dimanche 30 août 2009

GENEVOIS - - LA LONGUE MARCHE DE LA BELGIQUE BLANCHE ( « Le Soir Illustré » du mercredi 18 décembre 1996, page 34)


OU ÉTAIT JACQUES GENEVOIS?

« Le Soir Illustré » du mercredi 18 décembre 1996, page 34

Mais où donc se trouvait Jacques Genevois (ci-dessus) le 5 août 1992, vers 12h15? Gare du Midi ou dans un bistrot de la rue Gray, à proximité immédiate de l'endroit où a disparu Loubna Benaissa?

S'il était, comme il le dit, au Midi, il n'a évidemment pu participer à l'enlèvement de Loubna. L'ennui, c'est que son témoin, Viviane Lefèvre, a modifié ses batteries début de ce mois, suite à sa récente interpellation à Huy.

Viviane Lefèvre, après ses quatre ans de vacances, purge désormais ses peines d'emprisonnement, totalement étrangères à l'affaire Dutroux et aux enlèvements d'enfants. Elle a pourtant été entendue dans le cadre de l'enlèvement de la petite Marocaine. La raison coule de source: en août 1992, elle a raconté, mais par écrit, avoir croisé Jacques Genevois gare du Midi, à 12 h 26, lorsqu'elle est descendue du train en provenance de Liège. Autrement dit, dixit à l'époque Viviane,Genevois était loin du lieu du rapt.

Pourtant, dans le bistrot d'Ixelles, deux clients disent avoir vu Genevois quitter l'établissement au moment où passait Loubna. C’est ainsi que Genevois, pourtant indic, est suspecté et privé de liberté, huit jours après la

disparition. La lettre de Viviane Lefèvre, remise à son avocat (et avocat de Genevois) Me Daniel Van Bossuyt, et l'absence d'éléments probants, permettent à Genevois de recouvrer la liberté, le 14 août, après 24 heures d'audition. L'actuel revirement de Viviane Lefèvre nourrit les angoisses de Genevois. Planqué le week-end de la Saint-Nicolas, il s'est présenté spontanément à la police, le lundi 9 décembre dernier, en début d'après-midi. Après 24 heures d'interrogatoire, il a été déféré devant le juge d'instruction de Neufchateau, Dominique Gérard, pour complicité dans l'enlèvement de Loubna. Complicité de qui ? Il n'y a pas de réponse pour le moment. Bien entendu, la cellule de Neufchâteau tente d'établir une liaison entre Genevois et Nihoul. Ce serait évidemment plus commode pour l'ensemble du dossier. En tout cas, Nihoul dit connaître Genevois,

celui-ci dit l'inverse. Le dossier à charge de Genevois a-t-il du plomb dans l'aile? Quatre jours après l'arrestation, le président Moinet, à l'issue de l'audience de la chambre du conseil, s'est accordé quelques heures de réflexion. Puis il a ordonné la libération du prévenu. Aussitôt, le procureur Bourlet a interjeté appel. D'ici quelques jours, la chambre des mises en accusation, à Liège, prendra ses responsabilités face à une libération éventuelle.

Le nouvel avocat de Jacques Genevois, Me René Swennen du barreau de Liège (et de Paris), fustige le parquet de Neufchâteau: On sait que l'on suit trois pistes simultanément. On a pris Genevois pour fermer une porte. Je ne peux accepter que ce soit sur le dos de mon client, qui nie farouchement avoir participé d'une quelconque façon à l'enlèvement. On veut le garder en prison le temps d'autres confrontations.

L'avocat conteste que l'alibi de Genevois se soit effondré par la récente déclaration de Viviane Lefèvre:

Celle-ci, à l'époque, se rendait à Bruxelles les lundis et mercredis. Simplement, quatre ans aprés sa première déposition, elle ne sait plus avec certitude si elle a vu Genevois un lundi ou un mercredi, jour de l'enlèvement.

L'avocat se pose des questions à propos d'un autre témoin, la tenancière du bistrot de la rue Gray. Cette dame prétend qu'elle a participé à une seconde reconstitution au cours de laquelle, dit elle, Genevois aurait reconnu avoir été présent chez elle peu avant l'enlèvement.

Surprise de l'avocat: Il n'y a aucune trace de cette soi-disant reconstitution. Pas de P.V., rien. Au moment où les enquêteurs de Neufchâteau se retrouvent à Jumet, où ils ont entrepris de nouvelles fouilles, on se demande évidemment s'il y a un lien entre ces investigations et l'arrestation de Jacques Genevois. Ce lien est démenti de toutes parts puisque Michelle Martin, l'épouse de Dutroux, semble avoir fourni de nouvelles précisions sur le lieu d’éventuelles caches aménagées par celui-ci.

Deux détails encore, à propos des avocats. Si Me Swennen a pris le relais, dans la défense de Jacques Genevois, c'est que Me Van Bossuyt est inculpé de faux et usage de faux (l'utilisation de la lettre de V. Lefèvre) dans le dossier de l'enlèvement. Quant à Me Julien Pierre, on attend désespérément de le voir à Neufchâteau. Même son client, Marc Dutroux qui, pour une fois, a daigné se présenter devant la chambre du conseil.

M.P

LA LONGUE MARCHE DE LA BELGIQUE BLANCHE

« Le Soir Illustré » du mercredi 18 décembre 1996, page 35

Des comités blancs seront à l'écoute des personnes en difficultés, partout dans le pays. La charte qu'ils publient est un gage de citoyenneté responsable. Une trouée de ciel bleu dans une lugubre fin d'année.

Carine Russo,la maman de Métissa, en apportant son soutien, et celui de tous les parents, à la charte des Comités blancs, a rappelé le chemin difficile qui a conduit à cette prise de conscience de citoyens rêvant d'une société plus humaine, plus attentive aux enfants, parce qu'ils sont les plus fragiles d'entre nous.

Avec l'émotion qui ne la quitte jamais, Carine a parlé du rêve de cette Marche blanche, qui était la manière la

plus digne de soutenir la cause des enfants. « Depuis, a-t-elle ajouté, beaucoup de choses se sont passées. Elles prouvent que la marche qui résultait d'un rêve a fait bouger la réalité ». Dépassant les peurs de ceux qui assistent à la remise en cause des institutions, cette maman a insisté pour que, la peur dépassée, les uns et les autres, citoyens de bonne volonté, continuent à faire pression pour que les institutions fonctionnent mieux. Il ne s'agit pas de démolir, mais d'améliorer. Au-delà des pouvoirs traditionnels, les parents veulent faire entendre leur voix. Nous l'avions déjà écrit, ils ont donné ce qu'ils avaient de plus cher au monde pour avoir le droit de s'exprimer et de revendiquer des changements.

Avant Carine Russo, Gino avait présenté le CD offert par des artistes voulant rendre hommage à Julie et Mélissa, avec des ballades, du folk rock, du rap. A partir du 18 décembre, ce CD sera en vente dans les bureaux de poste. Et Jean Denis Lejeune a précisé que les comités blancs seraient le meilleur soutien qui puisse leur être apporté. Entre les auditions et les audiences, les plateaux télé et les interviews, les centaines de coups de fil et les voyages, les parents sont à bout, mais continuent à travailler, pour que leurs filles ne soient pas mortes pour rien. Marie Noëlle Bouzet, la maman d'Élisabeth, Nabela Benaïssa et son papa, au nom de Loubna, étaient là pour épauler l'équipe qu'ils forment depuis des mois.

Paul Marchal, à Hasseit, préparait une autre conférence de presse. Les hommes et les femmes, issus de tous les milieux, et qui sont à la base des comités blancs en train de se fédérer, ont exposé leur démarche, et lu la charte que nous publions intégralement, parce qu'elle est un signe d'espoir, pour tous ceux qui voient notre pays en noir. Un cri respectueux de la démocratie.

UNE VOLONTÉ DE SOLIDARITÉ

Muriel, une jeune femme sans emploi, a dit vouloir se mettre au service de comités de citoyens ayant besoin de gens formés. Puis Bénédicte, étudiante, a dit combien les jeunes aspiraient à un changement de société. Ils attendent une société plus humaine... Marianne, qui n'a pas précisé son métier, a parlé au nom du petit groupe avec qui elle effectue un travail dans son quartier. La fondatrice de « Pour nos Enfants » a confié avoir souffert seule, en raison d'une affaire de pédophilie ayant touché sa famille, et a dit chercher à briser l'isolement des victimes, des parents et enfants victimes. Un délégué principal, représentant des travailleurs de VW-Forest, a rappelé que l'arrêt de travail consécutif au dessaisissement du juge Connerotte était une manière de réclamer plus de respect humain, que ce soit dans le monde judiciaire ou dans une usine. S'adressant à Nabela Benaïssa, il lui dit qu'elle avait fait plus contre le racisme, par son exemple, en quelques mois, que lui en vingt ans de syndicalisme. Enfin, un jeune ingénieur civil a confié être guidé par le même esprit.

Gino Russo, reprenant la parole, a insisté sur le fait que les parents ne rejettent personne. Des personnalités politiques participaient à la Marche blanche, ou étaient dans la foule aux funérailles. Ils sont les bienvenus, en tant que citoyens. «Ce que nous voulons faire comprendre, c'est qu'il nous faut saisir la chance qui nous est donnée de changer certaines choses, pour que ce qui est arrivé à nos enfants ne se reproduise jamais plus. Nous n'avons pas de problème de conscience, nous n'avons aucune ambition, sinon d'empêcher notre monde de ressembler à celui de Mad Max, dans vingt ans». Malgré leur fatigue, tous les parents assument leurs responsabilités, pourtant écrasantes, pour des gens comme les autres. L'épreuve en a fait des citoyens, et ils rappellent aux Belges leur rôle de citoyens.

Marcel Leroy.

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LA CHARTE DES COMITÉS BLANCS

« Le Soir Illustré » du mercredi 18 décembre 1996, page 35

Les membres des Comités Blancs et du Réseau d'Attention et de Solidarité s'engagent à:

- Collaborer dans l'esprit pluraliste et non violent de la Marche blanche.

- Mettre la protection et la défense des enfants au-dessus de tout autre intérêt.

- Travailler à modifier les mentalités et les structures dans tous les domaines concernés pour que priorité soit donnée à l'enfance.

- Organiser la pression et le contrôle autour des pouvoirs et institutions existants sans se substituer à eux, afin qu'à tous les niveaux puisse s'installer un dialogue de citoyen à citoyen.

- Se former, apprendre, se documenter, faire l'inventaire des ressources, analyser, communiquer, innover.

- Aider à l'expression des besoins véritables vécus par les citoyens et les victimes, de telles façons que les pouvoirs en place et les décideurs soient amenés à faire leur travail en trouvant des solutions.

- Accueillir, écouter et orienter les victimes et les soutenir dans leur besoin d'être reconnues comme citoyens; les aider à faire entendre leur voix sans jamais parler en leur nom.

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LA CADILLAC ET LE BAVARD : SUSPICION LÉGITIME

« Le Soir Illustré » du mercredi 18 décembre 1996, page 35

- A Neufchâteau, on ne fait pas dans la justice à deux vitesses. Tout autant qu'une voiture par ses points de rouille ou ses pneus souffreteux, une belle Cadillac attire le regard du pandore. Et son crayon de justicier.

Or donc, l'autre jour, un gendarme du cru s'attarde sur une belle américaine. Elle a du chien. Curieux comme peut l'être la profession, le gendarme recherche l'identité de l'heureux propriétaire, par le biais de la plaque d'immatriculation. Un nom apparaît, aussi rutilant que la berline: Frédéric Clément de Cléty. Maître, en plus.

Pendant que cet avocat plaide la cause de Jean-Michel Nihoul devant la chambre du conseil, le gendarme, suspicion légitime, pousse plus avant pour dresser un constat, fatal: ni assurance, ni contrôle technique pour ce véhicule fraîchement acquis. Au sortir du palais, le contrevenant fut prié de rejoindre la gendarmerie pour s'entendre dire qu'il pourrait revenir au tribunal de Neufchâteau. L'autre, celui de police. Plus plaideur, mais poursuivi. Avocat cherche avocat. Pas sérieux, s'abstenir.

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DUTROUX: HAUTEMENT SUSPECT, JAMAIS DÉFAIT

« Le Soir Illustré » du mercredi 18 décembre 1996, page 34

La commission d'enquête parlementaire sur Julie et Métissa en a acquis la certitude: Marc Dutroux était bien le suspect N° I, sans que jamais le lien avec les enlèvements ne déboucha sur une arrestation. Gendarmes et magistrats ont pataugé. Ils se rejettent aujourd'hui la faute, tous unis dans leurs contradictions.

Si le faisceau d'informations désignant Marc Dutroux avait été correctement interprété, l'enquête aurait peut-être abouti et les fillettes auraient été sauvées. C'est la terrible conclusion à laquelle arrivent les membres de la Commission d'enquête après deux semaines d'audition. On connaissait les antécédents de Marc Dutroux, des indicateurs avaient fait état de caches aménagées et d'une proposition d'enlèvement de fillettes à la sortie d'une école, des filatures avaient été mises en place, Dutroux était dans la ligne de mire mais personne n' a, semble-t-il, pris les devants.

DES RATÉS CONSTERNANTS

Dès la disparition de Julie et Mélissa en juin 95, deux gendarmes de Charleroi – Didier Bouvy et Christophe Pettens - possédaient ces éléments d'information. Le passé chargé de Dutroux - sa condamnation à 13 ans de prison en 1989 pour le rapt et le viol de cinq jeunes filles - les amenèrent à perquisitionner les immeubles du suspect. Parallèlement, deux opérations discrètement menées - Décime et Othello - avaient pour but de surveiller Dutroux. Tout était réuni et pourtant ces informations vitales ne furent pas transmises à la juge d'instruction, Martine Doutrèwe, à Liège. Aucun officier de gendarmerie – à commencer par le commandant Legros - n'a établi de lien incontestable avec les disparitions! On est passé à côté du coupable faute de perspicacité et d'intelligence des faits!

Écoutés de près par les parents Russo (à qui on refusa l'accès aux différents huis clos demandés par des enquêteurs clairement sur la sellette), magistrats et gendarmes ont cherché à se dépatouiller d'un dossier peu glorieux. Comment ont-ils pu ignorer les pires évidences? Pourquoi la justice fut-elle à ce point aveugle?

Les députés ont tenu à comprendre les raisons d'une suite de ratés tous plus consternants les uns que les autres. Thierry Marchandise connaissait bien Marc Dutroux. Il avait eu à traiter de son dossier en 1986 avant de requérir au tribunal correctionnel. Il savait que les faits étaient graves, et l'individu dangereux. En octobre 95, il est nomme procureur du Roi à Charleroi.

L'affaire Julie et Mélissa bat son plein. Il est, dit-il, rapidement mis au courant de l'opération Othello. Il commence par s'informer de la nature des travaux entrepris par Dutroux, puis de la fiabilité d'informateurs «non-codés». Ces vérifications faites, il acquiert une première vision, assez étrange en regard de ce qu'on sait aujourd'hui. Nous avions, avec certitude, affaire à un pervers sexuel grave, mais bas à un pédophile. Les cinq enlèvements déjà connus portaient sur trois jeunes filles de 18, 19 ans, une de 15 ans et demi, et une dernière de 11 ans et demi.

Un informateur nous avait aussi précisé que Dutroux trouvait certaines femmes «trop jeunes et pas assez formées». Sa mère le décrit comme un obsédé sexuel. Pour lui, toutes les femmes sont des objets sexuels. En 86, c'était déjà le sentiment qu'on avait le concernant. A cette mauvaise analyse du personnage, Thierry Marchandise ajoute un manque de transparence de la gendarmerie, promettant de citer à huis clos "sept points qui auraient entraîné une autre attitude du parquet de Charleroi". "Nous n'avons pas reçu toute l'information", martèle-t’il, jetant une pierre dans le jardin d'en face.

Jamais, il ne pensera que Dutroux puisse être l'auteur des enlèvements, la recherche d' éléments objectifs et matériels paraissant insuffisante.

Chacun travaille pour son compte, dans son coin,dans le secret de ses propres convictions. Dutroux profite de ces rivalités. Au centre des soupçons, il passe à travers les mailles d'un filet mal tendu.

II nous a manque une vision globale, une autorité centralisée, un lieu où convergeraient tous les indices et tous les relevés, a concédé

Thierry Marchandise face aux députés prenant le relais pour le pousser dans ses derniers retranchements.

POURQUOI ça N'A PAS FAIT TILT?

Au lieu de ça, il faut bien parler d'absence de collaboration structurée, de contacts francs et directs, et d'efficacité médiocre. Sur son banc, Gino Russo (qui, la veille, avait vu confirmer le dessaisissement du juge

Connerotte) ne cachait pas son amertume

Pourquoi l'enquête a-t-elle échoué, lui fut-il demandé avec insistance?

Pourquoi le déclic ne s'est-il pas produit ?

Un examen attentif des faits et gestes de Dutroux aurait dû faire tilt.

Et pourtant, personne n'a pris l'exacte mesure du drame en train de se jouer.

Chronique de la délation ordinaire (« Le Soir Illustré » du mercredi 18 décembre 1996,pages 28 et 29)


Chronique de la délation ordinaire

« Le Soir Illustré » du mercredi 18 décembre 1996,pages 28 et 29

La Marche Blanche fait partie de ces trop rares moments où l'on est fier d'être Belge. En lisant l'intégralité des trois dossiers «a charge» d'EIio Di Rupo, nous avons pu hélas! Nous rendre compte qu'une poignée de nos concitoyens n'hésitent pas à exprimer leurs frustrations en se cachant derrière la lâcheté de l'anonymat. Il devait y avoir de l'ambiance au siège bruxellois de la Gestapo, entre 40 et 45, quand on ouvrait le courrier.

Depuis plusieurs semaines, les lecteurs du Soir illustré savent que le premier dossier envoyé à la Chambre sur base des dénonciations du mythomane Oliver Trusgnach porte les stigmates de la manipulation.

L'enquête menée par le conseiller à la cour de Cassation Francis Fischer, et qui comporte plus de 1300 pages de devoirs d'instruction, blanchit entièrement Elio Di Rupo. Mais les 4 et 10 décembre dernier, le procureur général de Bruxelles, André Van Oudenhove, transmettait deux nouveaux «dossiers» à charge du vice premier ministre socialiste.

Depuis cinq ans, Le Soir illustré a montré par son travail d'investigation qu'il ne pouvait être suspect d'idolâtrie socialiste. Après avoir eu accès à l'intégralité des pièces des trois dossiers, nous sommes inquiets.

Inquiets du fonctionnement de la justice qui transmet des accusations aussi légères, essentiellement anonymes, non vérifiées et qui joue ainsi avec l'honneur d' un homme et la crédibilité des institutions.

Inquiets de voir des libéraux hurler avec les loups alors qu'ils savent pertinemment bien qu'au stade actuel, il n'y a rien dans les dossiers. Mais que ne feraient-ils pas, au nord comme au sud du pays, pour retourner au gouvernement?

CONFUSES ET IMPRÉCISES

C'est d'autant plus inquiétant que la lettre du procureur général de Bruxelles datée du 4 décembre qui accompagne le «dossier 2» parle de lettres anonymes, de déclarations spontanées qui, selon les termes mêmes de M. Van Oudenhove, sont «confuses et imprécises». Elles «n'opèrent pas de distinction bien nette entre la notion d'homosexualité et celle de pédophilie. Leur examen requiert, en outre, la plus grande circonspection». Cela n'a pourtant pas empêché ce même procureur général de transmettre les pièces à

la Chambre et de faire trembler le gouvernement avec deux dossiers qui sont à la densité d'informations ce que le vide intersidéral est au plomb.

Ainsi, les 14 annexes du dossier 2 commencent par trois lettres anonymes concernant un dossier de moeurs qui aurait été étouffé à Mons. On y parle également de relations entre Elio Di Rupo et le fils mineur d'une haute personnalité du PS. Suite à l'enquête du conseiller Fischer, ces délations courageusement anonymes ont été démontées. Mais l'annexe 4 de ce deuxième dossier devient plus précise. On découvre enfin un témoignage, auprès de la police de Namur, dont l'auteur est identifié. Le témoin signale avoir participé à des partouzes avec de petits jeunes, Elio Di Rupo et Jean-Pierre Grafé.

Manifestement, les policiers namurois prennent ce témoignage avec des pincettes. Ils signalent qu'en juin de cette année, ce même témoin a fait des déclarations sur des faits de moeurs mais sans citer aucun des deux ministres. Et ses nouvelles déclarations ont lieu une bonne semaine après que le dossier Trusgnach ait été rendu public.

De plus, ce témoin a été à plusieurs reprises soigné dans un établissement spécialisé pour dépression nerveuse. Le «témoin» s'estimant mal traité par la police de Namur, il se présente ensuite à la BSR de Bruxelles où il fait de nouvelles dépositions en contra diction avec celles faites à Namur...

L'ARCHETYPE DE LA RUMEUR

Vient ensuite le fameux accident qu'Elio Di Rupo aurait eu à Sars-la-Buissière en sortant du domicile de Marc Dutroux. Il s'agit ici d'un excellent exemple de propagation d'une rumeur, à mettre entre les mains des étudiants d'un institut de sociologie du pays. Six personnes (dont cinq anonymes) y font référence dans le dossier. Mais il n'y a accord sur rien entre les différentes versions. Pire, un témoin anonyme le tient de son coiffeur qui le tient de son cousin. Enquête faite auprès du coiffeur, il apparaît que celui-ci n'a pas de cousin et que se sont ses propres clients qui en parlaient entre eux dans son salon de coiffure. Une autre source de la gendarmerie, réinterrogée pour apporter plus de précisions recoupables par les enquêteurs, revient soudain en arrière pour préciser cette fois qu'il ne s'agit plus d'Elio Di Rupo mais de son frère.

Ce n'est plus à Sars-la-Buissière mais ailleurs dans la région de Charleroi...

Pour sa défense, le ministre a présenté un élément devant la Commission spéciale de la Chambre chargée d'examiner ces «dossiers». En 1992, en effet, son chauffeur a eu un accident spectaculaire dans la région, à Chapelle lez-Herlaimont, sa voiture ayant pris feu la nuit. Mais pas de trace du ministre à bord du véhicule.

Le travail s'étant poursuivi fort tard au cabinet ce 26 novembre 1992, le chauffeur d'Elio Di Rupo avait été chargé de reconduire à leur domicile deux secrétaires du cabinet, parmi lesquelles Clara Di Rupo, membre de la famille du ministre. Est-ce ce vieil accident qui a servi de base à la propagation d' une rumeur complètement

folle, un des témoins anonymes précisant que cet accident avait eu lieu le soir même des perquisitions chez Dutroux, à deux rues de son domicile ?

L'ANONYMAT RÈGNE EN MAÎTRE

Les annexes 6 à 8 ne sont guère plus reluisantes puisqu'elles sont constituées de coups de téléphone anonymes au numéro de téléphone 0.800 mis en oeuvre à Neufchâteau et de deux lettres anonymes envoyées au procureur du Roi Michel Bourlet. On s'étonnera ici de retrouver dans ce dossier du procureur général de Bruxelles des éléments de nature invérifiable, que le parquet de Neufchâteau refuse d'utiliser,

pour sa part, dans ses propres dossiers.

L'élément le plus scandaleux est sans aucun doute l'annexe numéro 9 du deuxième dossier.

Dans un rapport de cinq pages, la police de Bruxelles décrit le milieu de la prostitution homosexuelle qui prospère aux alentours de la place Fontanas à Bruxelles. Certains parlementaires glissaient aux oreilles des journalistes qu'il s'agissait d'un élément important concernant Di Rupo.

Nous avons lu cette pièce, comme les autres, intégralement. La seule mention concernant Elio Di Rupo

précise que ce dernier aurait assisté aux funérailles du patron d'une boîte homosexuelle de Bruxelles et qu'il fréquenterait un lieu de rencontre et d'information du milieu gay. Point. Aucun lien d'Elio Di Rupo avec la pédophilie ou la prostitution...

Deux autres ragots prennent encore l'allure de témoignages. Deux personnes ayant été témoins de conversations dans deux bistrots, l'un d'Anvers et l'autre de Bruxelles, rapportent des conversations de comptoir sur Elio Di Rupo et la pédophilie. L'un des deux «témoins» a au moins le mérite de signaler que son interlocuteur était passablement éméché lorsqu'il tenait de tels propos. Voilà, Messieurs Reynders et De Croo, de quoi faire vaciller un gouvernement!

SEXE, MENSONGES ET VIDÉO

Un autre courageux anonyme mentionne encore que G., travaillant pour le cabinet d'Elio Di Rupo, aurait vu des petites filles de moins de dix ans être amenées auprès du ministre. Vérification faite, aucun G. n'a jamais fait partie de la liste du personnel du cabinet du ministre. Et voilà soudain Elio Di Rupo qui s'intéresse aux petites filles?

Voici enfin la déclaration la plus sérieuse du dossier. Madame D. a appris par son frère qui lui même a une connaissance qui lui a déclaré, à propos d'un immeuble à appartements de Zaventem, que «des jeunes garçons (...) viennent régulièrement à cet appartement et ce durant la nuit».

Selon cette connaissance du frère du témoin, Elio Di Rupo aurait lui aussi été vu à plusieurs reprises alors qu'il sortait de cet immeuble. Heureusement pour lui, devant la Commission spéciale, le vice-Premier a pu expliquer ces visites dans cet immeuble.

Quant à la fameuse cassette vidéo présentée par la députée néo-fasciste Bastien, elle ne concerne ni Elio Di Rupo ni Jean Pierre Grafé, mais le responsable d'une formation d'extrême droite concurrente ainsi que sa compagne. A l'extrême droite aussi, on donne dans le frais.

Le fameux troisième dossier est du même tonneau, le procureur général Van Oudenhove ayant d'ailleurs la prudence de signaler dans sa lettre introductive que «les autres dénonciations (...) se caractérisent par leur imprécision et visent soit des accusations de pédophilie formulées de manière générale, soit la fréquentation de lieux jugés «suspects». Dans un de ces «témoignages» anonymes, on précise ainsi qu'Elio Di Rupo racolerait des petits jeunes majeurs. Rien de répréhensible. Si ce n'est cette fois qu'ils lui accorderaient leurs

faveurs en échange de cocaïne. Di Rupo n' est plus seulement pédophile, le voici maintenant pourvoyeur

de drogue. Mais ici encore, dans ce troisième dossier,c'est la lâcheté de l'anonymat qui règne en maître.

Un des anonymes connaît un libraire qui connaîtrait des choses, un autre dénonce une relation entre

Di Rupo et un des barons du PS.

Quelle crédibilité y accorder ? Le témoin fournit lui-même une réponse convaincante: «Je suis membre actif du PSC depuis quelques années et c'est comme cela que je peux vous faire ces déclarations»...

Seul un gendarme de Liège, dans un PV du 22 novembre dernier, ose mettre en doute la validité des ragots colportés: «Cet entretien (...) ne contient aucun élément précis déterminant en rapport avec les «accusations» révélées par les médias». Est-il si difficile, dans le contexte actuel, pour des membres de l'appareil judiciaire de prendre leurs distances par rapport aux «informations» qu'ils collectent ?

Le sommet est sans doute atteint dans la déposition recueillie, de manière non anonyme pour une fois, par

la Gendarmerie de Namur le 27 août dernier. Le témoin explique qu'il a eu une proposition de se livrer à des attouchements sexuels par un «homme d'une trentaine d'années, de taille moyenne, mince, cheveux noirs longs et ondulés. Il portait une boucle d'oreille à l'oreille droite. Il portait une fine moustache».

Que fait ce témoignage dans le dossier Di Rupo? On se le demande toujours.

Reste qu'aujourd'hui, au stade actuel des dossiers, il était évident que des poursuites ne devaient pas être entamées contre le vice premier ministre. D'autant que la loi spéciale adoptée permet à la cour de Cassation de continuer l'enquête mais sans que des ragots de bas étage ne viennent polluer l'atmosphère sur base de jeux politiciens. La position des libéraux, accusant la majorité d'étouffer le dossier, est donc purement et simplement contraire à la vérité. Leur attitude n'est guère plus digne que celle de quelques dizaines de nos compatriotes, quasiment tous francophones, qui se sont livrés à l'activité favorite des régimes forts et des citoyens faibles: la délation. Ils ne méritent que notre mépris.

Philippe Brewaeys.

COMMISSION DUTROUX : MARTINE DOUTREWE ACCUSE (« La Dernière Heure » du mercredi 18 décembre 1996)


COMMISSION DUTROUX : MARTINE DOUTREWE ACCUSE

« Grave erreur des gendarmes »

« La Dernière Heure » du mercredi 18 décembre 1996

BRUXELLES- La gendarmerie a voulu jouer cavalier seul et a commis une grave erreur de jugement.

Elle s'est privée de moyens d'investigation plus importants. Je ne décolère pas en voyant comment elle a pu ainsi mettre de côté M. Lamoque (chef d'enquête PJ de la cellule Julie et Mélissa, ndlr), et comme elle m'a mise de côté. Avec les éléments en possession des gendarmes sur Dutroux, des éléments extrêmement percutants, il n'y a pas l'ombre d'un doute que j'aurais ordonné des perquisitions et un interrogatoire de Dutroux. Ces perquisitions auraient été faites avec une équipe spécialisée. Dutroux aurait été interpellé et

interrogé par des enquêteurs professionnels durant des heures, qui l'auraient bluffé. Je suis convaincue que Dutroux aurait pu passer aux aveux ! »

Au cours d'une audition de près de sept heures, la juge d'instruction liégeoise Martine Doutrewe a cherché à démontrer que la gendarmerie et son état-major lui avaient sciemment caché les recherches sur Dutroux. C'est une question clef que la commission se pose pour expliquer l'échec des recherches : la juge était-elle au courant des soupçons pesant sur Dutroux ?

Les deux parties campent sur leurs positions depuis que l'affaire a éclaté. Hier, Mme Doutrewe a certainement marqué des points. Les gendarmes liégeois répliqueront ce mercredi.

« Jusqu'à présent, je me suis tue. Aujourd'hui, je suis heureuse de pouvoir m'expliquer publiquement, d'être déliée de mon devoir de réserve», explique Martine Doutrewe (39 ans), qui avait été chargée du dossier de la disparition de Julie et Mélissa dès le 26 juin. Elle enchaîne : « J'ai été horrifiée par ce qui s'est passé. Je suis

maman d'une fillette de 8 ans et je comprends la peine des parents. En conscience, je pense avoir fait tout

ce qui était en mon pouvoir mais je garderai un sentiment de tristesse et de frustration de ne pas avoir pu retrouver les petites Julie et Melissa vivantes.

« Il n'y a pas de PV»

Mme Doutrewe, qui chapeautait l'enquête menée par une cellule mixte (PJ/gendarmerie) avait donné des consignes précises à ses limiers: travailler notamment sur les suspects de la région liégeoise, ou d'ailleurs s'il y avait un lien objectif avec les enfants, et de ne pas lui faire des procès-verbaux (compte-rendus) sur des vérifications mineures qui n'ont pas donné de résultat. Mme Doutrewe est formelle: alors que des gendarmes lui ont fait rapport sur des pistes fantaisistes », ils ne lui ont jamais dit que Dutroux était à considérer comme un suspect intéressant. « Je n'ai reçu aucun PV concernant Dutroux avant la découverte des corps. La gendarmerie soutient qu'elle a donné toutes les informations et que c'est sur mon insistance qu'il n'y a pas eu de PV. C'est complètement faux! En août 95, sans doute à la fin du mois, M. Lesage (adjudant à la BSR de Seraing, ndlr), au milieu d'une énumération de toute une série d'informations, a signalé qu'un informateur signalait qu'un suspect moeurs, à Charleroi, Dutroux, faisait des travaux dans ses caves pour abriter des jeunes filles. Il a dit qu'il y avait une enquête à Charleroi. Il a rapporté cela de manière presque anecdotique. Plus tard, M. Lesage a signalé que l'enquête sur Dutroux était négative. C'est tout ce que j'en ai su.

Mme Doutrewe estime qu'on ne peut lui reprocher d'avoir été passive. Son dossier comporte effectivement 2.100 procès-verbaux. Elle a ordonné 11 perquisitions, 25 visites domiciliaires, 58 commissions rogatoires, dont 14 à l'étranger.

Des dizaines de pistes ont été suivies. Une seule était la bonne. Celledont Mme Doutrewe dit avoir été écartée.

Benoît Franchimont

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Les parents doutent encore

LA RÉACTION DES LEJEUNE ET DES RUSSO

« La Dernière Heure » du mercredi 18 décembre 1996

BRUXELLES - L'audition de la juge Doutrewe, les parents des petites l'attendaient ! Tout au long de l'enquête, ils ont toujours entretenu des rapports tendus avec elle. «Elle fonctionne sous Windows», avait même lancé un des parents qui la qualifiait de véritable machine.

« Nous avons eu trois réunions avec elle et j'ai toujours eu l'impression de parler à un robot. Aujourd'hui, elle paraissait humaine. Je ne l'avais jamais vue comme ça », commentait hier Jean-Denis Lejeune durant l'audition de Martine Doutrewe. Il ajoute cependant que « des choses très graves ont été dites. Et on nous a directement impliqués dedans. Il faudra donc qu'il y ait une enquête et que M. Lesage (gendarme liégeois qui s'occupait de l'affaire, ndlr) s'exprime pour faire le tri dans tout cela ».

Qu'a donc déclaré Mme Doutrewe pendant son audition ? Selon ses propos, les parents « n'ont jamais vu en elle que l'autorité qui leur refusait l'accès au dossier ». A l'entendre, ils auraient mené deux enquêtes de leur propre initiative: l'une sur un suspect moeurs, l'autre sur sa propre personne.

Pas de faux policier

Jean-Denis Lejeune reconnaît effectivement avoir mené ses propres investigations sur le suspect. « On n'avait aucun retour d'information. Comme on disposait de certains éléments, je me suis permis d'exploiter une piste qui nous semblait intéressante. II s'agissait d'un homme qui arrachait toutes les affiches en ville et qui encadrait des photos de Julie et Mélissa chez lui. Il ne jurais que par elles. J'aurais voulu discuter avec ce monsieur. Je me suis donc rendu à son domicile, en compagnie d'un ami. Mais, contrairement à ce que Mme Doutrewe a dit, il ne s'est absolument pas fait passer pour un policier. Vous pouvez le vérifier auprès de la dame qui nous a ouvert la porte .

De son côté, Gino Russo affirme que la déclaration concernant une enquête menée sur la personne de Martine Doutrewe est totalement fausse. «Nous n'avons jamais mené aucune enquête sur elle. De plus, elle ment car elle déplace les éléments dans le temps pour pouvoir les argumenter comme elle le veut. Vous aurez sans doute remarqué qu'elle ne cite jamais de dates...

Justification

Les diverses déclarations de la juge d'instruction n'ont pas davantage convaincu Louisa Lejeune, la maman de Julie. «A l'écouter, on dirait qu'elle a fait tout le nécessaire possible pour retrouver les petites, qu'elle n'a pris que de bonnes décisions et qu'elle n'a rien à se reprocher. Mais il faudra voir comment l'enquête s'est réellement déroulée. On ne le saura qu'en écoutant les intervenants suivants. En tout cas, je ne suis pas du tout convaincue que ça se soit réellement passé comme elle l'a dit ».

Jean-Denis Lejeune, lui, croit-il la juge ? « Je ne peux pas répondre maintenant. Il faudra d'abord que j'entende les autres intervenants avant de me faire une idée sur la véracité de son témoignage.

Enfin, Carine Russo a été frappée par le fait que Martine Doutrewe ne cessait de se défendre pour se justifier quant aux mauvais rapports entretenus avec les parents. C'était plus une plaidoirie qu'une audition ! Or, on est ici pour écouter ce que les gens ont à dire. Ce n'est pas un réquisitoire pour se défendre. Elle pense qu'elle n'a pas été inhumaine. En tout cas, c'est le message qu'elle essaie de faire passer à la presse. Cependant, il ne faut pas oublier que c'est nous qui avons été confrontés à cette inhumanité. Depuis le début, elle n'a cessé de se retrancher derrière la phrase « la loi est faite comme ça, iI faut la respecter ». « C'est à ça que se résume son humanité

Isabelle Treuttens

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POUR LE SUBSTITUT HOMBROISE : Il y a eu rétention

« La Dernière Heure » du mercredi 18 décembre 1996

BRUXELLES - « Dans le dossier Julie et Mélissa, il y a eu rétention d'information de la gendarmerie vis-à-vis de Liège ». Du 26 juin 1995 au 17 août 1996, période à laquelle il a été saisi du dossier, Charles Hombroise, le, substitut du procureur du Roi à liège, n'a pas une seule fois entendu parler de Dutroux.

La première fois que j'ai entendu son nom, c'est quand Mme Thily m'a téléphoné, le 17 août 1996. M. Bourlet lui avait annoncé que Marc Dutroux avait participé à l'enlèvement de Julie et Mélissa, qu'elles étaient mortes et inhumées ».

La nuit d u 17 au 18 août 1996, M. Hombroise participe à l'autopsie des corps des deux fillettes. Mme Doutrewe, M. La moque, des gendarmes sont également présents. « M. Gilot était en possession d'un dossier comportant des investigations menées sur Marc Dutroux. Bien qu'il était frappé de confidentialité, nous avons pu le consulter. Il s'agissait d'un ensemble de faxes échangés entre les divers services de gendarmerie.

La brève lecture de ces papiers nous a révélé que Marc Dutroux était considéré par la gendarmerie comme le suspect principal dans l'enlèvement de Julie et Mélissa ».

C'est également lors de cette lecture que M. Hombroise a pris connaissance de l'opération Othello... Le parquet de Charleroi n'avait rien fait suivre non plus. « J'ai éprouvé de la colère car les éléments étaient à portée de la main et on ne nous les a pas donnés. Mais j'ai également été animé par un sentiment d'incrédulité. En effet, je ne pouvais pas croire qu'on ne nous ai pas donné ces renseignements ».

Tutelle judiciaire

M. Hombroise ne voit qu'une seule raison pour laquelle la gendarmerie n'a pas transmis les informations à la juge d'instruction « Le seul risque qu'ils encouraient était de voir ce dossier confié à la PJ ».

Le 1er substitut donne son analyse des faits, notamment après avoir consulté une série de documents.

Pour le magistrat, il est probable que l'état-major de la gendarmerie, son BCR, a volontairement décidé de court-circuiter liège, parce que le responsable de la cellule 'enquête Julie et Mélissa, M. Lamoque, était un commissaire de la PJ. Le procureur relève une question posée dans le rapport du Comité P : n'a-t-on pas fait une erreur en nommant un commissaire de la PJ à la tête d'une cellule composée à 80 % de gendarmes ?

« Si cette question est posée dans ce rapport, c'est qu'elle est forcément venue sur le tapis dès le départ.

Fort d'une expérience de 20 ans dans la magistrature liégeoise, M. Hombroise constate une évolution, rapide ces dernières années, dans le chef de la gendarmerie Il a une volonté de s'exonérer de la tutelle judiciaire. »

I. T.

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DOUTREWE : DES CONFRONTATIONS ET DES EXPLICATIONS

« J'avais vraiment besoin de ces vacances !

« La Dernière Heure » du mercredi 18 décembre 1996

BRUXELLES - « Dès la réunion organisée à l'initiative du BCR, le 9 août 95, la gendarmerie a déjà choisi sa stratégie. Cela se passe bien avant que l'adjudant Lesage ne parle de Dutroux.

Pour Mme Doutrewe, tout est parfaitement clair : les gendarmes, chapeautés par leur Bureau central de recherches (BCR), ont court-circuité l'enquête en ouvrant un dossier parallèle sur Dutroux via Charleroi.

« Une erreur fatale à Julie et Mélissa », dit-elle. La juge relève d'autres éléments troublants. En septembre 95, elle contacte la nouvelle cellule disparitions (imbriquée dans le BCR) en demandant que ses enquêteurs reçoivent tous les renseignements utiles. Le major Decraene, responsable de la cellule, l'assure de sa collaboration étroite. «Aucun renseignement ne m'a été communiqué », clame-t-elle.

La commission a rapidement procédé à la confrontation de Mme Doutrewe et du major Decraene. Et personne n'a cédé. Le BCR donnait toutes les informations aux gendarmes liégeois de la cellule Julie et Mélissa.

Nous n'avions pas de contact avec le juge ou M. Lamoque. Ces gendarmes maintiennent qu'ils ont informé Mme Doutrewe », explique le major Decraene. Peu après les événements, Mme Doutrewe a écrit au major pour se plaindre. Celui-ci a répondu. La juge dit n'avoir jamais reçu la lettre.

Le 15 août 96, après la découverte de Sabine et Laetitia, la juge Doutrewe a demandé à l'adjudant Gilot de Grâce-Hollogne et au commissaire Lamoque d'aller rencontrer les enquêteurs du juge Connerotte et déterminer s'il ne pouvait y avoir un lien entre Dutroux et Julie et Mélissa.

Passant au-delà de cet ordre, Decraene a conseillé à Gilot de rester dans la région liégeoise et de ne surtout pas venir avec Lamoque. Une nouvelle manoeuvre pour écarter les Liégeois ? Pour Mme Doutrewe, c'est une preuve : « II y a un juge d'instruction qui donne un ordre. Et l'état-major de la gendarmerie vient contredire cet ordre. Voilà la preuve de ce que nous vivons régulièrement.

Le major Decraene reconnaît qu'il a pris cette décision, en demandant à l'adjudant Gilot de venir le lendemain. Pourquoi ? « Parce qu'il n'y avait personne pour le recevoir ce jour-là » Pourquoi écarter Lamoque?

« Parce qu'il y avait une réunion en cours où l'on discutait de l'éventuelle implication d'un membre de La PJ

dans l'affaire Dutroux». On sait aussi que le procureur Bourlet a préféré que cette visite soit postposée.

Châteaux de la Loire

Une seconde (et courte) confrontation a été organisée dans la foulée entre Mme Doutrewe et deux membres du Comité P, la police des polices qui a remis un rapport dévastateur sur le rôle de la juge d'instruction.

Le Comité P a reconnu s'être intéressé à des aspects de la vie privée de Mme Doutrewe, notamment aux

problèmes judiciaires de son mari, qui auraient pu nuire au travail de la juge. Ce que celle-ci conteste formellement.

Mme Doutrewe a également souhaité répliquer à de multiples critiques, notamment celle d'avoir pris des congés alors que l'enquête sur la disparition commençait à peine. «Tous les devoirs étaient ordonnés. Mon collègue remplaçant avait été informé. M. Hombroise et les enquêteurs restaient.

De plus, j'avais annulé un voyage de 15 jours en Grèce pour partir seulement 4 jours, dont un week-end, dans les châteaux de la Loire. J'avais u n GSM, un fax et des contacts quotidiens avec Liège. Je pouvais rentrer d'urgence s'il le fallait. Ces vacances, j'en avais vraiment besoin. J'avais connu de graves ennuis de santé », explique Mme Doutrewe.

B. F.

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Impossible de montrer les corps aux parents

HUMAINEMENT INSOUTENABLE

« La Dernière Heure » du mercredi 18 décembre 1996

BRUXELLES -La juge Doutrewe a tenu à s'expliquer sur les mauvaises relations qui s'étaient installées entre elle et les parents de Julie et Mélissa.

L'un des derniers problèmes est survenu au lendemain de la découverte des corps des fillettes à Sars-la-Buissière. Les mamans souhaitaient légitimement pouvoir voir une dernière fois leurs enfants, au moins pour être certaines qu'il s'agissait bien de Julie et de Mélissa. Mme Doutrewe leur a interdit de venir à la morgue.

Je n'ai pas été informée de cette demande par les personnes qui ont rencontré les parents dans un premier temps, explique la juge. Je n'ai appris cela que plus tard, après l'autopsie pratiquée dans la nuit du 18 au 19 août. Humainement, j'ai estimé que c'était impossible. Le spectacle était totalement insoutenable.

Les fillettes étaient mortes depuis plusieurs mois. Les corps étaient en décomposition. De plus, elles étaient mortes de faim et avaient été autopsiées. Humainement, il était impossible de montrer les corps aux mamans et aux papas.

On sait que les parents ont toujours voulu être impliqués dans l'enquête, tenus au courant des recherches. Mme Doutrewe, qui a les a reçus à quelques reprises, a toujours refusé de leur donner des informations, « Ils voulaient être au courant de tout. Ce n'était pas possible, vu le secret de l'instruction, le secret professionnel. Je leur ai conseillé de prendre un avocat, qui servirait d'intermédiaire. Mais, devant Me Hissel, je me suis à nouveau retrouvée devant quelqu'un qui n'acceptait pas que je respecte les règles de droit. Comme les parents, c'était la politique du tout ou rien.

Mme Doutrewe estime qu'il y a des risques à tout dire aux familles. Elle raconte notamment qu'un suspect a été menacé d'un couteau par les parents et que sa maison a été fouillée.

B. F.

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GRAINDORGE ET LE COLLÈGE ST-PIERRE

Le parquet riposte

« La Dernière Heure » du mercredi 18 décembre 1996

BRUXELLES - Des accusations spectaculaires sur des faits de pédophilie au Collège St-Pierre, à Uccle, ont été lancées, dimanche, sur le plateau de Controverse, à RTL-TVi, par deux parents d'élève et leur avocat Michel Graindorge.

Non content de mettre en cause le collège, l'avocat s'est attaqué au parquet de Bruxelles et a son patron, le procureur Benoît Dejemeppe, accusé de chercher à étouffer le scandale par sympathie politique : Michel Graindorge reprochait au procureur d'être PSC.

Hier, le parquet bruxellois a réagi, avec la voix de son porte-parole habituel, le premier substitut dos Colpin.

1. Présentée comme neuve, l'affaire ne l'est pas. Deux quotidiens, dont La Dernière Heure, l'avaient révélée le 9 mars 1996.

2. L'affaire n'est pas traitée par le procureur du roi de Bruxelles, mais se trouve dans le cabinet d'instruction du juge Damien Vandermeersch, qui a hérité du dossier au départ de son collègue Patrick Mandoux. Plainte(s) avai(en)t été déposée (s) en septembre 95. A titre personnel, M. Dejemeppe n'a jamais rencontré M. Pinte, directeur de l'établissement cité.

Secret professionnel

3. Me Graindorge reproche au procureur du roi d’avoir permis à la direction du collège de consulter le dossier d’instruction. Scandaleux et illégal ,selon l’avocat : très simplement,le parquet rappelle à Me Graindorge que la loi –c’est l’article 215 du tarif criminel – confie au parquet l’appréciation de l’opportunité d’autoriser pareille consultation. Cette autorisation n’a pas été donnée à M.Pinte, mais à l’avocat du collège mis en cause,avocat tenu par le secret professionnel. Elle n'a pas été donnée par le parquet ou M. Dejemeppe, mais, selon la procédure prévue par la loi, par le parquet général. Le but était de permettre à l'établissement de prendre d'éventuelles mesures à l'endroit des six enseignants mis en cause.

4. Le parquet de Bruxelles précise que Me Graindorge était parfaitement au courant de ces précisions, ce qui ne l'a pas empêché de ne pas en tenir compte, dimanche, lors de sa prestation télévisée.

5. En fait, ce droit de regard sur le dossier n'a... même pas été exercé par l'avocat du collège.

L'autorisation a été suspendue le jour où des éléments nouveaux sont apparus, qui ont amené le juge d'instruction a inculper un enseignant de coups et blessures volontaires.

Perquisitions

6. Quant au fond de l'affaire, personne, pas même Me Graindorge, n'est en droit de se prononcer. Aucun enseignant du collège St-Pierre n'est inculpé pour faits de moeurs sur enfants. Ce qui signifie quoi ?

Début mars 96, la section centrale de la PJ de Bruxelles avait mené une opération sur l'établissement.

En y mettant le paquet comme l'on dit. Six enseignants furent perquisitionnés, embarques et interrogés jusqu'au lendemain aux petites heures. Le directeur se trouvait dans la charrette. En fin de course, pourtant, le juge relaxait sans inculpation. Les déclarations d'enfants sont, selon le parquet truffées d'invraisemblances, d'incohérences et de contradictions.

Chacun est persuadé que la maman qui s'est exprimée dimanche est de bonne foi. Mais elle ne fait que reproduire des récits. Ce qui est sûr, c'est que le juge Vandermeersch est l'un des meilleurs du pays, qu'il possède toutes les pièces du dossier - y compris les déclarations de la maman - et que tout cela, à ce stade, ne l'a pas amené a inculper.

7. S'agissant de l'avocat Graindorge et de sa prestation médiatique dominicale, le procureur du roi de Bruxelles a entamé une démarche auprès du bâtonnier de l'ordre francophone de Bruxelles.

Gilbert Dupont

L’Europe blanche est née ! (« Télé Moustique » du jeudi 12 décembre 1996)


L’Europe blanche est née !

« Télé Moustique » du jeudi 12 décembre 1996

Ballons blancs, silence digne et lourd de sens, émotion. Ils étaient près de dix mille citoyens, le 7 décembre dernier, à marcher contre la pédophilie. Mais cette fois, cela ne se passait pas près de chez nous, mais en Italie. A Gênes, la ville natale de Christophe Colomb. Tout un symbole. La révolution morale est en marche et désormais elle s'internationalise.

L e 30 octobre dernier,Carine et Gino Russo ainsi que leur Fils Grégory étaient reçus en audience privée par le président de la République italienne, Oscar Luigi Scalfaro. A l'occasion de cette visite fortement médiatisée par les journalistes transalpins, Gino Russo avait lancé un appel à la solidarité du peuple italien.

Pour que là aussi, on se mette à manifester contre la pédophilie et contre toutes les atteintes à l'intégrité des enfants dans le monde.

L'appel a notamment été entendu à Gênes par le groupe local de l'association « Terre des Hommes » qui, avec le soutien du maire de la ville Adriano Sonsa, organisait samedi dernier une première Marche blanche italienne. Alors que la presse locale s'interroge sur les liens potentiels avec des pédophiles belges d'un Cambodgien arrêté récemment à Rome, les Italiens ont prouvé qu'ils se sentaient très concernés par le calvaire vécu par les petites victimes belges du réseau Dutroux.

Sur la piazza De Ferrari, ils étaient plusieurs milliers à s'être regroupes, surtout des enfants, pour écouter d'abord le maire de la ville qui annonçait que d'autres villes italiennes étaient déjà en train de se mobiliser pour d'autres Marches blanches à venir.

Ensuite, Gino Russo prenait la parole en italien devant des dizaines de caméras et la Foule silencieuse: « Après le drame de Julie et Mélissa, beaucoup de témoins ont dénoncé les abus sexuels qu’ils ont subis, démontrant par là que le fléau de la pédophilie est énorme. Et si ce problème est important en Belgique, je pense qu'il l'est tout autant en Italie. Ici, je suis le seul représentant des parents des victimes de Dutroux, mais je peux vous faire part de la conviction que nous partageons: l'enfance est la seule valeur commune que tous les adultes doivent défendre et protéger.

Ce discours était suivi d'un très long moment d'applaudissements et d'un lâcher de ballons durant lequel Gino avait visiblement du mal à retenir son émotion.

Et il n'est de toute évidence pas le seul à avoir été touché par l'événement puisque le lendemain de cette Marche blanche, la presse italienne en faisait le gros titre et mettait en parallèle un communique du pape Jean-Paul II sur le thème des droits de l'enfant: « Comment ne pas évoquer tous ces enfants exploités brutalement, ou de manière plus subtile, mais tout aussi perverse, comme c'est le cas dans la société du spectacle... »

Dans l'avion, au retour de Gênes, Gino Russo faisait le point après cette première Marche blanche internationale, évoquant aussi l'évolution des enquêtes en Belgique.

- Quel sentiment vous inspire ce bref séjour en Italie?

Gino Russo. - Je suis profondément ému par cette manifestation de solidarité. La Marche blanche est sortie de nos frontières de force aux parents d'enfants disparus et assassinés dans le dur combat qu'ils mènent en ce moment. En plus, chaque fois que je reviens en Italie, des images de Mélissa me reviennent en mémoire.

Alors qu'elle était âgée d'un an et demi, nous avions passé un séjour avec nos enfants sur la côte Adriatique. Bien sûr, elle ne se le rappelait pas vraiment, mais peu dé temps avant son enlèvement, nous lui avions promis de retourner en Italie. Elle avait préparé ces vacances qui lui tenaient à coeur, elle en rêvait...

« A travers tous les enfants qui étaient là,

le message passera dans les générations futures »

- Les Italiens ont-ils bien compris le sens de la Marche blanche?

Gino. - De toute évidence, oui. Comme le 20 octobre à Bruxelles, il n'y a eu aucune récupération politique. Cela s'est fait dans le calme et la dignité. Ce qui m'a surtout frappé, c'est qu'il y avait énormément d'enfants sur la piazza De Ferrari. C'est important parce qu'à travers eux, le message passera dans les générations futures et peut-être qu'on parviendra ainsi à maintenir la pression aussi longtemps qu'il le faudra pour

construire un monde plus juste pour les enfants. Sans pédophilie. Sans nouvelle « affaire Julie et Mélissa »... Par ailleurs, j'ai été contacté par de nombreuses personnes qui veulent organiser d'autres Marches blanches en Italie, mais aussi en Suisse. C'est vraiment encourageant,

- Vous ne risquez pas d'être un peu dépassé par l'ampleur du mouvement qui est entrain de naître?

Gino. - C'est clair que ce risque existe. Nous en sommes conscients. Des gens de bonne volonté nous contactent de toutes parts et il est vrai que parfois on ne sait plus où donner de la tête. D'autant que l'actualité est pour le moins remplie. Au moment où je suis en Italie, il y a un conclave important sur la réforme de la justice en Belgique. Il y a aussi les travaux de la Commission d'enquête parlementaire que nous devons suivre très attentivement et l'organisation de « l'ASBL Julie et Mélissa » qu'il faut continuer à mettre sur pied.

C'est beaucoup, vraiment beaucoup de combats à mener de front.

- Bien des gens se demandent comment vous arrivez à tenir le coup. D'autres, beaucoup moins nombreux et moins amicaux s'étonnent que vous n'ayez pas encore commis l'un ou l'autre dérapage...

Gino. - Comme chacun des parents concernes, je tire ma force de mon amour pour ma fille. Je lui dois cela pour tout le bonheur qu'elle nous a donné pendant huit ans. En plus, tous les parents sont très solidaires.

On se soutient mutuellement et c'est très important car nous sommes tous fragilisés par ce qu'on a vécu. Notre force, c'est aussi le groupe soudé que l'on forme. Quant aux dérapages que certains craignent, il n'y en aura pas. Ce que nous voulons, c'est de la transparence, plus de démocratie, une meilleure justice. Notre combat n'est en rien lié à la « chasse aux sorcières » ou au climat de délation que certains dénoncent aujourd'hui. Les assassinats et les disparitions d'enfants, les abus sexuels commis sur des mineurs d'âge en Belgique, ce ne sont pas des rumeurs mais des faits!

On veut la lumière là-dessus pour sanctionner les responsables et empêcher que cela se reproduise. Ce ne sont pas les parents d'enfants disparus qui lâchent des noms dans la presse ou qui veulent que les postiers deviennent des indicateurs de la gendarmerie!

- Alors que l'on voit plus clair aujourd'hui sur les dysfonctionnements de l'enquête « Dutroux », étes-vous plus que jamais révolté?

Gino. - Révoltés, nous le sommes depuis longtemps. En fait, ce qui apparaît aujourd'hui en matière de dysfonctionnement ne fait que conforter l'analyse que nous avions produite très rapidement après la disparition de nos enfants. Il n'y a donc pas de réelle surprise dons ce qu'on découvre. On se doutait que ce serait terrible. Par contre, il est tout à fait insupportable de constater que les différents responsables de dysfonctionnements sont toujours en place...

- A qui faites-vous référence?

Gino. - On nous dit qu'il faut attendre la fin des travaux de la Commission Dutroux qui évaluera les différentes responsabilités et qui recommandera les sanctions appropriées. D'accord ! Mais alors, il faudrait que tout le monde joue le jeu honnêtement.

Et il faut bien constater que ce n'est pas le cas. Par exemple le ministre de l'Intérieur, Johan Vande Lanotte ne se contente pas de ne prendre aucune mesure d'ordre au niveau de la gendarmerie, mais en plus, il place ses gens! Et pas n'importe lesquels! Tout le monde s'accorde à dire aujourd'hui et d'après la presse, cela est ressorti clairement des travaux à huis clos de la Commission

d'enquête, que le BCR de la gendarmerie a joué un rôle trouble dans l'enquête désastreuse sur Dutroux.

Eh bien aujourd'hui, on découvre que le futur Centre national de recherche d'enfants disparus serait prochainement créé au sein de ce même BCR ! De qui se moque-t-on? Non seulement ce n'est pas sérieux, mais cela touche à l'indécence. En plus, cela n'a plus rien a voir avec notre volonté initiale de développer un centre de recherche tout à fait indépendant...

Aujourd'hui, c'est ce genre de camouflet qui nous révolte par dessus tout. On a assassiné nos enfants et par ce genre de décisions purement politiques, on bafoue leur mémoire. C'est la raison pour laquelle nous avons

écrit au Premier ministre et au ministre de la Justice afin qu'ils acceptent au plus vite de nous rencontrer.

Nous espérons qu'ils nous entendront...

Michel Bouffioux

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Préparez-nous un monde meilleur

« Télé Moustique » du jeudi 12 décembre 1996

Beaucoup de nos lecteurs nous ont écrit ou téléphoné four demander ce qu'ils pouvaient faire pour aider l'ASBL « Julie et Mélissa » et les parents des petites disparues.

En cette fin d'année, une action concrète pourra être posée par l'achat du CD qui a été édité au profit de cette ASBL et qui comporte plusieurs chansons composées et chantées par des artistes restant anonymes afin d'éviter toute récupération. Ce disque sera vendu à partir du 12 décembre dans tous les bureaux de poste au prix de 250 francs belges.

L’argent récolté devra permettre à l'ASBL « Julie et Mélissa » de mener à bien le long et difficile combat qu'elle s'est assigné contre les réseaux de pédophilie et pour l'aide aux enfants victimes d'abus sexuels. Ce CD est intitulé ASBL Julie et Mélissa, Vous les grands, préparez-nous un monde meilleur. Voici d'ores et déjà le texte de l'une des chansons de ce CD.

BOUGER (extrait)

Parlé: « Nous n'avions que 8 ans et beaucoup de rêves On croyait que la vie serait belle Vous les grands préparez-nous un monde meilleur »

Elles n'ont pas eu le temps de parcourir des champs en chantant

Elles n'ont pas eu le temps d'avoir la vie comme d'autres enfants

C'est à travers le rap que je m'adresse à vous les grands

Que justice soit faite à ceux qui l'entendent autrement

Vous qui possédez le pouvoir de changer le monde

Qui passez à la télé seconde après seconde

Vous n'aviez guère le souci de protéger nos petits

Ceci s'est constaté dans le cas de Mélissa et Julie

Des affaires classées, des dossiers fermés

Alors que les assassins sont désormais en liberté

Une signature suffit pour les aider à recommencer

Et tout ça dépend de l'intérêt que vous portez

Le trou noir prend place dans le coeur des citoyens

Et avec désespoir, j'ai peur des lendemains

Je ne pensais pas que l'humain soit capable

D'enlever la vie à des enfants qui ne souhaitaient

Qu'une chose: Le paradis

Le paradis c'est quoi ? C'est quand ? C'est où ? C'est comment ?

L'enfer a reflété son miroir vers tous nos enfants

Il a fallu attendre des drames pour que l'on agisse

Il a fallu attendre la mort pour que l'on puisse

Se sentir coupable de la bêtise des inconscients

Avoir l'affaire en main sans se tracasser Pour autant

Plus jamais ça est la Formule que l'on a adoptée

Et aucun prix ne sera donné pour que le peuple laisse tomber

Refrain : Bouger, pour nos enfants on va bouger

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