lundi 18 mai 2009

Sart la Buissière : « Un si joli petit village monsieur ! »(« Télé Moustique » 31 octobre 1996 pages 34,35 et 36)


Sart la Buissière : « Un si joli petit village monsieur ! »

« Télé Moustique » du jeudi 31 octobre 1996 pages 34,35 et 36

Sars-la-Buissière, un petit village bucolique du Hainaut à l'écart des bassins industriels sinistrés, s'est retrouvé au coeur de l'été sous les feux des médias.

Deux mois se sont écoulés depuis la découverte des corps de Julie et Mélissa. Après le choc, la vie a repris son cours. Mais pour les habitants de Sars, plus rien ni personne ne sera comme avant.

Vous étiez près de nous et nous ne le savions pas. Comment imaginer de telles horreurs? Et encore aujourd'hui,nous sentons la tristesse nous envahir. Et nous vous disons à toutes les deux au revoir''.

Signé: Mélanie, de Sars la-Buissière. Cet hommage à Julie et Mélissa, retrouvées le 17 août dernier dans une des maisons de Marc Dutroux, est extrait d'un livre de condo léances offert aux visiteurs à l'entrée de la petite église de Sars, comme disent les habitants. Les centaines d'autres sont de la même eau.

Certains messages sont en néerlandais. D'autres en italien. Mais tous les auteurs, anonymes ou non, se rejoignent dans la douleur, soutiennent les parents, les familles, pleurent les petites filles.

On cherchent à comprendre comment un être humain peut faire aussi mal.

Quelques-uns se révoltent aussi. Ainsi, ce cri: "Voila à quels débordements mène une politique gangrenée par l'argent fout-puissant. Que chacun agisse de façon qu'il en soit dorénavant autrement. Que renaisse la solidarité. Pour que Julie et Mélissa ainsi que An et Eefje ne soient pas mortes pour rien."

Mais la plupart sont sous le choc. A l'image des habitants de cette petite commune hennuyère de 700 à 800 âmes - faisant partie de l'entité de Lobbes, située à un jet de pierre de la commune "maudite" - qui ne comprennent toujours pas "comment cela leur est arrivé"

"Je n'ai pas peur de vous le dire, j'ai pleuré. Comme tout le monde"

Sortant du cimetière jouxtant l'église, un vieil homme s'arrête. Dans ses mains puissantes, quelques bouquets de fleurs fânees. Pour parler, il préfère s'asseoir sur les marches de l'église. "J'ai 75 ans, et j'ai mal au dos, s'excuse-t-il. Il dépose ses gants à ses pieds. Je n'ai pas peur de vous !e dire, j'ai pleuré. Comme tout le monde ici. Personne ne soupçonnait rien du trafic de petites filles , mais tout le monde savait que Dutroux était un voleur. Mais on avait peur. Quant à Nihoul, ma fille l'a vu deux, trois fois au café qui jouxte la maison de Dutroux." Puis, après un moment de pause, il s'énerve, son ton monte. II est furieux: "Comment cela est, Bon Dieu, possible, Monsieur? Je ne suis pas partisan de la peine de mort, mais dans des cas pareils, y a-t-il une autre solution? Et puis, ces milliers de cassettes vidéo qui ont été saisies, pourquoi ne les montre-t-on pas? C'est sûr, c'est qu'il y a des gens haut placés et très importants dessus. Dutroux doit être protégé."

Avant de partir, il ajoute encore: "Des gens comme Nihoul, Dutroux et Martin ont pu consulter leur dossier, alors que les parents ont dû attendre une éternité pour pouvoir y avoir accès. Je ne suis pas malin, mais il faudraqu'on m'explique! "

Expliquer. Ou, du moins, tenter d'expliquer et de comprendre. C'est ce que les habitants de Sars-la-Buissière font depuis deux mois. le traumatisme est profond et palpable. L’affaire est devenu le sujet de conversation. Entre eux, les gens ne parlent plus que de Dutroux, de sa maison - qui donne sur la place communale, coincée entre le garage de Max Baudson et une demeure particulière où habite une vieille dame octogénaire -, des raisons pour lesquelles "on" n'a rien vu, rien compris. Hors de leur commune, les gens n'osent plus dire où il habitent. Ou alors, du bout des lèvres. Devant sa maison, située sur la hauteur de la place, une femme sort le courrier de sa boîte aux lettres. la cinquantaine, enroulée dans un tablier à petits carreaux blancs et bleus, le visage poupin et énergique, elle ne comprend pas l'hostilité des "étrangers".

Après la découverte des corps dés deux petites, Sars-la-Bussière a été véritalement envahi par une foule nombreuse, comme un gigantesque tuyau qui aurait déversé un flot d'humains. Journalistes, policiers, gendarmes, curieux. Des personnes anonymes aussi, simplement désireuses de se recueillir et de déposer des fleurs en hommage. Tous se pressaient.

"Dans les premières semaines, il y avait un monde fou. Certains d'entre eux nous agressaient: "Pourquoi n'avez-vous rien vu, rien fait? Vous étiez à côté"... "Mais que vouliez-vous que l'on fasse?" "Je me sens un peu libérée. J'ai l'impression d'avoir fait quelque chose"

Elle renoue son foulard blanc, souvenir de la Marche blanche du 20 octobre à Bruxelles, avant de poursuivre. "Dutroux, je ne l'ai personnellement aperçu qu'une fois. Il a entrepris ses travaux en mars. A cette époque de l'année, il fait froid, tout le monde est calfeutré chez soi, les volets sont fermés. On ne le voyait jamais, puisqu'il venait à Sars le soir, à la nuit tombante. La seule chose que l'on savait de lui, c'est que ses chiens hurlaient à la mort. Une plainte aurait même été déposée, mais c'est tout. Le seul moment où l'on aurait pu l'apercevoir, c'est quand il sortait ses poubelles le mercredi. Encore aurait-il fallu être à l'extérieur ou à sa fenêtre. Quand il était là..." Depuis les événements de la mi-août, elle a perdu six kilos. Stress? Inquiétude? Sentiment de culpabilité? Peut-être. Elle a même été consulter son médecin, lui a rappelé que, depuis le début de l'année, elle faisait des rêves pour le moins...troublants. Toujours les mêmes.

Dans le premier, elle se voyait coincée dans un sous-terrain; dans le second, elle oubliait d'aller nourrir des enfants...

Mais la Marche blanche semble avoir eu sur elle un effet cathartique. "Depuis cette manifestation, je me sens un peu libérée. J'ai l'impression d'avoir fait "quelque chose"."

Bientôt une stèle à la mémoire de Julie et Mélissa

Chaque habitant de Sars-la Buissiere semble ainsi avoir trouvé "sa" thérapie. Une telle s'est rendue à Marcinelle, tel autre s'est mêlé aux 300.000 manifestants de la Marche blanche de Bruxelles. Deux cars furent affrétés pour permettre aux habitants de Sars d'y participer. En tout, ce sont 80 personnes, pratiquement toutes de Sars, qui voulurent "en être".

Soit environ 10 % de la population. "Ce jour-là, raconte un habitant, deux cavaliers ont fait le tour de la place et se sont arrêtés devant la maison de Dutroux. Puis, ils se sont découverts et se sont recueillis en silence." Comme pour exorciser un vieux démon, la commune devrait bientôt ériger une stèle à la mémoire de Julie et Mélissa.

Un monument du souvenir. Probablement devant l'église. "Les parents ont refusé qu'elle soit installée sur la place communale devant la maison de Dutroux", explique cet homme.

Pourtant, nous avons pu le constater de visu, les lieux du drame ne se prêtent pas vraiment à une surveillance aisée. II est normal que rien n'ait transpiré. Tant la configuration de la maison - dont l'entrée est barrée par une grande porte en fer et à laquelle on n'accède que par l'arrière - que les habitudes extrêmement discrètes de Dutroux, qui avait acheté sa maison trois ans auparavant au frère du garagiste Baudson, ou encore l'absence de casier judiciaire connu, n'incitaient pas à s'inquiéter outre mesure. Par ailleurs, la plupart des habitants de Sart n'ont vu Dutroux et sa femme que le 13 août dernier, jour de son arrestation.

On ne peut décemment comparer la situation à Sars à ce qui s'est déjà produit dans d'autresvillages, où sévit, à la connaissance de tous, un pédophile, par exemple, et où la population se tait, de peur du qu'en-dira-t’on, par désintérêt, de crainte qu'une éventuelle arrestation ne fasse rejaillir l'opprobre sur chacun de ses habitants et ne souille la réputation du village. Ici, personne ne savait rien, ne soupçonnait rien. D'où, après la macabre découverte et surtout, après la procession des petits cercueils à travers le village, le sentiment d'incrédulité qui a saisi la population tout entière. Une population hébétée, Frappée de plein fouet par le drame. Une population qui ne cherche même pas a trouver une échappatoire en arguant du fait que Dutroux était un "étranger" au village, puisque effectivement celui-ci était officiellement domicilié à Jumet. C'est sa femme, Michelle Martin, qui était enregistrée à Sars.

« J'estime qu'on aurait dû nous prévenir que Sars abritait un pédophile »

Cette vieille dame, qui n'a pas connu d'autre domicile que celui qu'elle occupe aujourd'hui juste en face de l'église, résume parfaitement le sentiment général. "Je ne l'ai jamais vu, dit-elle, semblant éviter de citer le nom du monstre. Dernièrement, à Nivelles, j'ai eu honte de dire que j'étais de Sars-la-Buissière. Mais qu'y puis-je, Monsieur? Je ne vais quand même pas déménager à mon âge! Il était connu dans la région pour ses vols, c'est tout. Bien avant son arrestation l une de mes amies me disait de fui: "C'est peut-être bien un voleur, mais quand même pas un assassin!" On ne savait rien de lui, sinon qu'il travaillait la nuit. C'était bizarre, mais on ne savait pas grand-chose. Vous savez, je ne lis pas les journaux, mais chaque fois qu'on en parle à la télévision, on y repense.

Dans le village, on ne parle que de cela..." Adossée à sa façade, elle semble réfléchir. Le soleil est haut dans le ciel. Il fait très beau pour un mois d'octobre. Elle est à l'ombre. "En rentrant chez moi, dit-elle enfin, je suis passée dernièrement devant la maison de Dutroux. Il faisait noir, la nuit tombait. Eh bien, moi qui ne suis pas peureuse, je n'étais pas tranquille. Alors qu'il a été arrêté..."

En substance, ce qu'on savait sur Marc Dutroux tient à très peu de chose. II s'affairait, surtout la nuit, à ciel travaux dont on ignorait tout; il possédait deux grands chiens (que les policiers, venus l'arrêter, ont dû neutraliser, à l'aide de seringues hypodermiques) qu'il parquait au grenier et qui hurlaient à la mort; aucun des trois enfants que lui a donnés Michelle Martin ne fréquentait l'école du village; un jour une ambulance est venue prendre sa belle-mère - la mère de Michelle Martin - pour l'emmener à l'hôpital. Dutroux lui aurait conseillé de ne pas consommer la nourriture et les boissons qu'on lui présentait et lui ap portait lui-même de quoi se sustenter. II aurait acheté sa maison pour une valeur de 1,5 million au frère du garagiste Baudson, parti en Amérique latine après la faillite de son entreprise de machines agricoles.

C'est tout. Et c'est peu. On savait aussi - et surtout – que c'était un voleur. Après son arrestation, on retrouvera d'ailleurs chez lui l'ensemble des objets qu'il avait dérobés dans une maison des alentours.

Dans le village, cette nouvelle provoqua moins l'inquiétude qu'une certaine hilarité. "Voilà, maintenant, Mauricette a retrouvé sa salle de bain et ses radiateurs!" Plus personne n'ignorait que Sars abritait un voleur. Mais de là à imaginer qu'il était la cheville ouvrière d'un réseau de pédophiles! Une dame, pourtant, s'insurge

contre l'absence d'information sur le passé de Marc Dutroux, connu des autorités judiciaires. Pour elle, la population aurait dû être avertie qu'elle abritait un pédophile. "Il" avait quand même déjà violé des gamines et avait été condamné plusieurs années auparavant. J'estime qu'on aurait du nous prévenir.

Comment pouvait-on imaginer qui était cet homme d'autant plus que les filles avaient été détenues à Marcinelle et pas à Sars." Puis, après un moment, elle ajoute: "C'est affreux quand je pense a ce que les petites ont dû endurer"...

« Dans cent ans, on parlera encore de Sars-la-Buissière . Personne n'oubliera »

Aujourd'hui, dans la petite commune, le calme semble être revenu. Le calme après la tempête. Les journalistes ont quitté la place, des policiers ou des gendarmes viennent de temps à autre, quelques voitures de passage s'arrêtent encore parfois devant "la" maison, regardent, puis repartent. Mais Sars est redevenu un petit village comme les autres. Avec son école, ses enfants, ses moutons qui paissent, ignorant du drame qui s'y est joué, son curé, qui viendra bientôt s'installer à côté de l'église, ses petites statues de la Sainte Vierge disséminées un peu partout. Les arbres sont beaux les pâtures, surtout sous le soleil automnal, invitent à la paresse. Sars est un beau petit village,dont la quiétude ne semble troublée que par le rare passage d'une voiture ou d'un tracteur. Commune agricole, Sars a progressivement perdu ses fermiers. A quelques pas de la place du village, une ferme est à vendre. Trouvera-t’elle preneur après ce qui s'est passé?

A l'étude du notaire chargé de trouver acquéreur, on nous a répondu que " Jusqu'à présent les personnes intéressées n'avaient pas fait montre de réticences lorsqu'on leur a signalé que la ferme était située à Sars. Cela dit, cela fait seulement une quinzaine de jours qu'elle est signalée à la vente'. Difficultés économiques,

relève inconsistante, frais énormes, la situation n'est pas particulière à la région. Les unes préfèrent travailler à l'extérieur à Thuin, à Charleroi.

A la ville. Tout doucement, la vie reprend à Sars. Et pourtant, Sars transpire le malaise par chacun de ses pores, chacun de ses habitants, me le dit cette dame, « plus rien ne sera comme avant « ...

Sars a mal. Plus de deux mois après les événements, le nom de Dutroux est sur toutes les lèvres. Un nom qui fait frémir et a modifié les habitudes. "Ma fille fait ses études à Bruxelles, explique cette jeune grand-mère qui promène son premier petit fils. Elle a 23 ans, mais elle lui ai quand même demandé de faire attention. Devant l'ampleur et le caractère horrible de toute cette affaire, on n'est plus rassuré."

Quant aux enfants, ils recommencent à jouer dans la rue. Ils sont 56 à fréquenter l'école du village, qui compte quatre institutrices au total. Mais ifs ne parlent pas de l'affaire Dutroux". Ou peu. Normal ils en entendent parler tout le temps et ils passent tous les jours devant 'la" maison. C'est ce qu'explique une des institutrices, qui a eu toutes les peines du monde à lancer le débat dans sa classe. "J'ai profité de /a remise de la pétition de l'ASBL Marc et Corinne en faveur des peines incompressibles, pour voir ce qu'ils avaient compris ou retenu de cette affaire, comment ils l'avaient vécue. Ma question fut accueillie Par un silence total.

Puis, progressivement, les langues se sont déliées. Et nous avons pu en parler. Pour matérialiser le deuil des deux petites filles et surtout pour ne pas les oublier, je leur ai demandé de cueillir une fleur de leur jardin que nous avons été déposer devant la maison de Dutroux."

Mais tout n'est pas négatif, car pour certains, cette tragédie plutôt que d'enfermer les gens dans leur malaise les a rapprochés. "J'ai l'impression que depuis ces terribles événements, les gens se parlent davantage et qu'ils sont plus soudés qu'auparavant, dit cette dame. On échange nos impressions, on reparle de l'affaire.

Dernièrement, un enfant du village, avec lequel je n'échangeais auparavant qu'un simple bonjour- est venu m'embrasser... On a vécu une tragédie."

Il faudra du temps pour que Sars oublie et panse ses blessures. Si personne ne songe à quitter le village, certains regreffent pourtant d'y avoir acquis une maison. Comme le dit un habitant, un peu dépité:

« Dans cent ans, on parlera encore de Sars-la-Buissière. Personne n'oubliera. »

Frédéric Moser et Guy Van den Noortgate

LES SILENCES DU PARQUET DE CHARLEROI (Suite de la page 29)


LES SILENCES DU PARQUET DE CHARLEROI

(Suite de la page 29)

…………………il semble bien d'après la suite de l'enquête du procureur Velu que ce soit après qu'un autre substitut du parquet de Charleroi, Mme Troch, apprend fortuitement l'existence des suspicions pesant sur Dutroux.

Non seulement Mme Robert ne pipe mot de l'opération Othello à ses successeurs mais en plus, elle ne met même pas le "dossier à représenter", ce qui aurait impliqué que ceux-ci auraient été obligatoirement informés des suites de l'observation de la gendarmerie.

Explication avancée par Mme Robert en ce qui concerne ce point-là: "Je n'ai plus reçu après le 4 septembre de nouvelle dans le cadre du dossier Othello. Je ne m'en suis plus occupée. (.. .) J'étais certaine que tout élément nouveau résultant des observations (... ) serait porté à la connaissance du Procureur du Roi ou à ma propre connaissance, auquel cas j en aurais référé à M. le Procureur du Roi".

Et c'est donc sans que quiconque s'en préoccupe vraiment au parquet de Charleroi que la gendarmerie poursuit ses démarches dans le dossier Dutroux.

Des observations sont encore menées par les spécialistes du Posa, les 8 et 19 septembre 1995, les 13 et 16 octobre 1995. A ce moment, les gendarmes s'intéressent notamment à un certain P., un ancien militaire de carrière qui avait été aperçu dans un véhicule à proximité de chez Dutroux. Mais la piste est abandonnée.

Les observations ne donnant pas plus de résultats.

Après avoir fait confiance aveuglément à la gendarmerie, ne lui ayant demandé aucun devoir, ni même de comptes précis, s'étant seulement contentée d'attendre la suite des événements avant de carrément oublier la piste Dutroux, Mme Robert n'en garde pas moins des certitudes.

Interrogée le 3 septembre dernier par le procureur Velu à propos d'éventuelles protections de Dutroux à Charleroi, elle répondait tout de go: « J'ai lu cela dans la presse. Cela m'a sidérée parce que ces informations venaient d'un amalgame d'informations que la presse a l'habitude de se procurer. Pour moi, je considère comme une évidence que Dutroux n'a pas bénéficié de protections de la part d'autorités judiciaires ou de police dans l'arrondissement judiciaire de Charleroi ». Un avis crédible?

Poursuivant sur cette lancée, cette magistrate de Charleroi justifiait encore ses silences de la manière suivante:

Mme Robert. - J'ai considéré, comme je l'ai déjà dit dans une autre partie de mon audition, que ces informations avaient été portées à la connaissance des différentes gendarmeries du Royaume. Pour moi, il était indéniable que les magistrats concernés dans les autres arrondissements que celui de Charleroi étaient au courant.(s..)

M. Velu. - Vous présumiez donc que le parquet de Liège avait été avise des informations contenues notamment dans le rapport du 25 août 1995. C'était une présomption. Pourquoi, étant donné la gravité des faits que constituait la disparition de Julie et Mélissa, n'avez vous pas estimé devoir vous assurer que cette présomption correspondait à la réalité? (NDLR: Un appui qui aurait peut-être convaincu Mme Doutrewe qu'il était plus important de s'occuper de Dutroux que d'aller visiter les châteaux de la Loire.)

Mme Robert. - Parce que j'étais certaine que l'information avait circulé. J'en étais certaine.

Et l'entretien se poursuit sur la base des mêmes certitudes. Inébranlables. Malgré le drame qui est en train de se jouer dans une maison de Marcinelle et dont on entrevoit aujourd'hui toute l'horreur.

M. Velu. - A la lumière de l'expérience actuelle, agiriez-vous encore comme vous l'avez fait?

Mme Robert. - (...) J'aurai eu toujours la même certitude quant à la transmission des éléments. Je serai toujours persuadée que les enquêteurs et éventuellement le magistrat instructeur ou le magistrat de parquet chargés d'un dossier d'enlèvement étaient au courant. (...) Je tiens à souligner que mon intervention dans le cadre du dossier Othello, en ce qui me concerne, était faite de la même manière suivant laquelle je m'efforce de travailler, c'est-à-dire avec diligence et en essayant toujours de protéger l'intérêt public., en tout cas, I intérêt des enfants, puisque c'est à la section Jeunesse que j'exerce mes fonctions.

Commentaire du procureur Velu: "Ayant eu connaissance de ces explications de Mme Robert, le colonel Lemasson et le commandant Legros ont fait observer qu'il (leur) aurait paru tout aussi clair et logique que, dans le cadre d'une telle affaire, le parquet de Charleroi informe celui de Liège des devoirs menés par un corps de police sur son ressort concernant un suspect". Et comme de son côté la juge d'instruction liégeoise

Doutrewe avait autre chose à faire que de s'occuper de Dutroux...

Restent enfin les silences du substitut Robert au sein même du parquet de Charleroi. Du 1er septembre 1995 au 23 octobre 1995, le premier substitut Lambert prend les rênes du parquet de Charleroi. Mais le procureur du Roi intérimaire ignore tout de l'opération Othello. Interrogé lui aussi par le procureur Velu qui lui demandait « si Mme Robert n'aurait pas dû le tenir au courant de existence des documents du 25 août et du 1er septembre ou, tout au moins, des renseignements de la gendarmerie qu'ils contenaient », le magistrat carolo venait à la rescousse de sa collègue: "Lorsque la farde Bic relative à l'opération Othello a été ouverte, soit le 25 août 1995,j'étais en congé et le procureur du Roi faisant fonction était Mme Robert. Je puis peut-être ajouter que lorsqu'une farde Bic avait été ouverte concernant des événements antérieurs à mon entrée en fonction, je ne l'apprenais que quand un élément nouveau amenait ou pouvait amener un nouveau devoir.

(...) C'est le motif pour lequel moi je n'ai été informé ni de cette opération, ni de la farde Bic la concernant".

Traduction: alors que Julie,Mélîssa An et Eefje sont entre les griffes du réseau Dutroux, il est tout à fait normal que le dossier concernant l'observation du monstre reste enfoui dans un tiroir en attendant d'éventuelles nouvelles de la gendarmerie puisque la coutume est de ne pas s'informer automatiquement de ce type d'opération quand un magistrat remplace l'autre à la fonction de procureur du Roi intérimaire.

Résultat des courses: lorsqu'il prête serment en qualité de procureur du Roi, M. Marchandise ignore tout, lui aussi, de l'opération Othello. Et comme Mme Robert traite "avec diligence" d'autres dossiers visant à "protéger l'intérêt des enfants", il le reste jusqu'au début novembre 1995. Epoque à laquelle le substitut Troch apprend de la bouche du gendarme M. l'existence de l’opération Othello et l'en avertit aussitôt.

Les détails édifiants de cet épisode sont consignés dans le rapport Velu. On découvre ainsi que suivant la gendarmerie de Charleroi, la rencontre du maréchal des logis M. et de Mme le Substitut Troch eut un caractère fortuit. (...)

M. le Procureur du Roi Marchandise prit pour la première fois connaissance du dossier Othello le 2 novembre 1995 par Mme le Substitut Troch qui lui rendit compte de sa conversation avec le chef M. ". En d'autres termes,on peut s'estimer heureux que le gendarme M. ait ressenti le besoin de se confier à un magistrat, sinon le dossier Othello restait dans son tiroir pour cause d'absence d'éléments nouveaux...

C'est aussi ce qui ressortait de l'audition de Mme Troch, le 3 septembre dernier devant le procureur général Velu.

Mme Troch. - (...) Monsieur M., membre de la BSR de Charleroi, est venu en mon bureau afin de me demander si j'étais au courant d'une opération Othello, Monsieur M. sachant évidemment que ,je m'occupais de dossiers relatifs aux cas de maltraitance infantile.

M. Velu. - Mme Robert n'avait pas pris l'initiative de vous parler de cette opération. (...)?

Mme Troch. - Non. Lorsque j'ai appris l'existence de cette opération (...), j'ai effectué une démarche auprès de M. le Procureur du Roi Marchandise afin d'en connaître l'objet. (...)

M. Velu. - (...) Celui-ci vous a t-il paru connaître l'existence du dossier Othello?

Mme Troch. - Pas à ma connaissance. (...) Je pense qu'il en a eu connaissance suite à mon entretien.

Ensemble, Troch et Marchandise consultent alors les documents relatifs à cette si discrète opération "Othello". Et ils ne sont pas au bout de leurs surprises.

Mme Troch. - J'ai marqué mon étonnement quant à la rédaction du rapport du 25 août (NDLR: la première demande de la gendarmerie de mise sous observation de Dutroux que le magistrat Robert s'était contentée de signer sans demander de devoirs particuliers, ni même de mettre le dossier "à représenter" dont les éléments me paraissaient insuffisants. J'ai suggéré à M. le Procureur du Roi de convoquer le rédacteur de ce rapport. (...) (Dans le rapport du 25 août) L'objet des rumeurs persistantes n'était pas explicité. On faisait état d'une perquisition effectuée en 1993 dans le cadre d'un dossier mais sans spécifier le contenu de ce dossier.

M. Legros mentionnait l'existence de deux informateurs non codés. Pourquoi ces informateurs n'étaient-ils pas

codés? Quelle était l'identité de ces deux informateurs? Quelle est l'identité du gendarme qui avait ces informations?

Lorsqu'il prend à son tour connaissance du rapport du 25 août, le procureur du Roi l'annote et demande lui aussi "un certain nombre de vérifications". Le 4 septembre dernier, alors qu'il était auditionné par le procureur Velu à propos des éventuelles imprécisions de la demande de démarrage de l'opération Othello, le commandant de gendarmerie Legros apportait un certain nombre d'éclaircissements, ainsi que ce commentaire lapidaire renvoyant la balle dans le camp du parquet de Charleroi et plus particulièrement de la très silencieuse Mme Robert: « J'estime que si le magistrat souhaitait avoir de plus amples explications NDLR: en août 1995), il suffisait de poser la question. Nous aurions donné une réponse précise !

Michel Bouffioux

LES SILENCES DU PARQUET DE CHARLEROI(« Télé Moustique » 31 octobre 1996 pages 27 à 32)


LES SILENCES DU PARQUET DE CHARLEROI

Les documents confidentiels qui dérangent (II)

« Télé Moustique » du jeudi 31 octobre 1996 pages 27 à 32

Sur la base du rapport confidentiel du procureur Velu, Télé-moustique poursuit cette semaine sa contre-enquête sur les trop nombreux dysfonctionnements qui ont émaillé l'enquête sur Marc Dutroux. Avec, cette fois,des révélations sur les silences coupables d'un magistrat du parquet de Charleroi qui n'a, de toute évidence, pas pris les suspicions qui pesaient sur Dutroux dès l'enlèvement de Julie et Melissa avec le sérieux qui s'imposait.

Pour bien comprendre les enjeux du dossier de cette semaine rappelons d'abord les principaux éléments de

L’épisode précédent.

Depuis le mois d'octobre 1993,le maréchal des logis P de la gendarmerie de Charleroi dispose du témoignage d'un informateur qui lui a affirmé que "Dutroux effectuerait des travaux dans une de ses maisons situées à Marchienne-au-Pont et ce pour y loger des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger". Début novembre 1993, l'information est communiquée au juge d'instruction carolo Lorent qui, à ce moment, s'intéressait déjà à

Dutroux dans le cadre d'un dossier de vol.

Cinq perquisitions sont organisées dans les maisons de l'assassin d'enfants, le 8 novembre 1993.

A Marchienne-au-Pont, la gendarmerie constate bien que Dutroux travaille à creuser deux galeries souterraines et à abaisser d'un mètre 50 le niveau d'une cave... Mais cela n'est pas considéré comme un indice

- Dutroux ayant déclaré qu'il "aménage ses caves sans plus"

- malgré le fait qu'il' s'agit là à tout le moins d'une indication crédibilisant le témoignage de l'informateur et qu'on ne peut raisonnablement ignorer en 1993 que Dutroux a déjà été condamné quelques années plus tôt pour avoir séquestré et violé des Fillettes.

Au sujet du résultat de ces perquisitions manquées, on relève d'ailleurs une contradiction entre les témoignages des qendarmes et celui du juge d'instruction Lorent dans le rapport confidentiel sur l'enquête rédigé par le procureur général Velu.

D'après une lettre du 11 septembre de M. Lorent, celui-ci n'aurait pas été informé de la découverte de travaux de terrassement à Marchienne-au Pont!

En janvier 1994, une première "mise sous observation" de Dutroux est autorisée dans le cadre de son dossier "vol" par le juge forent, c'est l'opération "Décime", que nous relations en détail dans notre précédente édition. Mais un mois plus tard, on arrête les frais: "Le dossier est clôturé par manque d'éléments probants". En juin 1994, les gendarmes retournent néanmoins dans la maison de Marchienneau-Pont et constatent que "les travaux n'ont pas évolué depuis la perquisition du 8 novembre 1993".

A partir de là, les déclarations de l'informateur d'octobre 1993 sur les projets de "caches" de Dutroux dorment dans un tiroir. Personne au parquet de Charleroi n'est au courant. Et le juge Lorent ne s'en préoccupe apparemment plus.

Le 24 juin 1995, Julie et Mélissa sont enlevées à Grâce-Hollogne et des gendarmes de Charleroi font le rapprochement avec Dutroux. Dès le 7 juillet, leurs collègues liégeois en sont avertis par fax. Entre le 9 et le 25 août, selon les versions des acteurs du dossier, la juge d'instruction liégeoise Doutrewe est avisée de cette

iste. Un document du BCR de la gendarmerie situe plus précisément ce tournant de l'enquête à la date du 16 août 1995.

Martine Doutrewe n'inclut pas "Dutroux" dans son instruction, décidant de laisser cette enquête au parquet de Charleroi juste avant d'entamer un « séjour touristique en France ».

Cette décision aura notamment pour conséquence que des perquisitions ultérieures chez Dutroux, soit en

décembre 1995, seront autorisées dans le cadre du dossier "vol" de Charleroi et non pas dons le cadre du

dossier "Julie et Mélssa" à Liège, ce qui implique qu'il ne sera pas possible pour la gendarmerie de faire usage de moyens spéciaux (chien pisteur,caméra infrarouge, etc.).

Qu'en est-il de ('information dont dispose le parquet de Charleroi à ce stade? Si on s'en réfère au rapport du procureur général Velu, elle est nulle: "Jusqu'au 24 août 1995, le parquet de Charleroi a été tenu dans l'ignorance de divers faits et actes de la gendarmerie en rapport avec les suspicions dont Dutroux faisait l'objet du point de vue enlèvement d'enfants".

Nous avons relevé ces différents actes d'investigation de la gendarmerie dans le n° 3691 de Télémoustique.

"Ce jour-là, poursuit Velu, dans l'avant-midi, selon la gendarmerie de Charleroi, Madame le Premier Substitut du procureur du Roi Robert fut avertie téléphoniquement par le commandant Legros, officier adjoint au district de la gendarmerie de Charleroi, du cadre général et des circonstances d'un appui du POSA (Peloton d'observation de surveillance et d'arrestation, une unité spéciale de la gendarmerie] pour une mise sous observation de Dutroux en raison de ces suspicions. Mme Robert exerce, depuis des années au parquet de Charleroi, la direction de la section Jeunesse. Pendant la seconde quinzaine du mois d'août 1995 el le faisait fonction de procureur du Roi. (NDLR: Question, peut-être perfide: quelqu'un à la gendarmerie avait-il intérêt à

attendre la période d'intérim de Mme Robert à la fonction de procureur du Roi pour avertir de la mise sous observation de Dutroux? La suite des événements, comme on va le lire,pourrait le laisser penser.)

"(... ) Le commandant Legros se rendit dans l'après-midi du même jour dans le cabinet de Mme le Premier Substitut Robert pour lui remettre deux exemplaires du document confidentiel de la gendarmerie de Charleroi daté du 25 août 1995 (...) et ayant pour objet l'opération "Othello"." Pour rappel, la version intégrale de ce document se trouve dans le n°3688 de Télémoustique. On précisera simplement que Dutroux y est présenté comme un suspect dans la disparition de Julie et Mélissa, on évoque les aménagements de caves, le constat de ses travaux de terrassement, etc.

Le 3 septembre dernier, le procureur Velu avait un long entretien à huis clos au sujet du rapport du 25 août avec Mme Robert. II vaut le détour.

M. Velu. - Que ce soit par l'entretien (NDLR: avec le commandant Legros) ou par la lecture du rapport, vous avez eu connaissance, je suppose, de ce que, depuis 1993, et ce à plusieurs reprises, des rumeurs persistantes faisaient état de ce que le nommé Dutroux aménageait les caves de diverses de ses maisons pour y loger des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger?

Mme Robert. - Je l'ai lu en tout cas.

M. Velu. - Vous avez su, le 25 août, que dans le cadre d'un autre dossier, une série de perquisitions avaient été menées dans une maison de Marchienne-au-Pont, que des travaux de terrassement avaient été constatés dans les caves et qu'interrogé sur ces faits, Dutroux avait déclaré qu'il aménageait ses caves sans plus ?

Mme Robert. - Je l'ai lu.

M. Velu. - Vous avez su que le 10 août 1995, deux informateurs avaient informé un membre de la brigade de Charleroi des propositions faites par le nommé Dutroux, à savoir: "Dutroux aurait proposé à certaines personnes de participer à des rapts d'enfants dans la région de "Malinnes"(sic), la possibilité „ de gagner facilement de l'argent (150.000 francs belges), en se postant à la sortie d'une école, d'enlever une jeune fille. Dutroux aurait confirmé les transformations dans les caves de ses immeubles afin d'y aménager un genre de cellule pour accueillir les filles avant de les expédier à l'étranger"?

Mme Robert. - Je l'ai lu aussi. Il est certain que j'ai lu ce document avec attention avant de donner l'autorisation de non opposition à la surveillance qui m'était demandée. (...)

Dans son rapport confidentiel, le procureur Velu relève que malgre cette lecture attentive du rapport Othello du 25 août "aucun devoir particulier n'a été demandé par Mme le Premier Substitut Robert, qui a visé le document pour accord. (...)

Cet accord signifiait-il simplement que l'autorisation sollicitée était accordée ou bien avait-il une autre portée?"...

Réponse de Mme Robert: "La mention "vu pour accord" (...) avait pour objet d'autoriser l'observation. Je ne l'ai donnée qu'en attente de rapports d'observations qui me seraient communiqués éventuellement".

"Éventuellement" le dernier mot prononcé par Mme Robert montre le sérieux avec lequel l'information Dutroux est prise.

Pourtant, il n'y avait que quelques semaines que les petites Lejeune et Russo venaient d'être enlevées! N'avait-on pas assez collé d'affiches dans la région de Charleroi ?

Dans un procès-verbal de synthèse du 20 août 1996, la gendarmerie enfonce d'ailleurs le clou: "Ce magistrat

n'aurait pas jugé utile de demander la rédaction d'un P-V initial au vu des renseignements fournis et de l'exploitation de ceux-ci".

Alors qu'à cette époque toute la Belgique est sensibilisée à la disparition des petites Filles de Grâce-Hollogne, Mme Robert ne trouve pas plus utile d'avertir les autorités judiciaires liégeoises de la mise sous observation de Dutroux dans le cadre de l'opération Othello. "En ma qualité d'autorité judiciaire, expliquait-elle le 3 septembre dernier au procureur Velu, je n'ai pas eu le réflexe de procéder à cette vérification. s'agissait pour moi d'une farde confidentielle; à ma connaissance, les informations contenues dans les fardes confidentielles ne sont pas échangés entre parquets." Allez, circulez, le règlement, c'est le règlement...

D'ailleurs, ajoutait Mme Robert: "En ce qui me concerne, il était certain que les autorités de gendarmerie du pays étaient au courant de la naissance de l'opération Othello". Sous-entendu: ils n'avaient qu'à faire circuler l'information vers Liège.

Mais comme les gendarmes affirment aujourd'hui qu'ils estimaient que le parquet de Charleroi devait transmettre les infos au parquet de Liège... Bref, comme l'indique ensuite le rapport du procureur Velu,

"il n'y eut plus de contact entre la gendarmerie de Charleroi et Mme Robert ou un autre magistrat du parquet de Charleroi jusqu'au 1er septembre 1995".

A cette date, alors qu'il y a eu déjà une première journée d'observation par le Posa dès le 28 août, le commandant Legros de la gendarmerie de Charleroi envoie une demande confidentielle à "Madame le Procureur du Roi". En fait, le destinataire est le 1er substitut Robert. Relatif à l'opération Othello, ce document dont nous disposons porte le numéro CD1190/170 M/CP et informe du placement d'un "time laps", soit une caméra fixe à Sars-la-Buissière.

Comme le relève le procureur Velu, "ce document porte à la page 2 la mention ""Vu le 4" suivie de la signature de Madame Robert". Or, à la date du 4 septembre 1995, le 1er substitut Robert ne faisait plus fonction de procureur du Roi et par conséquent, la demande aurait dû se trouver entre les mains de l'intérimaire suivant à la tête du parquet de Charleroi, le 1er substitut Marius Lambert !

Les explications de Mme Robert à ce sujet se trouvent dans le rapport Velu: "J'ai dû recevoir une communication téléphonique de la gendarmerie le 1er septembre alors que je ne faisais plus fonction de procureur du Roi, me demandant de donner l'autorisation de poser un "time laps". (...) J'ai confirmé cette autorisation par écrit le 4 septembre par la remise d'un document à un porteur de la gendarmerie".

M. Velu. - A quel titre le 4 septembre avez-vous continué à traiter cette affaire?

Mme Robert. - La seule explication que je peux donner, c'est que le 1er septembre, je remplaçais le procureur du Roi par ce que c'était la rentrée solennelle de la Cour d'appel et que,le 4 septembre, j' ai cru pouvoir confirmer l'autorisation que j'avais donnée verbalement le 1er septembre.

M. Velu. - A l'époque, avez vous eu l'occasion d'exposer à M. le Premier Substitut Marius Lambert qui faisait fonction de procureur du Roi les éléments d'information que la gendarmerie vous avait communiqués par ses rapports des 25 août et 1er septembre 1995?

Mme Robert. - Je ne pense pas avoir eu l'occasion d'exposer à Monsieur le Premier Substitut Marius Lambert les données contenues dans la farde BIC.

Un mot d'explication: la farde Bic qu'évoque Mme Robert n'est rien d'outre que le dossier confidentiel du parquet de Charleroi qui contient les documents relatifs à l'opération Othello. On soulignera donc que Mme Robert qui, depuis quelques jours, a connaissance d'une opération d'observation du suspect Dutroux dans le

cadre d'investigations qui pourraient avoir un lien avec la disparition de Julie et Mélissa ne juge pas nécessaire d'en informer son successeur à la tête du parquet de Charleroi. Chacun appréciera ce silence. Il perdure d'ailleurs dans les semaines qui suivent.

En effet, à la date du 23 octobre 1995, alors qu'il vient de prêter serment l'actuel procureur du Roi ce Charleroi M.Marchandise ignore encore tout de l'opération Othello. Lors de son audition par M. Velu, Mme Robert déclare à ce sujet: "Je ne lui en ai pas parlé lors de sa prestation de serment mais ultérieurement".

Quand exactement? Mme Robert ne répond pas. Mais comme on le lira plus loin,…………..

(Suite pages 30 à 32)

Maître Julien Pierre évoque un complot anti-séparatiste autour de l'affaire Dutroux!


Maître Julien Pierre évoque un complot anti-séparatiste autour de l'affaire Dutroux!

« Télé Moustique » du jeudi 31 octobre 1996 pages 26 et 27

Pensant peut-être que « nul n'est prophète en son pays », Me Julien Pierre a accordé ces jours-ci une longue interview à Alain Gravel, un journaliste de la télé canadienne dans laquelle il donne son analyse de l'affaire Dutroux-Nihoul. A vrai dire, il s'agit surtout d'un flot d'accusations lancées tous azimuts.

En exclusivité, Télé-moustique a pu prendre connaissance d'extraits de cet entretien parfois délirant qui sera diffusé à la mi-novembre par nos confrères d'outre-Atlantique dans leur magazine d'information Le Point.

Après avoir eu la peau du juge d'instruction Connerotte, l'avocat liégeois s'en prend cette fois au procureur du Roi Michel Bourlet auquel il reproche son « si on me laisse faire » qu'il qualifie de "scandaleusement poujadiste", aux enquêteurs de Neufchâteau qu'il accuse d'avoir tenté de "déstabiliser' Marc Dutroux, à la presse qui de "fausses informations" à cette opinion elle-même qui ne comprendrait pas qu'il fasse son métier d'avocat jusqu'au bout en ayant demandé le dessaisissement du juge Connerotte et last but not least, à un "corps de police" - il faut vraisemblablement comprendre la gendarmerie - qui a tiré profit de l'affaire Dutroux pour alimenter "une des plus gigantesques manipulations de l'opinion publique belge depuis la création de l'État belge en 1830" (sic).

L'objet de cette prétendue manipulation? Mais c'est bien sûr! Autour de l'affaire Dutroux, c'est tout un complot belgicain qui se trame! "Je pose la question rave de savoir à qui profite le crime", accuse en effet Me Pierre sur le ton solennel qu'il affiche habituellement.

Ajoutant notamment: "A la fin du mois de juin 1996, il s'est trouvé un chef de groupe du Parti socialiste, le plus important parti politique de Wallonie, pour dire au parlement belge: "La France peut s'étendre jusqu'aux portes de Bruxelles si nos amis flamands continuent de nous traiter comme ils le font" (...). On vivait dans une sorte de climat de séparatisme entre les Flamands et les Wallons. Et j'ai été frappé d'entendre dans la bouche de gendarmes belges cette réflexion que je n'oublierai pas de sitôt: Maître, en tout cas, votre requête en suspicion légitime à l'égard du juge d'instruction Connerote a eu un effet extraordinaire, c'est de réunir Flamands et Wallons qui désormais ne parlent plus de séparatisme".

Et voici donc que la Belgique, Flamands et Wallons confondus, paraît y renoncer pour quelques décennies de survie. Dans la mesure où un certain corps de police avait perçu que la Belgique paraissait vivre ses derniers

soubresauts, dans la mesure où ce corps de police souhaite l'unité du pays, et bien il y avait sans doute beaucoup de profit a tirer d'une manipulation de l'opinion publique au travers de cette affaire-là qui était tellement tragique qu'elle pouvait mobiliser les foules très facilement".

Bref, si l'on devait suivre ce raisonnement pour le moins tiré par les cheveux de l'avocat de Dutroux, les 300.000 personnes qui ont marché dans les rues de Bruxelles, le 20 octobre dernier, n'ont vraiment rien compris ! Des naïfs, des manipulés, tous ces Belges qui se sont mobilisés dans la dignité et dans le calme pour que l'on protège mieux nos enfants ! Des gros bêtas, tous ces travailleurs qui ont débrayé pour manifester leur soutien aux parents ! C'est qu'ils ne se sont pas rendus compte qu'en fait, ils manifestaient contre le séparatisme !

Voilà en tout cas un raisonnement audacieux, proche de l'insulte Pour les familles de victimes, parce que sans le dire ouvertement il détourne le message qu'elles ont toujours voulu faire passer et qu'il nie insidieusement la volonté de solidarité que tout un peuple a voulu leur affirmer au cours de ces dernières semaines. Dans le même état d'esprit méprisant et comme pour un peu plus encore enfoncer le clou Me Pierre déclare d'ailleurs à la télévision canadienne qu'ici, en Belgique: "Voici que le peuple a une nouvelle fois voulu assiéger le château de son roi, on a voulu casser du bourgeois, on a voulu que des gros tombent, des hommes politiques importants, peut-être des magistrats, peut-être des ministres, peut-être plus haut encore dans la hiérarchie de

I'Etat". Or, pour l'avocat de Dutroux, cela n'a aucun sens puisque - et cela n'étonnera personne - l'affaire de son client se résume à "un fait divers d'un tragique incommensurable mais cela suffit dans l'état actuel des choses. Je n'aperçois pas de réseau. Je n'aperçois pas d'implication de tel ou tel personnage important de l'Etat. Je n'aperçois pas de protections extraordinaires au sein de la magistrature".

On signalera qu'avec l'affaire du complot belgicain, Me Pierre,qui joue volontiers au donneur de leçons, n'en est pourtant pas a sa première analyse politique foireuse. Nous disposons d'un courrier qu'il adressa en 1994 au député socialiste Claude Eerdekens qui l'atteste.

A l'époque, M. Eerdekens se plaignait de ce que des membres du groupuscule d'extrême droite « Agir » aient "abusé un certain nombre d'Andennaises et d'Andennais en extorquant leur signature dans le cadre de la présentation de la liste « Agir ». Selon le bourgmestre d'Andenne, « un nombre important de personnes »

avaient été "invitées à signer une pétition pour des problèmes intéressant les jeunes, la circulation routière ou d'autres problèmes, sans qu'il leur soit exprimé qu'il s'agissait de présenter une liste d'extrême droite politique aux élections communales".

Me Pierre lui faisait alors porter une lettre, le 11 septembre 1994, dans laquelle il se présentait comme "le conseil habituel du parti Agir et en l'occurrence également de Madame A. ". Décidément, Me Pierre est le spécialiste des causes difficiles!

Après avoir contesté les arguments d'Eerdekens, il terminait par cette considération politique: « J'apprends enfin que lors d'une récente réunion à laquelle assistait ma cliente, vous avez préféré vous en aller plutôt que de vous asseoir à la même table qu'une "néo-fasciste". Si vous saviez, cher Démocrate, comme cela se passe de commentaire. Si vous saviez vraiment. Mais vous ne pouvez pas savoir ! Salutations ».

Le 12 septembre, par recommandé, le député confirmait à l'avocat "qu'en tant que démocrate, je refuse toute discussion avec les représentants d'un parti politique dont la filiation avec le parti nazi allemand est évidente.

Pour preuve, le point 5 des principes ayant présidé à la fondation de ce parti (page 3 de son programme) où il est exprimé: "Primauté des droits des peuples par rapport à l'idéologie des droits de l'homme"... Cela se passe de commentaires". Comme tout le reste...

Michel Bouffioux

Maître Julien Pierre évoque un complot anti-séparatiste autour de l'affaire Dutroux!(UNE «TéléMoustique » 31 octobre 1996)


Maître Julien Pierre évoque un complot anti-séparatiste autour de l'affaire Dutroux!

UNE « Télé Moustique » du jeudi 31 octobre 1996

Les silences du parquet de Charleroi

A Sars la Buissière rien ne sera plus comme avant

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