samedi 14 novembre 2009

Bruxelles blanche de monde («Le Soir» 28 décembre 1996 pg 6)




Bruxelles blanche de monde

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 6

Le dimanche 20 octobre, 300.000 personnes expriment leur colère dans la dignité.

Onze heures du matin. 3 heures avant le début de la manifestation.

Ils sont déjà plus de vingt mille rassemblés le long du boulevard Léopold II et du boulevard Jacqmain.

Et les gares n'en finissent pas de rejeter leurs vagues humaines. Vers 12 h 30, il n'est déjà plus possible d'approcher du podium où doivent parler les parents, organisateurs de la marche.

Ballons blancs par milliers, visages grimés de blanc, casquettes blanches où l'on a fixé une photo de

Julie et Métissa, vêtements blancs et surtout des fleurs. (...)

Peu après 13 heures, les parents prennent la parole: « Quand j'étais petite, on me disait toujours que la foi déplace des montagnes et je ne comprenais pas ce que cela voulait dire. Aujourd'hui, je le comprends, » lance Marie-Noëlle Bouzet sous un tonnerre d'applaudissements.

« Vous êtes la chaleur de notre pays, » dit le père d'An Marchal qui annonce qu'après la marche blanche il poursuivra, avec les autres parents, la résistance, si on me laisse faire, ajoute-t-il.

Enfin, Nabela Benaïssa, la soeur de Loubna, visiblement émue explique : « Nous avions un petit oiseau de neuf ans et demi qui a quitté le nid et depuis nous l'attendons. » Elle ajoute : « Je vais à présent parler dans une langue qui est aussi celle de beaucoup de gens ici: l'arabe. » Elle se fait applaudir à tout rompre. (...)

Sabine avance alors sur le podium. Elle pleure et n'arrive qu'à lancer un bref merci avant de disparaître.

La chanson de Yves Duteil « Pour les enfants du mon de entier», chantée par le même petit François lors des obsèques de Julie et Mélissa remplit la place de l'Yser. Certains chantent, d'autres pleurent. Le silence est brusquement impressionnant.(....)

Une trentaine de policiers tentent péniblement de fendre la foule. En cercle, ils protègent tant que faire se peut Nabela et Gino Russo qui avancent péniblement.

- Continuez, crie-t-on de la foule ... On est avec vous... on vous aime.. , Courage. ..

Comme une madone, Nabela sourit, et illumine la foule d'un regard qu'elle offre à chacun comme un précieux cadeau. Je savais qu'il y aurait du monde, dit-elle, mais pas à ce point. Ça fait vraiment chaud au coeur.

Gino Russo la suit, avec le regard souriant mais triste qui lui dévore les traits depuis la Cour de cassation.

- Tenez bon, lui crie-t-on pour la millième fois dans la foule. Vous aussi, répond-il, et si vous êtes là, nous on tiendra.

Puis la foule les ballotte, les bouscule, les emporte, les dévore. Des milliers de mains se tendent vers eux. Pour leur tendre un billet, un poème, une longue lettre.

Jean-Denis Lejeune est l'un des derniers à déchirer la foule. Comme les autres, tout montre qu'il a sa place ici parmi ces gens, qu'il est d'entre eux. Il est submerge par l'émotion, la fatigue, le bonheur. Cela se voit dans ses yeux rougis, dans son sourire stupéfait. (.1)

Puis soudain, un torrent de sentiments envahit Jean-Denis Lejeune qui lâche: « C'est le plus beau jour de ma vie... après la naissance de ma fille. »

On diffuse les messages enregistrés des parents. On lance les derniers chiffres de participation : Nous sommes 275.000! Vous pourrez dire nous y étions. Nous avons participé à un événement d'une portée mondiale.

Article paru le 21 octobre

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Légende photo :

Bruxelles s'habille de blanc, le dimanche 20 octobre, à l'occasion de la « Marche blanche». Pendant des heures, une marée humaine prend possession de la ville. Cette véritable armée de la solidarité mobilisée pour un supplément de justice et une conquête de la vérité applaudie à tout rompre les familles des victimes. Seule ombre au tableau : le nom de Loubna Benaïssa a été malencontreusement oublié sur le tableau où figurent les prénoms des enfants assassinés ou disparus.

Photos Alain Dewez, Jean Wouters et René Breny.

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Jean-Luc Dehaene prend des engagements

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 6

Alors que la « Marche blanche» s'achève, le Premier ministre reçoit les familles.

Il est 15 h 45. Soudaine effervescence devant la résidence du Premier. Un minibus transportant la délégation (des parents des victimes) vient d'arriver. (...) Dehaene les reçoit dans la courette. Bienvenue, lance-t-il, sonore, rayonnant. Il serre la main de Laetitia et de Sabine, chargées de fleurs, et que le protocole a placées en tête du mini cortège. Paternel, le «Premier» embrasse le frère de Julie Lejeune qui lui tendait le front. (..,)

Vers 17 h 45, Jean-Denis Lejeune et Nabela Benaïssa apparaissent sur le pas de la porte.

Jean-Denis Lejeune: « //» nous a dit que le monde ne s'était pas fait en un jour, on en est conscient, mais... Puis, cette sentence: C'est !a première fois qu'on a une aussi bonne réunion, décrète !e papa de Julie.

Pour une fois, on a du concret! Une fois les parents partis, le premier ministre fera le point.

J'ai d'abord félicité les parents pour la façon digne et sereine avec laquelle s'est déroulée cette manifestation, lance t'il, avant d'indiquer qu'il a « pris un quadruple engagement».

1. L'enquête ira jusqu'au bout.

Il faut être clair là-dessus, déclare Dehaene. Même s'il est vrai que ça, c'est la responsabilité de la Justice.

2. L'enquête sur l'enquête ira jusqu'au bout. Et là où des fautes auront été commises, des sanctions seront prises, promet le « Premier ».

3. Rappelant que deux projets de lois viennent d'être déposés (pour créer un fonds d'aide aux victimes et pour former un collège des procureurs), le Premier ministre ajoute que le Conseil des ministres de vendredi (25 octobre) prochain planchera sur la révision de l'article 151 de la Constitution, afin de mettre fin à la politisation des promotions dans la magistrature (à l'instar de ce qui vient d'être décidé pour le recrutement des magistrats).

4. D'ici au début de décembre, au plus tard, un « Conseil des ministres spécial » se réunira. (...) Notamment pour renforcer le droit des victimes.

Ce « Conseil des ministres spécial » étudiera aussi la possibilité de créer un centre de recherche des enfants disparus, bâti à l'image de l'exemple américain. (...) Avant de s'éclipser, Dehaene s'est dit satisfait de cet entretien.

Mais il faut éviter les malentendus, dira-t-il, en soulignant que la plupart des engagements faisaient déjà l'objet de réflexions au sein du gouvernement, mais que les événements de l'été ont accéléré le mouvement.

Avec la pression, on ira plus vite...

Article paru le 21 octobre

Légende photo :

Jean-Luc Dehaene accueille les familles des victimes. Le frère de Julie lui tend le front. Le Premier l'embrasse. Photo Alain Dewez.

Le dessaisissement du juge attise la colère sociale ( «Le Soir» 28 décembre 1996 pg 5)


Le dessaisissement du juge attise la colère sociale

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

L'éviction de Connerotte est ressentie comme un autre coup de poing aux travailleurs on croyait les travailleurs résignés, amorphes, incapables de se mobiliser.

Voilà que, furieux du dessaisissement du juge Connerotte, ils débraient.

On a stigmatisé le refus de sacrifier du salaire pour faire embaucher des jeunes. Voilà que les métallos de VW versent leur indemnité de grève aux parents des enfants disparus, que ceux de Ferblatil se privent pour payer le salaire de Gino Russo.

On a décrit un « monde du travail » cloisonné, recroquevillé sur ses intérêts catégoriels. Voilà qu'étudiants et ouvriers convergent aux marches du Palais. (...)

On disait les Wallons combatifs et vite enflammés, les Flamands posés et raisonnés. Du nord au sud, on lance, spontanément, les mêmes actions, comme si la révolte était une culture commune. Que se passe-t-il?

Une bouffée d'émotion extrême ? Ou plutôt un couvercle qui saute, laissant fuser une colère rentrée ?

Un délégué de VW disait, désignant le Palais: Nous dénonçons le manque de justice. Et il ajoutait: Nous dénonçons le manque de justice sociale.

(...) Déjà cet été, lors des funérailles de Julie et Métissa, un permanent syndical s'interrogeait sur son métier: Les gens viennent par milliers, de loin, sacrifiant un jour de salaire ou de congé. Nous, pour mobiliser, il nous faut des mots d'ordre, des autocars, des indemnités. Et ça ne marche pas toujours.

Mais les enjeux qu'on fait miroiter aux travailleurs n'ont pas la limpidité du combat qu'ils mènent pour la sécurité de leurs enfants, pour la vérité sur les affaires, pour le maintien en fonction de juges courageux.

Freddy Mathieu, permanent FGTB de Mons, explique (dans « Le Peuple») : Le gouvernement construit coûte que coûte une maison que personne ne voudra habiter. (...)

Cette fois, les travailleurs sentent qu'ils ont prise sur le cours du malheur. (...)

Les organisations traditionnelles, prises à contre-pied, restent étrangement silencieuses. (...)

Ouvriers et employés ne parlent que de l'« affaire Dutroux », mais les états-majors syndicaux soupèsent le budget sur une balance.

Ce qui se passe, dit Anne-Marie Appelmans, leader de la FGTB de Bruxelles, est le signe de l'incapacité du mouvement syndical à laisser les gens s'exprimer. On a étouffé les gens sous des dossiers techniques. (...)

Il serait dramatique de réduire à du « poujadisme » une immense demande de démocratie.

Elle appelle les décideurs à changer de langage, la politique à s'humaniser pour retrouver sa légitimité.

Article paru le 18 octobre

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Une imprudence, une erreur, pas une faute

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

Le spaghetti de Jean-Marc Connerotte doit aujourd'hui lui peser sur l'estomac. Même s'il ne regrette pas de l'avoir mangé à la table des membres de l'Association Marc et Corine. (...) Le juge pouvait-il avaler ces pâtes?

Le juriste sévère répondra immanquablement: non ! Dans ce dossier, Connerotte mène une instruction à charge et à décharge, l'impartialité lui interdit de s'afficher avec l'une ou l'autre partie civile. Imaginerait-on le juge d'instruction du dossier Cools assister à une réunion d'une éventuelle association des amis d'Alain dan der Biest ? (...)

On réclame à cor et à cri une Justice plus humaine. Jean-Marc Connerotte et Michel Bourlet mangeant un spaghetti avec Sabine et Laetitia, n'est-ce pas précisément le symbole de cette Justice ré humanisée? (...)

Le spaghetti de Connerotte est sans doute une imprudence. Peut-être même une erreur. N'en faisons pas une faute. Sinon, n'importe quel acte à visage humain pourrait être considéré comme un faux pas. Et sanctionné comme tel.

Photo Belga

Article paru le 28 septembre

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Jean-Marc Connerotte plébiscité par la rue

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

Une centaine de chauffeurs de bus du dépôt Delta, à Bruxelles, ont entamé, jeudi matin (17 octobre), une grève spontanée qui pourrait durer toute la journée, occasionnant des perturbations sur une dizaine de lignes desservant l'est et le sud de la capitale.

A Namur, la veille (16 octobre), de longues files de piétons et une circulation plus difficile indiquaient que les bus des TEC étaient restés au dépôt. Les chauffeurs ont «marché sur le palais de justice » où une délégation a été reçue par le président du tribunal de première instance et le procureur du Roi. Ils ont évoqué le malaise général avec les représentants namurois d'une justice «au service des puissants».

Le juge Christian Panier a tenté de leur démontrer le contraire appuyé par le procureur Jacqueline Lebrun.

D'autres actions ont eu lieu, hier (17 octobre), dans le Namurois. Des arrêts de travail aux Glaceries Saint-Roch à Auvelais, chez Glaverbel et chez Materne.

A Liège, une centaine de personnes venues des sièges de Belgacom de la Cité ardente, mais aussi de Jemappe, Verviers et Waremme ont procédé à un lavage symbolique (à l'aide de brosses et de balais) de la façade du palais de justice.

Nous voulons encore croire en nos institutions, mais nous voulons aussi leur faire savoir qu'elles ne pourront pas continuer a nous manipuler impunément, pouvait-on notamment lire sur les tracts.(...)

A quelques kilomètres du centre de Liège, environ 200 travailleurs de l'usine Uniroyal ont observé un arrêt de travail pour défiler dans les rues du zoning industriel des Hauts-Sarts.

Les ouvriers de la Fafer de Marchienne-auPont ont arrêté spontanément le travail, mercredi (16 octobre) à 8 h 30, pour aller manifester devant le palais de justice de Charleroi. Les manifestants avaient obtenu le soutien de leurs délégations syndicales. L'entreprise a été à l'arrêt toute la matinée.

Des incidents ont également eu lieu, mercredi matin à Anvers. Plusieurs personnes qui s'étaient introduites dans un cortège étudiant, devant le palais de justice, ont jeté des neufs et des projectiles sur les façades de l'édifice, brisant des vitres. (...)

A Malines, quelque 800 manifestants ont bloqué tous les carrefours importants de la ville, dès 7 h 30.

Article paru le 18 octobre

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La Cour de cassation conspuée « La justice est contre le peuple »

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

L'arrêt tombe comme un couperet. Sur les marches du palais, la foule gronde.

Dès que les premières phrases de l'arrêt sont prononcées, les gens se regardent consternés dans la salle d'audience de la Cour de cassation.

Après quelques minutes, les deux responsables du comité Pour nos enfants se lèvent et quittent la salle, aussitôt suivis par le public. Sans même attendre la fin de la lecture de l'arrêt.

C'est scandaleux, hurle une voix. Nathalie Werpin murmure : Je plains les parents

Dehors, ils sont près de 300 à attendre et quand la nouvelle du dessaisissement parvient à la foule, un immense hurlement se fait entendre.

Alors que public et journalistes tentent de sortir du palais de Justice, les manifestants veulent y entrer de force en scandant « Juges assassins ».

On frôle l'émeute. Surexcité, un groupe s'avance vers deux gendarmes, « les » représentants de la Justice : ils ont dessaisi Connerotte, hurle l'un d'eux. C'est dégoûtant.

C'est vrai, répond un gendarme, c'est dégoûtant. Le groupe se calme aussitôt.

Mais pas pour longtemps. Des hommes, des femmes crient : « La Justice est contre le peuple. »

D'autres scandent le nom de Connerotte.

Un manifestant explique devant les caméras d'une télévision : « Entre les citoyens et les crapules, la Justice a choisi son camp ».(...)

Tout d'un coup, le silence se fait. La foule se tourne vers une jeune Marocaine, c'est la sœur de Loubna. Elle lance un appel au calme et se fait follement applaudir. Mais l'effet de ces paroles apaisantes s'estompe vite. Chaque fois que la tension retombe, deux ou trois personnes - toujours les mêmes- relancent les manifestants.

Regroupés, une dizaine de jeunes arborent chacun un calicot avec une seule lettre. Avec ces lettres alignées, on lit «Justice pourrie. » Au signal de leur chef, ils le brandissent au-dessus de leurs têtes puis le retournent.

Au verso, c'est le même texte en flamand. Un autre signe, et ils crient le même slogan. Qui sont-ils? Que veulent-ils? Le «metteur en scène élude la question. Sur la veste, pourtant, un discret insigne du Front national est en soi une réponse à nos questions.

Un peu plus loin, un autre s'égosiIle : La Belgique a besoin d'ordre ! D’un chef. Ça pue l'extrême droite ici, lance un vieux monsieur en s'éloignant.

Vers 16 heures, Pol Marchal arrive et tente difficilement de se frayer un chemin à travers la foule. A nouveau, les applaudissements fusent. On se bouscule pour l'écouter et, lorsqu'il appelle les gens à manifester dimanche, les cris reprennent de plus belle. Dans le calme, précise-t-il.

Mais ces mots ont-ils été entendus?

Article paru le 15 octobre

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L'arrêt « spaghetti » intégralement confirmé

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

Le baroud d'honneur des familles ne renverse pas la première décision des hauts magistrats.

Il n'y avait, ce mercredi 11 décembre, ni grande foule ni grande conviction à l'audience du matin de la cour de cassation, de manière convenue, et sans que l'un ou l'autre attendu ne prête le flanc à de fines analyses, la Cour de cassation a confirmé en quelques minutes ce qu'on a appelé l'« arrêt spaghetti » du 14 octobre dernier, rendu par cette même instance et des saisissant le juge Jean-Marc Connerotte des dossiers Dutroux-Nihoul et assimilés. Les recours en opposition des parents (..) .ont été jugés non fondés et, en conséquence, rejetés.

Explication du texte : pour le président Léon Willems, les familles se bornant à critiquer l'appréciation de la Cour sans apporter d'éléments nouveaux, il n'y avait visiblement guère matière à longue digression. (...)

La Cour commence par rappeler, en vertu de l'article 542 du code d'instruction criminelle, le pouvoir d'appréciation que la loi lui confère. Elle rappelle que l'appréciation du devoir d'impartialité doit reposer sur des éléments objectifs, et qu'il est donc exclu de mettre en balance le comportement du juge, d'une part, et l'exceptionnelle gravité des faits d'autre part. Et elle affirme à nouveau que la manifestation de sympathie du juge Connerotte envers les victimes est un fait avéré.

Article paru le 12 décembre

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Le « peuple VW » déploie ses couleurs sur les marches du Palais de Justice

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 5

«Il est 9 h 04 ce mardi (15 octobre) et une foule, un nuage de cris et de couleurs déferle en cet instant sur la place Poelaert : venus en droite ligne de Forest où les chaînes de montage n'ont même pas été mises en route ce matin, les ouvriers de Volkswagen de la pause 6/2 déferlent en bleu foncé, blanc, jaune, orange ou simple bleu de travail, sur les marches du Palais de justice de Bruxelles.(...) Aux cris de « Connerotte, Connerotte », en scandant «Hou! Hou! » ou à grands renforts de lancers d'oeufs, la foule bariolée de centaines d'ouvriers assaille la porte principale de l'édifice, macule la façade du palais.

Puis les meneurs gagnent le dessus de l'escalier de droite. Celui qui mène en ce jour à la cour d'assises où est jugé Bajrami et est donc gardé par des gendarmes, mitraillettes en réserve. Les slogans cessent soudain, on tend l'oreille: les représentants syndicaux ( ...) mais aussi les simple porte-parole du « peuple VW » exigent de rencontrer un représentant politique ou judiciaire de la justice, afin de lui faire part de leurs griefs: les ouvriers de VW exigent le « re»saisissement de Connerotte».

Photo R. Milutin

Article paru le 15 octobre

Les fautes de l'enquête livrées en direct à 525.000 téléspectateurs ( «Le Soir» 28 décembre 1996 pg 4)


Les fautes de l'enquête livrées en direct à 525.000 téléspectateurs

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Qui ment? La juge ou les gendarmes?

La commission est ébranlée par les confrontations.

Et maintenant ? Après trois journées consacrées au volet liégeois de l'enquête sur la disparition de

Julie et Métissa, qui ébranla la Belgique; après cette fascinante confrontation de mardi (17 décembre) entre la juge Martine Doutrèwe et le major de gendarmerie Daniel De Craene; après cette incroyable confrontation à six, vers 4 h 45 jeudi (19 décembre), tout le monde n'a qu'une question en tête : que va-t-il se passer ?

Parce que cette nuit fut réellement extraordinaire, dans le sens fort du mot. Ce n'étaient pas des délinquants qu'on confronte habituellement dans le bureau d'un enquêteur, d'un juge d'instruction ou aux assises - , mais bien un juge, un magistrat, un greffier, un policier judiciaire, deux gendarmes qu'on a confrontés devant un parterre de députés et des centaines de milliers de personnes: 525.000 téléspectateurs de 23 heures à minuit, mercredi soir, et encore 315.000 de minuit à 1 h 15.

Et parce que, dans cet aréopage de six personnalités, une, au moins, ne dit pas la vérité, comme l'a dit gravement le président Marc Verwilghen.

Si l'adjudant Lesage, de la gendarmerie de Grâce-Hollogne, dit vrai, c'est que la juge d'instruction connaissait les suspicions sur Marc Dutroux pour l'enlèvement de Julie et Mélissa et qu'elle les a mal appréciées.

Si Martine Doutrèwe dit vrai, c'est que la gendarmerie a tout voulu garder pour elle.

Dans le dossier Julie et Mélissa comme dans le dossier Loubna, il y eut d'autres erreurs, d'autres demi vérités, d'autres mensonges. Cela, au moins, va être sanctionné.(...)

Tout cela ? Une juge qui ne voit les parents que cinq semaines après la disparition de leurs enfants. (...) Des enquêteurs qui ne se passent pas les dossiers. Des magistrats qui ne se parlent pas. (...)

La loi sur les commissions d'enquête parlementaires prévoit (...) que les procès-verbaux des auditions qui contiendraient des indices ou des présomptions d'infraction seront transmis au procureur général près la cour d'appel pour qu'il y soit donné telle suite que de droite. (...) Le travail de la commission n'est pas fini.

Elle prend des vacances pour le moment, elle laisse décanter tout ce qu'elle a appris. Et elle reprendra ses séances le 6 janvier.

Et nous pourrions connaître encore d'autres surprises. Il n'est pas du tout exclu, par exemple,que la commission Dutroux désire entendre la hiérarchie de la gendarmerie. Le général Deridder, le général Franssen et le colonel Berkmoes, patron du BCR, en tête.

Article paru le 20 décembre

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Les familles des victimes sur tous les fronts de la colère.

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Russo : aiguillons de la révolte

Carine et Gino Russo, les parents de Mélissa, de Grâce-Hollogne, forcent l'admiration par leur courage empreint de calme et de bon sens.

Gino est ouvrier dans une division de Cockerill où la solidarité des collègues s'est magnifiquement manifestée. Carine apparaît moins instinctive, plus raisonnée. Ensemble, ils sont, depuis la disparition de la petite soeur de Grégory, de toutes les émissions, manifestations, commissions, réunions... Increvables. Avec Jean-Denis et Louisa Lejeune, parents de Julie, amie de Mélissa disparue avec elle, ils sont l'aiguillon de la révolte contre la justice.

Jejeune : au bout du monde

Jean-Denis et Louisa Lejeune : Jean-Denis et Louisa Lejeune ont conjugué, depuis le 24 juin 1995, leurs efforts à ceux des Russo, également de Grâce-Hollogne, pour retrouver la grande soeur de Maxime, Julie, disparue avec Mélissa. Là où Gino n'est pas, Jean-Denis apparaît pour défendre, à présent, la mémoire des «petites.»

Comme Gino, il a couru le monde. Louisa, plus effacée, complète les actions de son mari dont de fréquents séjours à l'étranger d'un commentaire sensé. Parce que, plus encore que les parents d'autres disparus, les Lejeune - Russo sont sollicités tous les jours par les médias. Louisa aussi fait face.

Marchal: les voix de la Flandre

Betty et Paul Marchal, les parents d'An, avaient, à l'inverse des parents Russo et Lejeune, exprimé – un temps - leur confiance en la justice.

Jusqu'au jour de la découverte des corps d'An et Eefje. Depuis lors, ils affichent une méfiance généralisée à l'égard des politiques.

Ces Flamands de Hasselt (elle est employée de banque, il fait la classe à de jeunes handicapés) ont franchi affectivement la frontière linguistique pour confondre leur révolte à celle de leurs amis Russo, Lejeune, etc. Ils ont eux aussi fondé leur ASBL, leur « deuxième vies. »

Marie-Noëlle Bouzet, la « maman blanche »

Marie-Noëlle Bouzet, professeur de céramique, se dit prête à tout pour retrouver sa fille disparue depuis sept ans. Depuis lors, cette quadragénaire se bat sur la piste du moindre indice: à plusieurs reprises, elle s'est rendue aux Canaries, espérant pouvoir embrasser sa fille aperçue dans les rues de Santa-Cruz. En vain.

Aujourd'hui, elle ne supporte plus la chaussée de Waterloo à Saint - Servais où la gamine a été enlevée. L'enquête est pour elle synonyme d'enfer: suspectée dans un premier temps, oubliée après. Sept ans d'attente ont forgé son caractère : sereine mais déterminée, elle a organisé la marche blanche.

Nabela Benaïssa au porte-voix

Nabela Benaïssa est la soeur aînée de Loubna, disparue en août 1992, à Ixelles, où vit sa famille marocaine depuis une vingtaine d'années.

A dix-huit ans, la jeune fille née en Belgique impressionne par sa maturité et sa modération.

Elle est devenue le porte-parole de ses parents auprès des enquêteurs et de l'opinion. Pour se montrer ainsi parfaitement à l'aise dans la société belge et solidaire des parents d'autres enfants disparus, Nabela a apporté beaucoup d'eau au moulin de l'antiracisme.

La Ligue des droits de l'homme lui a décerné le premier Prix Régine Orfinger-Karlin.

D’autres parents dans l’attente

Francis Brichet. Le papa d'Élisabeth regrette depuis la disparition de sa fille d'avoir été tenu à l'écart de l'évolution de l'enquête. Il dénonce aujourd'hui l'attitude de certains parents trop enclins, d'après lui, à se placer sous les feux des médias.

Philippe Deleuze. Le père de Laurence Matthues, la jobiste de Walibi retrouvée morte à Franc-Warêt le 8 septembre 1992, s'est démené pour que ce dossier d'instruction soit confié à Neufchâteau. L'enquête demeure à Namur.

Anita Crul. L'affaire Dutroux a permis à la maman de Sylvie Carlin, une jeune fille disparue à Peruwelz le 15 décembre 1994, de relancer l'enquête. Après des mois passés dans l'ignorance, elle a été reçue le 19 septembre par le procureur du Roi de Tournai. Une ASBL l'aide désormais dans ses démarches.

Jean Lambrecks. Le papa de Eefje n'a jamais voulu affronter les caméras. Son combat est intérieur. Sa peine est privée. Des conflits, qui ont débouché sur des plaintes en justice, l'opposent à la famille Marchal. Les funérailles des deux jeunes Limbourgeoises ont eu lieu séparément.

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Le Parlement sous le choc du récit des parents

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Les parents des enfants assassinés racontent leur calvaire à huis clos.

La commission parlementaire chargée d'enquêter sur les dysfonctionnements dans l'enquête Dutroux a commencé ses auditions hier (25 octobre).

Tout au long de la matinée et pendant une partie de l'aprèsmidi, Gino Russo, Jean-Denis Lejeune et son épouse ainsi que Pol Marchal ont longuement expliqué aux députés leur calvaire face à des policiers incrédules, à des magistrats absents, à une justice sans visage, fatalement inhumaine et souvent erratique.

(...) A la fin du huis clos réclamé par les familles Lejeune et Russo, bon nombre de députés étaient manifestement sous le choc.

Avant longtemps, on ne saura pas ce qui s'est dit derrière les portes fermées du Parlement.

Hormis que les Lejeune et Russo ont dressé la liste des blocages de l'enquête... trop nombreux pour qu'ils puissent encore empêcher de penser que Dutroux et d'autres ont forgé des réseaux pédophiles et profité de protection sûres. (...)

Ce ne sont que des présomptions, mais, manifestement, bon nombre de députés les partagent désormais. (...)

Ce n'est pas la seule question qui ait surgi au cours des dernières heures. Un autre débat s'empare de la télévision et du rôle qu'elle doit jouer dans la société...

Est-il bon de diffuser en (faux) direct les travaux de la commission, à la mode américaine et au risque de faire de « l'info spectacle »?

Et pourquoi la RTBF n'a-t elle pas diffusé une émission spéciale,

du type « Avis de recherche » ? (...)

Un avocat des familles y voit beaucoup de mépris et une faute aux conséquences incommensurables.

Article paru le 26 octobre

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Marc Verwilghen, le président

Marc Verwilghen, 44 ans, n'était jusqu'il y a peu qu'un jeune parlementaire discret. Fils de magistrat, le député libéral flamand est avocat. Il a d'ailleurs mené sa carrière juridique avant de se lancer dans la politique.

Ex-membre des PW-Jongeren, camarade d'université de Guy Verhofstadt, il est devenu député en 1991. Il est également échevin à Termonde.

Placé sous les feux de l'actualité depuis quelques semaines, cet amateur de surf et de ski n'a commis que peu d'écarts. Il n'a pas voulu exploiter cette publicité inhérente à son nouveau rôle.

(Article paru le 20 décembre)

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La juge Doutrèwe sur le gril

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Martine Doutrèwe, qui est âgée de 39 ans et domiciliée à Tilff, est mariée et mère de trois enfants (dont des jumeaux). Elle a débuté au bureau d'avocats de Me Jean-Marie Defourny. Paralèllement, Mme Doutrèwe est assistante à l'université de Liège. Mais, déjà, son plan de carrière est tracé. Martine Doutrèwe veut devenir juge.

Nommée en 1987, elle va s'occuper pendant 4 ans des problèmes de la jeunesse.

C'est en 1991 qu'elle est nommée juge d'instruction. Interrogée sur la pression qui pèse sur ses épaules, elle a déclaré: « Je suis sereine, les choses sont claires dans mon esprit ».

(Article paru le 22 octobre)

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Une intervention exceptionnelle du Roi,

en accord avec le gouvernement

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Le communiqué de presse diffusé mardi après-midi (10 septembre) par le palais royal est étonnant.

Après un long silence de l'Exécutif (à l'exception du ministre de la Justice),

Albert II intervient directement dans le traitement du dossier des disparitions d'enfants. (...)

Que dit le communiqué royal ? Qu'après avoir reçu les parents d'enfants disparus, le Roi a reçu le ministre de la Justice pour lui transmettre une liste d'observations et de questions faisant suite aux rencontres qu'il a eues. Le Roi, poursuit le communiqué, a rappelé qu'une clarté totale doit être faite sur ce drame, ses origines et toutes ses ramifications. (….) Le communiqué royal est «couvert» par le Premier ministre, le ministre de la Justice et l'ensemble du gouvernement, signale le cabinet de Jean-Luc Dehaene.

On pourrait donc, à juste titre, en déduire que le gouvernement a joué cet atout royal dans des circonstances extraordinaires et dramatiques

Un peu comme si le Roi, aujourd'hui, était le seul à pouvoir tenir ces propos dans un climat antipolitique. Albert Il s'est fait le porte-voix de l'action gouvernementale.

Photo Alain Dewez.

Article paru le 11 septembre

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Des associations nées dans le sillage de « l'affaire Dutroux »

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 4

Depuis le début de l'affaire Dutroux, des associations canalisent la mobilisation populaire.

Marc et Corine. L'ASBL, mise sur pied après le meurtre des jeunes «fiancés de Plombières», fut en première ligne durant les 14 mois qui précédèrent la découverte des corps de Julie et Métissa. Des dissensions sont apparues entre l'ASBL et les Russo et les Lejeune.

En août, les parents diffusaient un communiqué par lequel ils se distanciaient des initiatives de l'ASBL et particulièrement de la pétition réclamant des peines incompressibles. Cette pétition, remise au Parlement le 10 octobre a recueilli 2,7 millions de signatures.

Julie et Mélissa, n'oubliez pas. Cette association est née à l'initiative des parents des victimes, et particulièrement des Russo et des Lejeune. Cette association entend notamment œuvrer à une réforme de la Justice. Les parents ont également créé l'association pour l'enfance violée qui prend en charge la diffusion d'un CD vendu depuis le 18 décembre dans les bureaux de poste.

Pour nos enfants. Cette association créée en octobre par deux jeunes femmes, Nathalie Werpin et Véronique Naveau, entend être près de chaque famille pour écouter, assister dans les démarches et constituer des groupes de soutien. L'ASBL a déterré plusieurs dossiers judiciaires et s'est adressée au Roi.

An et Eefje. Le pendant néerlandophone de l'association «Julie et Mélissa, n'oubliez pas» est né dans la douleur. La discorde est vive entre Pol Marchal, le père d'An, et Jean Lambreks, le père de Eefje. Ce dernier veut interdire l'utilisation du nom de sa fille, accusant le premier de « se faire valoir ».

Enfin, des Comités blancs ont été récemment constitués aux quatre coins du pays.

Une ASBL Sylvie se consacre au cas de Sylvie Carlin, disparue de Péruwelz le 15 décembre 1994.

Enlèvements et vols d'autos: deux dossiers à Neufchâteau ( «Le Soir»28 décembre 1996 pg 3)


Enlèvements et vols d'autos: deux dossiers à Neufchâteau

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 3

Marc Dutroux

Aujourd'hui âgé de 40 ans, Marc Dutroux apparaît comme « le chef » du réseau de pédophiles en cours de démantèlement. A ses premiers aveux, qui ont permis la libération de Sabine et Laetitia et la découverte des corps de Julie et Mélissa, semble succéder un mutisme qui n'empêche cependant pas l'enquête de se déployer. Au lendemain des enlèvements de Julie et Mélissa, Dutroux fut considéré par la gendarmerie, qui monta les opérations secrètes Othello et Décime, comme le principal suspect des rapts.

L'homme, incarcéré en 1985 pour l'enlèvement et le viol de mineures d'âge, avait été condamne en 1989 à 13 ans de prison. Il avait été libéré en 1992.

Détenu.

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Michel Nihoul

Cet «agent immobilier» bruxellois serait la tête pensante du réseau Dutroux. Il pourrait avoir servi d'interface entre le pédophile et les clients de la filière. Nihoul fréquentait assidûment les milieux politiques bruxellois. Il était aussi grand maître d'une confrérie brassicole. Mais l'homme est aussi un escroc. Arrêté dans le cadre de l'affaire Dutroux. Le tribunal correctionnel de Bruxelles poursuit son procès. Il avait monté une fausse association caritative, «SOS Sahel». L'homme se déplace dorénavant à l'aide de béquilles. Il semble malade. Mais il n'a pas encore avoué tout ce qu'il sait. Et les enquêteurs sont certains qu'il détient les clés de l'enquête.

Détenu.

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Michèle Martin

L'épouse de Marc Dutroux fut condamnée à 3 ans de prison en 1989 pour complicité dans la séquestration et le viol par son mari de deux mineures d'âge. Michèle Martin fait figure de «rabatteuse». Elle aurait pu repérer les fillettes à enlever. Des témoins affirment l'avoir vue à Grâce-Hollogne peu avant l'enlèvement de Julie et Mélissa. C'est également elle qui aurait dû nourrir les deux fillettes, séquestrées à Marcinelle et abandonnées à leur sort après l'arrestation de Marc Dutroux dans le cadre d'une affaire de vol, en décembre 1995. Michèle Martin apparaît comme une femme sous influence, totalement assujettie aux perversions de Dutroux. Détenue.

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Michel Lelièvre

La biographie de Michel Lelièvre est peu connue. Ce jeune homme de 25 ans apparaît comme un vagabond autorisé par le couple Dutroux-Martin à partager sa table et à squatter l'un de ses taudis.

Cette mansuétude était «remboursée » par les menus travaux que Lelièvre, ferrailleur-bricoleur, accomplissait pour ses hôtes dans leurs propriétés.

Il y avait aussi des «services» plus immondes. Lelièvre, totalement inféodé aux phantasmes criminels de son maître, est suspecté d'avoir été le docile complice de Dutroux dans l'exécution des enlèvements d'enfants, dont celui d'An et Eefje à Ostende, et d'avoir prêté son concours à la garde des gamines séquestrées.

Détenu.

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Michel Diakostavrianos

Ce garagiste surnommé «Michel Le Grec» est impliqué dans les deux principaux volets du dossier Dutroux: les meurtres et les enlèvements d'enfants et l'assassinat de Bernard Weinstein. Interpelle plusieurs fois avant d'être arrêté par le juge Connerotte, Michel Diakostavrianos vendait des pneus d'occasion, rachetés en Allemagne. Il fréquentait les dancings de la région de Charleroi, accompagné de filles originaires de Slovaquie, le pays dans lequel Marc Dutroux et ses complices se rendaient régulièrement. Une commission rogatoire belge s'est rendue en Slovaquie. Elle y a enquêté sur les activités de Dutroux : pornographie et prostitution.Détenu.

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Bernard Weinstein

Le 17 août 1996, alors que les enquêteurs viennent d'exhumer les dépouilles de Julie et Métissa à Sars-la-Buissière, ils mettent également au jour un troisième corps, celui de Bernard Weinstein. Ce petit truand français a été assassiné par Dutroux qui reprochait à son « lieutenant» de renseigner la police sur son compte. Weinstein vivait dans le châlet de la rue Daubresse, à Jumet, où les corps d'An et Eefje ont été retrouvés. En novembre 1995, la police investit les lieux et y libéra trois personnes séquestrées par Weinstein. Dutroux, se croyant «doublé» par son complice, lui fit avaler une tartine au Rohypnol (un puissant somnifère) et l'enterra vivant.

Assassiné.

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Annie Bouty

Inculpée «d'association de malfaiteurs ayant participe a des enlèvements et à la séquestration d'enfants» Annie Bouty est l'ex-femme de Michel Nihoul.

Cette ex-avocate avait été rayé du barreau de Bruxelles après avoir été condamnée pour escroquerie au détriment de réfugiés politiques. Elle avait déjà été arrêtée en 1983 à Liège pour avoir suscité un faux témoignage. Elle conservait avec Nihoul des contacts suivis. Les enquêteurs estiment qu'elle connaissait les activités de son ex-mari.

Libérée.

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Georges Zicot

Cet inspecteur principal de la police judiciaire de Charleroi, âgé de 45 ans, a été présenté comme le protecteur possible de Marc Dutroux, ce que Georges Zicot et ses avocats démentent.

Figure de proue du volet «vols de voitures» ouvert à Neufchâteau, le policier se dit victime de la guerre des polices qui oppose la PJ à la gendarmerie. Georges Zicot a rédigé un faux PV dans l'affaire du camion volé, permettant ainsi à Gérard Pinon (voir ci-dessous) de toucher une prime d'assurance.

Libéré.

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Marleen De Cokere

Arrêtée le 24 septembre pour «participation à une association de malfaiteurs notamment impliquée dans des faits d'enlèvements et de séquestration de mineurs d'âge, de séquestration de mineurs d'âge et de trafic de stupéfiants», Marleen De Cockere, âgée d'une quarantaine d'années, était l'une des compagnes de Michel Nihoul. Ils s'étaient rencontrés au Dolo, ce café d'Etterbeek où étaient organisées des parties fines.

Les enquêteurs la soupçonnent de partager les secrets de Nihoul.

Libérée.

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Gérard Pinon

Ce commerçant est le propriétaire du hangar où un camion volé par la bande Dutroux avait été caché.

Pinon était un indicateur de l'inspecteur Zicot.

Il avait dénoncé Weinstein et Dutroux au policier qui, pour le protéger, avait rédigé un faux PV, indiquant que le camion volé avait été retrouvé sur la voie publique.

Gérard Pinon avait été dénoncé aux enquêteurs de Neufchâteau par Marc Dutroux. Celui-ci soutenait qu'il l'avait aidé à assassiner Bernard Weinstein, ce que le commerçant nie farouchement.

Libéré.

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Claude Thirault

Inculpé d'association de malfaiteurs, cet ancien locataire de Dutroux porte des accusations graves contre la gendarmerie:

En 1993, Dutroux, qui savait que l'avais besoin d'argent m'a proposé 150.000 F pour enlever deux jeunes filles. J'ai alors balancé Dutroux à la gendarmerie de Charleroi dont d'étais l'informateur. J'ai parlé des travaux qu'il faisait dans ses maisons.

J'ai donné ses plaques de voiture. Pourquoi n'ont-ils damais vérifié ? Des affirmations que la gendarmerie dément catégoriquement.

Libéré.

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Pierre Rochow

Impliqué dans une affaire de camion volé, Pierre Rochow avait été séquestré avec un ami et une jeune femme par Dutroux et Weinstein, qui lui reprochaient de les avoir «doublés».

Libéré.

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Thierry Dehaan

Patron du service des « affaires spéciales » de la Royale belge, il est soupçonné d'escroquerie à l'assurance, ayant octroyé une prime de 150.000 F à Pinon pour la restitution d'un camion volé. Un procédé qui bénéficiait, affirme Dehaan, de l'accord de la compagnie.

Libéré.

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Deux « Chevaliers blancs » sur le chemin de la vérité

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 3

Jean-Marc Connerotte, le justicier chestrolais

Propulsé depuis deux mois à l'avant-plan de la scène médiatique par l'affaire Dutroux, le juge Jean-Marc Connerotte s'était fait tailler par l'opinion,bien malgré lui, les habits d'un «Chevalier blanc» pourfendant l'horreur, animé par le seul désir qu'éclate enfin et rapidement la vérité sur les meurtres et les enlèvements d'enfants. (...)

Et subitement sa ville, Neufchâteau, était sortie du ronron paisible des bourgades tranquilles de province, devenant, aux yeux de la Belgique, le lieu où l'œuvre de justice allait s'exercer en pleine rigueur. (... )

Perdu au loin et auréolé de cette présomption d'authenticité qui confère au «petit juge» la capacité

«d'aller jusqu'au bout», le magistrat ardennais allait se donner des moyens attestant de la gravité de l'affaire. (...) Un dispositif grandiose, intelligent, cohérent, orchestré par « le justicier ».

Jean-Marc Connerotte a un visage et une allure. Il n'avait, jusqu'à l'appel au calme qu'il a bredouillé face aux caméras, pas de voix. (...) Dessaisi pour s'être trop exposé, le juge de Neufchâteau demeure et restera un inconnu. (...)

Raillé par certains magistrats qui voient en lui un « petit juge de province » (...), le juge Connerotte s'était déjà distingué en révélant la filière des titres volés qui devait mener, selon lui, aux assassins d'André Cools.

La «guerre des juges'> qui avait abouti à son dessaisissement en 1994 au profit de Mme Ancia, avait entrelacé les premières mailles de son habit de «Chevalier blanc ».

Article paru le 15 octobre

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Michel Bourlet, procureur têtu et tenace

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 3

Michel Bourlet, 47 ans, et Jean-Marc Connerotte, un an de plus, c'est en apparence le chêne et le roseau.

Le procureur paraît solide comme l'arbre séculaire. Le juge, léger comme une plume. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne plie, ne se rompt. Ils travaillent sans relâche, avec obstination, comptant les nuits blanches, mais ils sont toujours debout. (...)

Chapitre loisirs, le procureur râle : J'aimerais quand même bien tondre ma pelouse. Car le procureur a son côté cour, au palais, et son côté jardin. Chez les Bourlet, un zeste écologiste parfume le quotidien. Dans l'enceinte de l'ancien moulin, leur demeure, l'épouse, Dominique, s’occupe du potager; le magistrat, du jardin d'agrément. Michel Bourlet adore aussi la musique.

Depuis peu, depuis qu'une de ses filles le guide sur les portées, il s'est mis au piano. Il se réfugie aussi dans la chanson française: Ferré, Nougaro, etc.

On l'a déjà surpris d'humeur taquine, fredonner du François Béranger. C'est que le procureur a conservé un petit côté canar», héritage de 68.

Michel Bourlet, fils et frère d'avocat, a quitté la Cité ardente après un bref passage au barreau et au tribunal de la jeunesse. Il a débarqué à Neufchâteau, d'emblée comme procureur, en 1984.

Il dirige son parquet d'une main de maître, qu'il met à la pâte.

Car le procureur monte au créneau, n'hésitant pas à requérir. Au même rythme que ses substituts, il prend ses tours de garde.

Article paru le 5 septembre

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Un déploiement de moyens techniques exceptionnels

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 3

Des moyens techniques exceptionnels ont été mis en oeuvre par les enquêteurs. Il y a d'abord le radar de sol loué en Angleterre à une firme privée et dont l'usage est dirigé par le superintendant britannique John Bennet. Ce radar, généralement utilisé par des archéologues, permet de scruter le sol sur plusieurs mètres de profondeur.

Grâce à la très haute fréquence de ses ondes, les techniciens qui le manipulent traquent les différences de densité du sol. Ces différences trahissent la présence d'un objet qui y est dissimulé ou, plus simplement, une couche de terre plus meuble (...) Des caméras thermiques sont également utilisées par les enquêteurs. (...) Elles peuvent révéler des différences de température le long de maçonneries et ainsi trahir l'existence (...) de caches ou de passages secrets. (...) Les architectes sont également mis à contribution. Ils confrontent les plans et les volumes extérieurs des immeubles suspects aux volumes intérieurs.(...)

Le flair de chiens spécialement dressés pour retrouver des corps est aussi sollicité. Il s'agit soit de chiens «belges», soit de chiens venus de l'étranger (Allemagne et Pays-Bas), spécifiquement entraînés à retrouver des cadavres. Au flair de ces chiens vient encore se joindre celui du «Nez» hollandais (notre photo).

Il s'agit en fait du surnom d'un inspecteur de la police néerlandaise dont l'odorat particulièrement développé a déjà permis de résoudre certaines enquêtes.

Article paru le 4 septembre

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Stefaan De Clerck

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 3

Sautant d'une voiture pour grimper alertement les marches du palais de justice de Neufchâteau; penché vers les parents pour les réconforter; répondant sans excès ni détours aux questions parlementaires ou journalistiques; convoqué au Palais pour rendre compte au Roi: Stefaan De Clerck est l'un des rares hommes politiques à être monte au front alors que l'affaire Dutroux giflait la Belgique. L'opinion le lui rend bien en le faisant rapidement grimper l'échelle de la popularité. C'est un paradoxe: les errements de la Justice, le département dont il a la charge, sont désignés unanimement comme la source du chagrin des Belges.

De Clerck assume et promet des réformes. Dehaene lui emboîte le pas.

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Anne Thily

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 3

Frais émoulu, le procureur général de Liège Anne Thily, première femme à accéder à cette haute fonction, a été contrainte d'assumer l'héritage des affaires sensibles non résolues sous le règne de son prédécesseur admis à l'éméritat, Léon Giet.

Ses premiers mois à la tête de la cour d'appel de Liège voient successivement éclater l'affaire Dutroux, les rebondissements extraordinaires de l'affaire Cools et la mise en cause de deux de ses avocats généraux, Marc de la Brassine et Franz-Jozef Schmitz, l'un accusé de pédophilie et de captation d'héritage, l'autre d'abus de confiance.

Et « I'enquête sur l'enquête Dutroux » pourrait encore lui réserver d'autres soucis.

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Dutroux un suspect démasqué trop tard

« Le Soir » du samedi 28 décembre 1996 page 3

1985

14 mars. : Marc Dutroux est arrêté pour viol et vols qualifiés et détenu préventivement à Mons.

1986

3 février. : Arrestation de Marc Dutroux pour viol, séquestration et vols

1989

26 avril :Dutroux est condamné, en appel à Mons, â 13 ans et 6 mois de prison.

Michèle Martin écope de 5 ans.

1992

6 avril. Marc Dutroux bénéficie d'une libération conditionnelle.

1993

21 octobre : Le premier maréchal des logis P. reçoit des informations qui font état de travaux effectués par Marc Dutroux dans les caves d'une de ses maisons à Marchienne-au Pont : des cellules pour enfants.

8 novembre. : La gendarmerie de Charleroi effectue une série de perquisitions. A Marchienne-au-Pont, les gendarmes constatent que des travaux sont bel et bien en cours.

10 décembre. La gendarmerie de Charleroi demande au juge d'instruction Lorent d'autoriser l'opération de surveillance «Décime ».

1994

5, 6 et 12 janvier. : Le peloton d'observation, de soutien et d'arrestation (Posa) de Charleroi surveille Dutroux.

16 février. : Fin de l'opération « Décime ».

13 juin. Sur ordre du juge Lorent, les gendarmes de Charleroi procèdent à de nouvelles perquisitions.

1995

24 juin. : Julie Lejeune et Mélissa Russo sont enlevées à Grâce-Hollogne.

7 juillet. : Fax de la brigade de gendarmerie de Charleroi à la brigade de GrâceHoIlogne -qui enquête sur la disparition de Julie et Mélissa-. Les informations sur Dutroux sont communiquées.

27 juillet. : Le BCR envoie les photos et les documents sur Dutroux à Grâce-Hollogne.

28 juillet. Fax de la brigade de gendarmerie de Grâce-Hollogne gne à la BSR de Charleroi pour lui demander un contrôle des véhicules de Dutroux et Martin.

7 août. La brigade de Grâce-HoIlogne demande au BCR de constituer un dossier sur Dutroux.

9 août. Le BCR organise une réunion à laquelle participent les BSR de Charleroi, Thuin et Namur.

22 août. : Ann Marchal et Eefje Lambrecks sont enlevées à Ostende.

25 août. Le district de gendarmerie de Charleroi demande de lancer l'opération « Othello »

28 août. Le Posa Charleroi effectue la première observation de l'opération « Othello »

2 novembre. Le procureur du Roi Marchandise est informé, pour la première fois, de l'opération Othello.

5 novembre. Avec Weinstein, Dutroux séquestre trois adultes dans le cadre d'un règlement de comptes.

6 décembre. Dutroux est interpellé pour le règlement de comptes et la séquestration du 5 novembre.

13 décembre. La BSR de Charleroi effectue des perquisitions chez Dutroux. A Marcinelle, les gendarmes entendent des cris, mais ne découvrent pas la cache de Julie et Métissa.

19 décembre. Nouvelle perquisition à Marcinelle. Sans résultat.

1996

25 janvier. Les gendarmes interrompent « opération Othello ».

20 mars. : Le juge d'instruction Lorent libère Marc Dutroux.

28 mai. : Sabine Dardenne est enlevée à Kain.

9 août. : Laetitia Delhez est enlevée à Bertrix.

12 août. Marc Dutroux est interpellé.

15 août. : Libération de Sabine et Laetitia.

17 août. Les corps de Julie et Métissa sont découverts à Sars la-Buissière.

3 septembre. Les corps d'Ann et Eefje sont découverts à Jumet.

Septembre à décembre. Une trentaine de propriétés appartenant à Marc Dutroux ou fréquentées par lui sont méthodiquement fouillées. Sans résultat.

21 décembre. L'association sataniste « Abrasax » est perquisitionnée.

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