dimanche 16 novembre 2008

Enquête-Dutroux-Martin (« Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 51;52;53)


 

Les responsabilités

« Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 51

EMBROUILLES L'enquête sur l'enquête se poursuit. Mais l'heure n'est plus aux circonstances atténuantes. Aux « responsables » de rendre des comptes, à présent 

Le 27 septembre 1996, Claude Thirault, un ami de Dutroux, est libéré par la chambre du conseil de Neufchâteau. Cet informateur de la gendarmerie de Charleroi fait aussitôt savoir à la presse que, dès 1993, il avait transmis à la justice des informations précises sur Dutroux.

Cette année-là, Thirault aurait fait une première déposition à la gendarmerie après que Marc Dutroux lui eût proposé 150 000 francs pour kidnapper une enfant à la kermesse d'Yves-Gomezée, au sud de Charleroi. Une proposition qu'il aurait refusée avant d'en aviser les forces de l'ordre.

Claude Thirault affirme aussi s'être rendu à la gendarmerie le 26 juin 1995, deux jours après l'enlèvement de Julie et de Mélissa. Ayant travaillé dans plusieurs immeubles appartenant au couple DutrouxMartin, et ayant habité l'un d'eux, l'homme aurait même emmené les gendarmes visiter les travaux réalisés sous la citerne de la maison de Marchienne-Docherie. Il leur aurait également conseillé d'aller voir du côté de Sars-la-Buissière et... de Marcinelle. Les informations de Thirault donnent le départ de l'enquête « Othello », qui sera clôturée par la gendarmerie le 25 août 1995.

La gendarmerie de Charleroi a t-elle donc été avertie, de manière très précise et dès 1993, des nouveaux enlèvements d'enfants projetés par Dutroux ? Elle le nie. Le parquet de Charleroi a-t-il reçu toutes les informations contenues dans le rapport Othello du 25 août 1995 ? Il n'en dresse pas de procès-verbal. La juge d'instruction liégeoise, Martine Doutrewe, prend-elle connaissance par téléphone de ces renseignements sur Dutroux à la même époque ? « Je n'en reçois qu'un aperçu sommaire », affirme-t-elle. Tandis que les gendarmes assurent que l'information transmise était complète.

L'embrouillamini (délibérément nourri par certains ? )est total. Et, tant qu'il se poursuivra, cette extrême violence faite de mensonges et de lâchetés empêchera les familles des victimes de Dutroux et de ses complices de faire le deuil de leurs enfants.

Face à l'horreur, de mieux en mieux identifiée, des actes perpétrés par la bande, il y a aussi les ravages (mieux occultés) de l'incroyable incurie qui a permis qu'ils se répètent.

Le jour viendra sans doute où la responsabilité des gens de justice (lire l'encadré) devra être réexaminée à la lumière du calvaire subi par Julie, Mélissa, An, Eefje et - sans doute est-ce à craindre - par d'autres enfants encore.

Réparer?

« Le temps n'est plus où la puissance publique supposait en elle même l'irresponsabilité », concluait Jacques Velu, alors avocat général, dans le cadre d'un procès en cassation. Le 19 décembre 1991, l'avocat Jacques de Suray obtenait (en toute discrétion) un arrêt remettant en cause la sacro-sainte immunité de la responsabilité des magistrats, bénéficiant jusqu'alors à l'État. Cet arrêt est fondamental. Pourquoi ?

En Belgique, les juges ne peuvent être rendus responsables des décisions qu'ils prennent. « L'exercice serein de la difficile fonction de juger est inconciliable avec l'application aux juges eux-mêmes des règles du droit commun de la responsabilité » ce principe s'appliquait alors à la magistrature. Depuis cet arrêt de 1991, l'État peut désormais être assigné pour réparer l'erreur d'un juge, même si celui-ci continue de bénéficier personnellement de son immunité.

Tout pouvoir est responsable », proclamait également le procureur du roi de Bruxelles, devant la conférence du jeune barreau de Mons, le 28 avril 1989. Benoît Dejemeppe posait alors une série de questions nouvelles concernant la responsabilité du législateur du fait des lois et du juge du fait des actes juridictionnels ou quasi juridictionnels ». Rappelant les bases constitutionnelles, il concluait que « les pouvoirs n'ont jamais été souverains, seule l'est la nation ».

Au-delà des colloques et des mercuriales, la justice belge appliquera-t-elle ces paroles savantes ? Ou bien les parents des victimes de Dutroux devront-ils se tourner vers la Cour européenne des droits de l'homme, le jour où ils seront en mesure d'exiger « réparation » pour les « fautes » éventuellement commises par des magistrats ou par des enquêteurs dans l'exercice de leurs fonctions ?

Chantale Anciaux

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Dutroux l’invincible

« Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 52

PROFIL Réputé autoritaire et dominateur, Marc Dutroux est très mauvais perdant. S'il ne gagne pas, il interrompt un jeu d'échecs et exige de recommencer la partie. Témoignages           

Marc Dutroux naît le 6 novembre 1956. Trois garçons et une fille, de douze ans sa cadette, agrandiront ensuite la famille. Ils se souviennent que leur frère aîné exerçait sur eux une autorité tyrannique.

« Il se comportait de la même façon avec ses camarades plus faibles que lui. Sans se heurter aux plus forts », confirme leur mère, Jeannine L., divorcée de son mari, Victor, depuis 1977. Dutroux échoue en première année du cycle secondaire et suit alors l'enseignement professionnel. A Fleurus, puis aux Arts et métiers de Nivelles, son parcours scolaire est chaotique. Il est renvoyé de l'école pour avoir vendu des photos pornographiques à ses camarades.

A 15 ans, il brosse les cours. En fugue, il accepte d'être rétribué par un homosexuel en échange de masturbations réciproques.

A l'âge de 17 ans, Marc Dutroux quitte définitivement la maison familiale et entame une valse ininterrompue de déménagements dans la région.

Lorsqu'il est réformé du service militaire, Dutroux se vante à l'envi d'être parvenu à « tromper les médecins du Petit-Château ». Il occupe une série d'emplois d'ouvrier manoeuvre (chez Glaverbel,Caterpillar... ) avant de devenir chômeur et ferrailleur. Le 3 mars 1976, il épouse Françoise D. Deux fils naissent de ce mariage, D. et X., aujourd'hui âgés de 16 et 18 ans. Marc Dutroux reproche souvent à sa femme l'affection qu'elle prodigue aux enfants. A mon détriment », se plaint-il. Au terme d'un divorce par consentement mutuel en 1983, Dutroux obtient officiellement la garde de ses deux fils. Mais il confie leur éducation à leur mère.

A cette époque, déjà, Dutroux loue de nombreux garages où il entrepose des voitures, des pièces et des outils. D'autres emplacements restent vides, comme ceux de Roux et de Montignies-sur-Sambre, où il emmène ses nombreuses « conquêtes » pour y entretenir des relations sexuelles et organiser des séances de photos.

Au début des années 1980, Marc Dutroux fréquente, chaque dimanche, la patinoire de Valenciennes (nord de la France). Christine D., une jeune adolescente, y attend fébrilement chacune de ses visites. En 1982, il rencontre Michelle Martin à la patinoire de Forest. Le coup de foudre. Quelques mois plus tard, elle rejoint Dutroux dans son logement social de Goutroux, suite au départ de son épouse.

Obsédés sexuels

Dans la famille Dutroux, Marc a la réputation d'être un « dragueur fini ». Ce dont il est très fier. « Il était vantard et estimait être protégé par une force invincible », déclare un parent. Comme son père, Marc Dutroux serait obsédé par le sexe et tout ce qui s'y rapporte. « C'est leur principal sujet de conversation », affirme l'entourage. Interroge en 1986, Victor Dutroux, le père, émettait des réserves au sujet de sa paternité envers son fils aîné. Son épouse ayant eu, selon lui, une autre liaison à l'époque.

Différents problèmes psychiatriques ont émaillé la vie familiale. En 1971, le père est colloqué à l'institut Saint-Bernard à Manage. Serge, l'un des frères, qui s'est suicidé récemment, était traité puis a été hospitalisé pour une maladie schizophrénique. Des accusations d'inceste planent. Jamais éclaircies...

Une vie de déménageur

De 1956 à 1973, Marc Dutroux habite le domicile familial. Ensuite, il est successivement hébergé par sa grand-mère à Jemeppe-sur Sambre, puis par un collègue de travail à Nivelles.

En 1974-1975, il occupe une chambre au-dessus d'un café tenu par un homosexuel rencontré chez les aumôniers du travail à Charleroi, avant de cohabiter dans une maison louée par celui-ci. Au début de son mariage avec Françoise D., en 1976, Dutroux occupe une maison abandonnée dans une propriété du comte de Beaufort, à Onoz. Ils déménagent en 1978 pour s'installer à Haine Saint-Pierre.

En septembre 1982, Dutroux obtient le logement social sollicité, et s'installe en famille, rue des Anémones, à Goutroux. Michelle Martin l'y rejoint dès le lendemain du départ de Françoise D. et de ses deux enfants.

Chantale Anciaux

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Martin, l'ambiguë

« Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 53

Qui est Michelle Martin, accusée, hier comme aujourd'hui, de viols et de séquestrations d'enfants. Ogresse qui se fait passer pour un objet manipulé ?             

Née en janvier 1960, Michelle Martin a 6 ans lorsque son père meurt, à ses côtés, dans un accident de voiture. Rescapée, elle souffre d'une fracture du crâne, d'une commotion cérébrale ainsi que d'une fracture de la jambe gauche. Une plaie importante au niveau du front doit être suturée.

Sa mère refuse de se remarier. Par fidélité à son mari, mais aussi pour ne pas imposer à sa fille une présence qu'elle n'aurait peut-être pas appréciée. Après quatre années d'études à l'école Saint-François d'Assise de

Waterloo, Michelle termine ses primaires à l'école communale du Chenois. Bonne élève, elle n'a jamais doublé, sauf la première année, suite à l'accident de la route survenu en février 1966. Elle réussit ensuite des humanités modernes au lycée de Braine-l'Alleud.

En 1981, Michelle Martin sort de l'école normale avec un diplôme d'institutrice. Elle effectue un premier stage en sixieme primaire a l'athénée de Waterloo, suivi de deux intérims jusqu'en 1983. «J'ai choisi ce métier car j'aime les enfants et parce que j'estimais que c'était plus enrichissant pour moi d'avoir des contacts avec des enfants plutôt que d'être dans un bureau », ose-t-elle déclarer aux policiers chargés de l'enquête sur les viols et les séquestrations de 1985. Bien que condamnée pour viols, en appel, à cinq ans de prison dans le cadre de cette affaire, Michelle Martin se voit attribuer un emploi temporaire à l'école du Centre, à Marcinelle, dès la fin (anticipée) de sa détention. Le 27 janvier 1988, elle redevient donc institutrice maternelle... En mai de la même année, l'échevin de l'Instruction publique de Charleroi lui confie encore une classe de primaire à l'école des Haies, à Marcinelle.

 

Séduite

Jusqu'à l'âge de 22 ans, la docile Michelle vit chez sa maman, qui limite ses sorties. « Par crainte que je ne rencontre un garçon qui m'aurait séparé d'elle », expliquera-t-elle plus tard. Mais, au début de l'année 1982, Martin rencontre Marc Dutroux à la patinoire de Forest, où elle se rend en compagnie de sa cousine. Il s'intéresse à elle et lui apprend le patinage. Elle est émerveillée par la facilité avec laquelle il entre en contact avec les autres. Marc Dutroux est son premier amour. Encore vierge, elle est séduite par cet homme qui « fait preuve d'une expérience certaine ».

Quelques mois plus tard, Michelle Martin quitte la maison de son enfance à Waterloo pour rejoindre Dutroux dans son logement social de Goutroux. Elle loue une maison à Monceau-sur-Sambre, qu'elle entretient régulièrement sans l'habiter.

Le 2 juin 1984, Martin donne naissance à un garçon, F. Elle épouse Marc Dutroux, alors incarcéré à Mons. Détenue préventivement en 1986 et enceinte de trois mois, Michelle Martin est hospitalisée au Grand-Hornu pour une fausse couche. Deux enfants, A. et C., naîtront ensuite de leur union entrecoupée de séours en prison.

 Chantale Anciaux

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Ma chère maman chérie

18 heures. Je n'ai fait de mal à personne. Je suis bien la première victime de tout ce drame (si on parle de « victimes » dans l'affaire qui concerne surtout Marc et Jean ! ).

Je suis victime des coups que j'ai reçus, de ma naïveté, de ma crédulité, de mon bon coeur, de mes faiblesses à ne pas réagir avant qu'il ne soit trop tard. (...)

Tu sais, papa m'a beaucoup manqué. Il m'aurait appris plein de choses ; tu as joué ton rôle de maman « aimante » et protectrice, mais tu ne savais pas jouer le rôle du père en même temps ! (...) J'étais toujours avec toi, partout, personne ne venait à la maison, ou rarement. Nous vivions trop repliées sur nous-mêmes ! Maintenant, et comme avant, je me sens manipulée comme un jouet partout le monde. J'étouffe et je voudrais en sortir et revenir sous ton aile pleine d'amour et de chaleur.  (….)

La venue de F. m'a bouleversée, tu sais, et je désire lui donner le plus que je peux en amour, en éducation, en soin matériel... C'est mon enfant adoré. Merci de t'en occuper maintenant. Il a besoin de toi en attendant. Mais n'aurait-il pas besoin d'un père, aussi ?

Lettre de Michelle Martin, à sa mère. Prison de Mons. Mardi, le 8 avril 1986.

 

 

 

 

 

Le justicier des enfants (« Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 26 et 27)


Le justicier des enfants

« Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 26 et 27

Éducateur sous toutes les latitudes, rompu à l'art de la médiation et poète à ses heures, Claude Lelièvre fête son cinquième anniversaire au poste unique de délégué aux droits de l'enfant 

C'est un praticien de l'aide aux jeunes. Un homme rompu a toutes les aspérités du « terrain ». Un de ceux qui ont tout vu, tout connu. Le home à l'ancienne, où les jeunes étaient jetés en « isolement » pour un mot lancé un peu trop fort. Les groupes de vingt gosses, délinquants ou mineurs dits « en danger », confiés à la bonne (?) garde d'un unique éducateur. La période noire, celle du jeune tueur de Courcelles » (en 1981), une affaire qui présida à la création du centre fermé de Braine-le-Château, qu'il dirigea pendant plusieurs années.

Celle, aussi, pas vraiment terminée, qui poussa des juges de la jeunesse à jeter en prison des adolescents à peine pubères, faute de solutions alternatives. Puis, l'engouement pour le « milieu ouvert ».

Et, plus récemment, l'ère de la « déjudiciarisation », dont il fut l'une des têtes pensantes : soustraire le jeune en difficulté à l'orbite judiciaire et lui éviter le placement en institution.

Depuis cinq ans, Claude Lelièvre coiffe la casquette de sorte de consécration dans le secteur si bouillonnant et si instable de l'Aide à la jeunesse. Sa bible sous le bras (la Convention internationale des droits de l'enfant), il s'en va frapper à la porte de ceux qui, peu ou prou, abusent de leur pouvoir sur les gamin(e)s et les adolescent(e)s mineurs en communauté française.

Son fil blanc ? La médiation, la recherche éperdue de consensus. Déployant des trésors d'ingéniosité, maniant plutôt le gant de velours, parfois la main de fer (débarquer d'autorité dans une école ou dans un home public, y exiger des documents, interpeller le personnel), l'homme excelle à dénouer les situations les plus inextricables. Et, parfois, les plus explosives : réclamer à un juge une justification de sa décision, ou informer un ministre que son conseiller « enfance », par ailleurs directeur d'institution, est pédophile...

Un éducateur qui voit loin

Ses atouts majeurs ? Les contacts qu'il a tissés pendant près de trente ans dans le secteur de l'Aide à la jeunesse, dont il connaît à merveille les coulisses, les rouages et les susceptibilités. Il sait quels leviers actionner pour convaincre un préfet d'école ou un fonctionnaire. Dans les arcanes les plus politisés de l'administration, il se mue comme un poisson dans l'eau. Si son étiquette en irrite plus d'un (fils et petit-fils de militant socialiste, ancien délégué syndical, apparatchik du PS), il peut ranger au tiroir ses sympathies politiques et collaborer avec n'importe qui, si l'intérêt de l'enfant est en jeu.

Comme tous les gardes-chasses sévissant en terrain familier (« On peut raconter des salades à un juge, pas à Claude Lelièvre », constate un habitué du secteur), il s'est fait de solides ennemis. Qui, du haut de leur formation universitaire, se gaussent d'imprécisions notées dans son langage juridique. Le taxent d'« éducateur parvenu », dont la carrière a été un peu trop fulgurante. D'autres se moquent de son besoin frénétique de séduire les médias. Ou, plus acides, rappellent avec quelles largesses outrancières il profita des facilités matérielles offertes par son rang barémique au sein de l'administration ( le « niveau »  16). C'est un fait : Lelièvre pâtira éternellement du soupçon de s'être auto-décerné, en 1991 ce statut si confortable de délégué aux droits de l'enfant (avec chauffeur particulier, SVP !) lors de son passage au cabinet de Valmy Féaux, alors ministre-président de la communauté française.

Mais, tel Narcisse, Lelièvre n'aime pas la critique : ni celle sur « son » bébé, ni celle sur sa personne. Car l'énergie et la passion qu'il déploie dans son travail de délégué sont a la mesure de la gravite et de la complexité des problèmes d'enfant qu'il aborde.

Conséquence: tout ce qui pourrait risquer de ternir l'image de son service (une équipe de 6 personnes, tenues très discrètement au second plan) est perçu par lui comme une menace pour la survie à long terme de son institution. Un fantasme ?

Non. Bien qu'unique dans le monde francophone, cette fonction de délégué a parfois été jugée un peu trop dérangeante par ceux qui, de près ou de loin, tiennent les cordons de la bourse.

Alors, l'homme, infatigablement, rappelle ses incontestables succès. La coordination de la lutte contre la maltraitance (dès 1991), la pétition de 370 000 signatures contre la pédophilie, la promotion des ouvrages destinés à prévenir les abus sexuels (Mimi fleur de cactus, Ta sécurité personnelle, penses-y), la dénonciation des comptes bancaires « oubliés » appartenant aux jeunes placés en institution, etc.

Le propre de Lelièvre, dans ces grandes campagnes de sensibilisation, c'est le pragmatisme, l'action sans tarder. De tels projets sont mis sur rail en quelques semaines. Dame ! Lelièvre est un taureau astrologique.

Déjà comme éducateur, il s'était taillé une réputation d'avant-gardiste, toujours prêt à innover avec « ses » adolescents. Pas toujours facile à suivre... Aujourd'hui, il connaît toutefois les limites de son enthousiasme. Ainsi, au fil des années, il s'est rallié à la recommandation de prudence de ses collaborateurs : ranger dans un tiroir, l'espace d'une nuit, ses lettres de semonce, d'indignation, de colère. Car, pour peu qu'un juge s'apprête a placer quelques jours un mineur en prison (l'un de ses combats de prédilection), le voilà capable de remuer ciel et terre - et de s'emporter outre mesure - pour éviter ce scénario du pire.

Jovial et bon vivant, curieux mélange de « papy » et de patriarche, riant de (presque) tout, Lelièvre n'en est pas moins l'homme des déchirements intérieurs. Les dossiers les plus lourds le plongent dans l'angoisse de n'avoir pas fait, peut-être, tout ce qu'il était possible de faire.

 

Déchiré, il l'est aussi entre son respect profond, presque inné, de l'institution judiciaire et son constat personnel réalisé presque a contrecoeur - de voir une justice bien éloignée des idéaux dont elle devrait se parer : saine, dénuée de réflexes corporatistes, ouverte a l'autocritique... Celle où, par exemple, l'autorité sur un jeune, voire la privation de sa liberté, peuvent s'avérer indispensables si elles se réalisent en respectant ses droits élémentaires.

Cette sensibilité, qui siérait mal aux aspects les plus carrés de sa mission, il la couche dans des poèmes. Envoyés, par exemple, aux parents de Julie et de Mélissa.

L'affaire Dutroux ? Elle a créé chez lui une amertume sans bornes. Une leçon pour moi, confie-t-il. On ne peut jamais faire confiance à 100 % à ceux qui disent qu'ils ont fait tout leur possible. A l'avenir, je serai plus incisif, plus intransigeant, plus implacable... »

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 Bio express

1946 : naissance à Baulers (Brabant wallon).

1968 : décroche son diplôme de régent (français, histoire et morale laïque). Puis, en 1973, celui d'assistant social.

Et, en 1975, celui d'éducateur spécialisé.

1975: chef de section au home (public) de Wauthier-Braine.

1986: directeur au centre fermé (public) de Braine-le-Château.

1988: entrée au cabinet de Valmy Féaux (protection de la jeunesse).

1991: directeur du home (public) de Jumet et premier délégué aux droits de l'enfant.

Philippe Lamotte

 

« La Justice savait » suite de la page 43


« La Justice savait » suite de la page 43

Page 44 à 46

 

……et l'homme qui la tient lui ordonne d'être « sage ».

Il la force à se coucher sur une couverture à même le plancher du véhicule, avant de recouvrir ses yeux de sparadrap.

Lorsque la camionnette démarre, l'un des passagers s'approche d'Anne pour lui demander son nom. Elle lui répond et l'homme dit aux autres Oui, c'est ça, c'est elle.

Ils roulent. Longtemps. Arrivés devant une habitation entourée d'autres, les occupants descendent du véhicule. Après avoir gravi une marche à l'entrée, ils entrent dans une première pièce qui semble très encombrée, sans chauffage. Odeurs de poussière, de plâtre et de ciment.

Anne est immédiatement introduite dans la pièce suivante, où se trouvent deux chaises et un parc à barreaux pour enfant. Le pavement est constitué de petits carrelages rectangulaires de couleurs blanche et bleu clair.

Anne entend les hommes parler à voix basse dans la première pièce. Mais elle ne comprend pas leurs propos. Elle demande l'heure au gardien resté avec elle : 8 heures. Il la conduit aux toilettes par un couloir aux murs de béton, situé dans le prolongement de la seconde pièce. Lorsqu'ils reviennent, l'homme prépare le divan sur lequel il installe Anne, en position debout. Sous une lumière puissante, elle entend le déclic d'un appareil photographique. Toujours debout, elle est contrainte de se déshabiller. Pas d'autre solution que d'obéir. Une fois nue, elle entend un nouveau déclic. Le geôlier oblige ensuite Anne à se coucher sur le divan. En lui disant de rester sage et de se laisser faire. « Sinon, je ferai appel à mes trois amis, qui sont bien plus méchants que moi », menace t-il.

Un acte de vengeance

L'homme se déshabille et se couche sur Anne en lui maintenant les bras. Il l'embrasse, pétrit ses seins et la viole. Anne n'avait jamais eu de rapport sexuel. Après le viol, l'homme lui dit de se rhabiller et lui demande si elle a faim. Pendant qu'elle mange une croûte de pain et un morceau de fromage, il la questionne. « Quel âge a ta soeur ? Et tes parents ? Couchent ils ensemble ? Ta mère est-elle toujours bonne à "baiser" ?

Ta sœur a-t-elle déjà couché avec des "mecs" ? » Anne lui demande alors le motif de l'enlèvement et des violences sexuelles. L'homme lui répond qu'il s'agit d'un acte de vengeance à l'égard de son père, qui ne s'est pas toujours montré « régulier ».

Il est 14 h 30. Anne veut rentrer chez elle. L'homme lui annonce que les autres reviendront la chercher vers 18 heures. « Si tu es sage. Sinon, tu resteras ici pour trois jours », précise-t-il.

Quand ils la relâchent, vers 18 h 45, sur un chemin de terre qui relie l'autoroute à Gouy-lez-Piéton, les violeurs d'Anne glissent cinq billets de 100 francs dans sa poche.

C'est pour payer le médecin qui te fera un certificat d'absence aux examens », explique l'un d'eux. « C'est parce qu'on t'a "dépucelée" », lui dit l'autre.

Dette et rançon

Le temps a passé depuis cette journée de l'hiver 1985, la plus sombre de la vie d'Anne. Dix ans plus tard, tout recommence cependant. De manière identique, mais démultipliée. Dutroux et ses complices sévissent à nouveau. Leurs nouvelles victimes s'appellent Julie, Mélissa, An, Eefje, Sabine et Laetitia.

Tôt le matin du 28 mai 1996, Sabine (12 ans) est enlevée à Kain (près de Tournai), alors qu'elle se rend à l'école à vélo. Elle sera séquestrée pendant deux mois et demi, dont une semaine avec Laetitia (14 ans), enlevée devant la piscine de Bertrix, le 9 août dernier. Tout comme la jeune Anne, dix ans plus tôt. An et Eefje sont avisées par Marc Dutroux que leur enlèvement vise à venger une grave faute commise par leur père.

Comme elle aussi, Julie et Mélissa gardent le silence, de peur que les amis de Dutroux, « bien plus méchants» que lui, n'entrent dans leur cache. Comme les victimes précédentes, les enfants enlevées en

1995 et en 1996 sont plongées dans les affres de la maison de Marcinelle. Au n° 128 de la route de Philippeville, que Dutroux et Martin se sont attelés à «aménager» dès leur sortie de prison.

Lorsqu'ils enlèvent Valérie, le samedi 14 décembre 1985, Dutroux et ses complices lui font croire qu'ils vont demander une rançon à ses parents. Comme à Sabine et à Laetitia, en 1996. Séquestrée durant deux jours à Marcinelle, les yeux recouverts de sparadrap, Valérie perçoit un immeuble en grand désordre et en voie de réfection. Elle y reconnaît la voix de Michelle Martin, qui conduisait la camionnette à bord de laquelle elle a été amenée route de Philippeville.

Viols et photos

Les deux violeurs de Valérie se vantent d'être à la tête d'« une bande très organisée » dont feraient également partie trois personnes surnommées « le fou », « le muet » et « l'Italien ». Avant de la libérer, à 500 mètres de son domicile de Nalinnes, ils l'avertissent : « Ne préviens pas la police. On te retrouvera toujours bien un jour pour te faire la peau, puisqu'on a tes coordonnées. »

Solange n'a que 11 ans lorsque Marc Dutroux et son complice, Jean V.P., la repèrent à la sortie de la piscine de Gilly, le 8 juin 1985. Après l'échec du vol de pièces mécaniques qu'ils avaient initialement prévu, ils décident d'embarquer la petite fille à bord de la VW Golf, qui appartient à Michelle Martin. En chemin, ils lui expliquent vouloir faire des photos de magazine destinées à la Grande Bretagne et aux États-Unis.

Arrivés dans un garage loué par Martin, rue de Marchienne, à Roux, Dutroux congédie son ami. Il couvre les yeux de l'enfant au moyen de sparadrap, l'oblige à se déshabiller et à s'allonger sur le siège du passager, dont il vient d'abaisser le dossier. Dutroux photographie alors la petite Solange au moyen d'un appareil Polaroid.

Puis il lui offre quelques dragées avant de la violer.

Quelques jours plus tard : «Déshabille-toi », ordonne l'homme à Martine (18 ans), séquestrée à Marcinelle le 17 octobre 1985. Une fois nue, les yeux couverts de sparadrap, la jeune fille est attachée au lit par les poignets. Elle entend une autre personne respirer dans la pièce. Après avoir été violée, Martine est reconduite en camionnette, à Péronnes-lez-Binche, à proximité de la cité où elle habite avec sa famille.

La vague d'enlèvements perpétrés par Dutroux, Martin et leurs complices ne s'arrête pas pour autant.

Le soir tombe, ce 31 janvier 1985, quand une Toyota de teinte bordeaux s'immobilise dans un sentier, près d'une décharge, à Buzet. Les deux ravisseurs de Cécile (18 ans) lui disent devoir prendre des photos d'elle afin que ses parents leur versent plus rapidement la rançon. Sous les menaces, la jeune fille doit se dénuder et prendre des positions obscènes. Après une séance de viols, Cécile est libérée à proximité de la gare d'Obaix.

Circonstances atténuantes

Devant la gravité de ces événements en série, les juges Lacroix, Hennuy et Dandois, qui se succèdent à l'instruction jusqu'en 1987, frappent fort. Les gendarmes des BSR de la région (Binche, Charleroi, La Louvière...) entament l'enquête avant d'être relayés par la police judiciaire. En date du 20 mars 1986, le juge d'instruction Jean-Claude Lacroix donne, en effet, l'ordre à la gendarmerie de stopper tout devoir dans cette affaire, étant donné que les auteurs ont été arrêtés et que l'enquête est poursuivie par la police judiciaire de

Charleroi ». Les devoirs d'instruction se poursuivent alors sous la houlette des commissaires en chef aux délégations judiciaires, Christian De Vroom et Pol Choiset.

Plusieurs magistrats du parquet du procureur du roi, puis du parquet général, interviennent, ensuite, pour requérir en chambre du conseil et en chambre des mises en accusation. Face à la gravité des faits reprochés à Marc Dutroux, à Michelle Martin et à leur complice Jean V.P., le substitut Thierry Marchandise demande au tribunal correctionnel de se déclarer incompétent au profit de la cour d'assises. Rien n'y fait.

En vertu de « circonstances atténuantes » (notamment l'absence d'antécédents judiciaires pour Martin et de récidive pour faits de viol pour Dutroux), les violeurs d'enfants sont condamnés par les magistrats professionnels de la cour d'appel de Mons, et non par un jury populaire.

Le 13 avril 1989, une peine d'emprisonnement de treize ans et demi est prononcée à l'égard de Dutroux.

Pourtant, il sortira libre dès le 3 avril 1992: ignorant l'avis négatif du procureur général du Hainaut, le ministre de la Justice Melchior Wathelet a signé une libération conditionnelle en sa faveur.

Tous les acteurs judiciaires, intervenant dès 1985, pouvaient donc mesurer la gravité de l'affaire Dutroux » et la dangerosité du personnage. Pourquoi, dès lors, n'ont-ils pas tiré la sonnette d'alarme, dix ans plus tard ?

Contrairement aux enquêteurs de terrain, qui n'ont pas nécessairement une vision globale du dossier auquel ils contribuent, les magistrats, quant à eux, accèdent à l'entièreté des pièces. De même que les nombreux experts psychiatres appelés à examiner les auteurs des viols et leurs victimes, à la lumière du dossier répressif. De même, aussi, que les avocats appelés à défendre les intérêts des uns et des autres, tout au long de la procédure.

Pourquoi la justice n'a t-elle retiré aucun enseignement de cette première confrontation avec l'horreur, dix années avant que l'on commence à se demander ce qui avait bien pu arriver à Julie et à Mélissa, à An et à Eefje, à Loubna et aux autres. En les cherchant, ou presque, comme des aiguilles dans une botte de foin...

Chantale Anciaux

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VICTIMES : LES SÉQUELLES

« Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 44

Cécile, 18 ans, enlevée à Obaix. Lors de l'enlèvement, Cécile a craint pour sa vie à de nombreuses reprises. Ses agresseurs l'ont menacée de mort en lui montrant un couteau. Menacée, si elle ne cédait pas, d'être abandonnée nue au milieu de la campagne. Humiliée par le fait qu'ils ont pris des photos, Cécile redoute que celles-ci circulent et que d'autres personnes les voient. Deux ans plus tard, elle présente toujours un syndrome anxieux important et des peurs phobiques (peur du noir, d'être seule). Lors de crises d'angoisse, elle a la sensation d'étouffer.

Solange, 11 ans, enlevée à Gilly. A son âge, Solange était peu informée de la sexualité. Ses agresseurs l'ayant menacée de mort, elle a craint pour sa vie. Particulièrement anxieuse dans les lieux publics. Solange a refusé de témoigner devant le tribunal. Sa maman l'a appuyée.

Martine, 18 ans, enlevée à Péronnes-lez-Binche. Ses agresseurs l'ont menacée de l'étrangler parce qu'elle criait lors du rapt. Martine a eu très peur qu'ils se débarrassent d'elle en la tuant. Suite à l'agression, elle souffre de troubles du sommeil, de cauchemars, d'anxiété et elle a peur de se trouver seule en rue. Plus irritable, elle a le sentiment d'être « moins bien » que les autres.

Valérie, 18 ans, enlevée à Nalinnes. Valérie venait d'avoir 18 ans lorsqu'elle a été séquestrée durant deux jours et violée par deux de ses agresseurs. Au cours de cauchemars effroyables, elle rêvait qu'elle avait le dessus sur les violeurs. Traversant des épisodes dépressifs mais voulant se prouver à elle-même que les pervers ne pouvaient la détruire « à distance », la jeune fille a réussi son année à l'université.

Anne, 15 ans, enlevée à Pont-àCelles. Anne n'avait jamais eu de rapport sexuel avant les viols. Durant la séquestration, ses agresseurs en ont « rajouté », inventant qu'il s'agissait d'une vengeance contre son père et qu'il était prévu de la garder trois jours pour la torturer. Comme elle « plaisait » à l'agresseur, il se contenterait de la violer. Mais, si elle ne se laissait pas faire, d'autres viendraient également la violenter, lui faisait-il comprendre. Les relations d'Anne avec son père ont été empoisonnées par l'histoire qu'ont inventée ses agresseurs. Et elle a ressenti une grande culpabilité à l'égard de la sexualité, une honte d'elle même qui risque de peser sur son épanouissement futur.

(Les prénoms sont fictifs.)

 

 

 

La justice savait dés 1985 ! (« Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 42 et 43)


La justice savait dés 1985 !

 « Le Vif / l’Express » du vendredi 4 octobre 1996 pages 42 et 43

 EXCLUSIF : Les agissements du couple Dutroux-Martin étaient connus depuis le milieu des années 80.

La justice n'a pas exploité les informations qui auraient permis d'éviter les tragédies actuelles.

Voici l'essentiel du dossier

Marc Dutroux, ses complices et leurs horreurs ne sont pas sortis du néant, ce jour maudit d'août 1996, lorsque la découverte des corps sans vie de Julie et de Mélissa a suivi le sauvetage in extremis de Sabine et de Laetitia. On le savait déjà : des acteurs du monde judiciaire connaissaient, dès avant l'enlèvement des petites Liégeoises, les éléments qui faisaient de Dutroux et de Martin des suspects de première importance. Ce que l'on découvre aujourd'hui, c'est que l'essentiel des agissements du couple maudit » était parfaitement connu dès la seconde moitié des années 80 et non, comme on le disait jusqu'ici, depuis le début des années 90.

Sous la houlette de trois juges d'instruction, la gendarmerie et la police judiciaire de Charleroi avaient alors mené une enquête serrée qui avait permis de confondre la première « bande Dutroux ».

En 1985 et 1986, cinq jeunes victimes avaient été entendues après avoir subi des sévices identiques - sauf la mise à mort - à ceux infligés aux victimes ultérieures : elles avaient été enlevées, séquestrées, trompées, menacées, violées, filmées. Seule différence par rapport aux tragédies découvertes cet été : à l'heure actuelle, elles sont toujours en vie !

En août 1995, un résumé de cette première affaire, vieille alors de dix ans, était parvenu au parquet de Charleroi. Sans suite. Pas un seul des éléments pourtant très précis que contient ce premier dossier répressif, n'a été exploité dans l'enquête sur les disparitions de Julie et de Mélissa, d'An et d'Eefje... Pourtant, tout était dit dans l'affaire Dutroux-Martin survenue en 1985 : même « modus operandi » pour enlever les enfants, moyens matériels et aménagements comparables pour les séquestrer, mêmes tromperies et mêmes menaces pour soumettre les victimes au joug sexuel du couple. Dix ans plus tard, qu'a fait la justice de ces milliers de devoirs d'enquête ?

Certains acteurs judiciaires connaissaient le contenu intégral du premier dossier Dutroux-Martin, que Le Vif/

L'Express retrace aujourd'hui dans ses grandes lignes. Tout cela suffisait à mesurer l'ampleur des risques à venir. Ils étaient donc parfaitement prévisibles. Pourquoi ceux qui savaient cela n'ont-ils pas donné l'alerte quand ont disparu Elisabeth, Kim et Ken, Loubna, Katrien, Inge, Nathalie, Tanja, Laurence, Sylvie, Liam, Julie et Métissa, An et Eefje... ?

Cette question s'impose en filigrane des informations que nous publions : comment un dossier répressif de première importance, au vu des événements tragiques qui secouent aujourd'hui le pays, est-il accessible à une journaliste alors que des responsables judiciaires prétendent en avoir ignoré le contenu?

Dans l'incroyable embrouillamini qui les divise aujourd'hui, des acteurs du monde judiciaire sont prêts à prendre des risques pour contribuer à la manifestation de la vérité. Dans son entièreté, même si elle dépasse le contenu de l'« enquête sur l'enquête », tel qu'il apparaît dans les rapports Thily et Velu.

II faudra briser, si elle existe, la « loi du silence » qui dispenserait la justice d'analyser ses propres interventions, d'en critiquer les carences, d'y porter remède pour l'avenir et, le cas échéant, de réparer, même imparfaitement, les erreurs du passé.

Il est 7 h 15, ce matin de décembre 1985, lorsque la jeune Anne quitte la maison familiale pour se rendre à l'école à vélo. Arrivée à la moitié du parcours qu'elle emprunte chaque jour, une grosse camionnette de couleur claire s'arrête à sa hauteur et l'empêche de poursuivre son chemin. Aussitôt, la portière latérale droite coulisse. Un homme saisit Anne par derrière, lui passe un bras autour du cou, agrippe son vélo de l'autre main et l'attire dans le véhicule. Elle crie mais la rue est déserte ……(Suite page 44 à 46)

 

 

 

 

 

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