lundi 11 mai 2009

Courrier des lecteurs (« Soir Illustré »30 octobre 1996 pages 46,47,48)


Courrier des lecteurs

JUSTICE: VOS REACTIONS :

« Soir Illustré » du mercredi 30 octobre 1996 pages 46,47,48

Votre courrier relatif aux affaires a pris des allures de marée, ces dernières semaines.

Quelques extraits significatifs :

- «Les signataires de cette lettre tiennent à vous informer de la tristesse et de l'incompréhension qu'ils éprouvent, après l'arrêt de dessaisissement du juge J.-M. Connerotte. Si nous sommes bien informés, M. Connerotte a été accusé de partialité et, de ce fait, les règles de droit voulaient qu'il soit dessaisi. Des objections ont toutefois été faites à ce propos, objections que nous partageons:

D'abord, il est très peu vraisemblable que n'importe quel juge aurait pu se conduire de façon totalement impartiale devant tant d'horreur; inévitablement, les émotions éprouvées auraient amené quiconque, de-ci de-là, à poser un acte imparfait, face auquel il aurait été invité à se reprendre pour rester au service d'une démarche juste: faire un tel procès, avec une telle sanction, à M. Connerotte pour avoir été «humain» face à l'horreur, c'est, nous semble-t-il, le mettre en position de bouc émissaire, en opposant ce qu'il a fait à un juge idéal - qui n'existe qu'en théorie(...) Dans des circonstances exceptionnelles, n'est ce pas plutôt la défense des valeurs morales de base (la lutte contre le mal et la recherche de la vérité) par tous, qui aurait dû être promue, avant celle des règles: celles-ci auraient dû être au service de ce combat pour les valeurs, ou mises entre parenthèses, plutôt que de constituer un esclavage! (...)

Nous récusons l'idée que nous aurions besoin de «pédagogie» pour apprendre à calmer un peu notre «réaction sociale émotionnelle». Tant de personnes ont dit où était, pour elles, la direction de la justice... ne pas en tenir compte, et abattre le symbole de leur espérance... est-ce encore bien un fonctionnement démocratique?

Enfin, les psychiatres et psychologues qui sont les signataires majoritaires de cette lettre attirent votre attention sur une considération plus «technique». Il est très vraisemblable que les inculpés principaux de ces enlèvements d'enfants ont des personnalités structurées par une très grande perversité. Il est «classique» que les pervers se jouent des lois et, à l'occasion, poussent leur perversité jusqu'à démontrer qu'eux-mêmes sont les victimes d'une mauvaise application de certains détails de la loi. A ce jeu, ils cherchent des alliés: c'est très probablement ce qui s'est passé et, ici encore, il est regrettable que l'institution suprême n'ait pas pris la responsabilité de «casser leur jeu»: une fois de plus, les pervers triomphent, et c'est bien ce triomphe qui fait le désespoir des parents des victimes et de la population. Ce serait pour nous un signe de mobilisation de la Justice, Monsieur le Président, si cette lettre recevait une réponse, non pas basée sur une argumentation autour des règles de droit, mais «d'êtres humains à êtres humains» (...) ».

- de Camille Delwaide (Anvers)

«Soyez remerciés pour votre courage, votre intelligence et votre clairvoyance. Les articles écrits dans Le Soir illustré sur les affaires Dutroux et Cools sont admirables. Vous êtes parmi les seuls, hélas!, à oser dire la vérité et à oser dénoncer l'odieuse conspiration du silence qui rend muette une grande partie de l'establishment. Vous êtes parmi les seuls, aussi, à vous rendre compte que si nous ne réagissons pas maintenant, la maffia deviendra la seule puissance réelle de ce pays... Pourrais-je vous demander d'essayer d'insister, par la voie de votre journal, auprès des parents d'enfants disparus, afin qu'ils ne baissent pas les bras, qu'ils n'écoutent pas le ministre de la Justice, et qu'ils fassent opposition à l'arrêt Liekendael. Il faut savoir que ce n'est qu'après avoir épuisé tous les recours en Belgique que l'on peut arriver à la Cour des Droits de l'Homme de Strasbourg et que l'on réhabilitera - enfin! - notre seul juge d'instruction à avoir retrouvé des enfants vivants! Il faut aussi se rappeler que l'arrêt de la Cour de Cassation n’était nullement obligatoire... de plus, il ouvre la voie a une jurisprudence extrêmement dangereuse qui permettra à quiconque de casser un jugement lorsqu'il y aura simple «soupçon» de partialité ! (...)»

- De Jean-loup Schyns de Dallas, Texas (reçu via le site Internet du Soir illustré, comme beaucoup d'autres réactions:

« Résident US d'origine belge, la fierté suite aux performances de nos athlètes à Atlanta a laissé place à la honte, au dégoût et à l'incompréhension. C'est avec une grande tristesse que je vis les événements tragiques survenus en Belgique via le réseau Internet et coupures de presse envoyées par mon père. Les communautés francophone et néerlandophone semblent tellement unifiées dans le chagrin et la sympathie vis-à-vis des parents de Julie et Mélissa.

Cette affaire frappe les Américains qui ne peuvent comprendre le laxisme de la Justice belge suite aux libérations de Dutroux. Ici, les pédophiles et meurtriers sont sujets à la peine capitale dans de nombreux États. Je voudrais faire savoir aux Papa et Maman de Julie et Mélissa que beaucoup de gens au Texas ont prié pour

vos enfants et me demandent de joindre leurs profondes condoléances aux miennes. Nous pensons très fort à vous. »

- De louis-Guy Servotte (via Internet) :

« Conjuguons" nos efforts. Avant, pour beaucoup, c'était le "passé simple". Pour certains même "plus que parfait". Maintenant, les décisions s'écrivent à "l'imparfait du subjectif" et à "l'exécutif absent". Pourrons nous un jour parler au "futur meilleur" ?

- de Philippe Roger (via Internet):

« Bravo pour vos articles. Vous, les médias, vous êtes notre seule chance à tous afin de mettre un terme à ces odieux agissements.

Nous sommes de tout coeur avec vous et avec les familles touchées. Il faut continuer ! »

- de J. Bollen (Visé)

«Après le discours du Roi, qui demandait moralisation, humilité et remise en question, c'est presque avec enthousiasme que chacun s'y est mis en nettoyant le trottoir d'à côté: «Ce n'est pas moi, c'est lui! »

- Gendarmerie: aucune erreur.

- Magistrature: les critiques populaires ne sont pas fondées.

- Politique: il nous est impossible d'agir sur la magistrature. Les «politiques» surtout, veilleront à faire le ménage chez les autres. Je n'ai entendu aucune suggestion de réforme des moeurs des politiques. On pourrait commencer par les suivantes:

- Suppression des cumuls de mandats

- Écartement de leurs mandats des politiciens impliqués par la Justice, sans attendre leur condamnation éventuelle

- Suppression de l'immunité parlementaire pour des faits autres que politiques - Dépolitisation réelle des promotions dans la magistrature, la fonction publique, la police... - Écartement de leurs fonctions des hauts fonctionnaires condamnés par la Justice, même pour des faits étrangers à leur fonction actuelle (affaire Inusop)».

Lettre ouverte à Monsieur O. Stranard, Président de la Cour de cassation

- de Marcel Tombeur (Vloerzegem)

«Monsieur,

(...)

Vous avez, en toute équité et âme et conscience, rendu un arrêt de suspension à l'encontre d'un magistrat dont la seule erreur fut de participer à une petite manifestation de sympathie à son égard pour un événement personnel, en vous faisant le complice de manoeuvres dilatoires (...)

S'il est exact qu'aucune loi n'autorise un juge d'instruction de faire preuve de partialité, il faut tenir compte du fait que ce dernier a droit à une vie privée en dehors de tout contexte professionnel. (...)

La loi est la loi, mais elle est basée sur un code désuet datant de plus d'un siècle. Et puis, il y a une justice humaine et une justice qui s'appuie plus sur le texte et ses implications que sur la réalité. En droit, vous avez raison. Mais pouvez-vous affirmer, en toute honnêteté, que vous n'avez jamais contrevenu à aucune loi, décret ou règlement? N'avez-vous jamais fait de l'excès de vitesse, stationné en double file ou oublié de verser votre obole dans les nombreux parcmètres?

(...) Dans des affaires comme celles-ci, on a trop tendance à se retrancher derrière l'application de la Constitution, des Lois, Décrets, des Codes Pénal et Judiciaire pour justifier une décision alors que ces mêmes Constitution, Lois, etc. sont journellement foulés aux pieds par tous les services publics et politiques, à commencer par le Parlement».

- de B. Simon (Hastière)

Déjà, lors de la création du monde, le crime s'est installé; Par jalousie, Caïn tue son frère Abel. Plus tard, Esaü vend son droit d'aînesse pour un plat de lentilles; Pour assouvir ses plaisirs.Judas vend le Christ pour 30 pièces d'argent, il l'accuse de se prendre pour un prophète; il y a 2000 ans, et déjà alors, le juste a payé pour le traître, car, Ponce Pilate n'a pas osé prendre ses responsabilités, il a eu peur du peuple qui demandait la libération de Barrabas.

Aujourd'hui, le peuple se révolte car il en a ras-le-bol de la justice belge. Oui, du Nord au Sud, la Belgique UNIE veut une justice saine et non une justice corrompue. Oui, cette semaine la «Haute-Cour» a assassiné Julie, Mélissa, An et Eefje pour la 2eme fois.

(...)

- de A.M. P.F (Bruxelles)

«Honte sur toi, Justice, qui protège les monstres. On courbe l'échine, sous l'avalanche des taxes, mais là, la coupe déborde. Tous les Belges (Bruxellois, Flamands, Wallons), sont solidaires des victimes de Dutroux & Co...De plus (à part une petite minorité d'extrémistes), ces mêmes Belges, qui le restent et sont fiers de l'être, en hommage à notre regretté roi Baudouin ler, sont contre le séparatisme. Les moutons de Belges en ont assez. Que nos dirigeants en tiennent compte!»

- de Angela Silvestre (liège)

«Avec très peu de mots, Mme Liekendael, Procureur Général auprès de la Cour de Cassation, nous a fait bien comprendre la mentalité de la Justice belge! «Ne pas tenir compte de ses sentiments». Pauvres parents !

Comme c'est difficile, dans une société pareille, une société malade d'un cancer, d'apprendre aux enfants à devenir des adultes honnêtes!

Quelle démocratie ! A qui la faute?»

- de Mme Michel Dominique (Rhisnes)

«Je vous écris, car je suis écoeurée. Je suis une simple citoyenne qui a trois petits garçons - David (7 ans), Maxime (5 ans et demi), Jérôme (3 ans) - et qui a peur de l'avenir. Le journal télé vient de se terminer, et je suis encore plus écoeurée de ce qui se passe (...) Pour finir, on va nous faire croire que Dutroux et sa bande n'ont rien fait, mais que c'est nous autres, citoyens honnêtes, qui avons poussé nos enfants dans les bras des ces personnages qui ne devraient jamais vivre. Car, pour le moment, c'est nous autres qui les nourrissons.»

- de J. Catin (Gouvy)

«Avouez que la démocratie a bon dos! Elle doit tout endosser, même ce qui dépasse l'entendement. Faut-il dessaisir le juge Connerotte, menacer le procureur Bourlet ? Telle est la question. La démocratie, en Belgique, on se la croque avec des frites et de la mayonnaise. Tant pis si monsieur tout-le-monde est une fois de plus déboussolé. La démocratie est bonne fille! On lui fait faire bien du chichi pour un plat de spaghettis...»

- de Monique Hougardy (Mamelle)

«Droit de protéger L'enfant convoité Droit d'interdiction Pour tous les cochons...Droit d'interpeller un numéro vert, Mais aussi le droit de se taire Parce qu'ils étouffent, Parce qu'ils camouflent, Parce qu'ils nous fichent, Parce qu'ils s'en fichent... Droit de s'opposer Aux procès tronqués Droit de réfuter Justice bâclée... Droit de plaidoyer Pour changer de nom, Droit de récuser Celui du dindon...»

- de Eric Thil (liège)

«Nous citoyens, Nous voulons connaître toute la vérité Sur les odieux crimes d'enfants

Sur les «affaires» criminelles et financières qui secouent le monde politique et judiciaire de notre pays.

Nous citoyens, Nous voulons être rassurés par nos politiciens sur leur volonté de changer favorablement les choses... rapidement.

Nous voulons être rassurés par nos politiciens sur l'avenir de la Belgique, sur l'avenir des institutions et sur l'avenir de la Justice. Nous refusons l'oubli, les mensonges, les manipulations, le séparatisme et... la nonchalance de certains. Nous citoyens, Il est temps de faire entendre notre voix».

- de F. Lamotte (Chanly)

«Nous les Belges, anciens combattants, résistants, prisonniers politiques, déportés, réfractaires et... contribuables, il est grand temps de réactiver le «Chant des Partisans»: Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne.

Fini de nous laisser conduire par le bout du nez par des politiciens irresponsables, que nous n'avons même pas choisis. Fini d'obéir aux ordres de gens, nommés par ces mêmes politiciens pour nous imposer une soi-disant justice, partiale, inhumaine et bancale. Fini cette justice archaïque où le moindre codicille, le moindre corollaire, par l'organe des beaux parleurs, profite au voleurs et aux assassins au détriment des victimes.

Ces gens de prétoire et de barreau n'ont semble-t-il encore rien compris (...)»

- de Josée de Maseneer (Dilbeek)

«Je vomis la Justice belge ainsi que ces gouvernants qui ne savent plus faire la différence entre un souper-spaghetti et les partouzes de ce vieux porc de Nihoul. Ils doivent être nombreux, ces gens biens de la haute et fortunés, qui sont à protéger et qui, j'espère, n'ont plus un poil de sec en ce moment (excusez l'expression)».

- de Mamans sans Frontières

En mémoire de Julie, Mélissa et à travers elles tous les enfants violentés, j'invite à la réflexion! Les parents des petites victimes ont déclaré avoir déplacé des murs. Ne pourrions nous pas, afin de les soutenir, lever une pierre chacun ? Que pouvons-nous entreprendre au sein de nos écoles? Surveillance, médiation, proposition de cours d'éthique du couple, et étude des livres de Marie-France Botte.

En tant que citoyens, nous sommes en droit de nous poser quelques questions. Comme les familles Russo et Lejeune, nous interpellons cette «Justice du fric». Magistrats, votre accoutrement moyenâgeux est anachronique en ce XXI me siècle. Dans un théâtre, que nous rebaptisons «Palais des Dieux», vous incarnez un certain «pouvoir». Le petit peuple, vous osez l'accuser de délation, alors que votre travail manque de correction. Quelle confiance accorder à votre système pénal que vous souhaitez «sans émotions»?

Oubliez-vous que les sentiments sont l'essence même de notre vie???».

- de Guy Soyez (Mont-sur-Marchienne)

«Toi, ma Belgique, qui fut terre d'accueil, qu'es-tu devenue? Toi qui fut terre d'entente, pourquoi t'es-tu dégradée? Toi qui fut terre de bonheur, où t'es-tu fourvoyée?

J'ai honte à te découvrir dans tes frilosités et le conservatisme de ta justice. Des patrons, des hommes d'affaires se sont satisfaits du déshonneur, Je me suis tu... Tes politiciens, tes représentants, tes ministres t'ont ruinée, Je me suis tu... Tes gardiens et tes protecteurs t'ont bradée, dilacérée et je me suis tu...

Tes garants de la démocratie et de la justice se sont prostitués, je me suis encore tu...

Mais aujourd'hui, des marchands du droit et des lois s'acoquinent pour occulter la lumière qu'ils redoutent et préserver les lâches et les tartuffes; pour noyer, s’ils le peuvent, les crimes odieux qui te secouent. Tout leur est bon, y compris leur frayeur à dénoncer la vilenie de leurs pairs.

Bel esprit, vraiment, que celui de dévoyer déontologie et éthique pour taire une prise de position que n'agréeraient pas des juges honteux.

Prérogatives de fonction, que de crimes sont commis sous votre écran!

Belgique, que de boue croupit sur ton sol, que d'ignominies s'enfouissent sous la terre, que de maux sont étouffés dans tes entrailles!

D'où te vient ton droit irrespectueux de la volonté des citoyens?

Quelle démocratie nous offres-tu, qu'une poignée d'individus puisse insulter la détermination quasi univoque de ton peuple?»

- de l. Debailleux (Mons)

«J'ai entendu, à la télé, les doléances de Maître Pierre, suite aux menaces dont sa famille et lui sont l'objet. Il n'espérait quand même pas des félicitations et des fleurs après son comportement ?

1° il prend la défense d'une bête immonde qu'il appelle pompeusement « Monsieur Dutroux »;

2° la hargne et la véhémence dont il fait preuve pour demander le dessaisissement de Monsieur le juge Connerotte;

3° son sourire de satisfaction après le jugement de la Cour de Cassation et le dessaisissement du même juge.

Il dit être scandalisé par la grossièreté des menaces et que tout le monde a droit à défense: Dutroux a-t-il laissé ce droit à ses victimes?

De plus, Maître Pierre se rend-t-il compte que l'argent qu'il va recevoir pour la défense de Dutroux représente les larmes et le sang des victimes (il est vrai que pour certaines personnes, l'argent n'a pas d'odeur).»

- d'Arlette de Meurers (Way)

«Je me pose cette question: pourquoi a-t-on choisi d'office l'avocat Pierre? Cet avocat a toujours été hostile au juge Connerotte d'après vos bons et intéressants articles (affaire des titres volés, etc.).

Qui est derrière ce choix? Qui a l'intention de retarder l'enquête (passation de compétence

Pourquoi la retarder? Où se trouve l'intérêt de (cacher des faits, continuer leur trafic)Maître Pierre aime-t-il les truands ou se fait-il un nom au détriment des victimes?

J'espère que je ne vous encombre pas avec ma missive mais j'avais un grand besoin d'en fais part.

Bien à vous et félicitations pour vos recherches.

PS : J'étouffe d'indignation. Pauvre juge...»

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Légende photos :

ÉMOTION

Innombrables ont été les scènes d'émotion au cours de la « marche blanche » historique. Ces photos, prises par un étudiant (doué) en photographie, n'ont rien de posé.

L'homme aux lunettes noires, qui utilisait la couverture du Soir illustré comme une affiche, a retiré volontairement ses lunettes pour une photo à bout portant. Derrière, il pleurait, et ce n'était pas du cinéma.

UN NOUVEAU DUO AUX COMMANDES A NEUFCHATEAU (« Soir Illustré » 30 octobre 1996 pg 36 et 37)


UN NOUVEAU DUO AUX COMMANDES A NEUFCHATEAU

« Soir Illustré » du mercredi 30 octobre 1996 pages 36 et 37

Jean-Marc Connerotte, quelques jours durant, a accusé le coup. Mais a très vite repris du poil de la bête. Il conserve une totale confiance sur le devenir de l'enquête qu'il a entamée le 10 août dernier. Son président, Francis Moinet, a installé aux commandes de l'instruction des dossiers Dutroux-Nihoul un nouveau duo qui, ne manque pas d'allant, de jusqu'au-boutisme de pugnacité. En un mot de talent.

- «Il faut raison garder», disait, en guise de chant du cygne, le juge Connerotte quelques heures avant son dessaisissement. Il demandait à la Belgique de ne pas le prendre pour le messie. Il sait que ses successeurs mèneront à bien, jusqu'au bout, le travail entrepris. D'autant que l'équipe des enquêteurs a été renforcée et remodelée pour une plus grande efficacité encore.

C'est évidemment ce que chacun souhaite.

«L'esprit de l'enquête ne meurt pas, disait le juge. L'esprit ne meurt jamais». Un esprit incarné aussi par l'incontournable Michel Bourlet.

- Au fil des ans et des enquêtes, des policiers et des gendarmes sont vraiment devenus amis du juge. On les a vus au palais pour lui remonter le moral: «Pour nous, ce dessaisissement est vraiment un choc. Nous avions totale confiance en M. Connerotte. D'un autre côté, le procureur est conforté. Autrement dit, l'arrêt de la Cour de Cassation montre que l'on n'a pas décelé d'erreur dans le déroulement de cette enquête très difficile».

- Les deux nouveaux: Jacques Langlois, 43 ans, d'Étale, et Dominique Gérard, 35 ans, de Recogne (Libramont). Ils sont entrés dans la magistrature à peu près en même temps, le premier voici 3 ans, le second un an plus tôt. Le Gaumais et l'Ardennais se sont ainsi rencontrés au palais de justice, à Neufchâteau déjà.

Jacques Langlois semble sorti d'un collège anglais. La mèche noire du premier de classe lui couvre souvent le front. Avant sa nomination, comme juge de siège, il était au barreau d' Arlon. Jacques Langlois a tâté de la politique locale. De tendance sociale chrétienne, il siégeait sur les bancs de l'opposition, à Etalle.

Jacques Langlois est marié et papa d'une fille et d'un garçon. Homme discret, il a une passion pour les belles voitures. De toute puissance, de tout format. On dit qu'il s'intéresse aux courses de formule 1 tandis qu'il collectionne les modèles réduits. Il circule dans une rutilante Rover verte, intérieur cuir.

C'est par arrêté royal qu'il a été nommé à l'instruction, la seule place ouverte pour le moment restant aux mains de Jean-Marc Connerotte. A peine aux commandes de l'instruction, Jacques Langlois a obtenu le

concours de Dominique Gérard, délégué par le président de la cour d'appel de Liège. Car Dominique

Gérard est issu du tribunal de première instance d' Arlon. Comme son nouveau collègue, Dominique Gérard est toujours tiré à quatre épingles. Après ses études à Louvain-la-Neuve, il a travaillé dans un cabinet d'avocats, à Bruxelles, spécialisés dans les dossiers financiers. Il n'a finalement plaidé que quelques années au barreau de Neufchâteau.

Nommé substitut du procureur du Roi, l'un des plus jeunes du Royaume, il a toujours eu M.Bourlet pour chef de corps. Lequel, naguère, fut le plus jeune proc' du pays. Celui-ci lui avait alors confié les dossiers financiers que Dominique Gérard a toujours dominés. Exemple: avec le scandale Sud-Lait qui avait traumatisé le monde agricole. Dominique Gérard, au ministère public, obtint la condamnation des principaux responsables de l'entreprise par le juge... Langlois, fraîchement 'émoulu au siège.

- On dit de Dominique Gérard qu'il est très famille. Un comportement somme toute logique puisque sa mère et son père, médecin chef à la clinique intercommunale de Libramont, lui ont donné une soeur et cinq frères.

Lui-même a trois petits enfants.

Les deux juges d'instruction ont un souci commun, l'action philanthropique, dans un service club ou une asbl.

- Lorsqu'il fut contacté pour accompagner Jacques Langlois dans sa périlleuse mission, Dominique Gérard, basketteur, n'a pu que prendre la balle au bond. Selon la loi, il est délégué pour une période de six mois. La solution durable viendra d'une loi, promise par le ministre Stefaan De Clerck. La loi vise à accroître le cadre des juges, qui passerait de 6 à 7. La future place de juge sera officiellement ouverte à l'ensemble des candidats.

LES AVEUX DE DUTROUX A LA MATERNITÉ

- En attendant, le président du tribunal n'a pas réparti les dossiers entre les deux magistrats instructeurs. Ils travaillent de concert, s'arrangent entre eux.

- Le mois de novembre 1995 aura été fort chargé pour Marc Dutroux.

Il y eut tout d'abord, le 3, la séquestration de trois jeunes gens au domicile de Bernard Weinstein, à Jumet. On sait que cette séquestration est liée au vol d'un camion, dans lequel est impliqué aussi l'inspecteur principal Zicot.

Plus tard, Dutroux séquestra son complice Weinstein dans la cache même où Julie et Mélissa vécurent une partie de leur drame.

Vers le 25, Dutroux, rendant visite à son épouse Michelle Martin, à la maternité, lui annonça qu'il avait (ou allait) mettre fin aux jours de Weinstein. Effectivement, il lui donna une tartine, copieusement fourrée de Rohypnol, un puissant somnifère. Il le mit ensuite en terre, encore vivant, dans son jardin de Sars-laBuissière, là où il enterra plus tard les pauvres petites Liégeoises.

- Et le 22 novembre? Ce jour-là, à Obaix, près de Pont-à-Celles, une adolescente était violée. Son agresseur lui lacéra la gorge de deux profonds coups de couteau. L'adolescente survécut. La P.J. de Charleroi, dont Georges Zicot qui interrogea la victime sur son lit d'hôpital, conclut à un non-lieu, faute de coupable. dans son exposé à la Commission de la justice, à la Chambre, le général De Ridder a fait allusion à cette enquête entamée par la police locale.

- Aujourd'hui, l'étau se resserre sur Dutroux,même si l'on attend encore les résultats des analyses d'ADN pour élucider la tentative de meurtre. Dutroux aurait été vu sur les lieux par un ou plusieurs témoins. On avait aussi repéré une Ford Fiesta. Elle appartenait à Bernard Weinstein, recherché depuis la séquestration des 3 jeunes gens. Suite à la séquestration, Dutroux était emprisonné à Jamioulx, le 7 décembre,selon ses déclarations alors qu'il était incarcéré, Georges Zicot a eu connaissance du nom de Dutroux grâce, si l'on peut dire, à l'affaire d' Obaix.

M. P.

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DÉONTOLOGIE : Y A PAS PHOTO ...à LIÈGE,

« Soir Illustré » du mercredi 30 octobre 1996 pages 37

Depuis que l'affaire Cools a commence' à avoir un début d'élucidation, Liège a vu apparaître de curieuses moeurs. Le commissaire Brose, tout d'abord, contraint de démissionner après cinq ans d'errements, a dé posé plainte contre deux journalistes, Jean-Frédérick Deliège de La Libre Belgique et l'auteur de ces lignes. Il est le premier acteur des affaires liégeoises à intenter une action à... Liège.

- Sans qu’il faille y voir un lien de cause à effet, l'auteur de ces lignes a également commencé à recevoir des menaces anonymes et téléphoniques quant à son intégrité physique.

- Mais c'est surtout le comportement de certains «journalistes» liégeois qui devient fort inquiétant. Nous n'avons pas pour habitude, dans les colonnes du Soir illustre, de critiquer le travail de nos confrères, même lorsqu'ils se sont lamentablement «plantés» dans l'affaire Cools pendant quatre ans. Nous n'avons jamais répondu à leurs attaques débiles. Mais, aujourd'hui, la coupe est pleine. Deux fins limiers de la presse liégeoise, intoxiqués de longue date par le parquet, affirment ainsi qu'un journaliste qui ne siffle pas sur l'air

dansé par la justice liégeoise dans le cadre de l' affaire Cools est «tenu» par André Rogge, le «privé» qui, le premier, a dit la vérité.

Lors d'une perquisition chez Rogge, on aurait ainsi découvert une photo du journaliste dans une position acrobatique en compagnie d'une dame fort dévêtue, dont les arguments physiques seraient inversement proportionnels à la petitesse de sa vertu.

- Tout cela est évidemment bidon et ces deux courageux jeunes gens ne l'ont évidemment pas publié. Ils se contentent de diffuser une rumeur auprès de leurs confrères pour ternir la réputation de ce journaliste connu pour sa grande probité. Le tout visant bien entendu à discréditer son travail. Le duo de choc ne peut évidemment pas montrer la photo puisqu'elle n'existe pas. Il serait temps que l'Association professionnelle des journalistes s'occupe de ces cloportes qui déshonorent notre profession en se livrant à des méthodes de type mafieux.

Philippe Brewaeys.

ANDRÉ WEIS: «LA VERITE DEPASSE DE TRÈS LOIN, L'AFFAIRE DUTROUX » (« Soir Illustré » 30 octobre 1996 pg 34 et 35)


ANDRÉ WEIS: «LA VERITE DEPASSE DE TRÈS LOIN, L'AFFAIRE DUTROUX »

Président de la Ligue contre la censure, André Weis dénonce avec force la dérive de nos institutions démocratiques débouchant sur le retour d'un certain fascisme moral et social. Humaniste engagé, il plaide pour un dialogue permanent, réel, entre le citoyen et les responsables politiques qu'il a élus.

« Soir Illustré » du mercredi 30 octobre 1996 pages 34 et 35

Les affaires Dutroux,Cools plongent la Belgique dans un climat délétère et insécurisant. En tant qu'humaniste, comment réagissez-vous à cette situation ?

- En tant qu'être humain, je me sens extrêmement très mal dans ma peau comme tout citoyen belge. Je souffre. D'emblée, je veux dire que la Belgique n'a pas l'apanage de la monstruosité. Il y a des Dutroux bien ailleurs. Ne tombons pas dans le piège de certains Flamingants et d'une certaine droite française, qui en font leurs choux gras. Nous avons hélas un Dutroux parmi nous. Quelle chance qu'il n'ait pas la peau basanée, nous entendrions encore plus d'horreurs! Le moment est venu de remettre tout à plat. De repenser aux fondements de la société pour créer une société moderne, nouvelle, progressiste, à la mesure de ce que la génération des jeunes attendent de nous. L'affaire Dutroux est le signe alarmant d'un profond phénomène de maltraitance des enfants, qui se compte par dizaines de milliers en Belgique. Nous devons absolument et tout de suite tirer les conclusions et poser des actes pour éradiquer ce fléau. A commencer par écouter les enfants, leur donner la parole. Les enfants restent incompris de leurs propres parents qui ne les écoutent pas.

Le manque de confiance de l'opinion publique dans la justice, l'absence de repères prêtent le flanc à un retour de manivelle inquiétant.

Ne sommes-nous pas en présence de l'émergence d'un ordre nouveau, d'une chasse aux sorcières tous azimuts et d'une nouvelle vague de puritanisme?

DES DEGRELLE ET DES LE PEN DANS LA RUE

- On fait un épouvantable bond en arrière. On revient à une forme de fascisme ambiant mais bien présent.

Ne nous voilons pas la face, ne nous bouchons pas les oreilles, il y a des Le Pen dans la rue, des Degrelle qui rêvent de sortir les pavés. Beaucoup de gens réagissent dans l'émotion, dans la précipitation, par des propos hauts et forts, de vengeance, de violence. L'instinct de vengeance est pernicieux. Ne devenons pas des Dutroux en retour !

Les responsabilités dans les affaires Dutroux-Nihoul sont celles de tous. En cause: la démission de chacun.

A force de renier la justice, le citoyen rejette ses responsabilités. Je dis: «Ouvrons les yeux, citoyens» car la vérité dépasse de très loin l'affaire Dutroux.

Ne nous faisons aucune illusion, une grande partie du public, déstabilisée, souhaite, peut-être dans sa majorité hélas, le retour à la peine de mort en Belgique. Si nous n'avons pas à cet égard l'appui des autres pays et notamment de l'Europe, on pourrait très bien demain concevoir qu'un Parlement nouvellement élu décrète le rétablissement de la peine de mort avec tout ce que cela implique sur le plan du respect des droits de l'homme déjà bafoués à plein pour le moment. La crainte d'être arrêté à cinq heures du matin en sortant de chez soi, c'est possible. Nous ne sommes pas à l'abri du pire.

- l'opinion publique, en colère, s'est déjà massivement mobilisée via une pétition lancée par l'asbl Marc et Corine en faveur de l'instauration des peines incompressibles pour les auteurs de délits graves. La démocratie, n'est-ce pas aussi respecter la volonté du peuple?

- C'est écouter mais aussi et surtout parler avec le peuple, même si, personnellement, je suis contre l'incompressibilité des peines. Dialoguer, expliquer, ré expliquer sans relâche, quitte à passer pour un emmerdeur. Il faut expliquer comment fonctionne la démocratie. Les «accidents» que nous connaissons actuellement ne sont pas une fatalité. Ils sont l'indice cruel et flagrant d'une absence de dialogue entre le politique et le citoyen. Les hommes politiques travaillent 20 heures sur 24. Il y a certes des fainéants partout. Mais la surcharge de travail de la plupart de nos élus politiques et sociaux les empêche de rester en contact avec la base. Des socialistes sont devenus lepenistes sans savoir pourquoi. Les responsables politiques doivent se fixer un calendrier pour discuter avec l'électeur, démonter les rouages complexes de nos institutions belges. Dans un but apparemment simple: retrouver une démocratie plus souple, plus humaine, plus sociale.

LE SEXE SALE, COUPABLE DE TOUS LES MAUX...

Internet est un espace de liberté totale où l'on peut trouver le meilleur et le pire, tels que des messages et images pédophiles et pornographiques. Où commence, où s'arrête la censure?

- La censure n'a ni début, ni fin. La Ligue contre la censure n'est pas là pour favoriser le crime. Protéger d'une agression ne constitue pas un acte de censure, dès lors qu'il y a soumission et donc victime. La censure est le fait d'une contrainte à la volonté, qu'il s'agisse d'une interdiction ou d'une obligation. Le gros problème avec Interne est l'impossibilité technique de contrôle. Si une intervention des autorités s'avérait nécessaire - pour préserver l'enfant - il ne faut pas qu'elle serve de prétexte à censurer l'information, à toucher aux autres libertés quelles qu'elles soient. On protège l'enfant et on ne touche pas à autre chose. De grâce, ne faisons pas d'amalgame. La pédophilie, portant atteinte au libre arbitre, est absolument intolérable.

A fortiori, elle implique sujétion, soumission, torture, mort. Dans cette définition, elle ne peut qu'être conditionnée a l'ordre moral et soumise à la tutelle sociale. La pornographie est l'affaire d'un individu adulte, libre, qui s'en sert à son profit et de plein gré. Je dénie à qui que ce soit le droit d'imposer sa morale à un autre adulte. Sa libido lui appartient en toute souveraineté. Il est maître de son destin. Je ne vois pas pourquoi une femme et un homme n'ont pas le droit de faire une partouze s'ils ne sont pas drogués, s'ils n'y sont pas contraints. Revoilà le sexe considéré comme sale, coupable de tous les maux aux yeux des éternels hypocrites.

Recueilli par Corinne Le Brun.

AUDITION DES PARENTS ( « Soir Illustré » 30 octobre 1996 pg 32 et 33)


LES PARENTS: « UNE PAGAILLE...SCIEMMENT ORGANISÉE »

« Soir Illustré » du mercredi 30 octobre 1996 pages 32 et 33

L'audition des parents des victimes de Dutroux, ces derniers jours, n'a fait que confirmer les errances, volontaires ou non, d'enquêtes mal menées. Elle a aussi démontré l'urgente nécessité de renforcer les droits de la défense, à commencer par l'accès au dossier répressif. «Vous êtes notre dernière chance de savoir pourquoi les petites ont souffert pendant neuf mois», a lancé Gino Russo.

- Soucieuse d'écouter rapidement les parents, répondant (en partie) au voeu d'une meilleure justice porté par la Marche blanche, la Commission d'enquête parlementaire a reçu des parents fatigués, éprouvés moralement par l'extrême tension des dernières semaines, mais qui ont eu le courage une fois de plus d'énumérer tout ce qui, dans l'enquête, avait à leurs yeux dysfonctionné.

- Ouvrant la voie, les familles Lejeune et Russo se sont exprimées à huis clos, rompant ainsi leurs inlassables exhortations à une transparence totale.

Les caméras de la R.T.B.F., qui entendait diffuser les débats dans leur intégralité sur Télé 21 (une grande première un peu précipitée comme la Commission elle-même), ont donc dû se retirer après une attaque en règle de Me Hissel, avocat des familles, reprochant à la chaîne publique de ne pas avoir accepté une reconstitution des faits sur antenne en juillet 95. « Les plus hautes autorités de justice et de police m'ont répondu que ce n'était pas opportun », s'est défendu Jean-Louis Stalport, administrateur-général de la R.T.B.F.

Il n'en faut pas plus pour alimenter toutes les hypothèses sur les manquements des uns et des autres, les soupçons injustifiés (les regards se tournent vers Martine Doutrewe), ou la mollesse de réaction qui, si elle avait été plus rapide, aurait pu éviter le pire.

ON PARLA DE MACHINATION

- Les 16 membres de la Commission, aidés des experts Tulkens et De Ruyver, ont en tout état de cause pris connaissance d'informations qui, de l'aveu même du président Marc Verwilghen, les ont marqués. Gageons que le secret ne sera plus gardé bien longtemps sur d'éventuelles protections en haut lieu dont auraient bénéficié Marc Dutroux et ses complices. L'entrevue dura 3 h 30 et elle a sans doute tourné autour d'une phrase-clé de Victor Hissel : «Malgré les promesses d'aller jusqu'au bout, plus de la moitié des inculpés sont libres alors que les parents, eux, ne savent toujours pas officiellement quand, où, comment, et par qui leurs filles ont été enlevées». Une liste de 58 questions a été déposée pour tenter de faire la clarté.

- Toute autre fut l'intervention de Paul Marchal, assisté de son avocat Me Similon. Surmontant sa lassitude avec la dignité qu'on lui connaît, le papa d'An a longuement décrit la chaîne d'omissions, de faiblesses, voire le désintérêt d'un appareil judiciaire méprisant et inefficace. Il fallut dix jours pour que la police prenne la thèse de l'enlèvement au sérieux. Il y eut beaucoup de tiraillements entre Furnes, Bruges, Gand, Liège qui sont intervenus dans l'enquête. Des lettres laissées sans réponse à l'avocat. Du scepticisme. Des absences. On parla même de machination et de guerre des polices! Certaines pistes ne furent vérifiées que très tardivement. Et quand les parents, constatant la minceur des moyens dégagés, veulent eux-mêmes coller des affiches, ou lancer des recherches, on le leur reproche! Redisant sa confiance en Neufchâteau («On a décapité l'équipe»), M. Marchal a aussi mis en cause le commissaire Van Tieghem de la P.J. de Bruges qui lui a écrit «une lettre inhumaine» lors du décès à Noël du grand-père et parrain d'An, très affecté. Avec des mots simples, il a rappelé son absence de contacts avec ceux qui étaient censés se bouger: des magistrats injoignables qu'il n'a vus qu'à la télé, des enquêteurs qui le dissuadent d'agir («C'était le monde à l'envers»).

«Notre enfant était devenu un numéro», a avoué tristement Paul Marchal. Sur l'existence de réseaux de pédophilie, il n'a pu clairement trancher, n'ayant pas eu accès au dossier.

L'occasion pour son défenseur de réclamer solennellement un renforcement des droits de la défense, victimes et partie civile, avec accès au dossier complet pour ne pas partir à la bataille un bras attaché dans le dos!

- «Nous voulons connaître la vérité. Votre témoignage, vos remarques, vos critiques peuvent nous aider», avait adressé le président de la Commission aux familles, sans songer que cette initiative est susceptible de parasiter l'enquête elle même.

Samedi, c'était au tour des parents d' Eefje Lambreks de s'exprimer, à huis clos eux aussi. Il en est ressorti qu'eux non plus n'ont pas été pris au sérieux avant dix jours, qu'ils sont choqués par la rumeur, déçue, selon laquelle on pouvait retrouver leur fille vivante. Ils ont aussi fait état de «perturbations dans les communications des , services de recherches».

Puis vint le tour de la famille Benaïssa. Même son de cloche chez Me Arnouts. Sans suspecter l'intégralité du système judiciaire, avançant avec prudence, il eut cette sortie: Pris globalement, les manquements de 1992 (N.D.L.R.: au début de l'enquête de la disparition de loubna) sont effroyables.

On peut craindre des choses plus graves que des négligences.

Et d'égrener une suite de faits troublants: un suspect appréhendé puis relâché trop tôt, des traces dans sa voiture (sang et cheveux) jamais analysées par les labora toires de la police scientifique, des chiens-pisteurs jamais venus sur les lieux, des enquêtes de voisinage bâclées. Mais le pire tient à deux fautes incroyables: on n'a désigné aucun juge d'instruction, on a même refusé de le faire, et quand la famille a émis l'idée de prendre un avocat, on l'en a dissuadée. «Nabela avait 14 ans à l'époque et son père maîtrisait peu le français, même s'il était accompagné d'un interprète», a rappelé le défenseur. Pire encore, il a envoyé un courrier sur un lien

de connexité avec la piste Dutroux sur base du témoignage d'un client: la lettre n'apparaît dans aucun des deux dossiers! Où a -t’elle disparu ?

«Certes,a-t-il reconnu, chez certains hommes de terrain ne manquaient ni la motivation ni la diligence, mais on peut se demander s'il n'y eut pas volonté délibérée de ne pas aller plus loin, de ne pas chercher la vérité.

Qui a voulu faire obstruction au cours de la Justice ?» Et de renvoyer aux protections de Michel Nihoul.

L'avocat a aussi regretté l'absence de contrôle mutuel des différentes forces de l'ordre, le manque de moyens de la Justice, et proposé la mise en place d'une banque de données des pédophiles consultable rapidement à chaque disparition. Il désignera nommément les personnes concernées à huis clos cette semaine.

- Posée, Nabela a également donné son sentiment. «Un enquêteur nous a dit qu'on a fait tout ce qui était possible. On nous a menti», a-t-elle tranché d'une voix faible, presque inaudible. Elle a réitéré ses reproches sur le manque de considération et d'humanité («J'ai attendu une demi-heure à la police quand je suis venue déclarer la disparition, comme si j'avais perdu mon portefeuille»). D'autres informations, primordiales, seront données et couvertes par le devoir de discrétion. Elles devront répondre à et non pas répandre la rumeur, a rappelé un membre de la Commission, prouver les affirmations, pour lever l'incertitude qui plane sur notre justice démocratique aussi bien que sur les familles des disparues. Un exercice difficile de citoyenneté responsable!

- «Nous voulons les rapports et copie du dossier pour mettre fin à une discrimination», a conclu provisoirement l'avocat des Benaïssa qui a regretté «un vide de quatre ans» et qui a rappelé que «si l'affaire Dutroux n'avait pas éclaté, le dossier de Loubna ne serait jamais remonté à la surface».

SEPT ANS D'ATROCITES

- Même litanie de lacunes dénoncées ensuite par Francis Brichet. Ému, les mains tremblantes, plus riches encore de non-dits que les autres, le papa de la petite Élisabeth est sorti de sa réserve, lui qui était jusqu'ici rétif aux explications et aux contacts. Laissé dans l'ignorance, il a rappelé les pistes non explorées: celle d'une Mercedes à l'arrière de laquelle sa fille aurait adressé des «signes désespérés», d'une présence possible à Bagnères-deBigorre où partirait enfin une commission rogatoire.

- J'ai été oublié. Je n'ai été ni informé ni associé à l'enquête. On ne m'a entendu que trois fois,dont deux fois à ma demande, accuse cet homme manifestement dépassé. Le juge, j'ai l'impression que je l'embête. Et je pense qu'il existe un lien avec l'affaire Dutroux car on l'aurait vu avec Nihoul dans les Pyrénées. Je serais soulagé de retrouver Élisabeth dans le tunnel plutôt que dans un réseau de prostitution.

Son avocat, Me J.M. Arnould, a introduit un recours devant la Cour européenne de Strasbourg. Il attaque l'État belge pour violation des Droits de l'Homme.

- Mon client s'est senti rejeté. Inutile de dépeindre son épreuve et sa détresse: ce furent 7 ans d'atrocités depuis la disparition.

Comme les autres parents, il veut obtenir copie - si possible, gratuite - du dossier et il bataille contre le secret de l'instruction, cette «chape de silence».

- Il s'agit pour les proches des victimes d'un traitement inhumain et dégradant au sens moral du terme. On a bien reconnu ce droit à des inculpés. Il est inadmissible que les parents soient tenus à l'écart des enquêtes. Imagine-t-on un médecin qui refuserait à un grand malade de lui révéler la teneur de son mal ?..

- Cette semaine, la Commission va s'atteler à creuser les points communs de toutes ces déclarations pour faire avancer l'enquête sur l'enquête. Mais aussi et surtout pour répondre à la crise émotionnelle que traverse la société belge en pleine déréliction.

Bernard Meeus.

Paul Marchal petit père du peuple blanc ( « Soir Illustré »30 octobre 1996 pg 30,31 et 32


Paul Marchal petit père du peuple blanc

« Soir Illustré » du mercredi 30 octobre 1996 pages 30,31 et 32

Profondément meurtri par la mort de sa fille An, Paul Marchal a choisi d'ouvrir les bras à son destin. Il est devenu, en quelque sorte, le père de la «nation de la Marche blanche» et son porte-parole. Il n'y a plus un soir où il ne passe à la télé et les lecteurs du journal Het Laatste Nieuws ne ratent pas une seule de ses Chroniques quotidiennes.

Pourquoi ? Parce que Paul Marchal jette un regard lumineux sur les événements qui secouent notre pays, sur notre société et sur l'avenir. Rencontre.

- Dix-huit heures. Sur le dernier petit coin de la table de la salle à manger qui ne soit pas submergé par les fleurs blanches et les piles branlantes de documents, Paul Marchal se concentre sur la rédaction de la chronique qu'il doit faxer sans tarder au journal.

- Dans le salon, où trône un immense portrait d'An et Eefje, la soeur cadette d'An, Kris (14 ans), et son petit frère Gert (12 ans) regardent la télé. Karen (16 ans), l'aîné, est au téléphone non loin du fax qui déroule ses messages jusqu'à terre.

- Betty, la femme de Paul Marchal, rentre d'avoir fait des courses.

- Ça va? As-tu mangé ce midi ? demande-t-elle. Non.- Rien ? - Rien.

- Aujourd'hui, Paul Marchal s'est rendu à Bruxelles, pour sa déposition devant la Commission d'enquête parlementaire. Télés, photos, interviews... Depuis plusieurs mois, Paul Marchal mène une vie de fou. Sa petite maison coquette, dans la périphérie verte de la ville d'Hasselt, est devenue un centre de presse. Le téléphone sonne sans arrêt, sept jours sur sept, depuis trois heures du matin jusqu'à minuit. Et il faut changer deux fois par jour le rouleau de papier du fax, tant il y a de messages.

- Pour ce quadragénaire barbu, amaigri par tant d'épreuves, enseignant dans une école spécialisée pour enfants handicapés mentaux, la vie a basculé fin août 1995, quand sa fille aînée, An, a disparu en compagnie d'Eefje. Après la découverte des corps d'An et Eefje en septembre dernier, Paul Marchal n'a pas réagi de façon banale. Il aurait pu s'effondrer dans son malheur, s'effacer; il a choisi d'ouvrir les bras à son destin. Et son destin, c'est celui d'un homme simple et lumineux auquel tout le peuple de Belgique, qui a perdu ses points de repère, s'identifie désormais.

- Le Soir illustré: - Vous êtes devenu un personnage charismatique, une autorité morale, une personnalité importante, en Belgique. En êtes-vous conscient?

- Paul Marchal: - Oui. Mais je ne fais pas cela pour moi-même. Il y a des gens qui me disent qu'en fait, j'aime bien me trouver devant les caméras. Mais ce n'est par pour cela que je le fais. Quand on a retrouvé An et Eefje, j'ai pensé: « Et maintenant, qu'est-ce que je vais faire ?» A ce moment, c'était très difficile pour moi. Alors, il y a des amis qui m'ont dit: «Maintenant que tu as réussi à ouvrir tant de portes, garde-les ouvertes pour les autres». C'est vrai que maintenant, je connais beaucoup de monde, des ministres et tout ça... Aujourd'hui, il y a des gens qui me contactent et qui me demandent: « Est-ce que vous pouvez m'aider ?

Pouvez-vous faire quelque chose pour moi?»

Ce rôle-là, je veux bien le remplir maintenant. Pour les enfants et pour les jeunes. Parce que dans notre société, les jeunes ont beaucoup de problèmes...

- C'est le but de l'asbl An et Eefje que vous venez de créer?

- Par mon travail dans cette asbl, je veux oeuvrer pour que le monde soit plus beau pour les enfants. Je veux une société enfants admis, avec des institutions dans lesquelles ils se sentent bien. Prenez Sabine et Laetitia, par exemple. Elles ont subi une expérience très mauvaise. Je pense que notre pays se doit de faire quelque chose pour elles. Parce qu'on fait beaucoup de choses pour les criminels - on les défend et on les protège - mais on ne fait rien pour les victimes. Moi, je veux me battre pour défendre les victimes, surtout quand il s'agit de jeunes. Et puis, il n'y a pas que cela. Les jeunes sont confrontés à beaucoup de problèmes: la drogue, le sida, la pédophilie, les abus physiques, les abus psychiques... Il faut sensibiliser les autorités, mais aussi les parents, pour que nos enfants et nos jeunes puissent vivre dans un monde meilleur. Je pense aussi que certaines institutions doivent être améliorées et que d'autres doivent être créées. Je veux y aider de manière constructive tout en restant une sorte d'aiguillon pour le monde politique. Tels sont les buts de mon asbl(1).

- M. Lambreks, le papa d'Eefje, veut vous faire un procès pour cette initiative. Pourquoi est-il si fâché sur vous?

- Je ne sais pas ce qu'il veut. Moi, je ne suis pas en guerre avec lui. S'il le souhaite, il peut aussi faire partie de l'asbl. S'il veut la guerre, il la fera contre lui-même. La seule chose qui m'importe, c'est d'aider les enfants et les jeunes qui en ont besoin.

- Quel était, selon vous, le message des 300.000 participants de la Marche blanche?

- Pour moi, ils ont dit deux choses. D'abord, ils étaient là pour nos enfants. C'est pourquoi ils sont venus en blanc, calmes et dignes. Deuxièmement: les gens ont voulu dire que le pays a besoin d'être reconstruit. Ils ont dit que les politiciens et le gouvernement ne comprennent plus les citoyens. La population est très nerveuse parce qu'elle ne sait pas ce qui va se passer. Elle a un compte à régler avec le gouvernement. Maintenant, c'est au monde politique de jouer et d'agir. S'il ne fait rien maintenant, c'est très grave pour lui et pour notre pays.

- Pensez-vous que, depuis le 20 octobre, quelque chose a changé dans ce pays?

- Du côté des gens, oui. Dans la population, maintenant, les gens n'hésitent plus à dénoncer ce qui ne va pas, et je pense que c'est très bien qu'ils critiquent ce qui doit l'être. De cette manière, ils exercent leur rôle de citoyens responsables. Dans le monde politique, en revanche, je ne sais pas encore si les choses ont changé. Je reste très prudent. C'est vrai qu'aujourd'hui, vendredi, j'ai été entendu par la Commission d'enquête parlementaire alors que, dimanche dernier, lorsque nous avons évoqué ce point avec M. Dehaene, il n'en était pas question.

C'est vrai, j'ai eu la chance de pouvoir parler et, surtout, d'être écouté. Ce n'est que la deuxième fois que l'on m'écoute. La première fois, c'était à Neufchâteau, chez M. Bourlet. Cela dit, vis-à-vis du monde politique, je reste méfiant. Je ne leur accorde guère de crédit et je n'ai pas confiance.

- Lors de la manifestation, Flamands et Wallons ont marché ensemble, malgré le clivage qui...

- Mais non! La Belgique n'est pas constituée de deux pays!

- En tout cas, ce dimanche-là, les Belges n'étaient pas désunis...

- Non. Mais avant non plus. Le clivage, c'est pour les politiciens. On n'a pas les Flamands d'un côté et les Wallons de l'autre: on a seulement les Belges. Voyez les familles Russo et Lejeune, ils sont Wallons, mais ce sont avant tout mes amis. Nous sommes devenus des frères et des sueurs...

- Aujourd'hui, vous avez, d'une certaine manière, un grand pouvoir: des centaines de milliers de personnes écoutent ce que vous dites. Cette responsabilité ne vous fait-elle pas peur?

- D'abord, parler à 300.000 personnes, comme le jour de la manifestation, c'est un sentiment extraordinaire, indescriptible. Si j'ai eu peur? Oui, un peu. J'espérais que les gens écouteraient notre demande, et que c'était bien pour nos enfants qu'ils viendraient marcher, et pas pour autre chose. J'espérais aussi qu'il n'y aurait pas de violence, parce que la violence n'est pas bonne. - Vous êtes contre la violence? - Moi, je suis contre la violence, en effet. Parce que nos enfants ont subi beaucoup de violences. Fautil faire la violence contre la violence? Peut-être contre les agresseurs, oui, mais sûrement pas contre notre pays. Parce qu'il y a un futur, en Belgique. L'avenir de notre pays, ce sont les enfants et les jeunes. Moi, je veux que cet avenir soit digne. Pour qu'il soit digne, il ne faut pas que les enfants vivent dans la peur. Or, quand il y a beaucoup de violence, les enfants ont peur. Je n'aime pas cela.

- Seriez-vous prêt, le cas échéant, à vous lancer dans la politique?

- Non.

Si vous vous présentiez demain à des élections, vous seriez sans doute élu...

- En premier lieu, je vous signale qu'il n'y a pas d'élections prévues prochainement. Secundo, je n'aime pas la politique. Dès lors, si j'entrais en politique, je ne crois pas que je pourrais y faire du bon travail. Non. Je peux faire un bien meilleur travail au sein de mon asbl, en contrôlant le travail des politiciens, en leur donnant un petit coup d'aiguillon quand il le faut.

- A la fin de votre discours, lors de la manifestation, vous disiez que vous continueriez votre action «si on vous laissait faire»... Subissez-vous des pressions? Avez-vous peur?

- Je n'ai pas peur. J'ai seulement peur des chiens, parce que j'ai été mordu quand j'étais petit, mais je n'ai pas peur des politiciens. Non, je ne subis pas de pressions. Mais je constate qu'actuellement, je suis extrêmement fatigué, trop fatigué.

Et cela m'inquiète un peu parce que, si je suis si fatigué, c'est parce que les autorités «veulent bien» que je le sois, qu'elles s'arrangent pour que je le sois. De cette manière, elles espèrent me faire taire, je pense. Je souhaite seulement que tout le monde, dans notre pays, va rester à nos côtés. C'est le plus important, parce que c'est dans toutes ces personnes, de Flandre et de Wallonie, qui sont à nos côtés, que nous puisons l'énergie qui nous permet de poursuivre notre action.

- Précisément: beaucoup de personnes vous admirent et se demandent, après tout ce que vous avez vécu, comment vous arrivez à «tenir le coup»?

- Je reçois beaucoup de forces de ma femme et de mes enfants, de notre famille... Il y a aussi nos amis, nos connaissances et tous ceux, ici en Belgique, dont la présence à nos côtés nous donne du courage. Hier, j'ai parlé avec des étudiants. Ils m'ont offert des fleurs blanches et quelques bouteilles de bières. Certains m'ont confié leurs problèmes et leurs difficultés. Cela m'a fait plaisir de les aider, parce que j'ai eu le sentiment de leur être utile. C'est comme si j'étais non seulement le papa de mes enfants, mais aussi, un petit peu, leur papa à tous...

Combien d'enfants avez-vous?

- Nous avons encore trois enfants. Deux garçons et une fille. Mais en fait, pour nous, c'est toujours comme si nous étions une famille de six...

- Est-il possible de reprendre une vie «normale», après ce que vous avez vécu?

- Une vie normale? Je ne crois pas que cela soit possible, parce qu'il y a un immense vide dans notre vie, celui laissé par l'absence d'An. Donc, je ne peux pas avoir de vie normale. Actuellement, je ne travaille pas. Je reprendrai peut-être mon boulot d'enseignant en janvier... on verra. Actuellement, je ne peux pas le faire, pour une deuxième raison: c'est que j'ai lancé cette asbl et que je veux que ce travail là soit bien fait. Pourquoi? Parce que je ne peux plus rien faire pour An, maintenant...

C'est fini. Par contre, au travers de cette asbl, je peux aider tous les enfants. De cette manière, peut-être la mort d'An a-t-elle un sens?

Propos recueillis par Jean-Marc Veszely.

(1) Asbl An et Eefje, Singelbeekstraat, 151, 3500 Hasselt. Compte bancaire: 3350511161-17

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