lundi 10 novembre 2008

Les 2.700.000 signatures de « Marc et Corine » au Parlement (« Le Soir»10 octobre 1996 pg18)


Les 2.700.000 signatures de « Marc et Corine » au Parlement

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 18

Par paquets de 5.000, 10.000 et 20.000, les 2.700.000 signatures recueillies par la pétition de l'ASBL Marc et Corine, réclamant un régime transitoire de peines incompressibles pour certains criminels, sont arrivées, mercredi matin, au Parlement, convoyées par Jean-Pierre Malmendier lui même,

Le vice-président de l'association était accompagné de François Kistemann, son président, et de deux responsables d'organisations néerlandophones équivalentes. Ils ont tous été reçu  par le président de la Chambre, Raymond Langendries, et par le président de la commission des pétitions. Ces derniers auraient promis de transmettre leur message aux parlementaires pour qu'un large débat s'ouvre sur les conditions d'application des peines.

Francois Kistemann et Jean Pierre Malmendier sont les pères de Marc et de Corine, tués gratuitement pour le vol d'une voiture.

La libération anticipée de Marc Dutroux, avant que celui-ci n'enlève vraisemblablement Julie, Métissa et d'autres, a renforcé leur volonté de voir rouvrir le débat sur la libération conditionnelle.

- Des peines incompressibles de 15 ans, par exemple, explique M. Malmendier, permettraient au juge de mieux qualifier et donc de démontrer la gravité de certains faits.

On prouverait ainsi aux victimes qu'on évalue bien l'importance de ce qu'elles ont subi. Ces peines ne seraient prévues que pour les crimes crapuleux, pervers, multiples et pour les atteintes aux personnes qui ne recèleraient pas un appliquée plus justement.

- Nous ne sommes pas par principe contre la loi Lejeune (NDLR: de libération anticipée), enchaîne M. Kistemann, mais cette loi très ancienne doit être caractère passionnel, La politique de libération anticipée des détenus actuellement menée offre trop peu de garanties aux victimes, selon les responsables de l'association

Nous dénoncons l'énorme déficit des moyens qui entourent actuellement la libération conditionnelle, poursuivent MM.Malmendier et Kistemann.

Un régime transitoire de peines incompressibles donnerait le temps à la justice de mieux former les gens qui prennent en charge les détenus, une fois qu'ils ont été libérés, et de mieux détecter les individus dangereux qui risquent de récdiver. La justice doit aussi mieux déterminer le moment auquel on peut libérer un détenu, avec le soutien suffisant, sans prendre trop de risques de récidive.

Les signataires de la pétition réclament également une plus grande considération pour les victimes

Les victimes doivent être plus associées aux libérations de ceux qui leur ont nui. En être informés personnellement et obtenir des garanties pour que les condamnés ne leur portent pas, à nouveau, préjudice.

Les victimes devraient aussi pouvoir bénéficier de soins médicaux et psychologiques et d'un accompagnement judiciaire gratuits.

Les présidents des groupes politiques et des Commissions de la Chambre réunie à Val Duchesse, ont décidé hier soir d'apporter une « réponse forte » à la pétition qui gourait être examinée en séance plénière ou en

Commission de la Justice et non en Commission des pétitions, comme c'est l'habitude.

MICHELLE LAMENSCH

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Les dossiers Cools et Dutroux, objets de commissions d’enquête parlementaire

 « Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 18

Le débat sur l'enquête sur l'enquête est en principe toujours prévu à la Chambre à partir du 16 octobre.

Mais les députés ne disposent jusqu'ici que du rapport Velu (sur le parquet de Charleroi, qui doit encore être complété par le rapport Liekendael sur la cour d'appel de Mons), du rapport Thily (sur les informations fournies dans le cadre de l'instruction de Liège sur les disparitions de Julie et de Mélissa) et du rapport du procureur général de Gand Frank Schinz (sur les disparitions d'An et d'Eefje).

Le comité P (qui contrôle les services de police) n'a pas encore remis au ministre de la Justice l'avis demandé sur les rapports Velu, Thily et Schinz.

Cet avis ne devrait être déposé au plus tôt que vendredi ou lundi, avec ou sans le rapport complémentaire du procureur général de Cassation Liekendael. Ces jours-ci, à la suite de la publication de son rapport annuel dont la première mouture (amendée) de l'avant-propos ainsi que la postface ont été critiquées parce que jugées injurieuses à l'égard du Parlement comme du gouvernement, plusieurs articles de presse ont à nouveau jeté le discrédit sur le comité P, laissant même sous-entendre qu'il ne serait pas capable d'exécuter les tâches qui lui sont confiées.

Hier, au Sénat comme à la Chambre, les présidents des commissions d'accompagnement, Frank Swaelen et Robert Delathouwer, ont répondu en soulignant que rien ne permet de mettre en doute la volonté et les capacités du comité de donner au ministre un avis sur l'enquête sur l'affaire Dutroux.

Par ailleurs, un consensus s'est dégagé hier de la réunion des députés à Val Duchesse: les députés ont décidé de prendre les enquêtes en main. En créant deux commissions d'enquête sur les dysfonctionnements des enquêtes relatives à l'assassinat d'André Cools et à l'affaire Dutroux.

 La commission de la Justice devant laquelle doit avoir lieu le débat de l'enquête sur l'enquête, avant le débat sur la note dite « de consensus sur la répartition des tâches entre les services de police, ne peut en outre prendre en charge l'examen des dossiers Cools et Dutroux.

Dès ce jeudi, la conférence des présidents examinera la manière d'organiser le travail. C'est le 16 octobre, a l'issue de la réunion de la commission de la Justice de la Chambre, que sera officialisée la décision.

Comme pour l'enquête sur les tueries du Brabant wallon, les députés entendent partir d'un cas particulier pour tirer des conclusions générales et empêcher, si possible, de nouveaux incidents du même style.

Les deux commissions devraient travailler sur le dossier Cools avant les développements survenus au début de septembre et les déblocages actuels, ou dans le dossier Dutroux, avant qu'il ne soit mis à l'instruction à Neufchâteau (enquête sur Dutroux par la gendarmerie, instruction sur la disparition de Julie et Mélissa, etc.). Ce jeudi midi, les députés libéraux exposeront à Liège les raisons pour lesquelles ils ont demandé ces commissions d'enquête.

O.AI. et R. Hq.

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 La disgrâce d’un bienfaiteur de l’enfance

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 18

Un mythe s'effondre à Charleroi.Robert Bracq est au centre d'un scandale et entraîne dans sa chute la fondation du même nom.

Les jours de la Fondation Robert Bracq, du nom de l'ancien substitut du procureur du Roi de Charleroi, sont comptés. Début septembre déjà, le Roi lui avait retiré son haut patronage.

Pourquoi? Il s'agit d'une affaire extrêmement pénible qui met sur la scène publique un délit vieux de vingt ans.

Le baron Bracq est en effet accusé d'avoir commis des abus sexuels sur une de ses anciennes pupilles, Mme M. B., âgée aujourd'hui de près de 50 ans. Comme le constatait le procureur du Roi de Charleroi, il n'y a pas d'infraction » : les faits sont prescrits. Mais M. B, dont la vie affective et sexuelle a été brisée, a voulu obtenir une réparation morale: retirer à la fondation le nom de Bracq. Il lui semblait insupportable qu'une association qui aide les enfants en détresse porte le nom de quelqu'un qui avait abusé d'elle et sans doute d'autres jeunes filles également.

L'enfance de M. B. est terrible: placée à l'âge de neuf ans parce que ses parents la maltraitaient, elle a fait tout le parcours d'un « enfant du juge», tel qu'a pu le dénoncer Jules Brunin dans « L'Enfer des gosses » : elle fait le tour des homes de la région et est même placée à 17 ans dans un asile d'aliénés. Pendant deux ans, elle vit sous le régime des calmants et des électrochocs. A 20 ans, elle se retrouve dans un foyer familial.

C'est là qu'elle va rencontrer M. Bracq qui devient son protuteur. Et elle, deviendra son «esclave» sexuelle.

- C'est mon futur mari qui a fini par me sortir de ses griffes, explique-t-elle. La jeune femme s'est aussi confiée à la directrice d'un home de protection de la jeunesse, qui est aujourd'hui juge de la jeunesse à Charleroi.

C'est elle qui fera pression sur le substitut Bracq pour qu'il arrête ses relations avec M. B.

J'avais tellement peur d'être abandonnée, dit-elle. Qu'on me mette en prison ou en asile. Il ne me menaçait pas, mais me faisait comprendre qu'il était tout puissant.

Pendant près de 23 ans, M. B. a gardé le silence pour préserver l'avenir de ses deux enfants. Je craignais qu'en dénonçant un magistrat tellement renommé, on ne place mes enfants. Je le voyais à la télévision. J'ai vu qu'il avait été nommé baron.

Il était considéré comme un saint, et, moi, ma vie était brisée. M. B. est soignée par un psychiatre qui lui dit, un jour, qu'elle n'est pas la seule, qu'il connaît d'autres victimes du substitut. Pour moi cela été le déclic.

Ce n'était pas moi la coupable, mais lui. Je regardais des émissions sur l'abus sexuel On disait qu'il fallait parler.. .M. B. ne cherche pas à se venger. Elle veut seulement obtenir des excuses de son ancien protecteur.

Avec son thérapeute, elle va voir le baron Bracq. Il a fait semblant de ne pas me reconnaître. Puis il a menacé de me faire un procès en correctionnelle. Il m'a salie devant mon thérapeute.

M. B. en sort complètement effondrée. Après quelques mois, elle finit par prendre contact avec le délégué général aux droits de l'enfant, Claude Lelièvre, il y à un an. Qui écoute, abasourdi, son histoire.

J'ai d'abord vérifié si elle était saine d'esprit. Puis si les faits dénoncés étaient exacts. Trois thérapeutes m'ont certifié quelle était tout à fait équilibrée. Claude Lelièvre contacte le ministre de la Justice et le procureur général de Mons. L'enquête a été confiée au procureur du Roi de Charleroi, M. Marchandise. Qui recueille - entre autres - le témoignage de l'ancienne directrice de home et considère fondées les accusations de M. B.

Et même si la jeune fille était majeure au moment des faits, elle était complètement dépendante de lui sur le plan social et psychologique.

Une action disciplinaire était possible, précise le magistrat. Elle est d'ailleurs ouverte. Mais une expertise psychiatrique a conclu que M. Bracq (NDLR: très âgé et malade) ne pouvait plus être entendu de manière adéquate.

Pour M. B., la simple intervention du procureur du Roi est vécue comme une délivrance: J'étais très révoltée par le monde de la justice. Tous ces médecins, ces juges qui savaient et se sont tus...

Avec Claude Lelièvre comme médiateur, commence alors une longue négociation avec la Fondation Bracq. Le 1er avril 1996, le président de la fondation, le substitut G.-H. Simonis,finit par promettre de changer le nom de la fondation. Les semaines passent, les lettres du délégué aux droits de l'enfant restent sans réponse. Comme si la fondation misait sur le découragement de la victime.

La mort de Julie et de Métissa a joué comme un électrochoc, raconte Claude Lelièvre. Nous avons donné un ultimatum à la Fondation Bracq, pour le 30 septembre. Et, malgré les efforts de médiation de M. Marchandise, les pressions, les menaces, tant sur le délégué que sur M. B., s'accentuent encore.Leur action, dit-on, allait porter préjudice à tous les démunis de Charleroi. M. B. s'est même fait traiter de « psychopathe ».

Le 26 septembre, le conseil d'administration de la Fondation Bracq décidait de rencontrer M. B. et les médiateurs pour le mercredi 9 octobre. Mais, pour M. B, les choses étaient allées trop loin: Je veux que tout le monde sache, nous dit-elle. Et surtout les autres victimes. Quand elles se seront manifestées, je me sentirai délivrée.

MARTINE VANDEMEULEBROUCKE

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L’attentisme de la Fondation Bracq

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 18

Dissoudre la Fondation Bracq contre le silence de M. B. C'était un peu les termes du «deal» qui s'était conclu entre les médiateurs et la Fondation Bracq. Mais l'ambiguïté de la fondation quant à sa réelle volonté de rencontrer la demande de réparation morale et surtout le scepticisme affiché quant à la véracité des abus sexuels ont changé la donne.

Je me considère comme dégagé de ma réserve parce que la partie adverse n'a pas tenu ses engagements, expliquait, mercredi, Claude Lelièvre. Et je veux que le fils de la victime sache qu'une justice fonctionne encore. Claude Lelièvre et M. B.étaient en effet convaincus qu'à l'issue du conseil d'administration du 26 septembre, la Fondation Bracq avait accepté de disparaître. En réalité, comme nous l'ont encore rappelé mercredi, les membres de la fondation, lors d'une conférence de presse improvisée au palais de Justice de Charleroi, il s'agissait de discuter avec M. B. sur ses intentions.

Les membres du conseil d'administration de la fondation disent avoir été pris de court.

- J'ai été mis au courant des faits au début de septembre par M. Simonis, nous disait Philippe Andrianne, ancien secrétaire général d'Arc-en-ciel et membre du CA de la fondation. S'il n’y a pas d'autre alternative que de changer le nom, on le fera, mais on nous demande de réparer quelque chose, de nous ériger en juges pour des faits à propos desquels nous ne savons rien.

Comment expliquer que le conseil d'administration soit resté aussi inactif alors que son président, M. Simonis, s'était engagé, le 1er avril, à accéder à la demande de M. B.? L'information semble, et c'est un euphémisme, circuler assez mal au sein de la fondation. Ce mercredi, un membre du CA semblait encore ignorer le retrait du haut patronage royal.

Visiblement, la fondation n'est pas parvenue à oser dire l'indicible tant à ses donateurs qu'aux permanents et aux bénévoles qui travaillent dans les associations fondées par Robert Bracq.

Comment maintenir les équipes en place? Notre souci était de permettre que le travail sur le terrain continue, constate Philippe Andrianne. La zone de turbulence va être dure, mais ces associations vont continuer à vivre.

De fait, l'ASBL Arc-en-ciel semble avoir déjà tourné la page. Elle ne bénéficie (?) plus de la «présidence d'honneur» de Robert Bracq depuis quelques semaines. Officiellement, à la demande de la famille.

Pour J.-Ph. Mayence, avocat de M. B., comme pour Claude Lelièvre, il ne faut effectivement pas confondre les oeuvres du baron et la personne de Robert Bracq.

Les premières n'y peuvent rien, mais risquent de payer cash et injustement le refus obstiné d'un vieil homme et de sa famille de prononcer les mots d'excuse, quand il était encore temps.

M. Vdm.

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Robert Bracq, une double personnalité

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 18

Un être généreux, imaginatif, à l'enthousiasme communicatif ? Un personnage autoritaire, excessif, manoeuvrier ?

A 83 ans, Robert Bracq a toujours eu ses plus chauds partisans et ses plus rudes détracteurs au pays de Charleroi.

Les premiers n'ont jamais cessé de tarir d'éloges à son sujet; les seconds se sont toujours tus. Parce qu'on ne s'attaquait pas a une «institution» comme celle-là; parce que toute critique aurait été comprise comme une souillure à l'enfance malheureuse dont il s'était fait le porte-drapeau sinon le symbole.

Aujourd'hui encore, au palais de Justice, nombreux sont ceux qui continuent à se demander au nom de quelle protection supérieure son secrétariat bénéficie toujours (et gratuitement) de locaux qui font pourtant cruellement défaut aux institutions. Un privilège qui n'aurait été remis en cause que récemment.

SUR TOUS LES FRONTS

On a dit sa vie privée réglée comme papier à musique: couché et levé tôt, allergique à la télévision, ni loisirs ni passions, trois semaines de vacances annuelles dans sa caravane de Normandie, pas de sorties et peu de lectures si ce n'était un San Antonio à l'occasion.

On l'a vu sur tous les fronts de la mendicité, au sens noble du terme. La sébile à la main à l'occasion des opérations Arc en-ciel, aux côtés des souverains (Baudouin le fera baron en 1990), des hommes politiques de tous bords, qui ne lui ménageaient pas leur sympathie au demeurant, pendu aux basques des financiers et des industriels qui supportaient (mal) ses assauts revendicatifs.

MONSIEUR LE JUGE

Dans les homes et foyers qu'il a inaugurés à foison, on le confondait parfois dans des rôles de bâtisseur et de gardien intransigeant. Dans la rue, on saluait avec respect « le juge » qu'il n'a jamais été puisqu'il termina sa carrière comme premier substitut du procureur du Roi au parquet de la jeunesse.

Dans les mouvements de jeunesse précisément, on se flattait de pouvoir lui servir du «Serpent à coulisse», ce totem dans la peau duquel ses frères scouts l'avaient si judicieusement glissé.

Robert Bracq a bâti, nul ne le contestera. Au bénéfice de qui, c'est toute la question? Certains se souviennent bien sûr de son omniprésence sur le terrain, de ses engagements, de l'espèce de concurrence irritante qu'il a opposée aux institutions. D'autres, des mots durs et des attitudes cassantes qu'il a pu avoir en certaines circonstances, de gestes paternalistes qui ont pu blesser davantage qu'ils n'ont rassuré, de jugements irréversibles qui n'autorisaient aucun appel.

Avec en bout de course un regard figé sur un monde devenu inaccessible. Robert Bracq a-t’il finalement servi la jeunesse ou s'est il enfermé dans l'image d'un certain type de société, «sa» société, idéalisée?

Avec les faiblesses et les excès que l'une ou l'autre attitudes ont pu générer ? La réponse lui appartient.

OLIVIER COLLOT

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Quel avenir pour la Fondation Baron Bracq ?...

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 18

Il ne s'agit pas de remplacer M. Bracq, qui est irremplaçable. Mais, cette fondation, c'est au contraire la manière pour qu'il puisse continuer...

C'est par ces mots que Philippe Maystadt commentait, en avril 1995, la création d'une Fondation Robert Bracq («Le Soir du 7 avril 1995). En la circonstance, le ministre PSC était entouré d'autres figures politiques, comme la sénatrice libérale Jacqueline Mayence et le bourgmestre socialiste Van Cauwenberghe, qui avaient, eux aussi, accordé leur parrainage à l'initiative. Le «juge» Bracq était la, lui aussi, visiblement très affaibli, s'exprimant avec difficulté. Sa santé s'est encore beaucoup dégradée depuis lors.

Peu de temps auparavant, pourtant, il s'astreignait à garder le mode de vie épuisant qui a été le sien pendant des décennies: levé avant l'aube, couché tard le soir, honorant chaque jour son perpétuel rendez-vous avec la misère de sa région. C'est là, pendant le rigoureux hiver de 1985, qu'il a fait surgir spectaculairement le visage de la «nouvelle pauvreté» aux yeux du pays. Vingt ans après l'abbé Pierre, auquel il aime s'identifier, le magistrat émérite avait ainsi, lui aussi, lancé son appel au secours, largement répercuté par les médias. L'opération «Faim et Froid, depuis, continue à mobiliser à chaque saison hivernale les élans de la générosité publique, par des récoltes d'argent, de vivres, de vêtements, de combustibles...

Les activités caritatives de Robert Bracq datent de bien avant. Nommé substitut du procureur du Roi à Charleroi en 1947, il porte une attention toute particulière au sort des enfants placés.

En 1950, il devient président du comité de patronage des enfants moralement abandonnés.

Quatre ans plus tard, il lance l'opération Arc-en-ciel, une collecte de vivres menée a grande échelle par les mouvements de jeunesse pour offrir des vacances aux enfants des homes. Il sera, dans les années suivantes, à l'origine de la fondation de nombreuses institutions d'accueil pour enfants du juge, jeunes gens et jeunes filles en difficulté, repri de justice...

Sa mise à la retraite, en 1982, n'interrompt pas mais stimule ses multiples combats contre les situations de détresse. Chaque matin, une file de gens désespérés colonise le rez-de-chaussée du palais de Justice où, entouré d'une équipe de bénévoles et d'intervenants sociaux, l'ancien magistrat a pu conserver des bureaux.

Jusqu'au bout de ses possibilités physiques, le vieil homme a dirigé en personne les opérations sur le terrain; il ne dédaignait pas de tendre la sébile dans les rues et les supermarchés, ni d'aller solliciter la générosité des paroissiens dans les églises. Sa force de persuasion, la hauteur morale que la nature semble avoir voulu qu'il incarnât physiquement, étaient payantes. Au meilleur de sa forme, dit on, il pouvait, lui seul, recueillir une quinzaine de millions par an.

On comprend que, s'interrogeant sur l'« après-Bracq », ses proches aient conçu le projet d'une fondation. L'idée était de collecter auprès d'entreprises et de riches donateurs un capital suffisant pour assurer la pérennité des «oeuvres du juge »).

Les fonds récoltés jusqu'ici - quelque deux millions – sont loin d'atteindre le montant espéré.

Le coup porté à la réputation du grand homme compromet davantage l'avenir de la fondation.

DENIS GHESQUIÈRE

 

 

 

 

 

« Le droit, fermement et sereinement » («Le Soir» 10 octobre 1996 pg17)


Le procureur : « Le droit, fermement et sereinement »

 « Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 17

 Lundi, à 15 h 30, la Cour de cassation tranchera. Mais, pour le procureur général, les sentiments ne peuvent franchir la d'un prétoire.

Il faudra donc attendre jusqu'au 14 octobre, dans l'après-midi, pour connaître l'arrêt de Cour de cassation saisie d'une requête en dessaisissement visant le juge d'instruction de Neufchâteau Jean-Marc Connerotte et déposée par les avocats de Dutroux (Me Julien Pierre) et Nihoul (Mes Clément de Cléty et Baranyanka).

Le juge Connerotte sera-t-il dessaisi des dossiers d'enlèvement d'enfants qu'il traite depuis huit semaines ? Précipitera-t-il dans sa chute le procureur du Roi Bourlet ? Tout semble l'indiquer,même si - bien sûr nul ne peut préjuger de la décision que rendra la Cour lundi prochain.

Hier matin, en tout cas, le procureur général près la Cour de cassation, Eliane Liekendael, s'est en somme rangée à l'avis des avocats. A son corps défendant, dit-elle explicitement, elle doit bien constater que le juge a fait ce qui n'est pas permis. Et qu'une seule conclusion peut en être tirée...

A l'ouverture de l'audience, les avocats ont simplement dit qu'ils s'en référaient aux textes de leurs requêtes et de leurs mémoires. C'est donc le procureur général Eliane Liekendael qui a eu la lourde tâche d'expliquer avec des mots précis et des mots que tout le monde peut comprendre -- que la loi est dure, mais que c'est la loi.

Citant l'article d'un chroniqueur judiciaire, Eliane Liekendael reprend ses sentiments à son compte: Moi aussi, pour la première fois de ma vie peut-être, mon métier de magistrat me pèse. Tous, et vous aussi car je vous connais -, dit-elle à la cour, nous sommes bouleversés. Tous, nous communions avec la douleur des familles... et de tout un peuple.

Le procureur général près la Cour de cassation est terriblement habile et efficace. On s'attendait à ce qu'elle plaidât en droit, mais, au contraire, elle place le débat sur le terrain de «l'adversaire». Jamais sans doute on n'aura tant argumenté, devant cette Cour, sur les sentiments humains, les évidences, le coeur... et si peu sur les lois, les codes, la «technique».

C'est que - Mme Liekendael le reconnaît d'office -, dans cette terrible affaire, il y a une distorsion tangible entre le droit et les sentiments.

Cependant, la raison s'impose vite : Mais, en entrant dans ce prétoire, dit-elle d'une voix ferme et autoritaire, il nous faut abandonner ces pensées et ces sentiments. Nous avons tous prêté le même serment, tous juré de respecter la loi. II faut appliquer les règles de droit. Fermement et sereinement.

Quelle est la règle de droit? Sans surprise, Mme Liekendael invoque les textes sur la récusation, la révocation des juges, ou la suspicion légitime. Ils disent que «tout juge est récusable s'il a été reçu par une partie à ses

frais ou a agréé d'elle des présents».

Certes, le coût du funeste " dîner spaghetti était modeste, explique le procureur général; certes les cadeaux (des fleurs pour les dames, un stylo de 1.080 F pour le juge et le procureur) étaient modestes eux aussi. Mais - modestes ou pas le code ne fait pas cette distinction. C'est le principe qui est en cause. La règle de droit impose le dessaisissement du juge et je le regrette. Mais le respect absolu des principes ne risque-t-il de façonner une justice aveugle et inhumaine?

Eliane Liekendael n'élude pas la question: Des responsables politiques, d'éminents juristes, une foule de citoyens - qui ont souhaité participer à l'oeuvre de justice - se sont manifestés (souvent en nous écrivant pour souhaiter que nous fassions preuve de créativité. Pour nous suggérer des solutions. Je vous l'avoue, j'ai essayé d'en trouver. Je n'ai pas réussi. D'ailleurs, à quoi auriez-vous abouti, si ce n'est à un arrêt rédigé de la sorte : "Attendu que la règle impose le dessaisissement du juge Connerotte... mais attendu qu'en l'espèce la Cour n'appliquera pas la règle de droit... ».

Mais le procureur général laisse aune porte ouverte à la Cour: J'en suis désolée, la loi impose le dessaisissement... sauf s'il est possible à la Cour de trou ver une « solution créative s'inscrivant dans le respect de la règle légale et que je n'ai pas trouvée.

Au fil de quelques considérations «techniques», le procureur général entrouvre une autre porte. Elle explique qu'elle n'a pas souhaité qu'on entende toutes les parties à la cause.

Ainsi, quand l'arrêt sera rendu, il leur sera communiqué et cela leur permettra d'y' faire opposition.

Enfin, si le juge est dessaisi, on en vient inévitablement à s'interroger sur le sort qu'il convient de réserver à son dossier. Eliane Liekendael s'en remet là-dessus à l'avis de la Cour. Non sans constater que si l'on conçoit qu'un soupçon de partialité dans le chef du juge impose son dessaisissement, un tel soupçon n'est pas plus admissible pour un procureur. Ce n'est pas l'idée qu'elle a de son office et, donc, il lui semble que le dossier des enlèvements d'enfants (au moins) devrait être confié à un autre arrondissement judiciaire.

Mais lequel? Si l'on s'en réfère à la jurisprudence, dit le procureur général, c'est un arrondissement du ressort de la cour d'appel de Liège qui devrait "hériter» du dossier Dutroux. Mais cette jurisprudence connaît des exceptions. Eliane Liekendael constate encore qu'un autre volet du dossier (les trafics de voitures et les protections» de la bande) n'est pas étranger à une instruction en cours au parquet de Bruxelles.

Les dossiers 86/96 et 87/96 du juge Connerotte pourraient donc être séparés; l'un partant, par exemple, dans un arrondissement du ressort de la cour d'appel de Lège, l'autre vers Bruxelles. Mais ce ne sont que des « pistes »: le procureur général s'en remet, sur ce point, à l'avis que rendra la Cour.

On le connaîtra lundi, à 15 h 30.

ALAIN GUILLAUME

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A deux doigts de l’incident

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 17

La Cour devait se réunir à 9h30... mais Me julien Pierre n'était pas là. Une négligence coupable et méprisante? Dans la salle, bien des militants des organisations défendant les parents de victimes n'étaient pas loin de le penser. Assis au deuxième rang de la salle, derrière les avocats de Dutroux et de Nihoul, les parents de Julie Lejeune, de Mélissa Russo, d'An Marchal et d'Elizabeth Brichet attendaient, impassibles.

Avec près d'une heure de retard, l'avocat a soudain surgi. Je vous prie de m'excuser, dira-t-il à la Cour. En expliquant que, comme bien d'autres, il a été pris au piège d'une manifestation et des embouteillages du rond-point Schuman. Ni la salle ni la Cour ne lui en ont apparemment tenu grief.

L'incident de la matinée s'était déroulé quelques instants plus tôt. L'avocat venait d'arriver à la barre, la Cour n'était pas en séance.

Gino Russo, le père de Mélissa, s'était levé pour tendre un carton à Julien Pierre: les photos de Julie et de Mélissa. Merci, a répondu l'avocat de Dutroux en rendant la carte au père, je l'ai déjà.. .

Gino Russo s'est rassis, sans reprendre la carte. Julien Pierre l'a relancée vers le père tout en échangeant un sourire avec un de ses confrères.

Et ça te fait rire, c... ? lance Gino Russo. - Méfiez-vous; vous n'avez pas une immunité tous azimuts, rétorque l'avocat. Les gendarmes interviennent Tout le monde se calme

Nonante minutes plus tard l'audience achevée,, le cirque des médias audiovisuels a déroulé son spectacle. Crépitements de flashes, bourdonnements de caméras, bousculades, pagaille. Me Julien Pierre attire une foule considérable vers lui. Une douzaine de gendarmes se collent sur lui tout en courant jusqu'à sa voiture.

Tout ça, c'est un coup monté, clame un original habitué des grands rassemblements de presse.

AI. G.

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Bourlet réagit par une phrase « Jusqu'où on me laissera », bis

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 17

A Neufchâteau, ni le juge Connerotte ni le procureur Bourlet n'ont voulu réagir 'au réquisitoire de Mme Liekendael. Tout au plus M. Bourlet a-t-il lâché, à une consoeur de la RTBF qui lui demandait Jusqu'où irez vous?: J'irai Jusqu'où on me laissera aller. Une «petite phrase «bis » dont on reparlera sûrement.

A la fin de l'audience, c'est sans doute le père d'Ann Marchal qui paraît le plus ulcéré. Sans ambages, il lance aux journalistes qui l'interrogent: C'est incroyable. Impossible. Si c'est comme cela que ça se passe en Belgique, alors c'est fini. Tout le monde va descendre dans la rue...et moi avec.                                          Le père de Julie ne parle pas de manif, mais bien de grève: Je ne sais pas comment l'association va réagir. Mais oui, peut être... si le juge est dessaisi,nous demanderons peut-être un jour de grève.

La maman d'Elisabeth Brichet qui avait été ulcérée par la réplique de Me Pierre avant l'ouverture de l'audience – tente d'être plus sereine. C'est vrai, une faute a sans doute été commise. Mais on va bien voir, maintenant, si la loi peut se rapprocher de la justice. Bien sûr, un autre juge peut avoir notre confiance. Mais s'il est du parquet de Liège, alors c'est la révolte ils ne font pas ce qu'il y a à faire. ll faut que nous restions circonspects.., mais il y a peu d'espoir.

Me Frédéric Clément de Cléty (l'un des avocats de Nihoul, avec Me Baranyanka) refuse de commenter l'audience. Mme le procureur général a dit parfaitement, et mieux que nous n'aurions pu le faire, ce que nous pensions, explique-t-il quand même, une faute a été commise; notre devoir d'avocat nous .imposait de déposer ce recours. Mais comment faire comprendre aux familles que nous partageons leur douleur?...

Enfin, l'avocat de Dutroux, Me Pierre - qui refuse également de commenter l'audience d'hier - s'exprime quand même sur les incidents qui ont accompagné sa sortie de la salle d'audience (quolibets, invectives...). S'il 'y a un arrêt de des saisissement, je l'accueillerai sans état d'âme. Je n'en serai ni heureux ni malheureux. Je suis un professionnel; j'applique les règles; je fais mon métier. Mais deux choses m'interpellent.

D'abord, je constate que l'enquête principale patauge. Et, là dessus, aucune réflexion de fond n'est faite. Ensuite, l'attitude d'une certaine opinion publique m'interpelle. Si elle continue ces débordements insensés et médiocres, après la justice, c'est elle qui va finir par être montrée du doigt. Je suis immensément sensible à la douleur de M. Russo. Plus qu'il ne peut l'imaginer. S'il connaissait son interlocuteur - qui a eu lui aussi sa part de malheur -, il y mettrait une sourdine.

Al. G.

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Les huit semaines folles du « petit juge »

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 17

Certes, le dossier explosif sur le GIA a plus d'une fois troublé son congé, en juillet. Mais, après tout, une petite pointe jusqu'à Paris, pour y rencontrer le magistrat qui planche sur le même sujet, n'était pas pour lui déplaire. Ça donne de l'importance, du poids à son propre travail. ça remonte les bretelles.

Certes a-t-il repris le harnais, début août. Pour une routine estivale, toute relative. Puis, très vite, l'actualité a pris le mors au dent, un certain vendredi noir. C'était le 9 août, à Bertrix: Laetitia disparaissait sans laisser de traces. Dès le week-end, le « petit juge » Jean-Marc Connerotte est saisi.

Pour lui commence l'enquête la plus invraisemblable que puisse imaginer un juge d'instruction. Sans perdre un instant, les troupes du juge battent la campagne, questionnent, accumulent les indices. Qui, le 15 août, aboutissent à l'instant inoubliable: MM. Wilvers (P.J.) et Colin (BSR) sortent Laetitia et Sabine de leur sinistre geôle, à Marcinelle. La Belgique a la larme à l'oeil.

L'euphorie tourne court. Les aveux de Dutroux sont exacts, insoutenables. Il a fait de son jardin, à Sars-la-Buissière, un véritable cimetière. Celui de Julie et de Mélissa. Après l'exhumation, un enquêteur glissera,Je ne verrai sans doute plus jamais un juge d'instruction et son procureur pleurer côte à côte.

Le monde entier converge sur la Belgique, soudain pays de l'horreur. Les parents, le pays, ne sont pas au bout du drame. Les enquêteurs sortent de terre les dépouilles d'An et d'Eefje, chez feu Bernard Weinstein. Pendant ce temps, les arrestations se succèdent, révèlent l'étendue de la pédophilie. Puis des trafics de voitures, de drogues, d'armes. Le juge met le doigt sur des protections policières tandis que la Belgique, ahurie,découvre les enquêtes parallèles.

Ça se corse. Le travail du juge et de ses troupes dérange. Les menaces tombent, toujours plus pointues, précises. Les

Mercedes blindées entrent dans le bal. Le gilet, quand il est pare-balles, devient «mode ». Les barbelés se déroulent, jusque devant la maison du juge, devenue inaccessible.Même la chasse, alentour, est prise sous le feu des interdictions.

Début septembre, au détour d'un couloir, le proc' en sort une dont il a le secret: La semaine prochaine, nous élucidons une très grave affaire criminelle. Encore une? Puis, le vendredi suivant, pile quatre semaines après la disparition de

Laetitia, la nouvelle tombe, à Liège: Taxquet and Co. Sous les verrous. Ceux-là même que Connerotte avait épinglés 28 mois plus tôt pour l'assassinat d'André Cools... Imaginez la paire Bourlet - Connerotte: aux anges.

 C'était ça « I'affaire criminelle»? On ne le saura peut-être jamais.

Depuis le 9 août, les joies sont toujours de courte durée. Jean Marc Connerotte et Michel Bourlet ont avalé une pâte de travers. La boulette. L'indigestion de leur carrière. Au moment où Mme Liekendael, à 160 kilomètres de Neufchâteau, s'est levée pour requérir le dessaisissement de Jean-Marc Connerotte, au moment où les automobilistes jouaient du klaxon à l'appel de l'ASBL Marc et Corinne, un Chestrolais, sur son balcon, à préféré actionner une cloche. La cloche ou le glas?

 MICHEL PETIT

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Des écoutes téléphoniques pirates ?

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 17

Hier soir, une étrange dépêche diffusée par l'agence Belga a laissé entendre que Me Mayence, l'avocat de Georges Zicot, et le cabinet du ministre régional wallon Van Cauwenberghe auraient été placés sur écoute téléphonique par la gendarmerie.

Me Mayence, que nous avons contacté hier (par téléphone), nous a expliqué que, depuis quelque temps, des rumeurs lui étaient parvenues quant à la présence de son nom sur un listing et quant à des rumeurs relatives à des écoutes. Des assurances lui avaient été données: aucune écoute le visant n'avait été demandée dans l'enquête de Neufchâteau.

De son côté, le ministre régional et communautaire Jean-Claude Van Cauwenberghe a, lui aussi, marqué sa surprise devant l'information répercutée par l'agence Belga. Le ministre ignore si son cabinet est sur écoute. Il a donc clairement demandé au Parquet qu'il infirme ou confirme cette rumeur.

Il y a en fait de nombreuses semaines que la rumeur court sur ces écoutes qui viseraient des suspects de l'affaire Dutroux, des avocats, des hommes politiques, des policiers, des gendarmes et des journalistes. Elle s'était renforcée avec l'interpellation de plusieurs péjistes de Charleroi.

A deux reprises, nous avions interrogé les autorités judiciaires de Neufchâteau à ce propos. Voici quelques jours, M. Bourlet nous avait affirmé que, si de telles écoutes visant des journalistes ou des avocats existent, ce n'est pas dans l'enquête menée à Neufchâteau ou à la demande des magistrats de Neufchâteau. Et d'ajouter que de telles écoutes seraient illégales.

Plusieurs suspects ont cependant été mis sous écoute par Neufchâteau. Certains l'ont été avant leur arrestation. Il ne serait donc pas étonnant que des listes où figurent des noms d'avocats, par exemple, existent. Sans que ces avocats aient eux même été placés sous écoute.

AI. G.

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Les fouilles continuent à Jumet

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 17

Le pénible travail des fouilleurs a été interrompu à Jumet dans la nuit de mardi à mercredi. Les équipes, harassées par la fatigue, ont dû stopper leurs efforts vers 1 heure du matin. Ils n'ont repris qu'à 6 heures. D'inquiétants craquements se sont alors fait entendre dans la galerie. On en ignore toujours l'origine, mais les membres de la Protection civile ont plâtré les fissures dans la voûte de la galerie. Si ce plâtre venait à se fissurer lui aussi, cela signifierait que le danger d'éboulement a encore grandi. Il faudrait dès lors prendre de nouvelles mesures pour assurer la sécurité des équipes. Les chercheurs, qui en ont terminé avec l'évacuation et l'analyse du premier éboulement, se sont attelés depuis hier matin à racler les boues et glaises très compactes qui couvrent le sol de la galerie sur ses 88 premiers mètres.

Le travail est malaisé; on a tracé une ligne qui court sur la longueur du tunnel. Les travailleurs se tiennent d'un côté et creusent le sol de l'autre côté en évacuant au fur et à mesure. Le tri des glaises a cependant été jugé trop lent.

Les membres de la Protection civile ont donc cessé de creuser pour tenter de mettre au point un nouveau système de tri des boues. Celles-ci seront posées sur des tamis et aspergées d'eau à forte pression.

Des tamis successifs de plus en plus serrés doivent permettre de ne conserver que les résidus solides susceptibles d'intéresser les enquêteurs.

F. M

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Qu'adviendra-t-il du dossier du juge Connerotte ?

« Le Soir » du jeudi 10 octobre 1996 page 17

Rien n'est décidé.., mais tout permet de croire que la cour de cassation ordonnera le dessaisissement du juge Connerotte et peut-être l e transfert d u dossier d'instruction de Neufchâteau vers un autre arrondissement judiciaire. Plusieurs questions peuvent être posées â ce propos...

La juge d'instruction Doutrèwe (de Liège) qui avait instruit le dossier relatif à la disparition de Julie et de Mélissa sera-t-elle d'office saisie du dossier?

C'est en théorie possible. Et même cela correspondrait à ce qui se fait d'ordinaire en pareil cas.

En l'espèce, toutefois, on peut croire que la Cour de cassation ne prendra pas le risque de provoquer la colère d'une partie de la population. La juge Doutrèwe est mise en cause sur la manière dont elle a jadis instruit l'affaire. Lui rendre ce dossier tant que toute la lumière n'est pas faite sur l'enquête sur l'enquête serait une maladresse que la Cour ne commettra sans doute pas.

Le juge Connerotte dessaisi, son instruction est-elle caduque ? Les avocats y trouveront-ils un moyen d'aller à la cour européenne des droits de l'homme?

Non. Au contraire même. On dira que la Cour aura à temps - pris les mesures qui s'imposaient pour préserver le bon déroulement de l'instruction. Si la Cour, ne devait dessaisir le juge, il y aurait gros à parier que les avocats y trouvent des raisons de provoquer, au terme de l'instruction, de véritables séismes dans la procédure.

Le juge sera-t-il puni?

Probablement pas. Comme le procureur (et quantité d'enquêteurs), il a investi une énergie considérable dans cette enquête. On nous l'a dit hier: chacun dans la magistrature comme chez les avocats des inculpés sait que le retrait de ce dossier au juge Connerotte serait, à lui seul, une «punition» terrible.

Faudra-t-il changer les enquêteurs?

Non, il ne le faudra pas. En fait, c'est le juge qui est en quelque sorte le parrain de l'instruction. C'est lui qui décide qui fait quoi.

Plusieurs enquêteurs sont devenus de véritables «spécialistes» de ce volumineux dossier. Un nouveau juge décidera probablement de faire confiance aux mêmes enquêteurs.

Que signifie une «opposition» des parties?

Cela signifie que les parties civiles pourront dire qu'elles ne sont pas d'accord avec l'arrêt. On rouvrira alors le débat dans une nouvelle audience où chacun aura le droit de défendre son point de vue (de plaider).

Toutefois, on peut considérer que les chances de voir la cour reconsidérer son point de vue sont extrêmement réduites.

AI. G.

 

 

 

 

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