samedi 14 novembre 2009

Le dessaisissement du juge attise la colère sociale ( «Le Soir» 28 décembre 1996 pg 5)


Le dessaisissement du juge attise la colère sociale

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

L'éviction de Connerotte est ressentie comme un autre coup de poing aux travailleurs on croyait les travailleurs résignés, amorphes, incapables de se mobiliser.

Voilà que, furieux du dessaisissement du juge Connerotte, ils débraient.

On a stigmatisé le refus de sacrifier du salaire pour faire embaucher des jeunes. Voilà que les métallos de VW versent leur indemnité de grève aux parents des enfants disparus, que ceux de Ferblatil se privent pour payer le salaire de Gino Russo.

On a décrit un « monde du travail » cloisonné, recroquevillé sur ses intérêts catégoriels. Voilà qu'étudiants et ouvriers convergent aux marches du Palais. (...)

On disait les Wallons combatifs et vite enflammés, les Flamands posés et raisonnés. Du nord au sud, on lance, spontanément, les mêmes actions, comme si la révolte était une culture commune. Que se passe-t-il?

Une bouffée d'émotion extrême ? Ou plutôt un couvercle qui saute, laissant fuser une colère rentrée ?

Un délégué de VW disait, désignant le Palais: Nous dénonçons le manque de justice. Et il ajoutait: Nous dénonçons le manque de justice sociale.

(...) Déjà cet été, lors des funérailles de Julie et Métissa, un permanent syndical s'interrogeait sur son métier: Les gens viennent par milliers, de loin, sacrifiant un jour de salaire ou de congé. Nous, pour mobiliser, il nous faut des mots d'ordre, des autocars, des indemnités. Et ça ne marche pas toujours.

Mais les enjeux qu'on fait miroiter aux travailleurs n'ont pas la limpidité du combat qu'ils mènent pour la sécurité de leurs enfants, pour la vérité sur les affaires, pour le maintien en fonction de juges courageux.

Freddy Mathieu, permanent FGTB de Mons, explique (dans « Le Peuple») : Le gouvernement construit coûte que coûte une maison que personne ne voudra habiter. (...)

Cette fois, les travailleurs sentent qu'ils ont prise sur le cours du malheur. (...)

Les organisations traditionnelles, prises à contre-pied, restent étrangement silencieuses. (...)

Ouvriers et employés ne parlent que de l'« affaire Dutroux », mais les états-majors syndicaux soupèsent le budget sur une balance.

Ce qui se passe, dit Anne-Marie Appelmans, leader de la FGTB de Bruxelles, est le signe de l'incapacité du mouvement syndical à laisser les gens s'exprimer. On a étouffé les gens sous des dossiers techniques. (...)

Il serait dramatique de réduire à du « poujadisme » une immense demande de démocratie.

Elle appelle les décideurs à changer de langage, la politique à s'humaniser pour retrouver sa légitimité.

Article paru le 18 octobre

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Une imprudence, une erreur, pas une faute

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

Le spaghetti de Jean-Marc Connerotte doit aujourd'hui lui peser sur l'estomac. Même s'il ne regrette pas de l'avoir mangé à la table des membres de l'Association Marc et Corine. (...) Le juge pouvait-il avaler ces pâtes?

Le juriste sévère répondra immanquablement: non ! Dans ce dossier, Connerotte mène une instruction à charge et à décharge, l'impartialité lui interdit de s'afficher avec l'une ou l'autre partie civile. Imaginerait-on le juge d'instruction du dossier Cools assister à une réunion d'une éventuelle association des amis d'Alain dan der Biest ? (...)

On réclame à cor et à cri une Justice plus humaine. Jean-Marc Connerotte et Michel Bourlet mangeant un spaghetti avec Sabine et Laetitia, n'est-ce pas précisément le symbole de cette Justice ré humanisée? (...)

Le spaghetti de Connerotte est sans doute une imprudence. Peut-être même une erreur. N'en faisons pas une faute. Sinon, n'importe quel acte à visage humain pourrait être considéré comme un faux pas. Et sanctionné comme tel.

Photo Belga

Article paru le 28 septembre

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Jean-Marc Connerotte plébiscité par la rue

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

Une centaine de chauffeurs de bus du dépôt Delta, à Bruxelles, ont entamé, jeudi matin (17 octobre), une grève spontanée qui pourrait durer toute la journée, occasionnant des perturbations sur une dizaine de lignes desservant l'est et le sud de la capitale.

A Namur, la veille (16 octobre), de longues files de piétons et une circulation plus difficile indiquaient que les bus des TEC étaient restés au dépôt. Les chauffeurs ont «marché sur le palais de justice » où une délégation a été reçue par le président du tribunal de première instance et le procureur du Roi. Ils ont évoqué le malaise général avec les représentants namurois d'une justice «au service des puissants».

Le juge Christian Panier a tenté de leur démontrer le contraire appuyé par le procureur Jacqueline Lebrun.

D'autres actions ont eu lieu, hier (17 octobre), dans le Namurois. Des arrêts de travail aux Glaceries Saint-Roch à Auvelais, chez Glaverbel et chez Materne.

A Liège, une centaine de personnes venues des sièges de Belgacom de la Cité ardente, mais aussi de Jemappe, Verviers et Waremme ont procédé à un lavage symbolique (à l'aide de brosses et de balais) de la façade du palais de justice.

Nous voulons encore croire en nos institutions, mais nous voulons aussi leur faire savoir qu'elles ne pourront pas continuer a nous manipuler impunément, pouvait-on notamment lire sur les tracts.(...)

A quelques kilomètres du centre de Liège, environ 200 travailleurs de l'usine Uniroyal ont observé un arrêt de travail pour défiler dans les rues du zoning industriel des Hauts-Sarts.

Les ouvriers de la Fafer de Marchienne-auPont ont arrêté spontanément le travail, mercredi (16 octobre) à 8 h 30, pour aller manifester devant le palais de justice de Charleroi. Les manifestants avaient obtenu le soutien de leurs délégations syndicales. L'entreprise a été à l'arrêt toute la matinée.

Des incidents ont également eu lieu, mercredi matin à Anvers. Plusieurs personnes qui s'étaient introduites dans un cortège étudiant, devant le palais de justice, ont jeté des neufs et des projectiles sur les façades de l'édifice, brisant des vitres. (...)

A Malines, quelque 800 manifestants ont bloqué tous les carrefours importants de la ville, dès 7 h 30.

Article paru le 18 octobre

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La Cour de cassation conspuée « La justice est contre le peuple »

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

L'arrêt tombe comme un couperet. Sur les marches du palais, la foule gronde.

Dès que les premières phrases de l'arrêt sont prononcées, les gens se regardent consternés dans la salle d'audience de la Cour de cassation.

Après quelques minutes, les deux responsables du comité Pour nos enfants se lèvent et quittent la salle, aussitôt suivis par le public. Sans même attendre la fin de la lecture de l'arrêt.

C'est scandaleux, hurle une voix. Nathalie Werpin murmure : Je plains les parents

Dehors, ils sont près de 300 à attendre et quand la nouvelle du dessaisissement parvient à la foule, un immense hurlement se fait entendre.

Alors que public et journalistes tentent de sortir du palais de Justice, les manifestants veulent y entrer de force en scandant « Juges assassins ».

On frôle l'émeute. Surexcité, un groupe s'avance vers deux gendarmes, « les » représentants de la Justice : ils ont dessaisi Connerotte, hurle l'un d'eux. C'est dégoûtant.

C'est vrai, répond un gendarme, c'est dégoûtant. Le groupe se calme aussitôt.

Mais pas pour longtemps. Des hommes, des femmes crient : « La Justice est contre le peuple. »

D'autres scandent le nom de Connerotte.

Un manifestant explique devant les caméras d'une télévision : « Entre les citoyens et les crapules, la Justice a choisi son camp ».(...)

Tout d'un coup, le silence se fait. La foule se tourne vers une jeune Marocaine, c'est la sœur de Loubna. Elle lance un appel au calme et se fait follement applaudir. Mais l'effet de ces paroles apaisantes s'estompe vite. Chaque fois que la tension retombe, deux ou trois personnes - toujours les mêmes- relancent les manifestants.

Regroupés, une dizaine de jeunes arborent chacun un calicot avec une seule lettre. Avec ces lettres alignées, on lit «Justice pourrie. » Au signal de leur chef, ils le brandissent au-dessus de leurs têtes puis le retournent.

Au verso, c'est le même texte en flamand. Un autre signe, et ils crient le même slogan. Qui sont-ils? Que veulent-ils? Le «metteur en scène élude la question. Sur la veste, pourtant, un discret insigne du Front national est en soi une réponse à nos questions.

Un peu plus loin, un autre s'égosiIle : La Belgique a besoin d'ordre ! D’un chef. Ça pue l'extrême droite ici, lance un vieux monsieur en s'éloignant.

Vers 16 heures, Pol Marchal arrive et tente difficilement de se frayer un chemin à travers la foule. A nouveau, les applaudissements fusent. On se bouscule pour l'écouter et, lorsqu'il appelle les gens à manifester dimanche, les cris reprennent de plus belle. Dans le calme, précise-t-il.

Mais ces mots ont-ils été entendus?

Article paru le 15 octobre

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L'arrêt « spaghetti » intégralement confirmé

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

Le baroud d'honneur des familles ne renverse pas la première décision des hauts magistrats.

Il n'y avait, ce mercredi 11 décembre, ni grande foule ni grande conviction à l'audience du matin de la cour de cassation, de manière convenue, et sans que l'un ou l'autre attendu ne prête le flanc à de fines analyses, la Cour de cassation a confirmé en quelques minutes ce qu'on a appelé l'« arrêt spaghetti » du 14 octobre dernier, rendu par cette même instance et des saisissant le juge Jean-Marc Connerotte des dossiers Dutroux-Nihoul et assimilés. Les recours en opposition des parents (..) .ont été jugés non fondés et, en conséquence, rejetés.

Explication du texte : pour le président Léon Willems, les familles se bornant à critiquer l'appréciation de la Cour sans apporter d'éléments nouveaux, il n'y avait visiblement guère matière à longue digression. (...)

La Cour commence par rappeler, en vertu de l'article 542 du code d'instruction criminelle, le pouvoir d'appréciation que la loi lui confère. Elle rappelle que l'appréciation du devoir d'impartialité doit reposer sur des éléments objectifs, et qu'il est donc exclu de mettre en balance le comportement du juge, d'une part, et l'exceptionnelle gravité des faits d'autre part. Et elle affirme à nouveau que la manifestation de sympathie du juge Connerotte envers les victimes est un fait avéré.

Article paru le 12 décembre

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Le « peuple VW » déploie ses couleurs sur les marches du Palais de Justice

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

«Il est 9 h 04 ce mardi (15 octobre) et une foule, un nuage de cris et de couleurs déferle en cet instant sur la place Poelaert : venus en droite ligne de Forest où les chaînes de montage n'ont même pas été mises en route ce matin, les ouvriers de Volkswagen de la pause 6/2 déferlent en bleu foncé, blanc, jaune, orange ou simple bleu de travail, sur les marches du Palais de justice de Bruxelles.(...) Aux cris de « Connerotte, Connerotte », en scandant «Hou! Hou! » ou à grands renforts de lancers d'oeufs, la foule bariolée de centaines d'ouvriers assaille la porte principale de l'édifice, macule la façade du palais.

Puis les meneurs gagnent le dessus de l'escalier de droite. Celui qui mène en ce jour à la cour d'assises où est jugé Bajrami et est donc gardé par des gendarmes, mitraillettes en réserve. Les slogans cessent soudain, on tend l'oreille: les représentants syndicaux ( ...) mais aussi les simple porte-parole du « peuple VW » exigent de rencontrer un représentant politique ou judiciaire de la justice, afin de lui faire part de leurs griefs: les ouvriers de VW exigent le « re»saisissement de Connerotte».

Photo R. Milutin

Article paru le 15 octobre

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