mardi 11 août 2009

Suite de Veut on stopper net la déferlante judiciaire ?


Suite de Veut on stopper net la déferlante judiciaire ?

« Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996 pages 38 à 39

………….Surtout lorsqu'on a eu connaissance du rapport que le lieutenant-général Deridder, le patron de la gendarmerie, a envoyé en août dernier au ministre de la Justice pour tenter de justifier le dossier Othello. Un rapport de quatre pages, dans lequel le patron de la gendarmerie réussit le tour de force de ne pas écrire une seule fois dossier Othello. Un rapport truffé d'inexactitudes dont le seul but est de rejeter toute la faute de cette affaire sur la juge d'instruction Martine Doutrewe qui, en substance, ne se serait jamais intéressée aux informations que lui transmettaient « verbalement » les gendarmes.

Dans ce climat de mensonge généralisé, il faut prendre au sérieux les déclarations du député Écolo, Vincent Decroly. Sur les ondes de RTL-TVI, il a déclaré que des témoins avaient menti devant la commission d'enquête et que cela fait actuellement l'objet d'enquêtes en Justice.

Le député Ecolo a évoqué, sans autre précision, « les témoignages contradictoires de deux membres de services de police ». Il ne faut pas être grand devin pour affirmer qu'il s'agit plus que certainement de membres de la police judiciaire.

Et il n'y a pas que la gendarmerie de Charleroi et la PJ de Bruxelles à être mises en cause. L'émission Au nom de la loi de la RTBF a révélé que Marc Dutroux avait fait l'objet d'un contrôle de police, en novembre 1992, à la patinoire de Montignies-surSambre. Deux petites filles s'y étaient plaintes d'avoir été bousculées, à plusieurs reprises, par Dutroux qui se livrait sur elles à des attouchements lorsqu'il les aidait à se relever. Maîtrisé par le personnel de la patinoire, Dutroux avait été contrôlé par la police communale qui l'avait laissé repartir sans autre formalité. La police communale de Charleroi a réagi en précisant que les parents des deux fillettes n'avaient jamais déposé plainte contre Dutroux. Mais elle a aussi précisé que les informations sur cette interpellation avaient été transmises au parquet de Charleroi et au parquet de Neufchâteau, où l'on avait entendu les deux policiers qui avaient effectué le contrôle. Rien ne leur avait été reproché.

- Il n'empêche que cette affaire est symptomatique de ce climat favorable dans lequel Dutroux a évolué. On se pose ainsi la question de savoir comment les policiers communaux n'ont pas obtenu, par radio, de la part de leur commissariat, des informations sur ses antécédents. Faut-il encore le rappeler? A cette époque, le monstre de Sars la Buissière avait déjà été condamné, avec son épouse, pour des faits d'enlèvement, de séquestration et de viols de mineures d'âge.

MÊME EN ITALIE ET EN POLOGNE

- La (triste) célébrité de Dutroux a, en tout cas, largement dépassé les frontières du Royaume. On a un peu l'impression que toutes les polices européennes sont devenues particulièrement attentives au drame de la pédophilie. Ainsi, la police italienne a eu, le week-end dernier, son attention attirée par un homme d'origine asiatique qui débarquait à l'aéroport Leonardo Da Vinci de Fiumiccino (Rome). Il était accompagné de quatre jeunes enfants asiatiques.

Au moment du contrôle des papiers, l'un des enfants, une fillette de 12 ans, a dit, en français, aux policiers: « Ce n'est pas mon père ». Devant la mine terrorisée des autres enfants, les policiers ont interrogé cet homme de 51 ans. Il était en possession d'un passeport belge grossièrement falsifié, volé en Belgique il y a quelques mois. Dans ses bagages, les policiers ont découvert un carnet rempli d'adresses et de numéros de téléphone italiens, français, allemands et belges. Cao Leng Hout, Cambodgien d'origine, a été arrêté pour séquestration d'enfants et aide à l'immigration clandestine.

- Mais, toujours en fouillant ses valises, la police italienne a découvert des photos de centaines d'enfants asiatiques âgés de 8 à 14 ans. Ce qui laisse supposer que cet individu pourrait alimenter en jeunes enfants les réseaux pédophiles européens.

Du coup, le quotidien italien La Repubblica n'a pas hésité à franchir le pas en écrivant qu'il pourrait exister un

lien entre ce marchand d'enfants et l'affaire Dutroux, en Belgique.

Affirmation prématurée ou non, il est vrai qu'il sera intéressant, pour la justice belge, de pouvoir consulter ce répertoire d'adresses.

Comme elle devrait pouvoir entrer en possession des adresses belges figurant dans le fichier informatique saisi chez un pédophile polonais, responsable d'un véritable réseau, arrêté à Varsovie la semaine dernière.

L'internationale des pédophiles existe depuis longtemps et est dénoncée depuis des années. L'occasion est trop belle pour les justices des différents pays concernés de travailler, enfin, à son démantèlement.

S.I.

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ET LE RESTE !

« Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996 pages 38

- Dans ce contexte particulièrement immonde, on en viendrait presque à parler avec soulagement de Jan Beirens, conseiller à la cour d’appel de Gand. Ce magistrat est, en effet, soupçonné de corruption. Il aurait, à plusieurs reprises, rendu des jugements réduisant de manière significative et anormale les peines prononcées contre certaines personnes par les tribunaux de première instance.

Evidemment, cela se faisait contre monnaie sonnante et trébuchante. Des proxénètes auraient profité de l’indulgence de ce magistrat peu intègre.

- Depuis 1995, le conseiller de la cour d’appel de Bruxelles, M. Mahieu, enquête sur cette affaire de corruption. Il a ainsi fait procéder à 35 perquisitions, dont une au palais de justice de Gand où sévissait Jan Beirens. C’est un avocat de Knokke, Me Piet Cnudde, qu’il fallait contacter pour s’assurer la clémence du juge Beirens, réputé l’un des plus sévères de tout le nord de la Belgique. Il présidait la 6ème chambre de la Cour d’appel de Gand qui traitait exclusivement d’affaire de stupéfiants, de trafic d’hormones et de moeurs.

En même temps que le conseiller et l’avocat, le magistrat instructeur a placé sous mandat d’arrêt Francine Van Assel, la patronne du Caddie, un restaurant chic du Zoute. Cette ancienne mère maquerelle, condamnée à 5 ans de prison pour trafic de drogue, avait été acquittée, ensuite, par... la cour d’appel de Gand.

Son établissement était fréquenté assidûment par le conseiller Beirens et l’avocat Cnuppe.

Enfin, le fils de la patronne du Caddie, Yves Van der Waarden, a également été arrêté. Son nom était déjà apparu dans l’affaire de l’assassinat du vétérinaire Van Noppen. Il était soupçonné d’en être l’un des organisateurs mais avait fini par être blanchi.

Le palais de justice de Gand n’a pas été le seul du pays à recevoir la visite d’enquêteurs fort curieux.

A Liège, c’est le bureau du premier avocat général Franz-Jozef Schmitz qui a été perquisitionné dans le cadre de l’enquête sur les faits de corruption qui lui est reproché.

Les gendarmes ont également perquisitionné le domicile privé du magistrat liégeois, à Eupen, où des documents ont été emportés.

- La cour d’appel de Mons n’a pas échappé à la déferlante judiciaire.

La presse flamande a, en effet, accusé le procureur général, Georges Demanet, et le procureur du Roi de Tournai, Guy Poncelet, d’avoir couvert, pendant deux ans, leur collègue, la substitute Béatrice Annick, inculpée en 1995 dans un trafic de drogue.

MM. Demanet et Poncelet sont soupçonnés d’avoir été au courant de cette affaire dès 1993 et de ne pas avoir transmis l’information. « Dans le climat actuel, je m’attendais à tout, a déclaré, en substance, le procureur Poncelet (dont le fils, inspecteur à la PJ de Mons, a été assassiné en mai dernier), même à être accusé de pédophilie ». Mais celle-là, il ne l’avait pas vue venir...

S.I.

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ANNE THILY AU CENTRE DE LA RUMEUR

« Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996 pages 39

A Liège, plus qu’ailleurs, les rumeurs ne sont jamais innocentes. Surtout lorsqu’elles ont pour cible le procureur général Anne Thily. Et qu’elles sont lancées par des journalistes proches de |’égérie des Happart Brothers.

- Elle court, elle court, la rumeur à Liège. Dès mercredi soir, de la semaine passée, elle annonçait qu’une importante opération policière avait été menée. Jeudi, aux petites heures du matin, elle se faisait plus précise. Le bureau du procureur général, Anne Thily, et ceux de deux avocats généraux avaient été perquisitionnés.

- « On » précisait même que tout cela s’était fait dans la cadre de la plainte pour violation du secret de l’instruction déposée par l’avocat général Marc de la Brassinne.

Rappelons que celui-ci est accusé de tous les maux de la terre et notamment de pédophilie, de fraude fiscale et de meurtre. Bref, la totale, avec un dossier monté sur base de soupçons plutôt que de preuves formelles. Soupçons alimentés par les journalistes qui ont « révélé » l’affaire dans un ensemble médiatico-liégeois assez touchant.

Tout le monde (télés, radios et quotidiens) y allant, en même temps, de son scoop en jurant, la main sur le cœur, que tout cela s’était fait sans concertation aucune.

- Mais revenons à la rumeur qui galopait plus vite que la marée montante au Mont Saint-Michel.

« On » annonçait désormais que les enquêteurs, en perquisitionnant chez une journaliste, deux semaines auparavant, avaient mis la main sur des enregistrements de conversations entre cette personne et Anne Thily, qui lui dévoilait tous les dessous du dossier de la Brassinne.

Bref, c’était la fin pour la pouliche des Happart Brothers. Sauf que, tout cela était entièrement faux

- On aurait voulu faire capoter une série de perquisitions, prévues, dans le cadre de la plainte de la Brassinne, à une autre date et bien dérangeantes pour le procureur général de Liège, qu’on ne s’y serait pas pris autrement...

S.I.

Veut on stopper net la déferlante judiciaire ?(« Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996 pages 36 à 39)


Veut on stopper net la déferlante judiciaire ?

« Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996 pages 36 à 39

Pages 36 et 37 :

Qui mène la (déca) Danse ?

L'affaire Di Rupo Grafé risque de se transformer en un énorme scandale judiciaire. Il s'agit, incontestablement, d'une énorme machination visant à jeter le discrédit sur toutes les enquêtes en cours à propos des réseaux de pédophilie.

Toutefois, les nuages s'amoncellent pour Jean-Pierre Grafé. Un deuxième dossier, pour faits de mœurs le concernant, pourrait être transmis avant le 10 décembre à la Région wallonne et à la Communauté française.

- Pendant ce temps, la Commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Dutroux continue ses travaux mais on y parle beaucoup de mensonges et de témoignages « contrôlés »

- Alors que le procureur général près la Cour d'Appel de Bruxelles, M. Van Oudenhouve, transmettait aux assemblées parlementaires les dossiers concernant Jean-Pierre Grafé et Elio Di Rupo, son homologue liégeois Anne Thily lui transmettait un dossier concernant exclusivement Jean-Pierre Grafé.

Un dossier qui faisait partie d'un lot d'une douzaine de fardes envoyées par le procureur du Roi de Neufchâteau, Michel Bourlet, au parquet général de Liège. On était alors le 18 novembre et, au Palais des Princes-Evêques, Anne Thily précisait à la presse que « son » dossier allait en rejoindre un autre, concernant Jean-Pierre Grafé, qui se trouvait déjà dans les mains de son homologue bruxellois.

- Mais, un peu plus tard, tant à la Région wallonne qu'à la Communauté française, où Jean Pierre Grafé est ministre, on s'étonnait de ne recevoir que le dossier bruxellois. Le parquet général allait-il garder, par devers lui, un dossier portant sur des faits de moeurs avec des mineurs d'âge?

Un dossier beaucoup plus sérieux que celui découlant du témoignage d'Olivier Trusnagh? Un dossier qui se base sur des déclarations récentes et qui concerne des faits non prescrits. Un dossier dans lequel on ne retrouve, semble-t-il, aucune information provenant du fameux 0800 installé par Neufchâteau mais bien des témoignages en bonne et due forme et pas anonymes.

- La réponse est tombée en début de semaine. Le parquet général de Bruxelles a tenu, d'abord, à réaliser un inventaire du dossier chestrolais transmis par Liège. Cet inventaire doit permettre de déterminer s'il est nécessaire ou non d'envoyer le dossier devant les assemblées. En clair, le parquet doit déterminer s'il y a des éléments suffisamment sérieux qui exigent qu'une enquête soit réalisée sur l'implication, ou non, de Jean-Pierre Grafé dans des affaires de pédophilie.

Toutefois,le procureur général, M. Van Oudenhouve, a promis aux parlementaires wallons que, dans la mesure du possible, et si cela était nécessaire, ce deuxième dossier leur serait transmis avant que ne tombe le rapport qu'ils ont réclamé à la Cour de Cassation sur le premier dossier. Ce rapport étant attendu pour le 10 décembre, au plus tard, cela ne laissera pas le temps au ministre liégeois de reprendre son souffle. Et on a déjà vu le bâtonnier Me Matray abandonner des causes moins perdues d'avance que celle-ci...

UN CLIMAT DÉLÉTÈRE

Dans le climat délétère, que certains n'hésitent pas à qualifier de décadent, qui prévaut à l'heure actuelle en Belgique, le dossier Di Rupo-Grafé sur lequel se penche actuellement la Cour de Cassation apparaît, de plus en plus, comme une monstrueuse manipulation dont l'objectif a déjà été, partiellement, atteint: déstabiliser les enquêtes en cours sur les réseaux de pédophilie belges.

Le témoignage d'Olivier Trusnagh donne plus que l'impression d'avoir été soigneusement suscité par l'équipe du commissaire Marnette de la police judiciaire de Bruxelles (Voir Le Soir illustré de la semaine passée).

A ce sujet, un dossier a d'ailleurs été mis à l'instruction par le parquet du procureur du Roi de Bruxelles.

Il vise à déterminer qui est à l'origine de la fuite qui a permis la divulgation de ce dossier dans la presse flamande, le 16 novembre dernier.

On sait que l'information est arrivée chez le sénateur VLD, Hugo Coveliers, et que celui-ci l'a vraisemblablement transmise aux journalistes. Cela dit, la fuite ne peut avoir que trois origines: la gendarmerie de Hasselt, la police judiciaire de Bruxelles ou le parquet général de Bruxelles. Et c'est dans ce cadre que l'on s'interroge sur l'agitation du commissaire Georges Marnette de la PJ bruxelloise qui essaye, depuis le mois d'août dernier, de rentrer, par tous les moyens, dans les enquêtes de Neufchâteau sur les réseaux pédophiles. Toujours est-il qu'il est indispensable que cette instruction aboutisse.

Cette fuite a déjà provoqué suffisamment de ravages et elle présente un côté particulièrement inquiétant: elle pourrait démontrer que les réseaux pédophiles, sans nul doute liés au crime organisé qui fait, petit à petit, main basse sur la Belgique, ont suffisamment pénétré le milieu judiciaire pour monter des manipulations qui nuisent à la crédibilité de toutes les enquêtes en cours à leur sujet. A qui profite cette fuite? A tous ceux qui sont impliqués dans ces dossiers de pédophilie et qui ont intérêt à saboter, par tous les moyens, les enquêtes en cours.

DES MENSONGES DEVANT LA COMMISSION D'ENQUÊTE

- Et il n'y a pas que les enquêtes que l'on tente de saboter. Ainsi, La Libre Belgique a révélé lundi que les gendarmes qui devaient être entendus par la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Dutroux avaient été dûment briefés par leur hiérarchie. Selon certaines sources, l'état major aurait fait dresser une liste, la plus complète possible, des questions que les députés sont susceptibles de leur poser. Des réponses auraient été élaborées et fournies aux gendarmes suspects qui sont priés de s'en tenir à cette pensée unique de l'état-major. On leur a bien fait comprendre que les débats étant retransmis en télévision, leurs dépositions seraient enregistrées et donc contrôlées par leurs chefs. On peut, dès lors, craindre le pire quand à la sérénité du travail des parlementaires enquêteurs, qui ont examiné les déclarations des gendarmes préparés dès lundi.

……..(Suite pages 38 et 39)

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Parents sous pression

« Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996 pages 37

Depuis le mois de juin 1995, les parents de Julie Lejeune et Mélissa Russo se sont battus sans trêve, d'abord pour que l'on retrouve à tout prix leurs petites filles, ensuite pour que ce genre de drame ne se reproduise jamais plus. Au fil des semaines et des mois, ils ont acquis la sympathie et le soutien d'abord des médias, de tous les médias, puis de la population. La Marche blanche, organisée en octobre dernier à Bruxelles, est là pour prouver la réalité de ce soutien. Le courage, la résolution, la dignité de tous ces parents d'enfants disparus ont provoqué bien des remises en question et la Marche blanche a fait la démonstration que tous les médias, sans distinction aucune, pouvaient se mettre au service d'une juste cause pour la faire triompher.

La sortie de Gino Russo, au cours de la soirée que la RTBF a consacrée à l'affaire Dutroux, n'en était que moins compréhensible pour les téléspectateurs. Le papa de Mélissa s'en prenant aux journalistes de « Au nom de la Loi » qui avaient «osé» interviewer Philippe Brewaeys, plutôt que Michel Bouffioulx de

Télé-moustique, cela paraissait un coup de dard incongru.

Les choses étaient plus claires dans les coulisses de l'émission spéciale de la RTBF. Deux heures avant le démarrage du direct, les parents refusaient encore d'y participer. Outre l'interview de notre journaliste, ils désiraient que Au nom de la Loi abandonne la rédaction d'un livre consacré au dossier Dutroux, à paraître aux éditions Luc Pire. Et ils remettaient en avant Michel Bouffioulx, qui prépare avec eux un autre livre sur l'affaire Julie et Mélissa, à paraître... aux éditions Luc Pire. Finalement, les choses se sont arrangées, l'émission a bien eu lieu et les parents Russo ont admis, par après, que leur «sortie» était quelque peu déplacée.

Et peut-être auront-ils compris que le danger vient, peut-être, plus de leur entourage immédiat que de journalistes qui font simplement leur travail d'information et d'investigation. Sans se prendre pour autant pour les gourous médiatiques de parents qui méritent mieux que la sollicitude insistante de conseilleurs.

S.I.

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Melchior Wathelet : « On n’efface pas l’irréparable »

« Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996 pages 36 à 39

Melchior Wathelet a expliqué sur quelles bases il avait accordé la libération conditionnelle à Marc Dutroux le 6 avril 1992. Les conditions légales étaient réunies et les rapports d'experts positifs, même s'ils étaient paradoxalement alarmistes.

La Commission d'enquête parlementaire a entendu son cri: «Je n'ai pas signé les yeux fermés». Pourtant, en 85, Dutroux avait été condamné pour l'enlèvement, la séquestration, et le viol de cinq jeunes filles de 12 à 19 ans.

- Méthodique, efficace, formaliste, se retranchant habilement derrière les avis des spécialistes, il a répondu à la vague de critiques d'août dernier. Violemment mis en cause par les parents Russo, qui placardèrent sur leur porte l'accusation terrible demandant «s'il avait la conscience tranquille», désigné comme le responsable d'une erreur magistrale, il a tenu à expliquer, point par point,comment il fut amené à prendre pareille décision.

- Mais auparavant, il a laissé parler son émotion, celle d'un homme remué par l'affaire, Je suis pleinement conscient de l'enjeu essentiellement humain, a commencé Melchior Wathelet. Il y a eu mort d'enfants et souffrances des parents et des proches. Même si les mots ne pèsent pas lourd, je tiens à leur exprimer ma sympathie et tout mon respect que je veux sincères. On ne peut pas être le même homme avant et après. On n'efface pas l'irréparable. Et je lance un appel au pays pour que semblable affaire ne se reproduise plus.

Libéré au milieu de la peine.

- Précédé par Stefaan De Clerck qui avait souhaité «arriver à une justice plus performante à tous les échelons» sans nier une bonne part de son immobilité, Melchior Wathelet a décortiqué le dossier avec la minutie d'un homme sur la sellette. Il a d'abord rappelé que Marc Dutroux avait été libéré non pas au tiers, mais à la moitié de sa peine, comme on l'exige pour les délinquants sexuels. Il s'est appuyé sur 4 avis positifs

contre deux négatifs.

A l'époque - car il faut se reporter à l'état d'esprit pour juger- la prison de Mons disposait de la première U.O.T., Unité d'Orientation et de Traitement. Son avis a pesé lourd dans ma décision: il était positif à condition d'être accompagné d'une guidance sociale adaptée et d'un suivi psycho-médical. Le suivi a été respecté. On a rédigé 13 rapports sociaux. Les entretiens ont eu lieu tous les 3 à 6 mois, avec une interruption d'octobre 93 à mars 94 où l'on a redistribué les dossiers entre agents, ce qui a entraîné le changement d'assistantes sociales. Dutroux respectait ses engagements. Une fois, il a raté un rendez-vous, il a repris contact lui-même. Et puis, à l'époque, les préoccupations n'étaient pas les mêmes: la drogue, la petite délinquance, les petites peines étaient prioritaires. La lutte contre la délinquance sexuelle n'en était qu'à ses débuts.

- Le système de contrôle a-t-il bien fonctionné ou bien est-il insuffisant ? S’est demandé la salle où, dans la tribune publique, les parents Russo, et le père Lejeune, assistaient aux débats.

Car, en face, Marc Verwilghen et ses collègues s'étonnaient du contenu de rapports gravissimes. M. Leblond, directeur de la prison de Mons, où Dutroux est incarcéré, rédige un avis accablant. Sous sa plume, le détenu est qualifié de «psychopathe, versatile, pervers, égocentrique, présentant une faible tolérance à la frustration». Le procureur général Demanet insiste sur la gravité des faits et conclut que libérer Dutroux, «ce serait discréditer l'oeuvre de la Justice». Claude Eerdekens a mentionné la lettre de la propre mère de Dutroux - une sérieuse mise en garde ainsi résumée «On craint ce qu'il a en tête pour le futur» - avant de récapituler le profil de personnalité: «rusé, intelligent, impulsif, nie tous les faits graves, refuse la remise en question et la critique».

Un rapport remis le 30 mars 1992, 6 jours avant que Melchior Wathelet signe sa libération ! Tous ces signes clairs de dangerosité ont-ils été sous-estimés? L'ancien ministre a son point de vue.

UN PERVERS QUI CACHE BIEN SON JEU

J'ai pris en compte les sorties et congés pénitentiaires. l'U.O.T. m'a présenté comme un progrès le fait que Dutroux accepte une guidance psycho-médicale par «un thérapeute d'expérience».

Celui-ci connaît l'intéressé, ses faiblesses, ses dangers. Aucun incident ne revient à l'oreille de l'administration pénitentiaire. Et puis, ajoute celui qui est aujourd'hui juge à la Cour de Justice de Luxembourg, sur le suivi psychiatrique, nous n'étions pas tenu au courant de par le secret médical.

C'est l’ U.O.T.qui a préparé la réinsertion de Dutroux, c'est l'administration pénitentiaire et le directeur de la prison qui font la proposition de libérer avant terme, pas moi. Et la décision était concertée.

- A l'écoute des propos de Melchior Wathelet, on avait pourtant bien l'illustration de la faillite de tout un système, d'évaluation précise de Dutroux, puis de surveillance, comme si chacun, à son niveau, s'était laissé berner par un être manipulateur, à quelques fortes exceptions près mais qui n'ont pas obtenu gain de cause.

Malgré tout cela, le pire n'a pas été évité. l'U.O.T. a pris avis auprès du C.R.A.S.C., le Centre de recherche et d'action sexo-criminelle.

Aucun message de danger, aucun indice inquiétant n'est remonté dans le dossier, a répété Melchior Wathelet. Et puis, c'est vrai, il y a un problème d'accompagnement social. En 90, on ne comptait que 104 assistantes sociales, contre 230 en 96. Même ainsi, ce n'est pas assez. La surcharge de travail est sérieuse. Il n'y a pas de dossier simple, tranché. Enfin, je tiens à dire que, si on avait refusé la libération conditionnelle, tous ceux qui l'avaient préparée avec Dutroux, dans cette perspective, nous auraient reproché de leur compliquer la tâche. «Il faudra lui expliquer et recommencer toute une série d'efforts», nous aurait-il été dit.

- Melchior Wathelet a-t-il convaincu un auditoire où Stefaan de Clerck fut envoyé en premier lieu pour servir de paratonnerre? Il a en tout cas essuyé moins d'agressivité que prévu, comme en écho d'un ton ferme mais mesuré. Le caractère odieux des antécédents de Dutroux aurait pourtant dû le guider quand il prit sa décision.

Surmontant les reproches, il a indiqué une piste pour l'avenir, un argument bien mince qui ne dédouane pas un système plus fautif que le ministre lui-même.

Pour demain, dès qu'il y aura doute, peut-être ne faudrait-il plus se contenter d'une suite d'avis successifs, mais d'un véritable débat entre ceux qui les émettent. Cette attitude faciliterait une décision commune mieux soupesée. Ainsi, à l'avenir, et même aujourd'hui, un Dutroux ne ferait plus l'objet d'une mesure positive.

Bernard Meeus.

L’épreuve « UNE » (« Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996)


L’épreuve

« UNE » « Le Soir Illustré » du mercredi 4 décembre 1996

Pour Gino Russo, papa de Mélissa, comme pour les autres parents des victimes de Dutroux c'est le moment des révélations les plus pénibles sur les manquements choquants des enquêtes.

En commission, ils vivent une épreuve. Une de plus...

Belgique,plaque tournante de la pédophilie ? (« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 3)


Procureur tenu à l’écart

AUDITION DES MAGISTRATS CAROLORÉGIENS

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 3

BRUXELLES - Louisa Lejeune, Marie-Noëlle Bouzet, Carine et Gino Russo avaient pris place à l'étage de la salle de la Commission, pour suivre, des heures durant, les premiers véritables travaux d'enquête sur l'enquête Julie et Mélissa. La copie du dossier judiciaire, venue de liège, a été déposée sur la table devant le président Verwilghen. Une dizaine de cartons, de grosses fardes marquées du nom des enfants. Soixante kilos de pages d'une enquête tragiquement inaboutie.

L'examen a commencé par l'audition des magistrats de Charleroi concernés par des faits reprochés à Dutroux, antérieurs à la disparition des deux fillettes.

En 1993, la gendarmerie savait déjà que Dutroux projettait d'enlever des enfants et faisait tout pour se renseigner. Encachette.

Au parquet de Charleroi, peu de gens étaient au courant...

La Commission a d'abord entendu Thomas Defourny, procureur du Roi entre 1981 et 1994. Le magistrat, aujourd'hui juge au tribunal du travail, a été mis sous le feu des questions des députés pendant plus de deux heures. M. Defourny, patron du parquet à l'époque, a expliqué qu'il n'avait jamais été mis au courant de l'opération Décime de la gendarmerie, une opération de surveillance de Dutroux.

« Je n'ai plus entendu le nom de Dutroux après sa condamnation en 89. Après cette date, ce fut le silence radio complet. Quand j'ai appris durant les dernières vacances qu'il avait été arrêté, j'ai dit m..., c'est ce saligauds-là... »

Au parquet, l'habitude voulait que le procureur soit consulté par ses substituts pour les affaires graves.

Le dossier Dutroux, lui, n'a pas été porté à sa connaissance... Il est évident que ce n'est pas normal. Il est évident que j'aurais du être prévenu. Je ne sais pas pourquoi ça n'a pas été fait. Je retiens surtout de tous ces épisodes qu'une meilleure concertation entre tous les acteurs des enquêtes judiciaires serait préférable pour tout le monde et pour la justice en particulier ».

A la question de savoir si M. Defourny a pris une part de responsabilité dans le renvoi de Dutroux devant le tribunal correctionnel et non devant les assises en 1986, le témoin dira: «Je sais que tout le débat est de savoir si les assises n'auraient pas été plus appropriées pour juger Dutroux. Il est très probable que devant un jury populaire, Dutroux aurait écopé d'une peine plus forte. Mais, à cette époque, la cour d'assises du Hainaut était surchargée. »,

Révocation

La commission a entendu brièvement le substitut Jacqueline Janssens. La magistrate a mis le dossier vols à l'instruction, sur base de deux PV dressés par les gendarmes. Pas une seconde, ces enquêteurs n'ont parlé des projets d'enlèvement,

Comme Mme Janssens, sa collègue Favaro a dit avoir ignoré tout de l'enquête menée par la gendarmerie sur les projets d'enlèvements de Dutroux. Elle était pourtant la responsable au parquet du dossier des vols reprochés à Dutroux. C'est elle aussi qui a demandé le renvoi de Dutroux en correctionnelle pour 7 vols mis à sa charge. Lors des perquisitions menées dans ce dossier, les gendarmes cherchaient des objets recelés mais aussi les caches. Pas un mot là-dessus dans les PV reçus par Mme Favaro. « Le procureur du Roi ou d'autres premiers substituts étaient sûrement au courant », dit elle, sans en être vraiment certaine.

A plusieurs reprises, les députés ont également demandé aux magistrats carolos pourquoi la libération conditionnelle de Dutroux n'avait pas été cassée pour les faits de vols. La réponse est immuable le ministère ne révoquait qu'après une nouvelle condamnation ou des aveux. Et comme Dutroux niait toujours...

Benoît Franchimont

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Le juge Lorent admet la manipulation des gendarmes

SCELLÉS DURANT SIX JOURS SUR LA MAISON DE MARCINELLE.

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 3

BRUXELLES - Intervenu dans le dossier Dutroux en 1993 et 1995, dans le cadre de l'enquête sur les vols puis sur la séquestration de jeunes gens qui avaient voulu doubler le pédophile de Sars dans un trafic de camion, le juge d'instruction André Lorent a affirmé tout au long de son audition avoir été tenu dans l'ignorance par les gendarmes de leur but réel.

Le juge dorent intervient dans l'enquête Dutroux dès novembre 93. Deux gendarmes de Charleroi ont des informations sur le pédophile. Cela concerne des vols mais, surtout, des projets d'enlèvements d'enfants. Le parquet, qui n'est averti que des premiers soupçons, ouvre une enquête pour ces vols.

Le gendarme Pettens m'a dit que, dans le cadre de ces recherches, il voulait profiter de l'occasion pour vérifier la rumeur qui disait que Dutroux aménageait des caches. J'ai accepté. Pour moi, il s'agissait de caches pour entreposer des objets volés. Personne ne m'a parlé de caches pour séquestrer des enfants ! », dit le juge.

Un second enquêteur, M. Bouvy, dit l'avoir averti. Ces perquisitions ont été négatives, de même que les secondes, quelques mois plus tard.

Des caves à Marchienne étaient bien en chantier, mais rien n'a semblé anormal, au juge en tout cas.

Décime et Othello

En décembre 93, les gendarmes lancent la première opération de surveillance de Dutroux. Nom de code : Décime. « Personne ne m'a dit que cette opération visait à découvrir des caches d'enfants », répète encore André Lorent. Décime ne donne pas de résultats.

Durant l'été 95, seconde opération de surveillance: Othello. A son insu, le juge Lovent revient en scène,

« Sans le savoir, j'ai court-circuité l'opération Othello, dont j'ignorais tout», dit-il. Début décembre 95, le juge intervient en effet dans l'affaire des jeunes séquestres pour avoir vole un camion à Dutroux.

Un règlement de comptes, explique Lorent. Dutroux est arrêté dans ce dossier et le juge décide de lancer des perquisitions, toujours dans l'optique des vols. C'est là que les gendarmes se montrent, raconte le magistrat. Ils lui parlent enfin des recherches sur les caches d'enfants, mais ne disent pas, toujours selon M. Lorent, que

Dutroux est le principal suspect dans l'enlèvement de Julie et Mélissa.

Les 13 et 19 décembre, les gendarmes opèrent les perquisitions sur mandat du juge carolo. Parmi les enquêteurs, un membre de la brigade de Grâce-Hollogne !

Cela ne m'a pas semblé anormal. Des gendarmes de la région de Liège venaient en renfort. On m'a parlé du méga district », dit le juge Lorent, qui ajoute qu'il ne regarde pas beaucoup la télé et ne lit pas beaucoup les journaux. A ce moment, il doit sans doute être le seul magistrat à ignorer la disparition de deux petites filles de Grâce-Hollogne.

A Marcinelle, où sont enfermées Julie et Mélissa, la perquisition du 13 ne donne rien. « La maison était un vrai capharnaüm ». Le juge décide de revenir le 19. Et met les scellés durant six jours... Le 19, les gendarmes, plus nombreux, ne trouveront toujours rien.

« Si j'avais su que les gendarmes voulaient se brancher sur le dossier Julie et Mélissa, j'aurais interdit les perquisitions et téléphoné à la juge d'instruction en charge du dossier à Liège, Mme Doutrewe. Je n'ai jamais pensé que des enfants pouvaient être enfermes. Si je l'avais su, c'est au bulldozer que j'aurais fait sauter la maison... Les gendarmes devaient s'adresser à Mme Doutrewe », dit encore le juge Lorent. Celui-ci aurait donc été utilisé, manipulé par les gendarmes, qui travaillaient seuls, en secret, et avaient besoin d'un pantin pour signer des mandats...

B. F.

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La colère de Paul Marchal

ENQUÊTE FINANCIÈRE URGENTE SUR L'ASBL AN ET EEFJE !

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 3

HASSELT - Paul et Betty Marchal sont furieux. Mercredi passé, Paul Marchal a dû répondre à une convocation de la PJ d'Hasselt. II y a deux mois, les parents d'An, à l'instar de ceux de Julie et Melissa, ont

créé une asbl An et Eefje. Son but est de venir en aide aux parents qui seraient plongés dans le même désarroi et la même détresse que la leur après les disparitions d'An et Eefje en août 95.

Un but généreux.

«A la PJ, précise Paul Marchal, le commissaire qui devait m'interroger m'a expliqué qu'il agissait sur injonction du parquet. En fait, le parquet souhaite vérifier la comptabilité de l'asbl. En soi, ça ne m'émeut pas. L'asbl n'a rien à cacher aux autorités judiciaires. Ce qui me scandalise, c'est quand je pense que pendant des mois et des mois, la justice n'a rien fait pour retrouver An et Eefje mais qu'en revanche, elle est tout de suite là quand il s'agit d'éplucher les comptes d'une asbl créée il y a deux mois a peine... » Comment ne pas partager la réaction outrée de parents qui ont perdu des enfants dans les circonstances atroces que l'on sait.

Mais la colère de Paul Marchal ne s'arrête pas là. Souvenez-vous...

L'affaire Rostelli

Fin août, quelques jours avant que ne soient retrouvés les restes d'An et Eefje rue Daubresse à Jumet, à un moment où les espoirs étaient encore permis, le ministre de la Justice, Stefaan De Clerck, a rendu visite à Hasselt aux parents des deux Limbourgeoises.

Devant des dizaines de journalistes belges et 'étrangers. Le show ! Le ministre de la Justice avait indiqué aux parents qu'on ne parlerait pas de l'enquête proprement dite.

Mais des à-côtés. De quoi serait-il alors question ? La famille Marchal a abordé un sujet qui lui tenait à coeur, celui des spectacles d'hypnose donnés par maître Rasti Rostelli. Nous ne reviendrons plus sur l'affaire.

Nous l'avions nous-mêmes révélée, en juillet dernier. Encore aujourd'hui, Paul et Betty Marchal mènent un combat pour interdire ces spectacles qui violent la loi.

Si An et Eefje s'étaient trouvées dans leur état normal après le spectacle de Me Rostelli au casino de Blankenberge, les deux filles n'auraient pas fait du stop, elles auraient pris le tram et seraient toujours en vie.

Fin août, le ministre De Clerck avait promis aux parents d'intervenir. Hier, Paul Marchal apprenait que samedi passé, l'hypnotiseur avait donné un nouveau spectacle à Zwalm. Comme si la mort d'An n'avait servi à rien. Comme si les belles promesses du ministre n'avaient aucune valeur. «Je déteste les politiciens, confiait hier

Paul Marchal, sans illusion, ils ne font rien. Rien ! Leurs promesses, elles n'ont aucune valeur. Dehaene ? De Clerck ? Pour moi, ils se valent tous...

Gilbert Dupont

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Maître VISEUR ,L'avocat des victimes de Dutroux

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 3

CHARLEROI - Dans les années 80, Marc Dutroux avait frappé à de multiples reprises des jeunes filles, des fillettes parfois, bafouées et violées.

L'une d'elles avait moins de douze ans au moment des faits. Marc Dutroux a été condamné à lui verser des indemnités pour le dommage subi.

Dutroux a été libéré en 1992. L'avocat de cette gamine, Me Jean-Jacques Viseur, n'en savait rien. « Ni moi, ce

qui n'est pas très grave, ni ma cliente, n'avons été prévenu mais de toute façon rien n'est prévu, ou du moins rien n'était prévu en Belgique dans les faits. L'affaire Dutroux a changé la donne. Désormais, une fiche victime suit le dossier du détenu.

Lorsque ce dernier est remis en liberté, des conditions plus précises peuvent donc maintenant être fixées: que le détenu n'aille pas s'installer à proximité du domicile de la victime par exemple, mais c'est tout à fait nouveau. Cela pourra peut-être permettre d'éviter qu'une victime se retrouve nez à nez, sans y être préparée, avec son agresseur: vous imaginez aisément le choc que cela peut causer chez cette personne.

Il faut évoquer ce genre de situation.

II y a un autre intérêt à mettre les victimes au courant: c'est qu'elle peut alors agir sur les biens ou revenus de l'ex-détenu s'il n'a pas indemnisé sa victime. J'ai appris par la presse, comme tout le monde, que Marc Dutroux possédait toute une série de biens, j'ai donc alors demandé des saisies conservatoires de ces biens car ma cliente n'avait toujours pas été indemnisée par Dutroux alors que le tribunal avait donné droit à la constitution de partie civile et accordé un montant assez important».

Réforme

Comme l'agression remontait à une période avant 1985, elle n'avait même pas pu bénéficier du Fonds d'indemnisation des victimes d'actes de violence qui fonctionne cahin caha pour le moment mais que l'on est occupé à réformer afin qu'il soit plus performant. « Le problème en Belgique est que le code d'instruction criminelle est conçu pour l'action publique et non pour les victimes qui n'ont que très peu de prises sur le dossier. Cela part d'un bon sentiment: après tout, il y a la présomption d'innocence mais il faut aussi humaniser la justice et accorder à la victime un accès à une certaine information ». Vaste débat.

F.M.

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Le Cambodgien grand habitué des voyages

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 3

ROME / BRUXELLES - Ainsi que nous I'annoncions hier, la Belgique a déjà été contactée après l'arrestation samedi midi à l'aéroport international de Fiumicino (Rome) d'un Cambodgien de 51 ans, Cao Leng Hout, qui tentait d'introduire dans ce pays quatre enfants, deux garçons et deux filles, sans doute pour les livrer à des réseaux pédophiles. La demande est parvenue via Interpol à Bruxelles au magistrat national André Vandoren, qui joue depuis quatre mois un rôle discret mais efficace dans les enquêtes en cours à Neufchâteau sur d'éventuels réseaux pédophiles liés ou non à Marc Dutroux.

La rapidité de la justice italienne montre l'intérêt qu'elle accorde à l'affaire. Nos confrères de la Republica nous annonçaient qu'une femme de 23 ans avait débarqué en matinée à Fiumicino d'un vol provenant du Nigeria et avait présenté aux douaniers un passeport belge provenant de la même série que celui du Cambodgien.

Il s'agit,dans les deux cas, de passeports volés à la fin de l'année passée en Belgique à l'administration communale de Poppel.

Les quatre enfants asiatiques qui accompagnaient Cao Leng Hout étaient en possession eux aussi de passeports belges grossièrement falsifiés. Le Cambodgien possédait un second passeport que les enquêteurs italiens ont trouvé, lors de la fouille, dans son caleçon.

Selon les Italiens, le Cambodgien aurait fait au cours des trois derniers mois plusieurs dizaines de voyages entre l'Extrême-Orient et l'Europe. S'est-il rendu en Belgique ? Des vérifications sont en cours. Mais on sait, par exemple, qu'il a visite Paris. Des photos ont été trouvées, prises devant la tour Eiffel.

200 téléphones codés

Les enquêteurs avaient encore un certain doute pendant le week-end. Ils ne l'ont plus à présent : les enfants devaient être livrés à des réseaux pédophiles. Pourquoi sinon ? Trafic d'organes ? Les cas signalés en Europe sont trop peu nombreux. Les faire travailler clandestinement ?

Les deux garçons, âgés de 6 et 8 ans, sont trop petits. Filière illégale d'adoption? Les deux filles, âgées de 10 et 12 ans,sont trop âgées. Reste la pédophilie. Dans quel pays ? Le Corriere delta Serra, dans ses éditions d'hier, cite trois villes : Hambourg, Amsterdam et Bruxelles.

Selon la police italienne, « ce n'est pas un hasard si les passeports ont été volés en Belgique ». Nous parlions, hier, du fait que les policiers auraient trouvé des « dizaines et des dizaines » de photos d'enfants dans les bagages du Cambodgien. Les chiffres doivent être revus à la baisse. En réalité, les Italiens n'en auraient trouvé qu'une vingtaine.

En revanche, trois agendas ont été saisis, dans lesquels figurent au total quelque 200 numéros de téléphone, la plupart codés, dont un certain nombre en Italie et en Belgique. C'est ce qui risque de déclencher des enquêtes en Belgique, pour autant que la police parvienne à les décrypter, la plupart des numéros étant en effet privés de préfixe et truffés d'idéogrammes qu'il va s'agir d'interpréter.

Tout serait bien sûr plus facile si Cao Leng Hout se mettait à table. Mais comme on le dit à Rome, le Cambodgien est « un tipo tosto ». Un dur, qui se tait, qui a même oublié comment il s'appelait.

Quant aux enfants, ils sont pris en charge par l'hôpital Grassi, à Ostia. Sous le choc. Les médecins n'ont pas encore osé les examiner, pour ne pas les brusquer. Leur sort est incertain. Rapatriement au Cambodge ?

En septembre, des enfants étaient arrivés dans des conditions à peu près similaires en Italie. Ils se trouvent toujours dans ce pays, attendant que des familles les adoptent.

Gilbert Dupont

La commission des mensonges (« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 2)


La commission des mensonges

DECROLY ACCUSE PAR SES PAIRS DE NUIRE A L'ENQUÊTE

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 2

BRUXELLES - La commission d'enquête parlementaire va transmettre au procureur général de la cour d'appel de Bruxelles des procès-verbaux d'auditions de différentes personnes qu'elle a entendues ces derniers jours. Elle constate en effet des différences flagrantes dans des témoignages recueillis lors des travaux consacrés à l'affaire Benaïssa. A charge de la justice d'ouvrir un dossier. Des enquêteurs, de la P1 et de la gendarmerie, des magistrats, se contrediraient sur certains points.

Dimanche, le député Écolo Vincent Decroly avait déclaré que des témoins avaient menti sous serment devant la Commission.

« Nous avons procédé à des confrontations et les faux témoignages qui nous ont été apportés font aujourd'hui l'objet d'enquêtes en justice et pourront faire l'objet de sanctions pénales », avait dit le parlementaire sur l'antenne de RTL-TVi.

Avertissement

Lundi matin, le président Verwilghen et d'autres députés ont sévèrement critiqué les déclarations de Vincent Decroly, estimant qu'elles risquaient de mettre en péril le travail de la Commission. On sait effectivement que les témoins ont 15 jours pour signer la transcription de leurs déclarations, le P.-V. de leur audition, qui fait foi. La volonté de la Commission de demander une enquête, suspectant de faux témoignages, ébruitée, certains commissaires s'attendent à ce que les déclarations ne soient pas signées ou que des témoins se rétractent. Des précédents existent également en la matière, où les poursuites ont été cassées. Toute personne a le droit de ne pas s'avouer coupable. Les déclarations contradictoires ont été faites à huis clos, apparemment lors de la confrontation entre un gendarme et un membre de la PJ. les enquêteurs de la police judiciaire bruxelloise et des membres du parquet ont donné également des détails parfois différents, notamment sur des réunions au parquet. Peut-on parler de faux témoignages?

Des P.-V seront en tout cas transmis à la cour d'appel pour enquête. Un faux témoignage peut coûter de 2 mois à 3 ans de prison.

Ceci sonne comme un avertissement de la commission, qui n'apprécie pas que les témoins se concertent.

Les magistrats bruxellois se sont réunis avant de passer devant la Commission. Idem pour les enquêteurs de la PJ. Idem pour les gendarmes qui défilent ce matin et qui ont été briefés par leur état-major (lire ci-contre).

Des députés se posent beaucoup de question sur la sincérité des témoignages des gendarmes.

Une publication de la maréchaussée ne rappelait-elle pas dernièrement que les témoins en commission avaient parfaitement le droit de ne pas s'accuser ?

B.F.

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Questions sans réponse

LES GENDARMES DRILLES

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 2

BRUXELLES - A raison d'un nouveau scandale par jour, l'état-major de la gendarmerie continue d'essuyer toutes sortes d'accusations qui sont graves mais dont il n'est pas du tout certain qu'elles soient, à chaque fois, justifiées. Tant d'accusations se sont déjà dégonflées.

Nos confrères de La Libre Belgique ont affirmé, hier, que les règles du jeu n'étaient plus respectées à la Commission Dutroux. Les gendarmes appelés à comparaître auraient reçu une liste assez complète des questions susceptibles de leur être posées et surtout des réponses auxquelles ils étaient instamment invités de se tenir. Les gendarmes étaient notamment priés de donner une version de l'affaire Othello concoctée par la gendarmerie. Enfin, on leur aurait fait clairement comprendre que, comme les auditions auraient lieu en direct, elles seraient enregistrées, ce qui permettrait à la hiérarchie de contrôler leurs déclarations.

Plus encore qu'un lavage de cerveau, l'état-major aurait en quelque sorte invité les gendarmes à mentir devant la Commission Dutroux. C'est gravissime. C'est même scandaleux. Mais est-ce exact?

II se fait que, la semaine passée, en prévision de leur prochaine comparution, le président de la Commission Dutroux, Marc Verwilghen, a convoqué les gendarmes cités dans l'affaire Dutroux. Le président Verwilghen aurait tenu à les rassurer, indiquant que les questions qui leur seraient posées ne seraient pas destinées à les piéger, mais à détecter les dysfonctionnements de l'enquête pour améliorer le système actuel. Les gendarmes

ont quitté cette réunion peu convaincus. Les auditions précédentes leur avaient plutôt donné l'impression de ressembler parfois à un véritable jeu de massacre.

Dans ce contexte, l'état-major a chargé son service de presse - appelé PRC - de parcourir la presse pour y recenser tous les points sur lesquels la gendarmerie était critiquée. C'est cette liste de critiques qui a été remise, vendredi, aux gendarmes en question, lors d'une réunion organisée à Bruxelles, et lors de laquelle il aurait été insisté sur le fait que chacun devait bien sûr répondre en âme et conscience et dire toute la vérité.

Il paraît donc faux d'affirmer, à ce stade, que les gendarmes auraient reçu les réponses et subi des pressions

pour ne pas s'en écarter.

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Ces 59 questions, nous les avons sous les yeux. Elles ont été préparées par Els Cleemput, ex-journaliste au Belang van Limburg, qui supervise depuis peu le service de presse de la gendarmerie. Chacun pensera ce qu'il voudra. Mais d'aucuns pourront estimer qu'il n'est pas choquant de se préparer à une audition, à la condition (et elle est fondamentale) que l'état-major se soit contenté de recenser des questions.

En voici quelques-unes (lire ci dessous).

Est-il vrai que certains journalistes ont été placés sur malicieux ?

Est-ce une pratique courante ?

Avez-vous connaissance de faits de pédophilie ou de rumeurs concernant des officiers supérieurs de la gendarmerie qui seraient protégés?

Quels ont été les premiers devoirs d'enquête et les recherches menées dès le signalement par les parents des disparitions de Julie et Mélissa ?

Mme Doutrewe, juge d'instruction, prétend n'avoir été informée que partiellement et oralement des informations récoltées sur Dutroux ?

Est-il vrai qu'un problème de paiement d'heures supplémentaires aurait nui à la bonne observation de Dutroux (la question est tirée de la lecture d'un article de la DH ) ?

Qu'est-ce qu'une enquête parallèle ? Othello était-elle une enquête parallèle?

Gilbert Dupont

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Les questions sensibles,

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 2

- Avez-vous eu connaissance de l'éventuelle destruction par le BCR d'informations relatives à Dutroux ?

- D'après vous, la gendarmerie est-elle capable de mettre en péril une enquête pour protéger ses intérêts corporatistes et son image de marque ?

- Quelle a été l'action de la cellule Disparitions depuis sa création en général et dans les enlèvements de Julie et Mélissa et d'An et Eefje en particulier?

- Les intentions de Dutroux sont connues à la gendarmerie de Charleroi dès octobre 1993 grâce à un informateur. Comment se fait-il que, dès la disparition des petites, on n'ait pas retourné ses maisons de fond en comble? Comment se fait-il que, vu ses revenus, aucune enquête patrimoniale n'ait été effectuée ?

- Plusieurs perquisitions ont été opérées le 8 novembre 1993 chez Dutroux pour vérifier si des caches étaient en cours d'aménagement? Des travaux ont été constatés. Pourquoi de tels indices n'ont-ils pas été pris au sérieux ?

- Le 13 décembre 1995, de nouvelles perquisitions ont lieu chez Dutroux.

Deux enquêteurs ont entendu des voix d'enfants. Pourquoi, alors que l'on recherche des fillettes, ne pas avoir poussé davantage les Investigations?

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Trois gendarmes carolos sur la sellette

DES COMPTES À RENDRE SUR UNE ENQUÊTE PARALLÈLE

« La Dernière Heure » mardi 3 décembre 1996 page 2

CHARLEROI - La commission d'enquête parlementaire doit aujourd'hui interroger trois gendarmes particulièrement impliqués dans les opérations baptisées Décime et Othello, de surveillance de Marc Dutroux. L'enquête sur l'enquête a déjà dévoilé que deux opérations d'envergure avaient été menées a Charleroi, de surveillance de Marc Dutroux, des perquisitions minutieuses avaient été opérées, sans succès.

Pourquoi ? Et pourquoi l'information a-t-elle si mal circulé entre les différentes cellules d'enquête ?

Les maréchaux des logis Pettens et Michaux de la BSR de Charleroi et le capitaine Legros qui était leur officiers, devront sans doute aujourd'hui répondre à un feu roulant de questions.

Dossier vols

Dès le mois de novembre 1993, le maréchal des logis Pettens apprend d'un informateur, Claude Thirault, qui sera plus tard inculpé dans l'affaire Dutroux, que ce dernier aménage des caches dans sa maison de Marchiennes au Pont pour y séquestrer des enfants en attente d'être expédiés à l'étranger, A cette époque, Marc Dutroux, dont on ne peut ignorer les antécédents judiciaires, fait l'objet d'un dossier pour vols et recels. Claude Thirault, en août 95, va répéter ses accusations à Pettens au lendemain de l'enlèvement de Julie et Métissa, histoire de lui rafraîchir la mémoire.

Entre-temps, deux autres personnes se sont manifestées auprès du gendarme, un indic (Weinstein ?) et la propre mère de Marc Dutroux.

Ce dernier affirme que l'information a été communiquée au juge d'instruction forent en charge du dossier vols à charge de Dutroux. On va perquisitionner chez Dutroux, l'interroger sur les travaux dans ses caves, le surveiller: c'est l'opération Décime qui ne débouche sur rien de concret. Les rapports, signés par le commandant Legros, ne font nulle part état des accusations des indicateurs sur les caches de Dutroux. Pourquoi ? En août 95, la gendarmerie se souvient de Dutroux après l'enlèvement de Julie et Métissa, ressort discrètement le dossier et lance l'opération Othello.

Au cours d'une réunion préalable, à la brigade de Charleroi, le 9 août 95, Pettens et Michaux, ainsi que le capitaine Bal retrouvent des membres du BCR Seraing, de la cellule de Grâce-Hollogne, Thuin et

Namur. Dutroux y est considéré comme un suspect qu'il faut surveiller mais en utilisant le dossier vols pour le coincer sur les enlèvements: une technique qui ne permettait pas d'employer des moyens à la mesure de la gravité de l'affaire.

Résultat: Othello fut un échec... mortel. De quoi devoir rendre des comptes aujourd'hui.

F.M.

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