mercredi 24 décembre 2008

DES MANIFESTATIONS DANS TOUT LE PAYS ! ! ( « La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4)


DES MANIFESTATIONS DANS TOUT LE PAYS : 

la mobilisation s'est poursuivie ! !

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4

BRUXELLES - Hier encore, toute la Belgique s'est mobilisée face à une décision qu'elle trouve injuste : le dessaisissement du petit juge de Neufchâteau par la Cour de cassation. Comme mardi, les débrayages et les drèves spontanées se sont multiplies tout au long de la journée, mettant en évidence, une fois de plus, le ras-le bol de la population.

En province de Namur, la journée de mercredi a de nouveau été émaillée par des arrêts de travail dans plusieurs grosses entreprises.

Ainsi à Floreffe, où toute l'activité de Materne-ConfiIux a été arrêtée de midi à 15 h, alors que près de 200 ouvriers se rendaient en cortège vers la maison communale.

Chez Sekurit-Saint-Gobain, à Auvelais, on enregistrait également des arrêts de la quasi-totalité des ouvriers. Une délégation devait être reçue dans l'après-midi par le bourgmestre de Sambreville.

A Jemeppe-sur-Sambre, des groupes groupes d'ouvriers de Glaverbel ont investi, par deux fois, la N 90, où ils ont bloqué la circulation.

A Jambes, les quelque 170 personnes occupées par l'asbl l'Atelier Protégé ont interrompu leur travail pendant une 1/2 h. De leur côté, la plupart des employés du TEC Namur-Luxembourg ont observé un arrêt de travail de 24 h, principalement en province de Namur.

Bus paralysés

Dans la région de Charleroi, aucun bus des TEC ne circulait ce mercredi. Les ouvriers de la Fafer

de Marchienne-au-Pont ont arrêté spontanément le travail dès 8 h 30 pour aller manifester devant le palais de justice de Charleroi. Ils se sont ensuite dirigés vers l'habitation de Marc Dutroux, a Marcinelle, où Laetitia Delhez et Sabine Dardenne avaient été retrouvées vivantes le 15 août dernier.

A Gosselies, les ouvriers de la Sabca sont sortis sur la chaussée de Bruxelles, où ils ont bloqué un carrefour et distribué des tracts aux automobilistes.

Dans la province de Luxembourg, les arrêts de travail spontanés des agents des TEC ont entraîné des perturbations sur de nombreuses lignes. A La louvière, l'ensemble du personnel du TEC a décidé de verser l'équivalent de 4 heures de salaire à l'association Julie et Mélissa que les parents des victimes souhaitent créer.

A Bruxelles, le supermarché Cora de Woluwe a fermé ses portes de 8 h à 9 h mercredi matin. Devant le palais de justice, des milliers de personnes ont continué à manifester leur mécontentement. Trois grévistes de la faim ont aussi invité tous les automobilistes à klaxonner, si bien qu'un véritable concert d'avertisseurs a résonné en permanence sur la place Poelaert.

En Flandre aussi

A Anvers, une manifestation d'écoliers a dégénéré devant le palais de justice. Les manifestants ont lancé des oeufs et des projectiles de toutes sortes sur le bâtiment, faisant voler les vitres du palais en éclats. La gendarmerie, la police et les pompiers sont intervenus pour calmer les esprits et éteindre plusieurs feux allumés sur la rue.

D'autre part, environ 300 membres du personnel du ministère des Finances ont bloqué la circulation entre 11 h et midi. Au port, les écluses ont été fermées de minuit à 8 h du matin.

A Gand, plusieurs centaines d'étudiants des écoles supérieures ont bloqué un carrefour a proximité du palais de justice. Plusieurs milliers de travailleurs de l'usine Ford ont occupé un carrefour du ring. Les magasiniers de la firme Rhône-Poulenc de Wavre-Sainte Catherine ont également débrayé de 11 h 15 à 12 h 30.

A Malines, 800 manifestants ont provoqué un véritable chaos dès 7 h 30 du matin en bloquant tous les carrefours importants de la ville.

Frédéric De Backer

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UN MANIFESTANT : Pas sur mes heures !

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4

LIÈGE - Déjà présent devant le palais de justice de Liège la veille, Charles Clessens y est revenu ce mercredi matin en compagnie d'une centaine de ses collègues de Belgacom. « Attention ! », précise-t-il d'emblée.

« Nous ne sommes pas ici comme travailleurs de Belgacom mais comme simples êtres humains. Même si nous avons l'accord de notre direction pour manifester, ces heures-là nous seront décomptées. On sait donc qu'on va perdre quelque chose, mais ça ne nous a pas empêchés de venir !

Pourquoi ? « Parce qu'on vit dans un pays où l'on ne sait plus si on peut encore faire confiance aux institutions. « On ne sait plus que faire... »,explique-t-il, en vrac, avant de préciser, « on ne connaît pas les dessous réels de toutes ces histoires-là. S'il y a des cassettes, par exemple, qui les achète ? Certainement pas les petits; ils n'en ont pas les moyens...

Charles Clessens n'est ni syndiqué ni membre d'un parti. « Mais il y a des délégués syndicaux avec nous aujourd'hui. Pas en tant que délégués, mais en tant qu'êtres humains, comme tous les autres », précise-t-il avant de laisser échapper, en désignant aussi bien la justice que les hommes politiques.

« C'est à eux de nous redonner confiance. Pour l'instant, on n'a plus confiance du tout... »

Ed. F.

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TOUS LES MOYENS DE TRANSPORT SE MOBILISENT POUR DIMANCHE

 La Stib roulera gratis pour les manifestants

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4

BRUXELLES - Les manifestants du 20 octobre n'auront que l'embarras du choix pour se trouver un mode de transport ! Tous les pros des déplacements ont d'ores et déjà offert leurs services.

A commencer par la SNCB. Au début de la semaine, la Société des chemins de fer belges avait donné le ton en annonçant la mise en vente de billets spéciaux pour l'événement.

La formule retenue ? Celle du prix unique ! Mieux vaut s'y prendre à l'avance pour en bénéficier, le tarif de la pré-vente étant fixé à 200 francs (pour un aller-retour entre leur gare et Bruxelles). Si vous attendez le week-end pour acheter votre ticket, il vous reviendra à 250 francs.

Nombre d'enfants étant attendus dans les artères de la capitale, les autorités ferroviaires ont également posé un geste pour les plus petits. Ainsi, les six-douze ans pourront-ils rejoindre Bruxelles pour la modique somme de 100 francs. Il va sans dire que leurs cadets voyageront gratuitement...comme à l'habitude !

La SNCB attend de nombreux voyageurs et a d'ores et déjà prévu d'étoffer la composition de ses trains ou d'en mettre en service des supplémentaires.

Parkings également

La Stib s'est montrée encore plus généreuse à l'égard des navetteurs du dimanche. Dès 12 h, et 'jusqu'à

20 h, i ne vous coûtera en e et pas un franc pour emprunter un métro, un tram ou un bus. La gratuité totale avait été souhaitée par les chauffeurs des transports bruxellois - une demande que s'est empressée d'accepter la direction.

Celle-ci a par ailleurs prévu de renforcer la capacité de ses véhicules. Une initiative qui devrait notamment encourager les automobilistes venus de province à abandonner leur voiture adorée dans un des parkings de dissuasion.

Les plus téméraires préféreront toutefois rester au volant le plus longtemps possible. La société Interparking a pensé à eux, puisqu'elle mettra à la disposition des manifestants motorisés toutes ses infrastructures du centre-ville.

Une mesure qui ouvrira les portes des parkings Albertine, Botanique, CCN, Centre 58, City 2, Deux

Portes, Ecuyer, Grand-Place (Agora), Inno, Monnaie, Passage 44, Philips, Rogier et WTC. Si, après les avoir tous parcourus de haut en bas, vous ne trouvez toujours pas d'emplacement, c'est que votre cas est désespéré ! Enfin, ceux qui aiment se laisser conduire apprendront avec bonheur que la Fédération belge des exploitants d'autobus, d'autocars et des organisateurs de voyages s'associe activement au mouvement de solidarité envers les proches des victimes. Un soutien qui se traduira par l'organisation, aux quatre coins du pays, de déplacements vers la capitale.

V. L.

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ÉTUDIANTS EN DROIT : C'est un bon compromis

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4

BRUXELLES - Dans la rue, à la maison ou dans les cafés. Partout, le dessaisissement du juge Connerotte est au centre des débats.

C'est souvent l'émoi qui l'emporte. Certains crient à l'injustice. D'autres parlent de crise de confiance. Dans les couloirs des facultés de droit, les étudiants en discutent aussi. Mais le discours est plus nuancé cette fois.

Plus froid aussi. Le métier qui rentre sans doute... Coup de sonde à la sortie d'un auditoire de l'ULB.

Comportement bizarre

« Il faut faire la distinction entre, d'une part l'arrêt de la Cour qu'il faut respecter, et, d'autre part, la réaction de la population que l'on peut comprendre. Je pense que la décision qui a été prise est déjà un compromis puisque l'instruction reste à Neufchâteau. Il y a des règles, et il faut les respecter. La Cour devait statuer en fonction du droit et elle l'a très bien fait.

Contrairement à ce que les gens pensent, ce n'est pas du tout une décision politique, il ne faut pas tout mélanger » assure Thierry.

Autre sujet qui alimente les passions : le comportement du juge Connerotte. Pour Frédérique et Géraldine, le juge connaissait les conséquences de son acte. « Je ne comprends vraiment pas pourquoi ce juge est allé à ce souper spaghetti. En tant que juge d'instruction, il savait très bien que son acte aurait de lourdes conséquences.

Il y a quelque chose de bizarre là-dedans. Et même si ça partait du coeur, il devait être conscient que ça lui poserait des problèmes.

Mais tous approuvent la décision de la Cour de ne pas avoir transféré le dossier à Liège. « Ça aurait été abominable que l'instruction atterrisse à Liège, dans cette juridiction corrompue. Ce serait vraiment de la provocation de le transférer. »

En tous cas, le nouveau juge n'a pas intérêt à faire un pas e travers parce qu'ils ne vont pas le lâcher.

Frédéric de Backer

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Couac : Un sage a été oublié !

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4

BRUXELLES - On en rirait s'il n'y avait l'horreur des affaires Dutroux & Co. Le ministre charge donc le comité P d'enquêter sur les dysfonctionnements des enquêtes sur les disparitions. La police des polices ne comprend que... cinq sages - c'est pas beaucoup - chargés de montrer l'exemple à 16.000 gendarmes et 17.000 policiers. C'est réussi !

On a appris, hier, qu'un des cinq du comité « P » ne parlait plus depuis des semaines à ses collègues. C'est si vrai que ce sage - Walter De Smedt - a appris lundi 14 que le comité l'avait convoqué pour la veille - dimanche 13 - à délibérer sur le rapport final du comité « P ».

Trop tard, bien sûr. Ce qui explique que quatre seulement des cinq membres du comité P ont pris part au vote tandis que leur collègue passait un week-end excellent, ignorant tout de ce qui se tramait dans son dos.

Explications du président Freddy Troch, conscient du ridicule de la situation qui jette une ombre sérieuse sur l'organe qu'il dirige et qui coûte bon an mal an plus de 100 millions au contribuable : « De Smedt avait de toute façon boudé les travaux.

Nous lui avions pourtant adressé une convocation en bonne et due forme.

Version Walter De Smedt : « Depuis des semaines, le comité cherche à m'isoler. A deux reprises, il m'a été interdit de prendre connaissance des rapports des procureurs généraux. Vendredi 11, le greffier du comité m'a assuré que le rapport n'était pas déposé. Je suis parti serein en week-end. J'ai le téléphone. On aurait pu... »

Bref, quand tout sera fini, il faudra créer une super police des polices pour enquêter sur les dysfonctionnements de la police des polices. Petite Belgique...      

Gil.

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GRÈVES DES TEC : « Inconscience des syndicats »

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4

NAMUR - « Comment pouvez vous être assez irresponsable pour mettre la sécurité des enfants qui vous sont confiés en danger, les prendre en charge en acceptant le prix d'un trajet et les abandonner a mi-course, sous prétexte de faire grève pour protester contre la décision de la Cour de cassation ?

C'est ouvrir la porte à d'autres enlèvements ! » Des lettres de protestation de ce tonneau, la Société régionale wallonne du transport, qui chapeaute les cinq sociétés de bus du sud du pays, en a reçu quelques-unes en ce début de semaine, suite aux grèves sauvages des conducteurs de bus qui ont éclaté mardi en Brabant wallon et en Hainaut notamment.

Sous le coup de l'émotion, les chauffeurs de bus avaient décidé subitement de ne plus assurer leur liaison. Cette situation, la direction de la SRWT ne pouvait l'admettre.

Jean-Claude Phlypo, l'administrateur général, a d'ailleurs tenu «à condamner de la manière la plus nette les arrêts de travail déclenchés sauvagement mardi ».

M. Phlypo ne mâche pas ses mots, parlant « d'inconscience » dans le chef des syndicats

« Les enfants sont finalement victimes du comportement idiot des organisations syndicales. Je puis comprendre l'émotion suscitée au sein de la population par les tragiques événements qui secouent en ce moment le pays. Je dis même bravo aux chauffeurs de la Louvière qui ont décidé de verser 4 heures de salaire aux familles des victimes, et à ceux de Liège qui ont arrêté leurs bus trois minutes.

Mais, en aucun cas, je ne peux admettre que les travailleurs du TEC, membres d'un service public dont on tente de redresser l'image, se saisissent de cette situation pour, sans aucune annonce préalable, abandonnera clientèle. Et si un enfant avait été enlevé au cours d'une de ces grèves ? Qui en aurait été tenu pour responsable ? »

Val. S.

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PÉDOPHILIE TRAQUÉE SUR INTERNET : Mettre fin à l'anonymat

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4

BRUXELLES - Le réseau informatique mondial Internet est devenu un refuge bien pratique pour les pédophiles qui peuvent y échanger instantanément et sans risque ,informations, photos, voire propagande. Jusqu'à présent, personne n'est parvenu à trouver la parade.

La Commission européenne a proposé hier une série de mesures urgentes pour empêcher la diffusion de pornographie enfantine sur le web.

Premier 'élément: ce qui est interdit dans la vie de tous les jours l'est également dans l'espace virtuel. « Ce qui est considéré comme criminel et illégal off line l'est aussi on line », a résumé le commissaire Martin Bangemann. Autrement dit, la pédophilie sur Internet reste un délit.

La Commission veut s'attaquer d'emblée au point central : l'anonymat des utilisateurs du réseau,

Aujourd'hui, n'importe qui peut envoyer sur le net un message, des photos de n'importe où dans le monde sans qu'il soit possible de l'identifier. La Commission estime que les auteurs d'informations doivent toujours pouvoir être localisés pour rendre possible des poursuites pénales à l'encontre des activités criminelles.

Pour parvenir, il faut responsabiliser les fournisseurs de service, c'est-à-dire les opérateurs qui permettent la connexion au réseau.

Ces fournisseurs ne devraient plus pouvoir se retrancher derrière l'anonymat d'un utilisateur. Déjà, certains d'entre eux ont commencé à définir leurs propres règles déontologiques. La Commission entend encourager cette auto-régulation, tout en reconnaissant que le problème doit être réglé à l'échelle mondiale.

Elle compte saisir le G7 (regroupant les pays les plus industrialisés du monde) pour que des mesures immédiates soient examinées.

La Commission propose en outre un système de filtrage grâce auquel chaque utilisateur pourrait définir au préalable ce qu'il ne veut pas recevoir. La balle est dans le camp des gouvernements.

D.F.

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MANIFESTATIONS HISTORIQUES : 

Les Belges descendent rarement dans la rue


« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 4

BRUXELLES - Les manifestations spontanées qui se déroulent aux quatre coins du pays depuis le - tristement célèbre - arrêt rendu lundi par la Cour de cassation sont elles les premières du genre que la Belgique a connues depuis son indépendance ?

Réponse et analyse avec Jean Beaufays, directeur de l'Institut des sciences politiques a l'Université de liège:

- « La Belgique a déjà connu des manifestations spontanées de la population. Je pense notamment aux mouvements de mécontentement social en 1935 et au début de ce qu'on a baptisé les grèves de 60.

Il y a eu aussi des réactions spontanées lors de la fameuse « question royale » ou encore dans les jours qui ont suivi la mort du roi Baudouin.

Lors des actions suscitées par des revendications sociales, ces manifestations spontanées se sont poursuivies plusieurs jours, car des groupes organisés, syndicats, associations, partis politiques, etc, ont canalisé ce mécontentement et ont réussi à le structurer. Dans le cas de la mort du Roi, tout s'est éteint au moment où Albert Il est monté sur le trône.

 Spontanéité

Peut-on comparer les manifestations de ces derniers jours aux événements que vous venez de mentionner ?

- Jean Beaufays : « Oui et non. Oui, car elles possèdent cette spontanéité et touchent plusieurs catégories sociales. Non, car ce mouvement présente un caractère extraordinaire. Entendez : hors de l'ordinaire. On remarque notamment la présence massive de personnes âgées lors de ces manifestations. Elles sont à la fois touchées émotionnellement mais ont aussi des revendications à faire valoir.

L'autre élément qui me frappe, c'est l'intelligence des personnes, qualifiées généralement d'ordinaires, qui y participent. Les parents de Julie, Mélissa sont issus de milieux modestes, tout comme Nabela Benaïssa (la soeur de Loubna), par exemple. Malgré la pression et la complexité de ces affaires, ils réagissent toujours avec les mots qu'il faut. Cela me conforte dans l'idée que les gens du peuple ne sont pas des imbéciles parce qu'ils ne détiennent aucune parcelle de pouvoir.

Reprise en main

- Selon vous, ce mouvement populaire va-t-il encore durer ?

-1. Beaufays : « Nul ne peut le dire. Les derniers rebondissements laissent cependant penser que la reprise en main est en route... Le juge Connerotte a été dessaisi. Les familles de Julie et Mélissa ont renoncé, sans doute sous pression du ministre De Clerck, à faire opposition à l'arrêt. Enfin, Me Hissel, conseil des familles Russo et Lejeune, fait l'objet de remontrances de l'ordre des avocats du barreau de liège. »

Propos recueillis par Luc Lorfèvre

 

 

 

 

 

 

LES PARENTS SONT DÉÇUS : Un coup de massue ! ! ! (« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 3)


DE CLERCK LEUR A EXPLIQUÉ POURQUOI L'OPPOSITION NE RETARDERAIT PAS LE DESSAISISSEMENT DE CONNEROTTE

Le ministre et les familles

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 3

BRUXELLES - Face au navire Justice qui prend l'eau de toutes parts, le ministre Stefaan De Clerck, qui a hérité l'an passé d'une situation laissée par son prédécesseur Melchior Wathelet, s'efforce tant bien que mal de colmater les brèches.

Si l'enquête après les disparitions de Julie, Mélissa, An et Eefje a été scandaleuse, c'est aussi faute pour les juges et magistrats du parquet d'avoir disposé d'un code de procédure pénale ne datant plus de l'âge du bronze.

Des avants projets de textes existent. Le ministre de la Justice les a déposés pour avis au Conseil d' État en avril 1995. Où ils y dorment depuis dix huit mois. « Le retard du Conseil d'État est inadmissible, s'écrie le ministre, mais mes rappels n'ont jusqu'à présent obtenu aucun effet...

Stefaan De Clerck en profite pour dissiper un malentendu « Non, dit-il en substance, je n'empêche pas les parents de faire opposition au dessaisissement du juge Connerotte par la Cour de cassation. J'ai simplement fait réaliser des recherches juridiques auprès de juristes éminents, professeurs d'université à liège et à

Louvain ainsi qu'avocats. Leurs avis ont été unanimes : le dessaisissement du juge Connerotte est immédiat quand bien même les familles feraient opposition. J'en ai informé les parents. J'ai appris mercredi matin par les médias que ceux-ci avaient finalement décidé de renoncer. C'est leur décision.

Jusqu'au bout

Encore doivent-ils savoir qu'ils ont un mois pour éventuellement changer d'avis... le ministre, qui se paie des journées de 36 heures, est allé vérifier sur place à Neufchâteau que tout y était mis en oeuvre pour que l'enquête « aille jusqu'au bout ». « J'ai rencontré les juges J. -M. Connerotte et Jacques Langlois. Je leur ai promis qu'un magistrat viendrait prochainement les épauler (deux noms sont évoqués : ceux du juge d'instruction Dominique Gérard, d'Arlon, et de son collègue bruxellois, Damien Vandermeersch, ndlr).

J'ai rencontré Michel Bourlet ainsi que les chefs d'enquête, tant de la PJ que de la gendarmerie. Tous m'ont affirme qu'ils ne manquaient de rien sur le plan matériel et technique.Leur motivation commune est d'y aller à fond. Ils réclament du personnel...

A ce jour, 90 péjistes et 240 gendarmes « oeuvrent » sur l'affaire Dutroux & Co. 350 hommes c'est sans précédent. L'une des taches consiste en l'examen des fameuses K7: plus de 5.000. Pour en améliorer la qualité, la police belge s'est adressée à des laboratoires privés et universitaires. Le ministre l'affirme : un système a été conçu pour empêcher que ces cassettes soient détruites, écartées ou simplement « égarées ».

Gilbert Dupont

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 LES PARENTS SONT DÉÇUS : Un coup de massue !

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 3

LIÈGE -Mardi en fin de journée, les parents de Julie Lejeune, de Mélissa Russo, d'An Marchal, de

Loubna Benaïssa et la maman d'Elisabeth Brichet ont rencontré le ministre de la justice,M. Stefaan De Clerck.

Peu avant cette rencontre, le conseil de la famille Benaïssa avait annoncé qu'il suivrait les familles Lejeune et Russo dans leur intention de faire opposition à l'arrêt de la Cour de cassation.

Mais à leur sortie du ministère, les parents, qui affichaient tous une triste mine, ont annoncé qu'ils renonçaient à ce droit.

Que s'est-il passe durant les longues heures que les familles ont passées entre les murs du ministère pour qu'un tel revirement de situation se produise ?

Le ministre nous a dit qu'à Neufchâteau, dans l'après-midi, il avait rencontré M. Moinet, le président du tribunal de première instance, et que celui-ci lui avait déclaré qu'il avait déjà choisi M. Lanqlois pour succéder à M. Connerotte dès lundi.

Pour rappel, M. Moinet, c'est le juge qui a ordonné les libérations d'Annie Bouty et de Michèle Martin », explique Jean-Denis Lejeune. « Le ministre nous a également annoncé qu'il s'était rendu à Neuchâteau pour signifier à M. Connerotte son dessaisissement. Quand nous avons appris cela, nous avons été sous le coup d'une vive émotion. Nous avons compris qu'il ne servait à rien de faire opposition à l'arrêt, puisque toutes les décisions étaient déjà prises et que rien ne pourrait apparemment faire changer les autorités d'avis.

Une équipe qui gagne...

Les parents croyaient vraiment au recours qu'ils voulaient introduire. Ils espéraient ainsi pouvoir obtenir un sursis pour le juge Connerotte. Mais, pour le papa de Julie, les paroles du ministre ont été un véritable choc.

« J'ai reçu un coup de massue de plus; une véritable baffe en pleine figure », remmarque-t-il.

Jean-Denis Lejeune veut cependant être clair. Il ne reproche actuellement rien au juge Langlois. Je ne le connais pas. Mais ce que je dis, c'est que j'avais totalement confiance en M. Connerotte. Et que je trouve qu'il est bête de bouger quelqu'un qui fait du bon travail.

Comme on dit en sport, on ne change pas une équipe qui gagne... Je ne comprends pas l'acharnement de certains, et notamment de Maîtres Pierre et Baranyanka, qui veulent absolument que le dossier reste à Neuchâteau, avec le juge Langlois à sa tête.

A tête reposée, les parents ont cependant rappelé qu'ils avaient un mois pour décider définitivement si oui ou non ils useraient de leur droit de recours. « Notre avis n'est pas définitif. Nous verrons bien », conclut Jean-Denis Lejeune.

N. E.

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Deridder couvre ses troupes

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 3

BRUXELLES - La déposition du lieutenant général Deridder, chef de la gendarmerie, devant les députés, peut se résumer en deux points.

Un, la maréchaussée exclut toute faute dans l'enquête sur les disparitions. Deux, Dutroux était, dès le départ, considéré comme un gros suspect.

«Avant Bertrix, aucun élément matériel n'a permis de faire le lien entre Dutroux et l'un ou l'autre de ces enlèvements. J'assure que nous avons fait l'impossible, compte tenu des informations en notre possession », clame le général.

Assisté par le patron du Bureau central de recherche, Deridder a précisé que l'information la plus importante était arrivée dès 1993.

Un informateur balançait Dutroux dans des projets d'enlèvements. Les gendarmes ont profité de trois perquisitions (une en 93, deux en 94) dans une affaire de vols pour examiner et même photographier les caves de Dutroux.

Entre 93 et 94, aucun aménagement n'a été remarqué. Dès l'été 95, la surveillance de Dutroux a été renforcée.

Pour le général, le parquet de Charleroi a été constamment tenu au courant de ces enquêtes. Idem, ensuite, pour le juge d'instruction Doutrewe, à Liège.

Aucune perquisition spécifique n'a été ordonnée. «Jusqu'au bout, les parquets de Charleroi et de Liège ont eu la même attitude que nous. Il n'y avait pas d'élément suffisant. Une dénonciation anonyme, cela ne suffit pas pour obtenir un mandat de perquisition », martèle Deridder.

Le général dénonce encore le rapport de la procureur générale de Liège Anne Thily qui rejette la faute sur la gendarmerie qui a voulu faire cavalier seul. « Il n'y a pas eu d'enquête parallèle. Les informations de départ ont été communiquées au parquet de Charleroi. La juge d'instruction de Liège a elle aussi été tenue au courant. »

Le général cite une anecdote éloquente. Un gendarme de Grâce-Hollogne, qui rédigeait, trois jours après la découverte des corps d e Julie et MéIissa, un rapport sur l'enquête, y mentionnait qu'on retrouverait des traces à Charleroi des recherches sur Dutroux « dans le cadre de la disparition de Julie et Mélissa ». La juge lui avait demandé de supprimer ces derniers mots. « Sinon, ça va m'assassiner», a-t-elle dit.

B. F.

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Coût pour la gendarmerie : Déjà plus de 120 millions

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 3

BRUXELLES - Depuis la mi-août, l'affaire Dutroux aurait déjà coûté plus de 120 millions à la gendarmerie.

Les moyens humains, matériels, techniques et autres lui coûteraient 60 mi Ilions par mois. Plus de deux millions par jour. Si la police judiciaire a obtenu plusieurs succès d'enquête - surtout dans ce qu'il est convenu d'appeler le volet Nihoul - il est exact que 90 péjistes participent aux recherches, contre 240 gendarmes.

Sur place, à Neufchâteau, il est dit que le nombre ne serait pourtant pas suffisant.

L'affaire Dutroux & Co coûte davantage à la gendarmerie que la sécurité renforcée des transports de fond 40 millions par mois. Au fil des semaines, la protection des fourgons est plus lourde à porter.

D'autant que dans la proche région bruxelloise, les police de Hal, Asse, etc. - un secteur éminemment sensible - refusent désormais (faute de moyens) d'épauler les gendarmes.

Gil

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ACCORD DES PARTIS : Commission spécifique

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 3

BRUXELLES - Des parlementaires comme Didier Reynders, Vincent Decroly, Claude Eerdekens, Jacqueline Herzet, Tony Van Parys, Patrick Dewael, Herman De Croo et Nathalie de t'Serclaes, pour ne citer qu'eux, n'ont vraiment plus envie de plaisanter.

Hier, la commission de la Justice de la Chambre a tout doucement commencé à parler de sanctions. Chacun se renvoie la balle, s'écrie Eerdekens.

Van Parys parle de sanctions disciplinaires voire pénales. Le Parlement traîne depuis deux mois, enchaîne l'écolo Decroly qui considère que les députés doivent cesser de travailler comme des étudiants en période d'examens.

Il faut savoir que, par crainte de fuites dans la presse, les élus de la nation ne peuvent pas prendre copie des rapports d'enquête sur l'enquête. Bref, les chefs de groupe de toutes les formations politiques - sauf le FN - sont d'accord pour créer une commission d'enquête spécifique chargée - accrochez-vous bien - de l'enquête sur l'enquête dans l'affaire Dutroux.

L'enquête sur l'enquête Cools est remise à plus tard. La commission Dutroux devra rendre son rapport au plus tard dans trois mois - avant mi-janvier 1997 !

Ce sera bien nécessaire. Quinze jours après leur disparition, des gendarmes carolos - en particulier le Mdl Petens - pensent que Marc Dutroux pourrait être impliqué dans la disparition de Julie et Mélissa. Ils provoquent l'opération Othello, envisagent même de placer des caméras vidéo autour des propriétés de Dutroux (ce qui ne se fera pas).

Bien plus tard, le 6 décembre 95, un juge de Charleroi arrête Dutroux pour vols. C'est la police de Charleroi qui l'interpelle.

La coordination est si bordélique - excusez-nous - que le gendarme Petens, qui traque Dutroux depuis quatre mois, n'apprend par hasard l'arrestation de son client que cinq jours plus tard, le 11.

On connaît la suite: avec l'actord du juge forent, les gendarmes obtiennent de perquisitionner eux-mêmes à Marcinelle. Et c'est ce jour-là, le 13 décembre, que le Mdl-chef Michaux, qui fouille la cave, entend des cris d'enfants. Il remonte au rez, s'aperçoit que des gosses piaillent chez les voisins, fait taire la ribambelle.., et ne perçoit plus aucun cri. « Mais pourquoi Michaux n'a-t-il pas crié ? », veut savoir un député.

A toutes ces questions, Valère De Cloedt, du comité P, répond qu'il ne sait pas. M. Michaux a peut-être commis l'erreur de sa vie...

- « Dutroux est arrêté, s'écrie un parlementaire. Il est en prison. Pourquoi aucun enquêteur ne lui a-t-il parlé des disparitions d'enfants ?

Même embarras de Valère De Cloedt :

« Il me serait plus simple de vous répondre si tout avait été mis sur P.-V. Mais comme ce n’était pas le cas ! »

En fait, les gendarmes étaient informés par au moins trois proches qui disaient que Dutroux était taré et capable de tuer. Peut être n'a-t-on pas parlé à Dutroux de Julie et Mélissa par crainte de mettre en danger la vie des indics.

Entre les vies de Julie, Mélissa, An et Eefje et celles d'informateurs, la BSR de Charleroi a choisi. Éteignant à jamais les yeux de quatre enfants.

Le 31 janvier 1996, le patron du parquet carolo, le procureur Marchandise, classait l'opération Othello. De sa belle écriture, il griffonnait sur la farde : «A classer ». A ce moment, Julie et Mélissa, c'est sûr, se battaient contre la mort.

Mais qui était Othello ?

Tout simplement Marc Dutroux. Dont la mère écrivait au parquet de Charleroi pour dénoncer son fils. Qu'est devenue la lettre ?: par le comité P, on sait que le parquet de Charleroi l'a transmise au parquet de Namur, qui l'a transmise à la police de Jemeppe-sur-Sambre, où l'info s'est perdue. Et avec elle les toutes dernières chances des quatre enfants...

Gilbert Dupont

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CONNEROTTE DÉGOÛTE ? Des élucubrations!

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 3

NEUFCHÂTEAUX - Un quotidien flamand, relayé par la presse radio, signalait, dans son édition d'hier, que le juge Jean Marc Connerotte se refusait désormais à prendre en charge tout dossier nouveau de pédophilie.

Le journal faisait état d'un réel ras-le-bol du juge à l'égard de tout ce qui touche aux faits et crimes sur lesquels il a travaillé d'arrache-pied depuis le 10 août dernier. Une radio en remettait une couche, établissant un lien direct entre l'état d'esprit de M. Connerotte et la surprenante décision des familles de victimes, décision  ne pas intenter une action en opposition au récent arrêt de dessaisissement.

Respecter la logique

Qu'en est-il exactement ? A Neufchâteau, le commentaire autorisé est cinglant:

« Élucubrations ». A plus d'un titre. De fait, pour respecter la logique, tous les dossiers de pédophilie sont rassemblés entre les mains d'un seul juge d'instruction, en l'occurrence Jacques Langlois, le successeur de M. Connerotte. Une question de logique, mais également une question de droit puisque la Cour de cassation dit clairement qu'elle dessaisit Connerotte pour les dossiers Dutroux (le dossier 86), Weinstein (le dossier 87 baptisé erronément trafic de voitures) ainsi que tous les dossiers annexes (le dossier 88 dans lequel sont impliqués des hommes politiques ou des magistrats).

« C'est de l'intoxication, nous dit-on dans les milieux de l'enquête. Ce serait de la pure folie de confier au juge dessaisi une nouvelle enquête relative à des faits de pédophilie. Vous imaginez le risque que cela ferait peser sur l'ensemble des investigations?

L'enquête serait réduite à néant pour des raisons de procédure ».

Un juge arlonais

Par ailleurs, comme signaler dans une précédente édition, la cellule d'enquête doit prochainement être renforcée. Déjà le juge Connerotte avait introduit une demande en ce sens tant la charge est lourde et l'enquête dispersée. Le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, a annoncé l'arrivée d'un second juge d'instruction pour épauler Jacques Langlois. La décision incombe aussi au premier président d'une cour

d'appel, celle de liège selon toute vraisemblance.

Le palais de justice d'Arlon a d'ores et déjà été contacté. Un nom circule depuis deux jours, celui de Dominique Gérard, juge depuis 1995.

Celui-ci est une vieille connaissance à Neufchâteau puisqu'il fut du barreau local avant d'accéder, très jeune à la magistrature, comme substitut du procureur Bourlet.

Le renfort demandé concerne aussi les services administratifs et du greffe.

M.Pe.

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PROTECTION ?  Langlois est perplexe

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 3

ETALLE - Jacques Langlois sera-t-il entouré du même luxe de mesures de sécurité que son prédécesseur Jean-Marc Connerotte ? On a appris que M. Langlois désirait à tout prix conserver une certaine liberté de mouvement, d'intimité chez lui.

Autrement dit, dans l'immédiat, il conservera sa rutilante Roover aux sièges en cuir pour ses déplacements, comme si de rien n'était.

Véhicule blindé

Pendant ce temps, hier encore, Jean-Marc Connerotte, à l'instar du procureur Bourlet, se déplace toujours dans la Mercedes blindée, de l'Escadron spécial d'intervention (l'Esi).

Le procureur comme le juge est sans cesse flanqués de gardes en civil, armés, munis d'un talkie-walkie.

Apparemment, M. Langlois ne fait l'objet d'aucunes menaces. Pourvu que cela dure. Car la vie de protégé n'a rien de fort agréable : présence permanente, route d'accès au domicile coupé par des barbelés et des barrières, escorte pour se rendre à l'école...

M. Connerotte et sa famille poursuivront-ils leur existence sur ce même mode maintenant que le juge ne s'occupe plus des dossiers chauds ?

II n'y a pas de réponse pour le moment.

M. Pe.

 

 

 

 

 

 

LE COMITÉ « P » A FAIT LE CATALOGUE DES ÉDIFIANTES LÉGÈRETÉS DE LA JUGE LIÉGEOISE(« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 2)


Doutrewe, juge de destruction !

Comment Doutrewe a tué l'enquête

LE COMITÉ « P » A FAIT LE CATALOGUE DES ÉDIFIANTES LÉGÈRETÉS DE LA JUGE LIÉGEOISE

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 2

BRUXELLES - Doutrewe, Doutrewe et encore Martine Doutrewe. Le comité « P » est sans pitié pour la juge d'instruction qui fut en charge a liège de l'affaire Julie et Mélissa.

Son seul bémol: les accusations d'amateurisme qui foudroient la magistrate ne s'appuient que sur des déclarations de policiers et de gendarmes, la police des polices n'ayant pu l'interroger - elle n'en a pas la compétence -pour lui permettre de se défendre.                                                                                                                                                                                              Dès le départ, ça dérape. C'est que Mme Doutrewe a prévu de prendre ses vacances en Italie puis d'aller visiter les châteaux de la Loire.Les parents de Julie et Mélissa ne le lui pardonneront jamais. Comment leur donner tort ! Une cellule mixte d'enquête est mise sur pied à Liège. Elle se compose pour 80 % de gendarmes et pour 20 % de péjistes. C'est pourtant un péjiste, le commissaire Dany Lamoque, qui en prend la direction. Ce qui crée dès le départ un climat de défiance dont le comité « P » constate qu'il n'a bien sûr pas eu d'effet positif.

Coup de fil

Martine Doutrewe ne rien fait pour améliorer le climat, poursuit la police des polices forcée de constater que P.S. recherches ont été menées dans une sorte de flou artistique désastreux. Ainsi, le comité « P » relève que les enquêteurs n'ont pas tenu d'agenda ni de fiches de travail. Au point qu'il est impossible - aujourd'hui - de répondre à des points aussi éiémentaires que de savoir quand se sont tenues les réunions de travail.

Effrayant : d'autres questions aussi simples que celle de savoir quand a pour la première fois été évoquée la piste Dutroux n'obtiennent pas de réponse. A la question posée cinq fois, le comité « P » a obtenu...cinq réponses: Mme Doutrewe parle de « fin août 95 »; des enquêteurs de « fin juillet », « début août », « après la rentrée des vacances » et même «un certain temps après la rentrée des vacances » !

En fait, l'enquête du comité  « P » établit que la juge Doutrewe connaissait le nom de Dutroux au moins dès le 16 août 1995.

Le Bureau central de recherches vient en effet de retrouver une note du 17 août 95 consécutive à un coup de fil transmis ce jour-là au BCR par l'adjudant Lesage, de la BSR de Seraing.

Qui dit : « Hier, on a eu une réunion avec Doutrewe, lesage et Gilot Doutrewe n'est pas très chaude pour démarrer l'enquête Dutroux à partir de Liège. A en reparler demain. »

Six semaines après la disparition des enfants, la juge Doutrewe, qui a alors droit de vie ou de mort sur tout développement d'enquête, écarte la piste Dutroux.

L'ex-juge Freddy Troch, président du comité « P », a eu ces mots terribles : «M"* Doutrewe devait partir une semaine en vacances. C'est peut-être pour ça qu'elle n'était pas très enthousiaste... »             

Gilbert Dupont

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JULIE ET MÉLISSA HORS PRIORITÉS !

Une réunion par mois!

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 2

BRUXELLES - Si seulement c'en était fini pour Martine Doutrewe ! Mais le massacre se poursuit. Pour un policier qui reçoit vingt informations par jour, il est crucial de trier ce qui doit impérativement figurer dans les procès-verbaux... de ce qui peut ne pas s'y trouver. Illustration du désordre qui, a régné à liège : le comité « P », qui a posé la question aux enquêteurs chargés de l'affaire Julie et Mélissa, a obtenu pas moins de douze réponses différentes. Implicitement, le comité « P » en vient à se demander quel degré exact de priorité la juge Doutrewe attribuait-elle à son dossier Julie et Mélissa ? Sans apporter de réponse, la police des polices révèle qu'en quatorze mois - de fin juin 95 à août 96 - la magistrate n'aurait organisé en tout et pour tout que quinze réunions de travail avec ses enquêteurs.

A peine une par mois. « Quand on n'a pas la capacité de diriger une instruction, dira le président du comité « P », ça ouvre la porte à tous !es problèmes. Quand tout est bien coordonné, il n'y a pas beaucoup de dérapages. Il y a eu des gaffes. »

Aucun P.-V.

Quantité d'éléments essentiels d'enquête n'ont jamais été mis par écrit. La police des polices relève qu'elle n'a trouvé au dossier aucun P.-V. concernant Marc Dutroux alors que des recherches importantes ont bel et bien été menées sur le monstre de Sars-la-Buissiére de septembre 95 à fin janvier 96 !

Mais tout s'est fait par communication verbale. Entre deux portes ? Par téléphone ? « C'était au juge à réagir, à ne pas laisser les choses, à intervenir auprès du parquet de Charleroi, même si celui-ci aurait pu entreprendre des démarches.

On constate que la piste Dutroux a été exploitée avec des moyens à Charleroi et qu'elle n'a reçu qu'une approche minimaliste à Liège.

La façon de procéder à Charleroi n'échappe pas à la critique. Ainsi, quand un juge se trouve le prétexte d'une affaire de vols pour perquisitionner à deux reprises chez Dutroux en décembre 1995 dans le but secret de retrouver Julie et Mélissa... » Comment s'étonner, dès lors, que le patron sur papier de l'enquête, le commissaire liégeois Lamoque, n'ait appris que le 16 juillet 1996 l'épisode de l'opération Othello menée en douce par les gendarmes... l'année précédente ?

Cavalier seul de la gendarmerie ? Non, selon le comité « P » qui dit clair et haut que la thèse selon laquelle la gendarmerie a dissimulé « intentionnellement des éléments d'enquête à Liège est inexacte». Mais rien de tout ça n'est neuf.

Au-delà du cas Doutrewe, c'est même ce qui est désolant : tous ces dysfonctionnements avaient déjà été dénoncés il y a cinq ans par la commission d'enquête sur les tueries du Brabant. Pour rien. Pas pour Julie, Mélissa, An et Eefje, en tout cas.

Gilbert Dupont

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Devoir de réserve

Elle préfère le silence

« La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996 page 2

LIEGE- Le rapport du comité « P » n'épargne guère le juge d'instruction liégeois Martine Doutrewe, Il constate en effet « l'absence de directives claires de la part du magistrat qui ne dirige ni de contrôle l'enquête ».

Si Martine Doutrewe a eu la charge du dossier Julie et Mélissa, c'est simplement parce qu'elle était de garde le 24 juin 1995, jour de la disparition des fillettes. Mais le comité « P » lui reproche d'avoir accepté le dossier alors qu'elle partait le lendemain en vacances en Italie.

Il signale également que la juge liégeoise s'est absentée à de nombreuses reprises pour motif de congés, obligeant 5 autres magistrats à gérer le dossier. Enfin, il lui reproche également de n'avoir organisé que 15 réunions de coordinations avec les enquêteurs.

Chose étrange, le comité « P » blanchit totalement la gendarmerie. Or, dans son rapport de l'enquête sur l'enquête, le procureur général, Mme Thily, avait tiré d'autres conclusions. Elle avait ainsi estimé que la gendarmerie n'avait pas communiqué toutes les pièces au juge d'instruction...

Une fois de plus mise en cause, Martine Doutrewe n'a pas souhaité faire de grandes déclarations. « Même si j'ai beaucoup de commentaires à faire, je préfère ne rien dire », a-t-il soupiré, se retranchant derrière le sacro-saint devoir de réserve. Le rapport du comité « P » permet cependant de se poser quelques questions, notamment au niveau des compétences du comité. Ainsi, son rôle n'est-il pas de contrôler les services de police? « Je ne suis pas sûre que le comité « P » puisse viser un magistrat. Surtout sans que celui-ci ait été entendu », a remarqué discrètement la juge d'instruction liégeoise, avouant qu'elle ne comprenait pas pourquoi les conclusions de Mme Thily avaient été ignorées.

Époux inculpé

Martine Doutrewe occupe la fonction de juge d'instruction depuis 1991. Auparavant, elle a occupé, durant 4 ans, le poste de juge de la jeunesse.

De 1980 à 1987, elle a travaillé comme avocate, dispensant également des cours à l'Université de Liège.

Au Palais de justice de Liège, nombreux sont ceux qui affirment qu'elle est une excellente juge d'instruction. Domiciliée à Tilf depuis deux ans, elle est mariée et maman de 3 enfants. Elle a connu un coup dur quand son époux, l'avocat Guy Wolf, a été inculpé dans une affaire fiscale. Celui-ci a cependant été libéré sous caution, une procédure assez rare en Belgique.

Dans son entourage, on considère que Martine Doutrewe est « une grande dame ». Elle est réputée pour son élégance et sa discrétion.

Nathalie Evrard

 

 

 

 

les manifs continuent ! («Dernière Heure»17octobre 1996)


VOTRE QUOTIDIEN S'ASSOCIE À TOUTE LA BELGIQUE MOBILISÉE POUR QUE CESSE LE DRAME

DE L'ENFANCE BRISÉE DONT JULIE ET MÉLISSA SONT DEVENUES LE SYMBOLE

 « UNE » de « La Dernière Heure » du jeudi 17 octobre 1996

 Ce jeudi, Jour du Journal, votre quotidien publie non seulement vos plumes d'or, les plus belles lettres retenues sur le thème tristement d'actualité de l'enfance brisée, mais aussi, dans son intégralité, la Convention des droits de l'enfant, que la Belgique a ratifiée depuis déjà six ans. Pour que, en ces temps de mobilisation générale aux portes des palais de justice, l'on n'oublie jamais ses articles fondamentaux, dont le fameux article 34, qui bannit toute violence sexuelle à l'égard des enfants. Mimi, l’héroïne de la BD Mimi fleur de cactus illustre joliment ce texte long et essentiel.

A conserver,a afficher... (Ph. Way Press)

Comment la juge Doutrewe a bâclé l'enquête sur Julie et Mélissa

 Soutien à Connerotte : les manifs continuent !

 Dans la DH, la Convention des droits de l'enfant

 

 

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