquête, ce qu'on fait pour les retrouver. On se heurte à un silence persistant, qui accroit encore notre peine...

M. Brichet a tout enduré pendant sept ans. Il a vérifié tout ce qu'il pouvait. La maman, elle, continue sans relâche. A la recherche d'un soulagement quel qu'il soit.

B.M.

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Weinstein : itinéraire d’un voyou

« Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 38

 De Nantes à la banlieue parisienne, le parcours d'un petit voyou, condamné devant la cour d'assises du Val d'Oise pour quelques jours de coups foireux, d'errance calamiteuse.

Samedi 17 août, vers 20 heures, les hommes de la protection civile de Ghlin qui viennent d'exhumer les corps de Julie Lejeune et de Mélissa Russo, mettent à jour une nouvelle dépouille, celle de Bernard Weinstein, le propriétaire de la maison et du terrain de Sars-la-buissière que les enquêteurs sont en train de fouiller. Cet homme que Dutroux aurait enterré vivant après l'avoir drogué, avait connu dans ce coin de campagne du Hainaut l'épilogue d'une vie de sans-grade de la voyoucratie.

• Bernard Weinstein est né à Nantes le 4 mars 1952, il quitta sa Bretagne natale pour "zoner" à Paris. En fait, c'est en banlieue qu'il commettra les misérables exploits qui lui vaudront de se retrouver devant la cour d'assises du Val d'Oise en février 1981.

•Cela faisait déjà six ans que Weinstein attendait en prison que l'on rappelle devant un jury les lamentables journées de décembre 1975 où il avait couru de cambriolages calamiteux en braquages foireux. A cette époque-là, Weinstein "travaillait" avec Patrick Dubouille. Les deux hommes s'étaient spécialisés dans la voiture volée, espérant rejoindre la route des grands trafics.

• Le 19 décembre 1975, à Osny, Weinstein et Dubouille tentent de voler une voiture au garage Rousseau, le concessionnaire Citroën de la localité. Les deux voyous sont armés, mais finissent par s'enfuir sans avoir réussi à faire démarrer le véhicule qu'ils convoitaient.

• Weinstein, se rend alors au magasin Vivre, que tient Mme Bachetta et réussit à dérober... 20 FF sous la menace de son arme. Le lendemain, une rude journée attend Dubouille et Weinstein. L'arrêt de renvoi devant la cour d'assises précise, qu'à Bethemont, ils ont séquestré un certain Philippe Lévêque, le menaçant de mort.

• Ils se sont rendus ensuite à StOuen-l' Aumone, au garage Pontoise-Motors, où ils ont volé "500ff, un attaché case, deux pistolets à peinture et deux automobiles Fiat".

Quelques heures plus tard, ils volent une autre voiture où trois personnes ont pris place. Weinstein et Dubouille, comme à leur habitude, sont armés. Dubouille tire et blesse l'un des occupants de la voiture.

• Aprés deux jours de repos, le 23 décembre, le duo reprend ses activités et vole de nouveau une voiture en menaçant ses occupants.

Cette fois encore Dubouille tire et blesse légèrement un passager. Le 27 décembre, à Toste, dans le département de l'Eure, Weinstein toujours armé, tente de voler une 2CV camionnette. Aprés cette dernière tentative, les policiers du Val d'Oise qui étaient sur la piste des deux voyoux, les arrêtent. Ils sont placés sous mandat de dépôt.

• Le 27 février 1981, Weinstein est condamné à 15 ans de réclusion criminelle et Dubouille à 20 ans.

• Weinstein sortira en 1985, après avoir effectué neuf années de prison et bénéficié des remises de peines habituelles. En prison Weinstein s'était, semble-t-il, fait de nouvelles relations; à sa sortie il continua dans ce dont il allait faire sa spécialité, le trafic de voitures. La filière passait par la Belgique, Weinstein se retrouva naturellement à Charleroi.

 Alain Van Der Eecken.

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LES PARENTS DE LOUBNA BENAISSA: NOTRE FILLE EST VIVANTE

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 38 et 39

 Les nerfs sont à vif au sein de la famille Benaïssa à Ixelles,

 (Bruxelles). Jeudi dernier, vers 14 h 30, les parents et la sueur aînée de la petite Loubna, disparue, rappelons-le en 1992, étaient reçus par les Souverains belges. Près d'une demi-heure d'entretien, de réconfort qui a donné bien du baume au coeur de la famille marocaine. "Le Roi et la Reine nous ont posé beaucoup de questions et attentivement écoutés, souligne Nabela Benaïssa, la fille aînée. Nous avions le profond sentiment qu'ils comprenaient notre désespoir et qu'ils étaient véritablement de notre côté".

L'émotion, plus tragique cette était à son comble, toujours jeudi dernier. En effet, d'importantes fouilles avaient été entreprises dans une maison sise à la rue du Conseil à Ixelles, à quelques trois cents mètres du domicile des Benaïssa. La famille apprend cette nouvelle avec effarement : "Nous avons peur, très peur d'apprendre une terrible nouvelle. A chaque coup de fil, et ils sont nombreux, nous sursautons. Nous avons l'impression de revivre les terribles moments d'angoisse et de panique d'il y a quatre ans, au moment de la disparition de Loubna".

Les traits tirés, la voix nouée d'émotion, les parents de Loubna attendent. Une attente permanente qu'ils supportent de moins en moins. "Je me suis déjà rendu plusieurs fois à la rue du Conseil, confie le père de Loubna. J'espère y trouver ou apprendre quelque chose. Je ne supporte plus d'attendre chez moi alors que des fouilles ont lieu dans le quartier".

Contre toute attente, la famille Benaïssa garde l'espoir. Elle dit avoir confiance dans la justice belge. Elle se sent moins seule, mieux comprise depuis que témoignages écrits et téléphoniques lui parviennent par dizaines. L'asbl L'asbl "Marc et Corine" reste en contact permanent. Enfin, la gendarmerie rend régulièrement visite aux parents Benaïssa.

"Nous sommes tenus au courant de l'évolution de l'enquête. Les fouilles ont été interrompues le week-end dernier afin que l'architecte puisse vérifier la construction de la maison. On nous a certifié que les recherches seront menées jusqu'au bout. Le mur du silence est brisé. Tout bouge enfin".

 Samedi, les parents Benaïssa étaient présents aux funérailles d'An et d'Eefe. "Nous nous sentons très proches des parents.

Même si nous ne les connaissons pas, leur parcours ressemble au nôtre. D'ailleurs, notre souhait est de pouvoir réunir toutes les familles d'enfants disparus. Nous devons nous soutenir ensemble, dans la solidarité".

Corinne Le Brun.

 

 

 

La servante du diable(«Soir Illustré »11 septembre 1996 pg 36'37)


La servante du diable

« Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 36 et 37

 Elle aurait pu devenir une bonne institutrice. Elle avait le profil pour entrer dans une secte.

Elle aurait été une bonne représentante chez les témoins de Jéhovah.

Mais elle a rencontré Marc Dutroux...

• Enfant, Michelle Martin habitait avec ses parents une maison coquette dans un quartier calme de Waterloo. Elle est fille unique d'un couple dont le père est employé aux chemins de fer et la mère travaille dans une entreprise de Waterloo.

• A l'âge de six ans, elle est profondément bouleversée par la mort d'un père qui paraît avoir été très présent dans sa petite enfance. D'après les souvenirs que les voisins de Waterloo en ont, c'est son père qui s'occupait le plus d'elle: il lui préparait ses repas, la conduisait à l'école, lui encore qui lui donnait le bain. Sa disparition a donc dû marquer la fillette.

• A la mort de son mari, Henriette Puers-Martin continue d'élever son enfant avec fermeté. Michelle reçoit une éducation rigoureuse, rigide même selon certains. Ce n'est pas le genre de gamine qui traîne en rue. Pendant les vacances, quand la mère travaille, elle l'envoie chez des voisins. La petite y vient avec ses tartines....

• A l'école communale du Chenois à deux pas de chez elle, on garde le souvenir d'une élève moyenne, réservée et secrète.

• Après l'école, elle décide de poursuivre des études d'institutrice, ce qui lui réussit assez bien. En stage à l'école du Chenois, elle anime une classe de cinquième primaire. On remarque qu'elle s' occupe fort bien des enfants et qu'elle a même un très bon contact avec eux.

Devenue adulte, elle passe beaucoup de temps chez sa mère. On ne lui connaît guère de petit ami. A 23 ans, elle s'entiche d'un marginal qui vient de quitter sa femme et son enfant: cet homme s'appelle Marc Dutroux.

•Elle était vraiment folle de lui. Prête à tous les sacrifices, prête à tout pour le suivre. Et pour la jeune femme sage, la vie bascule... Nous sommes en 1982.

En 1984, elle donne naissance à un premier enfant: Frédéric.

•II y a forcément eu une première fois: un jour, ou plutôt une nuit, Marc Dutroux l'a emmenée dans l'une de ses virées criminelles. Qu'a-t-il pu se passer dans la tête de Michelle Marron lors qu' en 1985, elle a assisté au premier viol par son amant d'une gamine qui aurait pu être une de ses élèves, dans la camionnette Peugeot où elle avait pris place?

•Elle aurait pu en être dégoûtée, voire être jalouse, quitter son amant, se révolter, le dénoncer... Elle ne fait rien de tout cela. C'est le contraire qui se produit. Non seulement, elle continue à assister aux viols, mais petit à petit, elle s'y implique: au début, en prenant des photos ou en Amant des scènes de violence.

Plus tard, en jouant au rabatteur, voire en maintenant les membres des victimes pendant les viols.

Lorsqu'on l'arrête, en 1986, en compagnie de Dutroux et d'un compère, Van Peteghem, Michelle Martin semble sur une autre planète, insensible à la réalité. Expertisée en 1986 par un médecin psychiatre, elle présente "une personnalité psychotique avec un syndrome d'influence net. Elle se sent manipulée et menacée, des voix intérieures lui proposant des actes et des pensées ".

En clair, elle est absente de la réalité. Cette aliénation est-elle liée à l'influence de Marc Dutroux?

Ce qui est certain, c'est que sa séparation forcée d'avec Marc Dutroux la fait retomber sur terre. Elle reprend contact avec la réalité. Si les rapports d'expertise psychiatrique observent toujours la grande influence qu'exerce Dutroux sur elle, ils constatent aussi que, grâce à leur séparation, Michelle Martin est redevenue elle-même. "Ses affections névrotiques semblent avoir disparu ,note-t-on dans un rapport en 1988.

On semble tellement convaincu d'un retour à la normale, qu'on l'autorise à exercer à nouveau sa profession d'enseignante. Ainsi, celle qui a été arrêtée pour complicité de viol et séquestration de mineurs, enseignera, pendant deux courtes périodes, dans deux écoles de Marcinelle!

• Au parloir de la prison de Bruges, où elle est détenue, elle reçoit très régulièrement des témoins de Jéhovah. Sa lecture préférée, c'est la Bible. A sa sortie de prison, elle arrivera même à convaincre sa mère d'adhérer au mouvement. rompt définitivement les ponts avec sa famille. Quant à Michelle Martin, qui reste très liée à sa mère, elle ne revient plus à Waterloo qu'une fois tous les deux ou trois mois. Henriette Puers reçoit régulièrement des cartes postales de Tchéquie, de Slovaquie et d'autres pays de l'est. Des cartes qu'elle conserve religieusement.

• Quelles étaient les activités du couple Dutroux-Martin avant le 24 juin 1995, date de l'enlèvement de Julie et Mélissa? Le trafic de voitures volées est certain, les activités pornographiques supposées... Une certitude: en 1993, Marc Dutroux aidé par son épouse enceinte, travaille à l'aménagement de caves dans leur maison de Marchienne-auPont. C'est un bon manoeuvre. Quand elle ne travaille pas comme il faut, il lui donne des coups. Les travaux en question sont des cellules pour accueillir des enfants.

• Début 1994, Michelle Martin met au monde un petit garçon. L'enfant s'appelle Andy. Que signifie la naissance d'un enfant dans un couple aussi perturbé?

• Le couple n'était pas suivi d'un point de vue psychologique. On ignore donc comment cette période fut vécue. Mais de même que dix ans plus tôt, la femme de Dutroux mettait au monde un enfant et deux ans après cette naissance, Marc Dutroux se lançait dans une série de virées ponctuées de viols. A la mi95, soit un an et demi après la naissance de son fils, le couple enlevait Julie et Mélissa...

• Et tout revenait exactement

• Tout cela ne l'empêche pas de continuer à fréquenter Marc Dutroux. Selon une certaine logique, pourtant, tout devait la pousser à se séparer de lui. D'abord, sa condamnation aurait dû confirmer ses soupçons et modifier son opinion à son sujet. En outre, elle ne peut plus ignorer les multiples "infidélités" de son amant.

• Tout au contraire, elle continue à voir Dutroux et entretient avec lui une correspondance abondante. Puis, elle l'épouse même, en prison. Suite à cette union, Michelle Martin attendra famille et fera une fausse couche en cellule.

• A la suite de ce malheureux événement, une pétition circulera à Waterloo, dans l'entourage de la mère de Michelle Martin, pour réclamer sa libération anticipative. A ce moment-là, tout le monde est persuadé que la gentille Michelle Martin s'est laissée entraîner sur la mauvaise pente contre sa volonté par un mauvais garçon.

• Le 8 avril 1992, Marc Dutroux est libéré anticipativement, neuf ans avant le terme normal de sa peine (il aurait dû être libéré en février 1998). Immédiatement, le couple se reforme. De son côté, Marc Dutroux comme dix ans auparavant.

Cette fois, Michelle Martin est la complice active de son mari. Chose incompréhensible pour le commun des mortels: au lieu de pouponner son jeune fils et alors qu'elle est à nouveau enceinte, elle passe son temps à prendre des photos d'enfants dans les rues, notamment à Grâce-Hollogne (où furent enlevées Julie et Mélissa). Tout indique que son rôle est de repérer des enfants pour son mari, d'être une sorte de "rabatteur" en somme. Michèle Martin a avoué aux enquêteurs de Neufchâteau avoir participé à la séquestration des deux fillettes. Elle l'aide dans les travaux de préparation des geôles.

En décembre dernier, alors que Julie et Métissa sont murées vives au 128, route de Philippeville, à Marcinelle, depuis six mois, Michelle Martin met au monde un deuxième enfant, une petite fille: Céline.

A peu près au même moment, Marc Dutroux, qui vient d'abattre et d'enterrer Weinstein, est arrêté par la police pour une affaire de camion volé. Il rentre en prison pour trois mois de détention préventive.

Son mari parti en prison, c'est chez sa mère, à Waterloo, que Michelle Martin rapplique. Elle débarque chez sa vieille maman, qui a maintenant 75 ans et souffre, dit-on, de la maladie d' Alzheimer, avec ses deux bébés Andy et Céline. On comprend pourquoi elle vient se réfugier là. C'est qu'à Charleroi, c'est l'enfer: il y a, dans une cave de Marcinelle deux petites filles à nourrir, qui sont sans doute dans un état physique et psychique impressionnant. Dutroux lui a demandé de donner à manger aux gamines. Elle ira, entrera dans la maison...

- Mais à chaque fois, j'ai rebroussé chemin parce que j'avais peur d'entrer dans la cave, a-telle avoué aux enquêteurs.

Elle ressortait donc de la maison, se dirigeait vers Sars-la-Buissière, où elle nourrissait les chiens de son mari, puis rentrait à Waterloo pour s'occuper de ses propres enfants et de sa mère.

Le 20 mars, Marc Dutroux est libéré pour "raisons humanitaires", en fait la naissance de son enfant. D'un côté Michelle Martin lui faisait découvrir sa petite fille Céline âgée de quatre mois. En même temps, elle lui avouait ne pas avoir nourri les deux fillettes. Et dans sa cave, Dutroux voyait mourir Julie et Mélissa...

Quelques mois plus tard, des témoins affirment avoir vu Michelle Martin rôder autour de la piscine de Bertrix, où Laetitia Delhez sera enlevée... La servante de Dutroux avait repris sa place.

Jean-Marc Veszely.

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LES LARMES D’ALBERT ET PAOLA

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 36 et 37

 Les parents ivres de tristesse et d'angoisse ont été accueillis par les Souverains.

 Seuls un Roi et une Reine pouvaient être à l'écoute d'un tel désespoir. Pendant trois jours, les unes après les autres, les familles d'enfants disparus ont été accueillies par les Souverains. Des audiences les moins protocolaires qui soient, sans aucun timing ni ordre du jour, ni témoins, à l'occasion desquelles les parents d'enfants disparus au cours de ces dernières années ont eu l'occasion de dire ce qu'ils avaient sur le coeur.

 Ces colloques royaux sont, par essence, strictement confidentiels. Mais on sait que, lors de ces entretiens, rien n'a été éludé. Les parents ont évoqué tour à tour leur révolte au sujet de la mise en liberté sans contrôle d'anciens pédophiles, leur incompréhension face aux lenteurs des enquêtes, et leur désarroi absolu lors de la disparition de leur enfant...

Les Souverains ont d'abord reçu Gino et Carine Russo, les parents de Mélissa, accompagnés par Marie France Botte.

Ensuite, les parents d'An sont arrivés au Palais. Paul et Betty Marchal y sont restés pour un entretien de plus de deux heures. Les Souverains ont encore écouté Jean et Rachel Lambrecks, les parents d'Eefje. Un entretien qui fut, paraît-il, particulièrement émouvant, à un certain moment, le Roi et la Reine ne pouvant plus retenir leurs larmes.

Les parents de Sabine Dardenne, de Laetitia Delhez, de Loubna Benaïssa (disparue en 1992), d'Ilse Stockmans (disparue en 1987), de Nathalie Geisbregts (disparue en 1991), de Liam Van Den Brande (disparu en 1996), ainsi que la mère d'Elisabeth Brichet (disparue en 1989), ont tour à tour été reçus par les Souverains.

Il est a noter que l'intervention publique du Roi et de la Reine dans une affaire en cours, singulièrement dans un dossier judiciaire, est tout a fait exceptionnelle. En effet, le Souverain ne peut en aucune manière paraître prendre parti en faveur ou à l'encontre une personne, fût-elle inculpée.

Par son geste envers les familles de disparus, les Souverains entendaient non seulement exprimer leur sympathie envers des personnes particulièrement marquées par les événements qu'elles ont vécu, mais aussi assurer que la «clarté totale sera faite sur les enlèvements de leurs enfants».

- le Roi, ajoute le Palais, insistera auprès des ministres concernés pour que tous les moyens soient mis en oeuvre pour combatte sans relâche le fléau de l'exploitation sexuelle des enfants.., et que des mesures de prévention soient prises pour éradiquer ce mal.

 J-M V.

 

 

Ces fouilles qui remue les consciences("Soir Illustré" 11 septembre 1996 pg 34' 35)


Ces fouilles qui remue les consciences

« Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 34 et 35

 Rue Daubresse, le cérémonial tragique enduré à Sars-la Buissière s'est répété, avec le départ de deux autres corbillards. Alors que l'enquête se déploie dans tout le pays, les Belges voudraient échapper à l'angoisse qui les submerge, alors que l'on effectue des fouilles à Bruxelles et Waterloo, après la région de Charleroi.

 Les fouilles ont duré sept jours, rue Daubresse, à Jumet. Sept journées d'une angoisse rongeant les nerfs de tout le pays. Dutroux, jusqu'à présent, avait toujours dit la vérité, en tentant de tirer son épingle d'un jeu sulfureux. Même les spécialistes des meurtriers en série du FBI venus épauler l'équipe du procureur B ourlet et du juge Connerotte sont impressionnés par son profil de prédateur. Dutroux avait indiqué le réduit où Laetitia et Sabine étaient prisonnières, au 128, route de Philipeville, à Marcinelle. C'est lui encore qui avait montré où il fallait fouiller, pour exhumer les corps de Julie et Mélissa, à Sars la-Buissière. Les enquêteurs tombèrent aussi sur le corps de Bernard Weinstein, que Dutroux charge de tous les assassinats.

Cette fois-ci, il avait confirmé les aveux de sa femme, Michelle Martin. Oui, Weinstein avait bien déclaré avoir enterré An et Eefje à Jumet. D'autres noms avaient été cités. Comme les fouilles s'éternisaient, sous une drache incessante rendant le Pays Noir plus cafardeux qu'il ne l'est en réalité, des bruits avaient couru. Dutroux veut se faire passer pour fou. Dutroux mène les enquêteurs par le bout du nez. Ce manipulateur, pourtant, avait encore dit vrai. Là où il va le plus loin, c'est en chargeant Weinstein (voir article par ailleurs), le comparse qui ne peut plus se défendre. Dutroux l'a enterré vivant, après l'avoir drogué, il ne faut pas l'oublier.

 LA LISTE NOIRE S'ALLONGE

Mardi matin, peu avant 10 heures, les enquêteurs se heurtèrent à des restes humains, des ossements. Dutroux était revenu, durant la nuit de lundi à mardi, pour orienter les enquêteurs. Et, une fois encore, comme si ce film que l'on aurait voulu ne jamais revoir s'imposait à nous, comme un cauchemar, on vit deux corbillards quitter la rue Daubresse, en fin de journée. Comme à Sars la-Buissière, les coeurs étaient bloqués, les yeux rougis par les larmes de l'insupportable nouvelle. Dans la soirée, après que les parents d'An et Eefje eurent été informés en priorité, le résultat de l'autopsie fut communiqué officiellement. Les prénoms d'An et Eefje s'ajoutaient à la liste comportant ceux de Julie et Mélissa, et que l'on a peur de voir s'allonger encore, en écrivant ces lignes.

 Alors que les fouilles touchaient à leur fin à Jumet, elles continuaient à Sars-la-Buissière, ainsi que de l'autre côté de la Sambre, dans le Bois Navez, à Biercée. Le père de Dutroux avait évoqué une voiture, peut-être jetée à la Sambre, et d'autres éléments matériels recherchés dans des bâtisses en ruines, au milieu de la forêt. On a creusé aussi à Keumiée, près de Wanfercée-Baulet, pour faire parler le sol du champ de démolition de Bruno Tagliafero.

Un homme de 33 ans mort en novembre 1995, dans des circonstances peu claires. Il était l'ami de Michael Diakostavrianos, dit Michel le Grec.

Les enquêteurs, - chiens allemands, officier pisteur hollandais, radar du superintendant Bennett, - se déplaçèrent ensuite à Ixelles, rue du Conseil (voir article de Michel Jaspar), non loin de l'endroit où a disparu la petite Loubna, là où vivait un pédophile, l'expert-comptable Roland Corvillain, inculpé pour le viol d'une mineure de moins de 16 ans. Puis à Waterloo, dans la maison de la mère de Michèle Martin. La vieille dame, souffrant d'une grave maladie, séjournait à sarsla-Buissière, quand éclata l'affaire. Des recherches qui montrent que le réseau de Dutroux et de sa bande s'étendait vraiment sur tout le pays. Alors que Sars-laBuissière et Jumet espéraient échapper à la chape d'angoisse pesant sur les esprits, c'est au village d' Onnezies, dans les HautsPays, entre le Borinage et la frontière française, que l'on recoupa la piste de Michel Nihoul. L'homme d'affaires bruxellois y séjournait de manière sporadique, en se faisant passer pour un avocat, en prenant les gens qu'il côtoyait au piège de son charme d'escroc capable de se faire du fric sale en grugeant de braves gens voulant aider les enfants mourant de faim au Sahel.

L'ex-compagne de ce Nihoul-là, l'escroc sans état d'âme, le noceur avide d'argent, Anne Bouty, a elle aussi été inculpée et mise en prison. Dimanche en fin de journée, elle était la dernière en date des inculpés évoluant dans la mouvance directe de Dutroux. Radiée du barreau de Bruxelles, elle trompait les espoirs d'émigrés rêvant d'obtenir des papiers en règle. Bouty abusait de leur confiance, le coeur léger.

VIVRE DEBOUT, APRÈS "ÇA"

 Alors que l'enquête se déploie, implacablement, avec des implications qui font peur, les Belges en larmes se demandent quelles illusions seront encore détruites. Tous ont accompagné leurs enfants à l'école en se posant de terribles questions, au début de cette semaine marquée par la mort vérifiée d'An et Eefje.

Le Premier ministre et le Roi ont cherché à rassurer la population. Il fallait que ce soit accompli, avec solennité. Et des réflexions surgissent, sur la société qui a engendré un Marc Dutroux. Ce qu'il faut, c'est armer la société de lois - et dégager les moyens de faire respecter ces lois, ce qui est plus difficile à réaliser-, pour aider ceux qui, depuis longtemps, obscurément, presque désespérément, sans moyens, accomplissent un travail préventif.

Cette urgence-là, il faudra s'y attacher, sans jamais oublier Julie et Mélissa, An et Eefje. La tentation est forte, de tourner la page, parce qu'essayer de comprendre demande parfois de briser des tabous. A dire vrai, on voudrait que soit écartée l'hypothèse d'un système mafieux gangrenant nos plus nobles institutions. Les gens ordinaires éprouvent le sentiment d'avoir perdu toute prise sur ce qui les entourent. Les autres informations que celles gravitant autour du monstre, depuis des semaines, ont été quasi réduites à néant. Il nous faut réapprendre les choses simples, celles qui nous sont proches, celles sur lesquelles nous pouvons agir. Les choses importantes.

Horrifié et fatigué, le pays voudrait échapper à cette vérité sordide qu'il faut regarder en face. Mais tourner la page ou éteindre la télé ne sont que les versions contemporaines du manège de l'autruche.

Tout un mode de vie est remis en question. Il est préférable d'écouter et de parler vraiment à son enfant, de le prendre par la main pour lui apprendre, pas à pas, comment marcher seul, un jour, plutôt que de le couvrir des biens matériels qui donnent l'illusion de l'attention. Il faudra prendre du temps pour regarder mieux les autres, s'interroger sur les institutions et leur fonctionnement. Ne pas se laisser distraire par des problèmes secondaires, alors que les références de ce pays s'érodent. Revenir à un rôle de citoyens, en tentant de privilégier sa conscience, plutôt que la tentation du profit immédiat. Attention: les limites deviennent floues, entre ce qui est bien et ce qui est mal.

Et ce n'est que normal, dans cet étrange univers fondé notamment sur des montagnes de narcodollars recyclés par une économie qui se repaît d'emplois, mettant à la décharge des travailleurs qui ont des familles à nourrir. Le problème des pays les plus pauvres de la planète, où les Julie et Mélissa, An et Eefje, sont légion, a pris corps et âme, brutalement, devant nos regards blessés.

Nous savions tout cela, que le plus fort tue le plus faible, mais nous préférions ne pas déchiffrer le message des images que nous avions sous les yeux. L'insoutenable attente de la rue Daubresse a mis la Belgique à genoux, alors qu'il nous faut vivre debout, plus que jamais.

Marcel Leroy.

 

Bourlet et Connerotte poursuivent enquête au maximum(«Soir Illustré»11 septembre 1996 pg 32' 33)


Bourlet et Connerotte poursuivent enquête au maximum

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 32 et 33

 A Neufchâteau, centre nerveux de l'enquête, toute information est analysée à fond et aussitôt exploitée, après avoir été soumise à des recoupements, et mise en perspective, sans tabous.

A Neufchâteau,toute information aboutissant à l'équipe dirigée par le procureur du Roi Bourlet et le juge d'instruction Connerotte est exploitée à fond.

Chaque élément nouveau mis en évidence est aussitôt analyse compare, recoupé avec d'autres indices, poussant les investigations au maximum de leur potentiel.

Conserver la maîtrise de cette enquête tentaculaire mobilisant gendarmerie, PJ, enquêteurs hollandais, allemands et britannique, ainsi que deux spécialistes du FBI (ils viennent de rentrer aux USA) exige une gestion rigoureuse. Cette enquête, nous l'avons déjà écrit dans le Soir illustré, servira un jour de modèle. Pour l'heure, les rares informations qui filtrent sont limitées aux inculpations dessinant les différents cercles de l'affaire Dutroux. D'où la difficulté de faire le point entre les nombreuses rumeurs et les vraies informations. Celles qui ont été publiées par plusieurs journaux à propos d'une orientation de l'enquête touchant au milieu judiciaire carolorégien, démenties par le procureur Bourlet, risquent de se vérifier sous peu. Le procureur Bourlet disait vrai, quand il démentait ces informations:toute investigation impliquant des magistrats doit être dirigée par la cour de cassation. Rien à voir avec Neufchâteau !

Mais une certaine «Opération Zoulou» devrait viser sous peu des membres de l'appareil judiciaire carolorégien.

 DUTROUX EMPOISONNAIT SA BELLE-MERE

Autre piste brûlante, celle de Keumiée, où les enquêteurs recherchaient une valise contenant des documents sur les activités de Dutroux. Bruno Tagliafero, dont l'épouse a révélé, sur RTL-TVi, qu'il possédait une liste de noms, dont celui de Dutroux, et que cette liste mettait ses jours en danger, aurait été empoisonné par Dutroux.

A Keumiée, au soir des premières fouilles, la belle-mère de Tagliafero nous avait dit que son gendre était mort d'une cause indéterminée. A l'époque (novembre 1995), on n'avait pas cherché à vérifier si cet homme de 33 ans, en bonne santé, était mort d'une crise cardiaque, ou encore d'une overdose. Marc Dutroux était-il passé par là? On sait qu'il était passé maître dans l'art de chloroformer ses victimes. Une autopsie du cadavre de M. Tagliafero, réalisée vendredi à Liège, a révélé qu'il était mort empoisonné. Il semble aussi que la mère de Michelle Martin, que l'on disait atteinte de la maladie d' Alzheimer, était empoisonnée depuis des années

(1992, à la sortie de prison de Dutroux) par les époux diaboliques. La vieille dame était sous l'influence de sa fille et de son beau-fils. Les enquêteurs sont retournés dans un hôpital où elle avait séjourné pour vérifier certains détails de son dossier. Le mobile de cet empoisonnement pourrait être la récupération des propriétés immobilières de Mme Martin et de 2.500.000 francs en titres. Les propos apparemment incohérents de la dame âgée conduisent à des vérités. Dans son délire, elle disait que des parachutistes de petite taille étaient descendus à Sars-la-Buissière, et que Dutroux avait dû les enterrer... Les psychologues ont interprété ces éléments de discours en apparence incohérent, pour orienter les fouilles à Sars-la-Buissière.

Dans les turbulences de l'enquête suivie par le monde entier, la BSR de Mons cherche à vérifier des informations sur une éventuel le protection d'un trafic d'armes en provenance des pays de l'Est. Une armurerie belge en serait le pivot. Le nom d'un haut magistrat hennuyer se profilerait dans cette perspective.

DES INDICES HORRIFIENT LES ENQUÊTEURS                                                                                                                              Marc Dutroux, dont le procureur général de Mons avait insisté sur l'esprit manipulateur et pervers, en s'opposant à sa mise en liberté conditionnelle, veut conserver le contrôle de ses entretiens. Il joue avec les enquêteurs, tenant à leur offrir, en pleine conscience, toute nouvelle information leur permettant de progresser. C'est lui qui mène le jeu, selon le fantasme de tous les meurtriers en série. Dans ce climat, toutes les voies sont explorées à fond. Une des perquisitions au 128, route de Philipeville à Marcinelle, a permis de découvrir une revue relatant la disparition de la petite Elisabeth Brichet. Ce n'est pas par hasard si la maman de la jeune Namuroise est venue à la rue Daubresse, à Jumet. Autre fait témoignant de la précision des investigations, comme des dirhams (monnaie marocaine) avaient été retrouvés chez Dutroux, les enquêteurs ont vérifié si la petite Loubna Benaïssa, qui venait de revenir du Maroc lors de sa disparition, en possédait encore à ce moment-là.

Une autre autopsie a été envisagée: celle du cadavre de Serge Dutroux, le frère du monstre, qui se pendit en 1993, sans que l'on ait compris vraiment son geste. Les enquêteurs cherchent à vérifier une partie des propos de l'épouse de Roland Corvillain, le pédophile qui avait vécu dans la maison qui a été fouillée de fond en comble, rue du Conseil, à Ixelles, près de chez la petite Loubna Benaïssa.

 On sait que l'ex avocat Vanderelst, condamné dans le cadre du procès des auteurs de l'enlèvement de VDB, est un ami de Michel Nihoul. Selon l'épouse de Corvillain, parmi les amis de son mari fréquentant la rue du Conseil figuraient Michel Nihoul (à qui Vanderelst sert d'alibi pour le jour de la disparition de Laetitia), figurent l'armurier Darville, le père de Patrick Haemers et l'inspecteur Georges Zicot. Des liens ont été établis également entre la disparition et la mort de Laurence Mattues et Dutroux. On avait dit que la jeune fille était morte d'overdose, alors que ses parents savaient qu'elle ne prenait aucune drogue. Laurence travaillait à Walibi.

Chaque jour révèle aux enquêteurs écoeurés des indices impossible à publier ici, mais qui donnent le vertige à propos de l'horreur des crimes de Dutroux et Martin.

LA LISTE QUI CONDUIRA PEUT-ÊTRE AUX PROTECTEURS DE DUTROUX

La maman de Michelle Martin apporte un témoignage que des psychologues doivent décrypter.

La pauvre mère émerge de l'influence des médicaments que Dutroux lui imposait. En avril 1992, elle avait dit que "six personnes avaient fait du tort" à son gendre. Quatre ans plus tard, ces six personnes sont mortes.

On vérifie comment.

Qui protégeait Marc Dutroux? Les perquisitions ont fait remonter à la surface une liste des cafés de Charleroi et de la région, où figuraient des renseignements ultra-confidentiels. Ces documents officiels portaient des instructions de destruction ou de recopiage. On le comprend: cette liste précisait les lieux fréquentés par les policiers en civil de Charleroi, ainsi que les cafés dont les tenanciers étaient des indicateurs. Qui avait accès à un document aussi secret, et comment Dutroux était-il en sa possession?

Des éléments extrêmement précis permettant peut-être de remonter à Michel Nihoul ont été retrouvés à Marcinelle. Notamment cette boîte Tupperware décorée de boules blanches marquées d'une étoile, cachée dans le faux plafond, et qui aurait contenu de l'extasy. Nihoul aurait été le fournisseur de Marc Dutroux et de Michel Lelièvre. Le nom de l'ex substitut bruxellois Claude Leroy apparaît également dans les investigations actuellement en cours.

 Les exceptionnelles mesures de sécurité protégeant le procureur Bourlet, le juge Connerotte et les inculpés impressionnent. La rue menant à la maison de M.Connerotte a été interdite à la circulation. Les inculpés portent des gilets pare-balles, les patrons de l'enquête se déplacent en Merceries blindée. II faut relier ces précautions aux deux vols de Kalashnikovs perpétrés à Hennuyère et à Châtelineau.

Aussi fou que cela puisse paraître, des milieux policiers auraient intérêt à supprimer des témoins qui en savent trop. Au même moment, les autorités judiciaires craignent une offensive du milieu mieux de la région carolorégienne. Le nom d'un restaurateur de Charleroi, fiché en Italie par la DIA (Division de lutte anti-mafia), chef de la famille des Carruana Contrera, qui s'insurge contre toute allusion à son séjour à Palerme, revient à la surface. Son établissement n'est pas fréquenté que par d'anonymes amateurs de pizzas: membres de la

BSR, de la PJ, magistrats et personnalités politiques, en apprécient la gastronomie.

 Philippe Brewaeys et Marcel Leroy

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Corvillain,Dutroux,Nihoul et papa Haemers

 « Le Soir Illustré » du mercredi 11 septembre 1996 pages 32 et 33

 • C'est chez Roland Corvillain, un informaticien de 50 ans, incarcéré pour viols et pédophilie, que des fouilles ont été entamées jeudi dernier, au 35 rue du Conseil, à Ixelles (Bruxelles). A 300 mètres à peine de la maison des parents de la petite Loubna Benaïssa...

 • Un sérieux client pour la justice que Corvillain. Condamné pour escroquerie, faux et usage de faux, à deux années de prison, il en était sorti pour bonne conduite après 15 mois de détention. Même mécanisme que pour Nihoul et Michel Lelièvre: c'est en prison qu'il aurait fait la connaissance de Serge Frantsevich, un prétendu informateur de la BSR et de Robert Darville, l'artificier de la célèbre bande à Patrick Haemers, l'homme qui enleva VDB et qui se suicida en prison. Mais ces deux personnages n'étaient pas les seuls amis de Corvillain. D'autres lui rendaient régulièrement visite dans la maison de la rue du Conseil: Marc Dutroux, Nihoul et le père de Patrick Haemers, Achille.

 Dans le quartier, personne ne pouvait imaginer que Roland Corvillain, cet homme apparemment aimable, intelligent, cultivé et courtois en cachait un autre, abject. Jusqu'au jour où Rita le quitta.

Rita, que Corvillain avait épousé alors qu'elle était mère d'une petite fille de 13 ans. Le couple avait adopté une autre petite fille devenue handicapée mineure à la suite des harcèlements sexuels de son père et des nombreux coups qu'il lui assenait, sous le moindre prétexte. Par respect pour ces victimes, nous en avons changé les noms.

 Le jour où Rita le quitte, Corvillain lui écrit une lettre de menaces, très violente. Si Maria, qui venait à peine d'avoir 15 ans, n'avait jamais lu cette lettre, elle n'aurait, sans doute, jamais osé dévoiler l'épouvantable secret qui la hantait depuis plus de deux ans. Sans cette lettre, Maria et sa soeur, Lara, n'auraient jamais parlé à ces deux policiers de la commune d'Ixelles que l'on aime bien, dans le quartier.

Deux policiers qui ont fait preuve de toute la délicatesse indispensable à ce genre d'interrogatoire, pendant plusieurs heures, pour écouter les mots chargés de larmes que prononçaient avec difficulté les deux jeunes filles meurtries.

Roland Corvillain fut immédiatement incarcéré. Et le même jour, le 1er juillet dernier, son appartement était perquisitionné. On y trouva une centaine de cassettes pornographiques, des revues et catalogues du même genre, et aussi de nombreuses photos, d'un goût plus que douteux, dont les modèles étaient principalement des enfants en bas âge, à qui l'on faisait prendre la pose.

 Car Roland Corvillain est un as de la photo. Un artiste qui utilise les effets de lumières et les reflets de l'eau, des fontaines et des étangs, pour donner à ses petites victimes sans défense un décor romantique, avec une touche d'indécence, lamentablement suggestive.

Corvillain ne s'était pas contenté d'agresser ses deux petites filles. Sa nouvelle incarcération à la prison de Forest a permis à une autre de ses victimes de se libérer du dramatique secret qui la faisait souffrir, depuis une dizaine d'années. A l'annonce de l'arrestation de Corvillain, elle s'est finalement confiée à un de ses amis commerçant du quartier qui l'a encouragée à parler aux policiers de la commune. Tamara avait 16 ans à l'époque des faits. Elle avait été mariée à 15 ans pour se retrouver, peu de temps après, pensionnaire du foyer pour femmes battues, à Jette, où Rita, l'épouse de Roland Corvillain, travaillait comme monitrice. Corvillain avait, paraît-il, appris à Tamara, à lire et à écrire, dira-t-elle. Il la connaissait donc bien. Mais un jour, alors qu'il rendait visite à sa femme au foyer de Jette, il rejoignit Tamara dans sa chambrette, la bâillonna et la viola. Il répétait ces actes odieux, à l'occasion, en donnant à sa victime quelques menus deniers, à titre de «compensation» et en doublant celles-ci de menaces diverses, pour qu'elle se taise...

Roland Corvillain entretenait des relations douteuses avec certains protagonistes de la bande à Dutroux. D'autres noms cités dans différentes affaires criminelles, auraient également été prononcés, au cours des auditions. Mais pour le juge Connerotte, les noms de Dutroux et de Nihoul auront suffi à exiger que des fouilles méticuleuses soient organisées dans la maison qu'occupait Roland Corvillain. La petite fille marocaine, Loubna, avait en effet disparu à moins de 300 mètres de là.

PORNO ET BLANCHIMENT

Dans le grenier de la maison de la rue du Conseil, Roland Corvillain avait établi le siège d'une société de service informatique du nom de Logitel. Il avait pour associé un certain Serge Frantsevich, qui se dit ingénieur diplômé de l' Ecole royale militaire, et dont l'épouse aurait travaillé dans le quartier chaud de la gare du Nord. Serge Frantsevich aurait également proposé ses services à la police et à la BSR, en qualité d'informateur. Frantsevich se chargeait du blanchiment d'argent, moi de faire des affaires honnêtes, aurait déclaré Roland Corvillain, aux policiers. Mais sa femme Rita précise aussi que Marc Dutroux, Michel Nihoul, qui se faisait appeler DON, Achille Haemers et une autre personne du milieu de l'aéronautique venaient régulièrement rendre visite à son mari au siège de la société, pour parler business...

Roland Corvillain devra bientôt répondre à une autre question: An et Eefje avaient disparu à Ostende et à la même époque, Roland Corvillain se trouvait également sur la côte, précisément à Ostende. Il y avait loué un appartement pendant deux semaines pour sa femme Rita. Ceux qui le connaissent estiment peu probable qu'il ait dépensé le peu d'argent qu'il avait pour offrir deux semaines de vacances à une femme dont il était séparé et avec qui les rapports étaient pour le moins difficiles. Rita a confirmé aux policiers que son mari ne restait pratiquement jamais avec elle dans cet appartement d'Ostende. Il passait ses journées ailleurs, sans jamais préciser ce qu'il faisait et où il allait.

Pour les enquêteurs, la location de l'appartement et la présence de Rita ressemble bien à un alibi.

 Michel Jaspar.

 

 

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